C. L'IMPACT DE LA CONVENTION EN DROIT FRANÇAIS

La convention sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens correspond à la pratique suivie par la France en la matière.

En particulier, elle repose sur la théorie de l'immunité de juridiction restreinte de l'Etat, fondée sur la distinction entre les actes d'autorité et les actes de gestion, consacrée par la Cour de cassation.

De même, les dispositions relatives à l'immunité d'exécution des Etats sont en harmonie avec la jurisprudence française.

Les dispositions législatives peu nombreuses qui présentent un rapport direct avec la Convention des Nations Unies sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens n'auront a priori pas besoin d'être amendées, si l'on excepte l'article L. 153-1 du Code monétaire et financier pour lequel la conclusion est plus réservée.

Ainsi, il ne semble pas nécessaire de modifier les dispositions législative et réglementaire suivantes :

- l'article 1 er , alinéa 3, de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 (modifié par la loi n° 92-644 du 13 juillet 1992 - art. 3) portant réforme des procédures civiles d'exécution aux termes duquel « (l)'exécution forcée et les mesures conservatoires ne sont pas applicables aux personnes qui bénéficient d'une immunité d'exécution » . La Convention vient en effet seulement compléter cette disposition législative en précisant les critères permettant de déterminer si un Etat étranger peut ou non bénéficier d'une immunité d'exécution dans une espèce donnée ;

- l'article 684, alinéa 2, du Code de procédure civile, tel que modifié par l'article 66 du décret n° 2005-1678 du 28 décembre 2005 relatif à la procédure civile, à certaines procédures d'exécution et à la procédure de changement de nom, aux termes duquel « L'acte destiné à être notifié à un Etat étranger, à un agent diplomatique étranger en France ou à tout autre bénéficiaire de l'immunité de juridiction est remis au parquet et transmis par l'intermédiaire du ministre de la justice aux fins de signification par voie diplomatique, à moins qu'en vertu d'un règlement communautaire ou d'un traité international la transmission puisse être faite par une autre voie ». Cette disposition réglementaire est en effet parfaitement compatible avec l'article 22 de la Convention relatif à la signification ou notification des actes introductifs d'instance, qui prévoit une « communication adressée par les voies diplomatiques au Ministère des affaires étrangères de l'Etat concerné » en l'absence de convention internationale organisant un autre mode de transmission.

En revanche, la ratification de la Convention pourrait nécessiter de modifier l'article L. 153-1 du Code monétaire et financier sur les biens des banques centrales étrangères, introduit par l'article 51 de la loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l'économie.

En effet, la Convention des Nations Unies précise, en ses articles 18 et 19, les exceptions à l'immunité d'exécution des Etats à l'égard des mesures de contraintes prises, respectivement, antérieurement et postérieurement à un jugement. Deux exceptions sont communes aux deux articles : le consentement de l'Etat à l'application de telles mesures, d'une part, et le cas où « l'Etat a réservé ou affecté des biens à la satisfaction de la demande qui fait l'objet de cette procédure » judiciaire, d'autre part.

L'article 19, alinéa c), ajoute une troisième exception lorsqu' « il a été établi que les biens sont spécifiquement utilisés ou destinés à être utilisés par l'Etat autrement qu'à des fins de service public non commercial et sont situés sur le territoire de l 'Etat du for, à condition que les mesures de contrainte postérieures au jugement ne portent que sur des biens qui ont un lien avec l'entité contre laquelle la procédure est intentée ».

L'article 21 de la Convention énumère ensuite, de manière non exhaustive, les biens d'Etats considérés comme étant affectés, par nature, à l'exercice de l'autorité souveraine de l'Etat et ne pouvant, de ce fait, relever de l'exception à l'immunité d'exécution des Etats prévue à l'article 19, alinéa c), de la Convention. Parmi ces biens figurent les « biens de la banque centrale ou d'une autre autorité monétaire de l'Etat » (alinéa c).

L'article L. 153-1 du code monétaire et financier se lit, pour sa part, comme suit :

« Ne peuvent être saisis les biens de toute nature, notamment les avoirs de réserves de change, que les banques centrales ou les autorités monétaires étrangères détiennent ou gèrent pour leur compte ou celui de l'Etat ou des Etats étrangers dont elles relèvent. »

« Par exception aux dispositions du premier alinéa, le créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut solliciter du juge de l'exécution l'autorisation de poursuivre l'exécution forcée dans les conditions prévues par la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution s'il établit que les biens détenus ou gérés pour son propre compte par la banque centrale ou l'autorité monétaire étrangère font partie d'un patrimoine qu'elle affecte à une activité principale relevant du droit privé. »

Cette disposition du code monétaire et financier est compatible avec la Convention dans la mesure où elle respecte le principe d'insaisissabilité des biens de l'Etat étranger détenus ou gérés par une banque centrale ou une autorité monétaire, inscrit aux articles 19, alinéa c) et 21 de la Convention, tout en assortissant ce principe d'une exception, permettant la saisie des biens que la banque centrale étrangère gère pour son propre compte et qu'elle affecte à une activité économique ou commerciale.

Il n'est en revanche pas certain que l'article L. 153-1 du Code monétaire et financier soit pleinement compatible avec l'exception consacrée aux articles 18, alinéa b), et 19, alinéa b), et relative au cas où « l'Etat a réservé ou affecté des biens à la satisfaction de la demande qui fait l'objet de cette procédure » judiciaire. En effet, l'article L. 153-1 ne prévoit pas une telle exception et les formulations retenues « Ne peuvent être saisis... » et « Par exception aux dispositions du premier alinéa, .. » paraissent s'opposer à toute saisie dans les mains d'une banque centrale étrangère, y compris dans l'hypothèse où l'Etat concerné aurait « réservé ou affecté des biens à la satisfaction de la demande qui fait l'objet de cette procédure » judiciaire, au sens des articles 18 et 19, alinéas b), précités.

L'article L. 153-1 du Code monétaire et financier ne réserve pas non plus le cas du consentement de l'Etat étranger à une saisie dans les mains d'une banque centrale ou d'une autre autorité monétaire.

En conséquence, afin d'assurer une parfaite compatibilité du droit français avec les dispositions de la Convention relatives à l'immunité d'exécution des Etats, il serait sans doute préférable de modifier l'article L. 153-1 du Code monétaire et financier afin d'y faire figurer toutes les exceptions prévues par les articles 18 et 19 de la Convention des Nations Unies sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens.

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