b) Les Etats européens n'ont pas renoncé à une certaine autonomie normative

Les Etats européens sont engagés dans une démarche de négociation et de transposition des engagements internationaux et des normes européennes, ce qui restreint leurs marges de manoeuvre, plus encore qu'il y a quelques années. Ils s'attachent cependant à reprendre une certaine autonomie selon trois types de logiques :

- la vertu par l'exemple : la France et le Royaume-Uni sur la taxation des « bonus » des opérateurs de marché, la France en matière de lutte contre les paradis fiscaux et d'encadrement normatif des modalités d'octroi des bonus ;

- le maintien ou le renforcement de la compétitivité : le Royaume-Uni cherche ainsi à préserver l'actif économique essentiel que constitue la place de Londres, en particulier dans les négociations sur le « paquet » relatif à la supervision et la directive sur les gérants alternatifs.

En ce qui concerne la France, la recherche de sécurité ne doit pas exclure le soutien à la compétitivité , quand bien même ces deux objectifs pourraient apparaître contradictoires. La place de Paris a clairement des atouts à faire valoir, par exemple en matière de gestion collective, de post-marché ou de mathématiques financières, et peut défendre la sécurité juridique et financière comme un nouvel actif et avantage comparatif. Il ne s'agit pas d'être moins-disant en termes de sécurité, mais de proposer un cadre juridique stable, des compétences techniques et une gamme de produits complète.

- la défense des intérêts nationaux et la volonté d'influencer les futurs textes communautaires : c'est par exemple le cas de l'Allemagne sur la réglementation des ventes à découvert, de la France sur l'organisation des chambres de compensation, et des deux pays sur l'encadrement des CDS « nus » et du marché des dérivés sur matières premières.

Enfin, la complexité même des réformes n'est pas sans créer des difficultés d'ordre démocratique : les pratiques sont complexes mais les enjeux particulièrement élevés, et peu de professionnels ou de responsables politiques peuvent en maîtriser toutes les subtilités.

Etat des lieux thématique des réformes financières aux Etats-Unis, en Europe et en France au 15 septembre 2010

Etats-Unis
( Wall Street Reform and Consumer Protection Act )

Union européenne

France (en gras : les dispositions du projet de loi)

Architecture et pouvoirs des
institutions de supervision

- Création d'un Conseil de stabilité financière ( Financial Stability Oversight Council - FSOC), présidé par le Secrétaire d'Etat au Trésor et associant tous les régulateurs fédéraux et un membre indépendant compétent en matière d'assurance. Le FSOC identifie les risques systémiques et peut adresser des recommandations aux régulateurs.

- Fusion de l' Office of the Comptroller of the Currency (OCC) et de l' Office of Thrift Supervision (OTS).

- Renforcement des pouvoirs de la Fed : transfert de la compétence de réguler toutes les institutions détenant plus de 50 milliards de dollars d'actifs et les systèmes de compensation et de règlement-livraison, mesures en cas de menace pour la stabilité financière.

- Reconnaissance et encadrement des pouvoirs exceptionnels de la Fed : validation de tout programme de prêt exceptionnel par le Secrétaire d'Etat au Trésor, droit de regard du Government Accountability Office (GAO), publication des données sur les programmes de prêts.

- Révision de la gouvernance de la Fed : création d'un poste de vice-président en charge de la régulation, les administrateurs représentant les banques commerciales ne peuvent plus participer à l'élection des présidents de Fed régionales.

Paquet « supervision financière » de septembre 2009, en voie d'adoption (accord politique le 2 septembre 2010) :

- création d'un Comité européen du risque systémique (CERS) ;

- création de trois autorités de régulation sectorielles (marchés, banques, assurances), qui succèdent aux actuels comités de niveau 3.

- Fusion de la Commission bancaire, du CECEI, de l'ACAM et du CEA au sein de l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP) par l'ordonnance du 22 janvier 2010. Ratification et modification de cette ordonnance par l' article 5 A du PJL.

- 27 -

- Article 6 du PJL : transposition du dispositif communautaire des collèges de superviseurs (directive « CRD II »).

Prévention et règlement des faillites d'institutions systémiques

- Garantie des dépôts de la FDIC portée à 250 000 dollars.

- Institution d'une procédure de liquidation ordonnée des institutions systémiques, mise en oeuvre par la FDIC après accord du Trésor et de la Fed. Le montant des passifs qui ne peut être couvert par des cessions d'actifs devra être absorbé par les créanciers non protégés, puis par le fonds d'assurance géré par la FDIC. La FDIC peut mettre en place des mécanismes de garantie de dette mais dans des conditions très restrictives.

- Obligation pour les institutions systémiques de soumettre à leur superviseur un plan ordonné de liquidation en cas de défaillance ;

- Limitation de la concentration: tout nouvel établissement ne peut représenter plus de 10 % du passif consolidé des sociétés financières.

- Le 16 août 2010, proposition de révision des trois directives de 1998, 2002 et 2006 sur la surveillance complémentaire des conglomérats financiers.

- A l'automne 2010, communication de la Commission européenne sur la résolution des crises bancaires, en vue de mesures législatives début 2011 : régime harmonisé de résolution en amont des procédures collectives, harmonisation des régimes juridiques des faillites d'institutions financières, traitement spécifique pour les transferts d'actifs intragroupes.

Rapport de Jean-François Lepetit sur le risque systémique (avril 2010).

Séparation et/ou taxation des activités risquées

- « Règle Volcker » édulcorée : limitation (à préciser par les régulateurs) des activités de trading pour compte propre, limitation de l'investissement des banques dans des hedge funds et le capital-investissement à 3 % de l'encours de ces fonds et 3 % du capital Tier 1 des banques.

- Projet de directive « CRD III » en cours d'examen : relèvement des exigences en capital pour le portefeuille de négociation.

- Etude par la Commission de la faisabilité d'une taxation tendant à limiter les activités risquées et à contribuer au renflouement des aides budgétaires, selon deux options : taxation des transactions ou des activités (taxe sur les bénéfices et salaires).

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- Taxation exceptionnelle de l'assiette des rémunérations versées aux opérateurs de marché (PLFR 2010).

- Projet de taxation du secteur bancaire (PLF 2011).

Encadrement des agences de notation

- Création au sein de la SEC d'un bureau chargé de la supervision des agences, avec possibilité de retirer l'homologation pour certaines classes d'actifs en cas de ressources insuffisantes.

- Règles de fonctionnement plus strictes : code éthique, politique de prévention des conflits d'intérêt, séparation des fonctions d'audit interne, de vente/marketing et de notation.

- Grande latitude laissée à la SEC dans l'interprétation et l'application de la nouvelle réglementation.

- Réflexion des régulateurs sur des mécanismes alternatifs à l'utilisation des notes et sur la mise en place d'un tirage au sort des agences chargées de noter les produits de titrisation.

- Règlement n° 1060/2009 du 16 septembre 2009 : obligation d'agrément, prévention des conflits d'intérêt, règles de transparence, renforcement de la qualité des notations, pouvoirs de contrôle et de sanction des autorités nationales.

- Proposition de règlement modificatif confiant le contrôle des agences à l'AEMF (juin 2010).

- Nouvelles propositions de la Commission début 2011.

Compétence de l'AMF pour la supervision et le contrôle des agences (lettre de Christine Lagarde à Michel Barnier du 3 mai 2010 et articles 3 et 4 du PJL).

Renforcement des capitaux propres des banques

Dispositif « Bâle III » sous l'égide du Comité de Bâle, finalisé le 12 septembre 2010 et dont l'application est échelonnée jusqu'en 2019.

- Etablissement par la Fed des règles en matière de fonds propres, de levier d'endettement, de plan de résolution et de limite de concentration pour les banques systémiques (actifs supérieurs à 50 milliards de dollars).

- Impossibilité d'ici 5 ans, pour les holdings bancaires dont l'actif est supérieur à 15 milliards de dollars, de comptabiliser en Tier 1 les titres hybrides du type « trust preferred securities ».

- Modification des directives « fonds propres » de juin 2006 par trois directives « CRD II » entre janvier 2009 et janvier 2010 : nouvelles exigences sur la titrisation, couverture des grands risques, harmonisation de la définition des fonds propres, création de collèges de superviseurs pour les groupes transfrontaliers.

- Examen en cours du projet de directive « CRD III » pour la mise en oeuvre de la première phase de Bâle III : nouvelles règles sur la rémunération des opérateurs de marché, relèvement des exigences en capital pour le « trading book » et la retitrisation.

- Fin 2010, proposition de directive « CRD IV » pour la seconde phase de Bâle III.

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Trois arrêtés du CRBF (14 janvier 2009, 29 octobre 2009 et 19 janvier 2010) sur le renforcement du contrôle et du suivi des risques.

Encadrement des hedge funds et du capital-investissement

- Modification des critères d'enregistrement des hedge funds auprès de la SEC : seuil plancher de 100 millions de dollars d'actifs gérés (en dessous, compétence des régulateurs des Etats), renforcement de la transparence sur la gestion des risques.

- Capital-investissement : enregistrement auprès de la SEC des fonds gérant plus de 150 millions de dollars d'actifs, exemption pour le capital-risque, possibilité pour la SEC d'exiger des rapports complémentaires.

Projet de directive sur les gérants de fonds alternatifs (« directive AIFM ») : enregistrement et passeport impliquant des exigences en matière de transparence, d'organisation et de suivi des risques, principes d'encadrement des rémunérations analogues à ceux applicables aux traders .

Encadrement de la titrisation

- Obligation de rétention minimale au bilan de 5 % des risques de crédit (avec des exceptions si les prêts sous-jacents ont respecté certaines règles à définir par les régulateurs) et interdiction pour les émetteurs d'ABS ( asset backed securities ) de se couvrir contre le risque résiduel.

- Définition par la SEC des informations devant être fournies par les émetteurs d'ABS.

- Responsabilité fiduciaire des courtiers à l'égard des clients.

- Directive « CRD II » : taux de rétention de 5 %, renforcement des diligences sur les actifs titrisés sous-jacents.

- Directive « CRD III » : fort relèvement des exigences en fonds propres pour la retitrisation (CDO « au carré » par exemple).

D'ici fin 2010, arrêté transposant les directives « CRD II » et « CRD III ».

Régulation des produits dérivés et des CDS

- Obligation de filialisation des activités sur les dérivés OTC les plus risqués ( swaps sur l'énergie, les métaux, les actions et CDS).

- Obligation d'enregistrement de toutes les transactions sur swaps dans une base de données.

- Obligation de compensation et d'intégration dans des marchés (éventuellement des « swaps execution facilitie s » non soumises à enregistrement) pour la plupart des dérivés, dont la SEC et la CFTC fixeront les caractéristiques. Exemption néanmoins pour les utilisateurs finaux non commerciaux et les petites entités financières.

- Fixation par les régulateurs bancaires, la SEC et la CFTC de contraintes prudentielles supplémentaires (capital, appels de marge, collatéraux).

- Fixation par la CFTC de limites de position par acteur pour les dérivés sur matières premières.

- Proposition de règlement du 15 septembre 2010 : obligation de compensation pour les dérivés standardisés, enregistrement des transactions sur dérivés dans des référentiels centraux de données (« trade repositories »), exigences harmonisées pour les chambres de compensation.

- Projet de mesures spécifiques d'encadrement des CDS.

- Création (août 2010) par la Deposit Trust and Clearing Corporation (DTCC) d'une filiale à Londres dédiée aux registres centralisés de données et d'un tel registre pour l'enregistrement des transactions sur dérivés actions.

- Création en mars 2010 par LCH.Clearnet SA d'une chambre de compensation des CDS.

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- Article 7 bis du PJL : extension des compétences de l'AMF aux dérivés et CDS (notamment pour la détection des abus de marché)

Régulation des ventes à découvert et des ventes à découvert « nues »

- Introduction par la SEC d'une « uptick rule » alternative.

- Nouvelles règles de transparence : communication mensuelle des émetteurs, classes d'actifs et nombre de titres concernés.

- Rapport du CERVM de mars 2010 sur un régime européen de divulgation des positions nettes à la baisse.

- Proposition de règlement présentée le 15 septembre 2010 : régime européen de transparence, encadrement des ventes à découvert « nues », pouvoirs d'urgence des régulateurs, champ des exemptions. Application prévue le 1 er juillet 2012.

- Article 2 du PJL : pouvoirs d'urgence de l'AMF permettant notamment d'interdire les ventes à découvert.

- Article 7 ter du PJL : régime de transparence des positions courtes, que précisera l'AMF.

- Article 7 quater du PJL : « locate rule » et règlement-livraison à J+2 en 2012.

Protection des épargnants, emprunteurs et consommateurs de services financiers

- Création au sein de la FED d'un Bureau de protection financière des consommateurs, composé de deux offices. Ses pouvoirs sont larges (édiction de règles, recueil de plaintes, enquêtes, engagement de poursuites au civil...) mais il n'est pas compétent pour les assureurs, concessionnaires automobiles ou entités régulées par la SEC et la CFTC.

- Création d'un numéro vert pour dénoncer les abus.

- Plafonnement des commissions d'interchange sur les cartes de crédit.

- Obligation pour les prestataires de crédit immobilier de s'assurer que l'emprunteur dispose d'une solvabilité suffisante. A terme, mise en place d'un standard pour les crédits au logement.

- Renforcement de l'information des emprunteurs sur les prêts à taux variable.

- Enregistrement des « mortgage originators », dont la rémunération ne peut plus être fonction que du capital emprunté.

- Directive 2008/48/CE du 23 avril 2008 concernant les contrats de crédits aux consommateurs.

- Communications de la Commission du 30 avril et du 16 décembre 2009 sur les produits d'investissement de détail (« Packaged retail investment products » - PRIPs), préludes à une future harmonisation de la législation sur la commercialisation de ces produits.

- Mise en place d'un pôle commun à l'ACP et l'AMF, dédié à la supervision des relations entre les professionnels et leurs clientèles.

- Rapport de Bruno Deletré (juillet 2009) sur le contrôle du respect des obligations professionnelles à l'égard de la clientèle.

- 31 -

- Dispositions de la loi n° 2010-737 du 1 er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation : transposition de la directive du 23 avril 2008, avertissement légal sur les publicités, obligation pour le prêteur de consulter le FICP pour vérifier la solvabilité de l'emprunteur, information mensuelle de l'emprunteur, interdiction de subordonner les avantages d'une carte de fidélité à l'utilisation du crédit et accord exprès du consommateur pour l'utilisation de la fonction crédit, modernisation de la procédure de traitement du surendettement...

Encadrement des rémunérations des dirigeants et des opérateurs de marché

- Recommandations du « pay czar » d'octobre 2009.

- Renforcement des droits des actionnaires par un vote consultatif non contraignant (« say-on-pay ») sur la rémunération des cadres et l'octroi de « parachutes dorés ».

- Meilleur encadrement des rémunérations des dirigeants par les régulateurs fédéraux, afin de ne pas encourager la prise de risques excessifs.

- Information des actionnaires sur les rémunérations et performances des dirigeants.

- Indépendance du comité des rémunérations requise pour toute introduction en bourse d'une société.

- Les bonus des cadres dirigeants peuvent être restitués rétroactivement sur trois ans maximum pour compenser tout ajustement comptable rendu nécessaire par une irrégularité dans les rapports financiers.

- Recommandation du 30 avril 2009 sur les politiques de rémunération dans le secteur des services financiers.

- Livre vert du 2 juin 2010 sur le gouvernement d'entreprise dans les établissements financiers et les politiques de rémunération.

- Directive AIFM : application aux gestionnaires des principes du G20.

- Approche prudentielle par la directive « CRD III », en voie d'adoption, pour un encadrement applicable en 2011 : versement différé sur au moins trois ans de 40 % à 60 % des rémunérations variables, création d'un « malus », versement en actions d'au moins la moitié des bonus, publication des rémunérations individuelles des dirigeants et non sous une forme agrégée.

- Nomination en septembre 2009 d'un contrôleur des rémunérations dans les banques (Michel Camdessus).

- Arrêté du 10 septembre 2009 sur le contrôle des rémunérations des opérateurs de marchés des banques aidées.

- Arrêté du 3 novembre 2009 sur les rémunérations des opérateurs de marché, modifiant le règlement CRBF n° 97-02.

- Normes professionnelles de la FBF du 5 novembre 2009.

- 32 -

- Taxe exceptionnelle introduite par la loi de finances rectificative pour 2010 du 9 mars 2010.

Source : commission des finances

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