B. LES RÉFORMES ISSUES DES LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

1. La réforme de la tarification

L'article 63 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a institué une tarification à la ressource, proche dans son esprit de la tarification à l'activité (T2A) mise en oeuvre dans le secteur sanitaire.

L'article L. 314-2 du code de l'action sociale et des familles prévoit que les Ehpad sont financés par trois ressources distinctes :

- un forfait global relatif aux soins ;

- un forfait global relatif à la dépendance ;

- des tarifs journaliers afférents aux prestations relatives à l'hébergement.

Les périmètres des dépenses destinées à être couvertes par ces forfaits et tarifs sont distincts. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 en a conforté l'étanchéité s'agissant des forfaits soins et dépendance, d'une part, du forfait hébergement, d'autre part.

La tarification à la ressource devait entrer en vigueur le 1 er janvier 2010, mais les dispositions réglementaires permettant de la mettre en oeuvre n'ont toujours pas été prises. Après le rejet d'une première version par les fédérations d'établissements, le projet de décret est actuellement en cours d'examen par le Conseil d'Etat.

Le forfait global relatif aux soins

Le forfait global relatif aux soins est calculé selon une équation tarifaire qui prend en compte à la fois le niveau de besoins en soin requis des résidents évalué par l'outil « Pathos », le niveau de dépendance moyen des résidents de l'établissement évalué par la grille Aggir, la capacité permanente de l'établissement et la valeur du point fixée par arrêté ministériel.

Le forfait global relatif aux soins sera arrêté annuellement par le directeur général de l'ARS. Toutefois, pour prémunir les établissements contre une trop grande variabilité de leurs ressources, l'évolution du niveau de soins requis ne sera prise en compte que lorsque les résultats de l'analyse transversale ou « coupe Pathos » 1 ( * ) montreront une différence supérieure à un nombre de points fixé par arrêté ministériel.

En complément de cette dotation de base, le projet de décret prévoit la possibilité de financer certaines charges additionnelles telles que :

- le forfait accueil de jour ;

- le financement des frais financiers ;

- les missions d'intérêt général.

A titre dérogatoire, pour une période de trois ans, il sera possible de déroger à la clé de répartition forfaitaire de financement des charges afférentes aux aides-soignants et aux aides médico-psychologiques nouvellement recrutés (70 % pour le forfait soins, 30 % pour le forfait dépendance), afin de lever les éventuels blocages à la signature de conventions tripartites. La répartition sera arrêtée conjointement par les autorités de tarification concernées.

Le forfait global relatif à la dépendance

A la différence du forfait global relatif aux soins, associant à un calcul de points par établissement une valeur de point déterminée pour l'ensemble du territoire, la tarification de la dépendance reste, au moins dans un premier temps, calculée pour couvrir les charges de la dépendance de l'établissement sur un périmètre strictement identique à celui financé jusqu'alors par les conseils généraux.

L'équation tarifaire est la suivante :

Forfait global dépendance = Gir x valeur du point dépendance de l'établissement x capacité , la valeur du point dépendance de l'établissement étant calculée au regard de l'ensemble des charges nettes dépendance de l'année précédente.

Le projet de décret pose les bases d'une possible convergence départementale sur la tarification de la dépendance en autorisant le président du conseil général à déterminer une valeur cible du point dépendance pour le département, puis à faire converger vers un forfait correspondant le forfait global dépendance des établissements, à la stricte condition d'un maintien du montant global de l'enveloppe départementale.

La tarification de l'hébergement

Le mode de détermination du tarif journalier afférent à l'hébergement repose sur le calcul d'un prix de revient excluant la reprise des résultats en majoration ou en minoration des tarifs.

Les tarifs arrêtés annuellement par les présidents de conseils généraux pour les établissements habilités à l'aide sociale seront opposables au seul flux des nouveaux entrants. Le projet de décret prévoit que le tarif journalier hébergement sera égal à l'ensemble des charges nettes de l'hébergement desquelles seront déduites les sommes des prix de journée acquittés par les résidents en place, ce reste à couvrir étant ensuite divisé par le nombre prévisionnel de journées.

Le tarif d'entrée des résidents continue ensuite de leur être applicable pendant toute la durée de leur séjour avec une revalorisation annuelle dans la limite d'un taux fixé par le ministre de l'économie et des finances.

La réforme des modalités de tarification des Ehpad doit entrer en application au fur et à mesure que les établissements renouvelleront leur convention pluriannuelle prévue à l'article L. 313-12-1 du code de l'action sociale et des familles.

Dans l'attente de ce renouvellement, les forfaits globaux soins et dépendance seront égaux aux dotations globales soins et dépendance de l'exercice précédent actualisés, pour la dépendance, par le président du conseil général, et pour le soin, par l'arrêté ministériel fixant les valeurs de points.


La convergence tarifaire dans le secteur médico-social

Le secteur de l'hébergement des personnes âgées est caractérisé par une grande hétérogénéité des ressources d'assurance maladie mises à sa disposition pour couvrir le coût des forfaits soins.

Les lois de financement de la sécurité sociale pour 2008 et 2009 ont mis en place un dispositif de réduction de ces inégalités consistant à plafonner et réduire progressivement - sur une période de sept ans - les dépenses des établissements disposant historiquement de moyens nettement supérieurs à ceux dont bénéficient les autres établissements accueillant des publics comparables.

Pour l'année 2009, les établissements concernés par le processus de convergence tarifaire représentent 8,5 % de l'ensemble des établissements d'hébergement pour personnes âgées (Ehpad), soit 583 établissements sur un total de 6 850, répartis comme suit :

- 273 établissements dépassent les tarifs plafonds de plus de 10 % (4 % des Ehpad), dont 77 dépassant de plus de 30 %, 23 de plus de 50 % et 3 de plus de 100 % ;

- 310 établissements dépassent les tarifs plafonds de moins de 10 % (4,5 % des Ehpad).

Ces données sont susceptibles de varier à la baisse au titre de l'année 2010, dans la mesure où la revalorisation du plafond Pathos réduira l'écart des établissements qui dépassent et donc le nombre d'établissements concernés.

2. L'expérimentation de la réintégration des médicaments dans le tarif soins des Ehpad

Avec la tarification à la ressource, l'intégration des dépenses de médicaments dans les tarifs soins des Ehpad - qui en avaient été exclues en 2002 pour être prises en charge dans l'enveloppe soins de ville -, constituait une recommandation importante de la mission commune d'information du Sénat sur la prise en charge de la dépendance.

L'article 64 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a prévu la réintégration du coût des médicaments dans le forfait soins des établissements hébergeant des personnes âgées ne disposant pas de pharmacie à usage intérieur à compter du 1 er janvier 2011.

Toutefois, avant la mise en place généralisée de cette mesure, une expérimentation devait être conduite, donnant lieu à un bilan présenté au Parlement en octobre 2010.

Le même article 64 prévoyait en outre :

- l'instauration du principe d'un pharmacien d'officine référent pour l'établissement, afin d'améliorer le circuit du médicament et son bon usage au sein de l'Ehpad, en lien avec le médecin coordonnateur et les médecins traitants ;

- la publication d'un arrêté fixant la liste des médicaments pris en charge par les organismes d'assurance maladie en sus des prestations de soins ;

- l a consécration du rôle central du médecin coordonnateur, auprès des professionnels exerçant dans l'établissement, en matière de bonne adaptation aux impératifs gériatriques des prescriptions de médicaments et de produits de santé.

L'idée force de ce nouveau mode de gestion des médicaments au sein des Ehpad est que le risque iatrogène peut être limité en coordonnant l'action des professionnels de santé autour du résident, tout en régulant la consommation de médicaments.

Pour mettre en place l'ensemble de ces dispositions, une mission a été chargée au début de l'année 2009 de préparer le démarrage de l'expérimentation en concertation avec les professionnels concernés. Des circulaires ont été adressées aux Ddass et Drass en août 2009 pour expliquer les principes et le déroulement de l'expérimentation. Une mission de pilotage et de suivi de l'expérimentation a été confiée à Pierre Naves, inspecteur générale des affaires sociales, et à Muriel Dahan, conseillère générale des établissements de santé.

L'expérimentation a débuté en décembre 2009. Elle concerne 276 Ehpad, publics ou privés, répartis sur l'ensemble du territoire, en zones rurales et urbaines . Une dotation, calculée sur la base des dépenses de médicaments remboursés au cours du premier semestre 2009 extrapolées à l'ensemble d'une année, a été versée aux établissements expérimentateurs, les versements étant mensualisés. La dotation inclut également la rémunération du pharmacien référent. Des indicateurs qualitatifs et quantitatifs ont été fixés pour permettre le suivi de la consommation des médicaments.

Dès avril 2010, un bilan d'étape établi par la mission d'appui et d'évaluation a recommandé le report de la date prévue par l'article 64 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 pour la généralisation de la réintégration, compte tenu des difficultés rencontrées.

En septembre dernier, la mission d'appui et d'évaluation Igas-CGES a présenté un rapport mettant en évidence à la fois d'importantes avancées liées à l'expérimentation en cours et de sérieux obstacles à la réintégration des médicaments dans le forfait soins des Ehpad.


Le rapport de la mission d'appui et d'évaluation Igas-CGES

Le rapport établi en septembre 2010 par la mission d'appui et d'évaluation souligne que la réalisation de l'expérimentation de la réintégration des médicaments dans le forfait soins des Ehpad est riche d'enseignements pour l'amélioration de la prise en charge médicamenteuse des personnes âgées hébergées en Ehpad.

Elle estime que les avancées obtenues à travers cette expérimentation devraient pouvoir être préservées quelle que soit la décision finale sur la réintégration et mentionne en particulier :

- la mobilisation et la structuration, autour d'équipes médico-pharmaceutiques dont la place dans les Ehpad doit être réglementairement précisée, de démarches visant l'amélioration du bon usage des médicaments pour les personnes âgées en Ehpad ;

- la place du pharmacien référent, dont l'expérimentation a montré l'utilité et l'adéquation aux besoins ;

- l'implication nouvelle de la direction de l'Ehpad sur un sujet qui jusqu'alors ne pouvait pas la mobiliser, car géré « hors les murs » ;

- l'importance d'une liste préférentielle de médicaments servant de guide pour l'ensemble des professionnels de santé intervenant dans l'Ehpad.

Le rapport met cependant en évidence de nombreuses difficultés et incertitudes que l'expérimentation n'a pas, pour l'instant, permis de lever.

Ainsi, le mode de calcul du complément de dotation à allouer à chaque Ehpad sans pharmacie à usage interne en fonction des besoins en médicaments de ses résidents s'avère particulièrement ardu à définir . Certains modes de calcul se révèlent en effet inapplicables ou inadaptés, en particulier le calcul en fonction des consommations antérieures, tandis que d'autres ne sont pas encore envisageables (calcul fondé sur l'outil Pathos en cours de rénovation).

Le rapport de la mission fait surtout état de risques importants liés à la réintégration des médicaments dans le forfait soins . Parmi ceux-ci figurent :

- la perte de la part actuellement payée par les organismes complémentaires ;

- l'absence de moyens pour repérer les dotations surdimensionnées ;

- les effets de la conjonction de la réintégration des médicaments dans les forfaits soins, incitatrice à la constitution de pharmacies à usage interne (PUI) et de la possibilité ouverte par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 de constituer des groupements de coopération sanitaire médico-sociaux gérant des PUI. La création de PUI devient particulièrement attractive, menaçant la viabilité d'officines rurales qui repose en grande partie sur la fourniture de médicaments aux résidents d'Ehpad ;

- des refus d'admission pouvant s'avérer dramatiques. Les Ehpad avec PUI refusent d'ores et déjà d'admettre certaines personnes âgées aux traitements médicamenteux trop coûteux, mais une alternative existe aujourd'hui avec les Ehpad sans PUI car le coût en médicaments n'intervient pas dans les critères d'admission. Après généralisation de la réintégration des médicaments, tous les Ehpad seront confrontés aux mêmes contraintes budgétaires, ne laissant plus aux personnes âgées sous traitements coûteux d'autre possibilité que de se tourner vers des structures moins adaptées et plus coûteuses ;

- des hospitalisations injustifiées de résidents orientés vers l'hôpital dès lors que leurs traitements deviennent trop coûteux, ainsi que des choix de traitements moins coûteux mais inadaptés.

Face à ces constats, la mission a envisagé une proposition alternative à la généralisation de l'intégration des médicaments dans le forfait soins, reposant sur la mise en oeuvre d'engagements contractuels entre Ehpad, ARS et caisses d'assurance maladie et sur un partage des gains obtenus par les économies sur les dépenses des médicaments dispensés aux résidents en Ehpad et remboursés en soins de ville.

L'article 43 quater du projet de loi de financement de la sécurité sociale, inséré dans le texte par l'Assemblée nationale, prolonge de deux années l'expérimentation en cours, sans remettre en cause le principe de sa généralisation à compter de 2013. Il repousse également à octobre 2012 la remise du rapport au Parlement prévue avant le 1 er octobre 2010.

Tout en s'étonnant que cette mesure n'ait pas été inscrite dans le projet de loi initial, compte tenu du premier bilan donné par la mission d'appui et d'évaluation, et en regrettant que le Parlement n'ait pas été destinataire du rapport prévu par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, susceptible d'éclairer ses décisions, votre rapporteur approuve cette mesure.

L'intégration des médicaments dans le forfait soins a déjà été tentée en 1999 avant d'être abandonnée en 2002. Il convient à présent d'étudier toutes les conséquences de la réintégration, afin qu'une décision éclairée et définitive puisse être prise, permettant, si le bilan coûts-avantages de cette mesure s'avérait négatif, d'envisager d'autres moyens d'améliorer la gestion des prescriptions médicamenteuses en Ehpad.

3. La réforme de la tarification des services de soins infirmiers à domicile

Les services de soins à domicile assurent, sur prescription médicale, aux personnes âgées de plus de soixante ans, malades ou dépendantes et aux personnes adultes de moins de soixante ans présentant un handicap ou atteintes de maladies chroniques, les soins infirmiers et d'hygiène générale ainsi que les concours à l'accomplissement des actes essentiels de la vie.

Fin 2009, les Ssiad représentaient 2 351 services et un volume financier de 1 308 millions d'euros. Le nombre de places est de 103 821 installées et 108 613 places autorisées avec un coût moyen à la place prévu dans l'Ondam 2010 de 10 500 euros.

Comme l'indiquait votre rapporteur dans son rapport sur le projet de loi de financement pour 2010, une enquête lancée en 2007 auprès de trente-six Ssiad a montré que la tarification de ces services n'est pas ajustée aux besoins des patients, dans la mesure où elle n'incite pas à la productivité et à la prise en charge des patients qui nécessitent le plus une prise en charge coordonnée.

Sur la base de cette étude, une réforme de la tarification des Ssiad est en cours de réalisation, qui doit permettre d'assurer :

- une meilleure prise en charge des patients en fonction de la nature des interventions et du nombre de passages des intervenants ;

- une allocation plus juste des ressources entre Ssiad, en fonction notamment de la charge en soins et du coût de la structure ;

- une convergence tarifaire de sorte que l'allocation de ressources soit comparable entre structures assumant des charges équivalentes.

La réforme repose sur un modèle dit de tarification mixte per capita comportant :

- un financement par les coûts de structure ;

- un financement variable par patient, adapté à ses besoins.

Toutefois, alors qu'un décret devait être pris avant la fin de l'année 2009 pour une expérimentation en 2010, la mise en oeuvre de la réforme a pris du retard. Elle devrait l'être à compter de l'exercice 2012, l'année 2011 devant permettre de tester le modèle .

Une enquête nationale est actuellement réalisée auprès de l'ensemble des services de soins infirmiers à domicile, ce recueil de données devant servir à expérimenter le modèle de manière à apprécier précisément son impact sur les budgets de structures, à connaître dès 2011 les effets potentiels de la réforme, à infléchir le cas échéant le modèle, enfin à bâtir les scénarios de gestion du passage à la nouvelle situation. Le décret fixant le cadre de la réforme et les nouvelles modalités d'allocations des services aux Ssiad devrait être publié avant la fin de l'année.

Enfin, il est prévu de bâtir, en associant l'ensemble des acteurs, gestionnaires et ARS au premier chef, le cahier des charges d'un référentiel détaillant les missions des services de soins infirmiers à domicile, les conditions de leur fonctionnement et l'optimisation de leur organisation, les modalités d'une prise en charge de qualité et les recommandations de bonnes pratiques, enfin les modalités d'information des médecins généralistes prescripteurs et de coordination avec les autres acteurs intervenant à domicile.


* 1 Le référentiel Pathos sert à établir une photographie de l'état de santé d'une population de résidents à un instant T grâce à l'établissement d'une « coupe Pathos », c'est-à-dire d'une étude sur la charge en soins des résidents d'un établissement.

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