ARTICLE 12 quater (nouveau)

Habilitation à transposer par ordonnance la directive 2007/36/CE sur les droits des actionnaires

Commentaire : le présent article, adopté à l'initiative du Gouvernement, habilite ce dernier à transposer par ordonnance la directive 2007/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 concernant l'exercice de certains droits des actionnaires de sociétés cotées.

I. LA DIRECTIVE 2007/36/CE SUR LES DROITS DES ACTIONNAIRES

La directive du 11 juillet 2007 a pour objet d'harmoniser les droits des actionnaires entre les différents Etats membres de sorte, par exemple, qu'un actionnaire allemand d'une société française dispose strictement des mêmes droits qu'un actionnaire français. Mais elle prend également en compte la possibilité d'exercer effectivement ces droits. A ce titre, elle s'attache à « résoudre de toute urgence les problèmes liés au vote transfrontalier » (considérant n° 1).

Son article 1 er rappelle qu'elle « fixe des exigences concernant l'exercice de certains droits des actionnaires , attachés à des actions avec droit de vote, dans le cadre des assemblées générales des sociétés qui ont leur siège dans un Etat membre ». L'article 3 précise que les Etats membres peuvent imposer des obligations supplémentaires aux sociétés pour faciliter l'exercice, par les actionnaires, des droits visés par la directive.

Le législateur européen pose le principe d'une « égalité de traitement de tous les actionnaires qui se trouvent dans une situation identique en ce qui concerne la participation et l'exercice des droits de vote à l'assemblée générale » (article 4).

Le considérant n° 6 rappelle que « quel que soit leur lieu de résidence, les actionnaires devraient pouvoir voter de manière informée lors de l'assemblée générale ou préalablement à celle-ci. [...] Il convient d'exploiter les possibilités d'offrent les technologies modernes pour rendre l'information instantanément accessible ».

Ainsi, l'article 5 régit l'ensemble des obligations relatives aux informations préalables à l'assemblée générale (AG). L'émission de la convocation doit se faire au plus tard vingt-et-un jours avant la date de l'assemblée. Ladite convocation doit être rapidement accessible et de manière non discriminatoire (sur le site Internet de la société par exemple). Elle comporte de façon précise la date et le lieu de l'AG, une description claire des procédures que les actionnaires doivent suivre pour être en mesure de participer et de voter à l'AG, notamment sur les possibilités de voter par procuration et par correspondance. Les documents destinés à être présentés à l'AG doivent être mis à disposition des actionnaires.

L'article 6 de la directive impose aux Etats de veiller à ce que les actionnaires aient le droit :

- d'inscrire des points à l'ordre du jour , sous réserve d'une justification suffisante ;

- de déposer des projets de résolution .

Ces droits peuvent être conditionnés à une participation minimale en capital qui ne peut toutefois excéder 5 % . Il revient aux Etats membres de déterminer durant quelle période de temps avant l'AG, les actionnaires peuvent exercer ces droits.

Aux termes de l'article 7, il est interdit d'exiger des actionnaires qu'ils déposent, pour exercer leurs droits, leurs actions auprès d'une personne physique ou morale. En revanche, il est possible de prévoir que les droits d'un actionnaire sont déterminés en fonction du nombre d'actions détenues à une date précise, dite « date d'enregistrement », qui ne peut précéder de plus de trente jours la date de l'AG.

L'article 8 prévoit que les Etats membres « autorisent les sociétés à offrir à leurs actionnaires toute forme de participation » à l'AG par voie électronique (retransmission en direct sur le site Internet de la société, par exemple).

L'article 9 pose le principe selon lequel « chaque actionnaire a le droit de poser des questions concernant des points inscrits à l'ordre du jour » d'une AG. La société a une obligation de réponse qui peut toutefois être limitée par la nécessité de protéger la confidentialité et les intérêts commerciaux de ladite société. Il peut être répondu par écrit à plusieurs questions ayant le même objet.

Le considérant n° 10 rappelle qu'un « bon gouvernement d'entreprise nécessite également des mécanismes de sauvegarde appropriés permettant de parer aux abus éventuels dans l'usage des votes par procuration . Le mandataire devrait donc être tenu d'observer toutes les instructions qu'il a pu recevoir de l'actionnaire et les Etats membres devraient avoir la possibilité de prendre des mesures appropriées garantissant que le mandataire en poursuit pas un intérêt autre que celui de l'actionnaire ».

Ainsi, l'article 10, un des plus importants de la directive, établit que « chaque actionnaire a le droit de désigner comme mandataire toute autre personne physique ou morale pour participer à l'assemblée générale et y voter en son nom ». Le mandataire bénéficie alors des mêmes droits que le mandant.

Les Etats membres peuvent limiter l'exercice des droits de l'actionnaire par un mandataire en vue d'éviter l'émergence de conflits entre les intérêts du mandataire et ceux de l'actionnaire qu'il représente. Ainsi, il sera possible de prescrire que le mandataire divulgue certains faits précis qui peuvent être pertinents pour permettre aux actionnaires d'évaluer le risque éventuel que le mandataire puisse poursuivre un autre intérêt que celui de l'actionnaire qu'il représente.

De même, il est possible « de limiter ou d'interdire l'exercice des droits des actionnaires par des mandataires ne disposant pas d'instruction de vote spécifique pour chaque résolution sur laquelle le mandataire doit voter pour le compte de l'actionnaire ».

La directive précise qu'un conflit d'intérêts peut notamment survenir lorsque le mandataire :

- est un actionnaire qui contrôle la société ou est une autre entité contrôlée par un tel actionnaire ;

- est un membre de l'organe d'administration, de gestion ou de surveillance de la société ou d'un actionnaire qui la contrôle ;

- est un employé ou un contrôleur légal des comptes de la société ;

- a un lien familial avec une personne physique énumérée ci-dessus.

Le texte européen rappelle que « le mandataire vote conformément aux instructions de vote données par l'actionnaire qui l'a désigné ». Le mandataire, s'ils représentent plusieurs actionnaires, doit ainsi pouvoir émettre des votes différents. Le considérant n° 10 précise cependant que « la présente directive n'impose pas aux sociétés l'obligation de vérifier que les mandataires exercent leur droit de vote conformément aux instructions de vote données par l'actionnaire qu'ils représentent ».

Même si la directive n'introduit pas en tant que telles des interdictions ou des limitations pour la désignation des mandataires ou l'exercice de leurs pouvoirs, elle offre aux Etats membres des possibilités réelles pour mieux protéger les droits effectifs des actionnaires et, en priorité, ceux des actionnaires minoritaires. Il conviendra dès lors que le Gouvernement se saisisse de ces opportunités lors de la transposition de la directive .

Aux termes de l'article 12, les Etats membres doivent « autoriser les sociétés à offrir à leurs actionnaires la possibilité de voter par correspondance » avant l'AG.

Enfin l'article 14 dispose que « la société établit pour chaque résolution au moins le nombre d'actions pour lesquelles des votes ont été valablement exprimés, la proportion du capital social représentée par ces votes, le nombre total de votes valablement exprimés, ainsi que le nombre de votes exprimés pour et contre chaque résolution et, le cas échéant, le nombre d'abstentions ». Ces résultats sont disponibles sur le site Internet de la société dans un délai qui ne peut excéder quinze jours.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR VOTRE COMMISSION DES FINANCES

La directive devait, aux termes de son article 15, être transposée avant le 3 août 2009 . La Commission européenne a d'ores et déjà indiqué qu'elle entendait user des possibilités offertes par le traité pour sanctionner pécuniairement la France .

D'après les informations transmises à votre rapporteur, le Gouvernement s'apprête à publier un décret modifiant les dispositions réglementaires qui peuvent être remaniées sans disposition législative préalable.

L'article 13 de la loi sur l'entrepreneur individuel à responsabilité individuel habilitait le Gouvernement à transposer la directive. Le Conseil constitutionnel a toutefois jugé qu'il s'agissait d'un cavalier législatif au regard de l'objet du texte et a censuré cet article.

Par conséquent, à l'initiative du Gouvernement, votre commission a adopté le présent article additionnel, habilitant le Gouvernement à transposer par ordonnance la directive 2007/36/CE sur les droits des actionnaires .

Une ordonnance devra être publiée dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi et un projet de loi de ratification sera déposé dans un délai de trois mois à compter de la publication de l'ordonnance.

La directive offre aux Etats membres de réelles options en vue d'encadrer le vote par procuration . Compte tenu du caractère urgent que revête la transposition, l'habilitation à légiférer par ordonnance est justifiée. Pour autant, votre commission demeurera très attentive aux dispositions adoptées in fine et appelle de ses voeux une transposition ambitieuse afin de protéger au mieux les droits des actionnaires minoritaires lors des AG .

Décision de la commission : votre commission a adopté cet article additionnel.

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