EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

La dégradation des comptes des régimes de retraite par répartition conduit le Gouvernement à soumettre au Parlement un projet de loi portant réforme des retraites. Ce projet de loi, dont la commission des affaires sociales est saisie au fond 1 ( * ) , prévoit le relèvement de deux années des limites d'âge applicables à l'ensemble des fonctionnaires civils relevant des trois fonctions publiques, ainsi qu'aux militaires.

Or, l'application de cette réforme aux magistrats de l'ordre judiciaire suppose l'adoption d'une loi organique. En effet, aux termes de l'article 64, troisième alinéa, de la Constitution, « une loi organique porte statut des magistrats ». Cette disposition, qui entraîne l'examen systématique de la loi organique statutaire par le Conseil constitutionnel, vise à garantir l'indépendance de l'autorité judiciaire.

Ainsi, l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature définit les conditions d'exercice des magistrats, qu'il s'agisse des incompatibilités, des règles de recrutement et d'avancement, du régime disciplinaire ou des positions statutaires.

Le chapitre IX de cette ordonnance rassemble les dispositions relatives à la cessation des fonctions des magistrats de l'ordre judiciaire. La limite d'âge ainsi fixée n'est cependant pas spécifique aux magistrats qui sont, en la matière, soumis aux mêmes règles que les autres fonctionnaires de l'Etat. D'autres dispositions organiques définissent en revanche les conditions particulières dans lesquelles les magistrats peuvent être maintenus en activité au-delà de la limite d'âge.

Il paraît donc logique d'appliquer aux magistrats de l'ordre judicaire le relèvement de l'âge d'ouverture du droit à pension, prévu par le projet de loi portant réforme des retraites.

Aussi le projet de loi organique relatif à la limite d'âge des magistrats de l'ordre judiciaire, adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 15 septembre 2010, après engagement de la procédure accélérée, inscrit-il dans le statut de la magistrature une augmentation de deux ans de la limite d'âge, qui serait ainsi portée de 65 à 67 ans.

Ce relèvement s'appliquerait de façon progressive aux magistrats nés entre 1951 et 1955. Le projet de loi organique aligne par ailleurs les conditions de maintien en activité des magistrats de cour d'appel et des tribunaux de grande instance sur celles applicables aux magistrats hors hiérarchie de la Cour de cassation, soit une possibilité de rester en activité jusqu'à 68 ans.

I. L'APPLICATION AUX MAGISTRATS DE L'ORDRE JUDICIAIRE DU RELÈVEMENT DE L'ÂGE D'OUVERTURE DU DROIT À PENSION ET DU REPORT DE LA LIMITE D'ÂGE

A. LES PRINCIPES RETENUS PAR LE PROJET DE RÉFORME DES RETRAITES POUR ASSURER UN ÉQUILIBRE FINANCIER DU SYSTÈME À MOYEN TERME

1. Le report de l'âge d'ouverture des droits à pension et de l'âge limite d'activité

Le rapport du Conseil d'orientation des retraites publié en 2010 présente les projections sur la situation financière à moyen et long terme du système de retraite, selon trois scénarios établis à partir d'hypothèses d'évolution du taux de chômage et de croissance 2 ( * ) . Quel que soit le scénario économique retenu, le besoin de financement de l'ensemble du système de retraite, évalué à 10,9 milliards d'euros en 2008, atteindrait 40 milliards d'euros en 2015 et 56,3 à 79,9 milliards d'euros en 2030.

La dette sociale résultant de l'accumulation des déficits pourrait ainsi atteindre, selon le COR, 20 % du PIB en 2020 et 77 à 118 % du PIB en 2050. L'étude d'impact jointe au projet de loi organique présente les facteurs démographiques qui expliquent cette dégradation des comptes des régimes de retraite (arrivée des générations nombreuses de l'après-guerre à l'âge de la retraite, allongement de l'espérance de vie).

Il paraît donc indispensable de réformer le système de retraite pour en assurer la pérennité. Tel est l'objet du projet de loi présenté par le Gouvernement, qui emprunte la voie d'un report de l'âge de la retraite.

Ainsi, l'âge d'ouverture du droit à pension serait progressivement porté de 60 à 62 ans, dans le régime général comme dans les régimes de la fonction publique. Il convient cependant de distinguer les fonctionnaires des catégories dites actives, qui peuvent bénéficier d'un départ à la retraite anticipé dès 50 ans ou 55 ans, et les fonctionnaires appartenant aux catégories dites sédentaires.

L'âge de départ à la retraite serait néanmoins augmenté de deux ans pour ces deux catégories.

Le projet de loi portant réforme des retraites relève par ailleurs de 65 à 67 ans l'âge d'annulation de la décote 3 ( * ) , c'est-à-dire l'âge auquel la retraite est attribuée à taux plein, même si le salarié ne possède pas la durée d'assurance requise 4 ( * ) .

Ce relèvement de l'âge d'annulation de la décote obéirait à des modalités différentes pour le régime général et pour la fonction publique. En effet, dans le régime général, l'âge d'obtention automatique d'une retraite à taux plein sera progressivement relevé, si bien qu'il n'atteindra 67 ans qu'à compter des générations nées après le 1 er janvier 1956, soit à partir de 2023.

Dans les trois fonctions publiques, le mécanisme de la décote a été rendu applicable par la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites, qui prévoit une pleine application de ce dispositif en 2020. Le taux de décote applicable aux retraites des fonctionnaires augmente ainsi chaque année et atteindra 1,25 % par trimestre en 2020.

A cette même date, le nombre maximal de trimestres manquants pouvant faire l'objet d'une décote s'élèvera à 20 et l'âge du « taux plein » coïncidera avec la limite d'âge à laquelle un fonctionnaire cesse son activité.

Au-delà de cette limite, et selon les règles particulières applicables à chaque corps, un fonctionnaire peut toutefois être maintenu en activité.

2. Le principe de convergence entre les régimes de la fonction publique et le régime général d'assurance vieillesse

L'effort nécessaire pour assurer l'équilibre du système de retraite doit être également partagé par l'ensemble des assurés. Aussi le projet de réforme poursuit-il la démarche de convergence entre les régimes de la fonction publique et le régime général, qui avait été mise en oeuvre par la loi du 21 août 2003.

Dans cet esprit, l'article 21 du projet de loi portant réforme des retraites porte progressivement le taux de cotisation des fonctionnaires de l'Etat (7,85 %) au niveau de celui qui s'applique aux salariés du régime général (10,55 %). Cet alignement concernera donc également les magistrats.

Le principe de convergence conduit en outre à appliquer aux fonctionnaires le relèvement de l'âge d'ouverture des droits et de l'âge d'annulation de la décote.


* 1 Voir le rapport fait au nom de la commission des affaires sociales par M. Dominique Leclerc. http://www.senat.fr/rap/l09-733-1/l09-733-1.html

* 2 Retraites : perspectives actualisées à moyen et long terme en vue du rendez-vous de 2010, huitième rapport du Conseil d'orientation des retraites, 14 avril 2010.

* 3 La décote est la réduction définitive appliquée au montant de la pension d'un assuré qui choisit de partir en retraite avant d'avoir atteint la durée de cotisation nécessaire ou l'âge requis pour bénéficier d'une pension de retraite à taux plein.

* 4 Le taux plein est le taux maximum de calcul d'une retraite, pour un assuré justifiant de la durée d'assurance nécessaire, tous régimes confondus. Peuvent aussi obtenir une retraite au taux plein, quelle que soit leur durée d'assurance, les personnes ayant atteint un âge limite (65 ans en l'état actuel du droit pour les salariés du privé et les non salariés, 60 ou 65 ans selon les cas pour les fonctionnaires) et les personnes se trouvant dans une situation particulière (reconnues inaptes au travail, invalides, anciens combattants, anciens prisonniers de guerre, anciens déportés ou internés politiques...).

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