Rapport n° 177 (2010-2011) de M. Patrice GÉLARD , fait au nom de la commission des lois, déposé le 15 décembre 2010

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N° 177

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 15 décembre 2010

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi , ADOPTÉE AVEC MODIFICATIONS PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE en deuxième lecture, tendant à renforcer les moyens du Parlement en matière de contrôle de l' action du Gouvernement et d' évaluation des politiques publiques ,

Par M. Patrice GÉLARD,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Jacques Hyest , président ; M. Nicolas Alfonsi, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Patrice Gélard, Jean-René Lecerf, Jean-Claude Peyronnet, Jean-Pierre Sueur, Mme Catherine Troendle, M. François Zocchetto , vice-présidents ; MM. Laurent Béteille, Christian Cointat, Charles Gautier, Jacques Mahéas , secrétaires ; M. Alain Anziani, Mmes Éliane Assassi, Nicole Bonnefoy, Alima Boumediene-Thiery, MM. François-Noël Buffet, Gérard Collomb, Pierre-Yves Collombat, Jean-Patrick Courtois, Yves Détraigne, Mme Anne-Marie Escoffier, MM. Pierre Fauchon, Louis-Constant Fleming, Gaston Flosse, Christophe-André Frassa, Bernard Frimat, René Garrec, Jean-Claude Gaudin, Mme Jacqueline Gourault, Mlle Sophie Joissains, Mme Virginie Klès, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Jacques Mézard, Jean-Pierre Michel, François Pillet, Hugues Portelli, Bernard Saugey, Simon Sutour, Richard Tuheiava, Alex Türk, Jean-Pierre Vial, Jean-Paul Virapoullé, Richard Yung.

Voir le(s) numéro(s) :

Première lecture : 2081 , 2216 , 2220 et T.A. 400

Deuxième lecture : 2456 , 2627 et T.A. 499

Première lecture : 235 , 385 , 386 , 388, 389 et T.A. 90 (2009-2010)

Deuxième lecture : 584 (2009-2010)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

La commission des lois, réunie le mercredi 15 décembre 2010 sous la présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président, a examiné le rapport de deuxième lecture de M. Patrice Gélard et établi son texte sur la proposition de loi n° 584 (2009-2010), présentée par Bernard Accoyer, président de l'Assemblée nationale.

M. Patrice Gélard, rapporteur, a indiqué que deux articles de la proposition de loi demeuraient en discussion, l'Assemblée nationale ayant souhaité rétablir le texte qu'elle avait adopté en première lecture en ce qui concerne les pouvoirs des instances permanentes de contrôle et d'évaluation, et supprimer deux des précisions apportées par le Sénat au sein du dispositif relatif aux demandes d'assistance que le Parlement peut adresser à la Cour des comptes pour évaluer les politiques publiques.

La commission a adopté deux amendements de son rapporteur.

Elle a considéré que le dispositif rétabli par l'Assemblée nationale à l' article premier , donnant aux instances permanentes de contrôle et d'évaluation des pouvoirs permanents d'audition et d'enquête sur pièces et sur place, et prévoyant une peine d'amende en cas d'obstacle à l'exercice de ces prérogatives, créerait un déséquilibre entre les pouvoirs de ces instances et ceux des commissions permanentes, qui ne peuvent obtenir que pour une durée maximale de six mois les prérogatives des commissions d'enquête.

Elle a par conséquent adopté un amendement rétablissant le dispositif qu'elle avait retenu en première lecture et que le Sénat avait adopté. Il consiste à aligner les instances permanentes de contrôle et d'évaluation sur le régime applicable aux commissions permanentes.

A l' article 3 , la commission a souhaité rétablir une disposition reprenant la décision du Conseil constitutionnel du 25 juin 2009, afin de préciser que les demandes adressées par le président de l'Assemblée nationale ou du Sénat, de sa propre initiative ou sur proposition d'une commission permanente ou d'une instance permanente de contrôle, ne peuvent porter sur le suivi et le contrôle de l'exécution des lois de finances ou de financement de la sécurité sociale.

La commission des lois a adopté le texte de la proposition de loi ainsi rédigé.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est appelé à examiner en deuxième lecture la proposition de loi tendant à renforcer les moyens du Parlement en matière de contrôle de l'action du Gouvernement et d'évaluation des politiques publiques, présentée par M. Bernard Accoyer, président de l'Assemblée nationale.

Cette proposition tend à compléter les textes adoptés pour assurer la mise en oeuvre de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008.

Adopté en deuxième lecture par l'Assemblée nationale le 28 juin 2010, ce texte porte en particulier sur les compétences attribuées au Parlement par l'article 24 de la Constitution, dans sa rédaction issue de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, en matière de contrôle de l'action du Gouvernement et d'évaluation des politiques publiques.

Il vise à donner aux structures internes des deux assemblées 1 ( * ) des moyens adaptés pour mener à bien le contrôle de l'action du Gouvernement et l'évaluation des politiques publiques.

A cette fin, il modifie l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et le code des juridictions financières.

Deux des quatre articles de la proposition de loi sont encore en discussion. En effet, le Sénat avait adopté conforme, en première lecture, l'article 2, relatif au compte rendu des auditions des commissions d'enquête, et l'Assemblée nationale a adopté sans modification, en deuxième lecture, l'article 3 bis, issu d'un amendement de votre rapporteur adopté par le Sénat, inscrivant, au sein du code des juridictions financières le principe selon lequel la Cour des comptes contribue à l'évaluation des politiques publiques.

A l' article premier , relatif aux pouvoir des instances permanentes créées au sein de l'Assemblée nationale ou du Sénat pour contrôler l'action du Gouvernement, ou évaluer des politiques publiques, l'Assemblée nationale a rétabli le texte qu'elle avait adopté en première lecture.

Elle entend ainsi donner à ces instances des pouvoirs permanents d'audition et d'enquête sur pièces et sur place, et prévoir une peine d'amende en cas d'obstacle à l'exercice de ces prérogatives.

Votre commission, considère que ce dispositif créerait un déséquilibre entre les pouvoirs des commissions permanentes, qui ne peuvent obtenir que pour une durée maximale de six mois les prérogatives des commissions d'enquête 2 ( * ) , et ceux des instances permanentes de contrôle et d'évaluation, dont les rapporteurs disposeraient, de droit, des prérogatives de contrôle sur pièces et sur place des rapporteurs des commissions d'enquête.

Elle a par conséquent adopté un amendement de son rapporteur rétablissant le dispositif qu'elle avait retenu en première lecture et que le Sénat avait adopté. Ce dispositif consiste à aligner les instances permanentes de contrôle et d'évaluation sur le régime applicable aux commissions permanentes .

Ainsi, les instances de contrôle et d'évaluation pourraient demander à l'assemblée à laquelle elles appartiennent de leur conférer, pour une mission déterminée et pour une durée maximale de six mois, les prérogatives attribuées aux commissions d'enquête.

A l' article 3 , qui définit, dans le code des juridictions financières, les organes du Parlement susceptibles de demander l'assistance de la Cour des comptes en matière d'évaluation des politiques publiques, le Sénat avait précisé, en première lecture, à l'initiative de MM. Jean Arthuis, président et rapporteur pour avis de la commission des finances, et Alain Vasselle, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales :

- que les demandes d'évaluation d'une politique publique adressées par l'une des assemblées à la Cour des comptes, ne peuvent porter sur le contrôle de l'exécution des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale, ni sur l'évaluation des questions relatives aux finances publiques et aux finances de la sécurité sociale, ces domaines relevant de la seule compétence des commissions des finances et des commissions des affaires sociales des deux assemblées ;

- que la Cour des comptes assure en priorité le traitement des demandes adressées par les commissions des finances ou par les commissions des affaires sociales, en application de l'article 58 de la LOLF ou de l'article L.O. 132-3-1 du code des juridictions financières.

L'Assemblée nationale a supprimé, en deuxième lecture, les deux alinéas introduits par le Sénat. Elle a estimé que la première précision, reprenant une décision du Conseil constitutionnel du 25 juin 2009, risquait de réduire l'intérêt des demandes d'enquête qui ne seraient pas présentées par les commissions des finances ou des affaires sociales, en donnant à penser que les autres commissions permanentes, comme les instances permanentes de contrôle et d'évaluation, ne pourraient interroger la Cour des comptes sur les aspects financiers inhérents à toute politique publique.

L'Assemblée nationale n'a par ailleurs pas jugé opportun d'organiser un traitement prioritaire des demandes formulées par les commissions des finances et des affaires sociales, car si la loi organique prévoit que les demandes des commissions des finances doivent être traitées par la Cour des comptes dans un délai de huit mois, elle ne définit aucun délai pour les demandes des commissions des affaires sociales.

Votre commission a retenu sur ces questions une voie moyenne. Elle considère que les dispositions régissant les délais de traitement des demandes adressées à la Cour des comptes sont suffisantes, et rendent subsidiaire la définition d'une règle de priorité. En effet, la proposition de loi précise que les rapports de la Cour répondant aux demandes des assemblées doivent être communiqués dans un délai qui ne peut excéder douze mois, les demandes des commissions des finances bénéficiant de règles spécifiques.

Votre commission a cependant souhaité rétablir une disposition reprenant la décision du Conseil constitutionnel du 25 juin 2009, afin de préciser que les demandes adressées par le président de l'Assemblée nationale ou du Sénat, de sa propre initiative ou sur proposition d'une commission permanente ou d'une instance permanente de contrôle, ne peuvent porter sur le suivi et le contrôle de l'exécution des lois de finances ou de financement de la sécurité sociale.

*

* *

Votre commission a adopté la proposition de loi ainsi rédigée.

EXAMEN DES ARTICLES

Article premier (art. 5 ter A nouveau de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958) - Auditions et pouvoirs des rapporteurs des instances parlementaires de contrôle ou d'évaluation des politiques publiques

Cet article insère dans l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires un article relatif aux pouvoirs de contrôle des instances parlementaires chargées de contrôler l'action du Gouvernement ou d'évaluer les politiques publiques.

Le texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture définissait dans un nouvel article 5 ter A les compétences des instances de contrôle en matière d'auditions, les pouvoirs de leurs rapporteurs et la sanction encourue par les personnes qui feraient obstacle à l'exercice de ces prérogatives.

Il donnait aux instances permanentes créées au sein de l'Assemblée nationale ou du Sénat pour contrôler l'action du Gouvernement, ou évaluer des politiques publiques dont le champ dépasse le domaine de compétence d'une seule commission permanente, la possibilité de convoquer toute personne dont elles auraient estimé l'audition nécessaire 3 ( * ) . Leurs rapporteurs étaient dotés des pouvoirs de contrôle des rapporteurs des commissions d'enquête.

Le fait de s'opposer à l'exercice de ces prérogatives était puni de 7.500 euros d'amende.

Votre commission avait considéré que le texte issu de l'Assemblée nationale attribuait aux instances permanentes de contrôle et d'évaluation des pouvoirs de contrôle plus étendus que ceux des rapporteurs des commissions permanentes. Les commissions permanentes ne peuvent en effet disposer des pouvoirs des commissions d'enquête que sur l'autorisation de l'assemblée à laquelle elles appartiennent, pour une mission déterminée et pour une durée maximale de six mois (article 5 ter de l'ordonnance du 17 novembre 1958).

Jugeant ce déséquilibre injustifié, elle avait retenu, à l'initiative de votre rapporteur, un dispositif permettant aux instances permanentes de contrôle et d'évaluation de demander à l'assemblée à laquelle elles appartiennent l'attribution des prérogatives des commissions d'enquête, dans les mêmes conditions que les commissions permanentes, soit pour une durée maximale de six mois.

La commission des lois de l'Assemblée nationale, jugeant ces restrictions « excessives », a rétabli, à l'initiative de son rapporteur, le texte qu'elle avait adopté en première lecture. Son rapporteur estime que les instances de contrôle et d'évaluation doivent pouvoir exercer en permanence leurs prérogatives d'audition et de contrôle sur pièces et sur places, « sans avoir besoin de recourir à une autorisation spécifique, limitée dans le temps et dans son objet, délivrée par l'assemblée ».

Il considère par ailleurs que « les pouvoirs supplémentaires que le texte issu du Sénat permet d'attribuer aux instances permanentes d'évaluation et de contrôle ne sont pas d'un intérêt affirmé, qu'il s'agisse de la possibilité de demander à la Cour des comptes des enquêtes sur la gestion des services ou organismes qu'elle contrôle, de l'obligation pour les personnes auditionnées de prêter serment, ou de la possibilité de sanctionner plus lourdement une personne qui refuserait de comparaître ».

L'Assemblée nationale a confirmé cette position.

Votre commission souligne que les commissions permanentes, qui tirent leur existence de la Constitution, ont également pour mission de réaliser des travaux de contrôle de l'action du Gouvernement et des travaux d'évaluation des politiques publiques. Elle juge donc inapproprié un dispositif confiant, de façon permanente, à des instances de contrôle créées par les règlements des assemblées ou par la loi, des pouvoirs supérieurs à ceux des commissions permanentes.

En outre, le déséquilibre entre les pouvoirs permanents des commissions et des instances de contrôle et d'évaluation pourrait à terme entraîner, au détriment des premières, un déséquilibre institutionnel difficile à appréhender.

Le Conseil constitutionnel a d'ailleurs précisé, dans sa décision n° 2009-581 DC du 25 juin 2009, que les missions du Comité d'évaluation et de contrôle créé par l'Assemblée nationale « consistent en un simple rôle d'information contribuant à permettre à l'Assemblée nationale d'exercer son contrôle sur la politique du Gouvernement et d'évaluer les politiques publiques, dans les conditions prévues par la Constitution ». Cette délimitation du champ d'intervention du Comité d'évaluation et de contrôle est sans doute transposable à l'ensemble des instances permanentes d'évaluation et de contrôle créées par l'Assemblée nationale et le Sénat.

Aussi votre commission a-t-elle adopté un amendement de son rapporteur rétablissant le texte adopté par le Sénat en première lecture.

Votre commission a adopté l'article premier ainsi modifié .

Article 3 (art. L. 132-5 nouveau du code des juridictions financières) - Assistance de la Cour des comptes au Parlement pour l'évaluation des politiques publiques

Cet article définit les organes du Parlement susceptibles de demander l'assistance de la Cour des comptes pour l'évaluation des politiques publiques, en application de l'article 47-2 de la Constitution.

Il insère dans le code des juridictions financières un nouvel article L. 132-5 prévoyant que la Cour des comptes peut être saisie, au titre de l'assistance au Parlement dans le domaine de l'évaluation des politiques publiques, par le Président de l'Assemblée nationale, le Président du Sénat, ou par le président de toute instance créée au sein du Parlement ou de l'une des deux assemblées pour procéder à l'évaluation des politiques publiques.

En première lecture, l'Assemblée nationale a souhaité soumettre les demandes d'assistance de la Cour au filtrage du président de l'assemblée intéressée. Elle a cependant souhaité laisser au président de chaque assemblée la possibilité de saisir la Cour des comptes de sa propre initiative et donner à toutes les commissions permanentes la faculté de formuler une demande d'évaluation d'une politique publique.

Ces modifications étendent par conséquent la possibilité de proposer une saisine de la Cour au titre de sa mission d'assistance au Parlement en matière d'évaluation des politiques publiques, mais établissent une régulation par les présidents des assemblées, afin d'éviter un afflux excessif de demandes qui nuirait au bon fonctionnement de la Cour.

Les demandes d'assistance de la Cour des comptes pour l'évaluation d'une politique publique pourraient donc être présentées par :

- le président de l'assemblée ;

- une commission permanente ;

- une instance permanente créée par l'une des deux assemblées pour évaluer les politiques publiques dont le champ dépasse le domaine de compétence d'une seule commission permanente.

L'Assemblée nationale a en outre précisé en première lecture :

- qu'il appartiendrait à l'autorité qui a proposé la saisine de la Cour de déterminer le délai de remise du rapport, après consultation du Premier président de la Cour des comptes ;

- que ce délai ne pourrait excéder douze mois ;

- qu'il reviendrait, selon le cas, au président de l'Assemblée nationale ou du Sénat lorsqu'il est à l'origine de la saisine de la Cour des comptes, à la commission permanente ou à l'instance permanente à l'origine de la demande, de statuer sur la publication du rapport transmis par la Cour.

Le Sénat avait en première lecture confirmé l'insertion, par votre commission, à l'initiative de MM. Jean Arthuis, président et rapporteur pour avis de la commission des finances et Alain Vasselle, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, de deux alinéas.

Le premier tendait à reprendre les principes dégagés par le Conseil constitutionnel dans sa décision relative à la résolution du 29 mai 2009 modifiant le Règlement de l'Assemblée nationale 4 ( * ) . Dans cette décision, le juge constitutionnel a estimé que le suivi et le contrôle de l'exécution des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale, ainsi que l'évaluation de toute question relative aux finances publiques et aux finances de la sécurité sociale, étaient exclues du champ de compétence du Comité d'évaluation et de contrôle.

Votre commission avait par conséquent inséré au nouvel article L.132-5 du code des juridictions financières le principe selon lequel les demandes d'évaluation d'une politique publique adressées par le président de l'une des assemblées à la Cour des comptes ne peuvent porter sur le contrôle de l'exécution des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale, ni sur l'évaluation des questions relatives aux finances publiques et aux finances de la sécurité sociale, ces domaines relevant de la seule compétence des commissions des finances et des commissions des affaires sociales des deux assemblées.

Le second alinéa inséré par le Sénat, prévoyait le traitement en priorité, par la Cour des comptes, des demandes adressées par les commissions des finances ou par les commissions des affaires sociales, en application de l'article 58 de la LOLF ou de l'article L.O. 132-3-1 du code des juridictions financières.

L'Assemblée nationale a supprimé ces deux alinéas en deuxième lecture.

Elle a tout d'abord considéré que, si le Sénat avait souhaité inscrire dans la loi des principes dégagés par la jurisprudence constitutionnelle, l'exclusion de toute question relative aux finances publiques ou aux finances de la sécurité sociale semblait excessive.

Selon le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, M. Claude Goasguen, cette exclusion « pourrait en effet être comprise comme une interdiction pour les commissions permanentes autres que les commissions des Finances et des Affaires sociales de s'intéresser à la dimension financière des politiques publiques qui relèvent de leur champ de compétence, ce qui aurait pour effet de réduire l'intérêt de toutes les demandes d'enquête . Par exemple, si la commission des Lois souhaitait demander l'assistance de la Cour des comptes pour évaluer la politique publique de délivrance des titres d'identité, sa saisine pourrait être interprétée comme ne permettant pas d'aborder la dimension financière de cette question, liée au coût respectif pour l'État et pour les collectivités de la délivrance des titres, à la prise en charge d'une partie de ce coût par des droits et taxes » .

L'Assemblée nationale a par ailleurs estimé que le régime de priorité des demandes formulées par les commissions des finances et des affaires sociales ne pouvait se fonder sur la nature organique des dispositions permettant à ces commissions d'adresser des demandes d'enquête à la Cour des comptes. Elle a relevé qu'aux termes de la loi organique, les demandes issues des commissions des finances devaient être traitées dans un délai de huit mois, tandis que celles des commissions des affaires sociales n'étaient encadrées par aucun délai.

Votre commission juge pertinentes les observations de la commission des lois de l'Assemblée nationale sur ce second point. En effet, le délai de huit mois pour le traitement des demandes adressées par les commissions des finances aboutit, de fait, à l'attribution d'une priorité à la réalisation des enquêtes correspondantes par la Cour des comptes.

Votre commission partage en outre les préoccupations du rapporteur de l'Assemblée nationale quant au champ des demandes d'assistance que peuvent formuler les commissions permanentes autres que les commissions des finances et des affaires sociales, et les instances permanentes d'évaluation.

A cet égard, la jurisprudence du Conseil constitutionnel fixe des limites qui s'imposent à l'ensemble des pouvoirs publics. Néanmoins, en pratique, il appartiendra au président de chaque assemblée d'estimer si, le cas échéant, une proposition de saisine de la Cour des comptes présentée par une commission ou une instance d'évaluation porte essentiellement sur l'évaluation d'une question relative aux finances publiques ou aux finances de la sécurité sociale. Dans un tel cas, il lui reviendra soit de demander à la commission ou à l'instance d'évaluation de circonscrire le champ de sa demande, soit de suggérer une saisine conjointe avec, selon le cas, la commission des finances ou celle des affaires sociales.

Par ailleurs, la décision du Conseil constitutionnel du 25 juin 2009 ne paraît pas exclure l'examen par une commission permanente ou par une instance permanente d'évaluation d'une question qui comporterait, à titre accessoire et comme la plupart des politiques publiques, des aspects financiers.

Aussi les termes de la décision n'interdisent-ils pas qu'une commission permanente, dans son champ de compétence, ou qu'une instance d'évaluation, sur un domaine transversal, demande l'assistance de la Cour des comptes pour évaluer une politique publique, en intégrant certains aspects financiers. Il importe en revanche que cette dimension financière demeure subsidiaire et ne constitue pas l'angle principal d'examen de la question.

Votre commission a par conséquent adopté un amendement de son rapporteur rétablissant l'alinéa relatif au champ des demandes d'enquête que peuvent adresser à la Cour des comptes les commissions permanentes et les instances permanentes d'évaluation.

Votre commission a adopté l'article 3 ainsi modifié.

*

* *

Votre commission a adopté la proposition de loi ainsi rédigée.

EXAMEN EN COMMISSION - MERCREDI 15 DÉCEMBRE 2010

_______

M. Patrice Gélard , rapporteur. - Le 28 juin dernier, l'Assemblée nationale a adopté, en deuxième lecture la proposition tendant à renforcer les moyens du Parlement en matière de contrôle de l'action du Gouvernement et d'évaluation des politiques publiques, dont M. Bernard Accoyer est l'auteur. Deux des quatre articles de ce texte restent en discussion. L'Assemblée nationale a adopté sans modification l'article 4 dans la rédaction du Sénat ; nous avons, de notre côté, adopté conforme l'article 2.

Le désaccord porte surtout sur l'article premier et les pouvoirs dévolus aux organismes permanents de contrôle et d'évaluation des politiques publiques. Notre commission, en première lecture, s'était opposée à ce que ces organismes disposent de pouvoirs plus étendus que les commissions permanentes. Les députés, eux, veulent leur accorder le droit d'enquêter sur pièces et sur place et d'imposer une amende de 7 500 euros à ceux qui refuseraient de déférer à une convocation, à l'instar des commissions d'enquête. A titre personnel, je considère qu'une telle disposition s'écarte de l'esprit de la Constitution, qui mentionne les commissions permanentes et les commissions d'enquête, et non les instances permanentes de contrôle et d'évaluation. Elle est d'autant moins nécessaire que les commissions parlementaires peuvent demander, à titre exceptionnel, à disposer des pouvoirs des commissions d'enquête durant six mois. Un tel dispositif entraînerait le déclin des commissions permanentes au profit d'organes dépourvus de statut constitutionnel. Je proposerai donc à la commission de rétablir le texte qu'elle avait adopté en première lecture.

Deuxième point restant en discussion, l'article 3, relatif à la saisine de la Cour des comptes par les présidents des assemblées, de leur propre initiative ou sur proposition des commissions permanentes ou des instances permanentes de contrôle. Je propose à notre commission de ne rétablir qu'un seul des deux alinéas qu'elle avait introduits en première lecture. Celui-ci avait pour but de reprendre certains éléments d'une décision du Conseil constitutionnel préservant les compétences particulières des commissions des finances et des affaires sociales en matière de suivi de l'exécution des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale. Cette question avait été légitimement soulevée par les rapporteurs pour avis des commissions des finances et des affaires sociales. Nous pourrions peut-être trouver un terrain d'entente en commission mixte paritaire, si le Sénat renonçait au traitement prioritaire par la Cour des comptes des demandes d'assistance des commissions des finances et des affaires sociales.

Examen des articles

Article premier

M. Patrice Gélard , rapporteur. - J'ai présenté l'amendement n°LOIS.1.

M. Jean-Jacques Hyest , président. - En fait, le problème vient de ce que l'Assemblée nationale a créé une superstructure, le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques. C'est son droit. En revanche, accorder à ce comité des droits d'enquête pose un vrai problème constitutionnel.

M. Patrice Gélard , rapporteur. - Outre le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques, institué à l'article 146-2 du Règlement de l'Assemblée nationale, on peut citer parmi les instances permanentes intéressées les délégations aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes de chacune des chambres, ainsi que la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation et la délégation à la prospective du Sénat. Ces quatre organes bénéficieraient de pouvoirs de contrôle plus importants que les commissions permanentes des deux assemblées...

M. Jean-Jacques Hyest , président. - Quel paradoxe !

M. Jean-Pierre Sueur . - Nous voterons contre l'amendement. Il n'est pas souhaitable que le Sénat adopte une position en retrait par rapport à ce que propose l'Assemblée nationale en matière de moyens de contrôle du Parlement.

M. Patrice Gélard , rapporteur. - Ce n'est pas une position en retrait ! Les effets pervers de ce dispositif -un affaiblissement notable des commissions permanentes- sont supérieurs aux gains ! Les instances permanentes d'évaluation pourraient tout de même obtenir des droits d'enquête sur pièces et sur place pour une durée de six mois...

L'amendement n°1 est adopté.

L'article premier est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 3

M. Patrice Gélard , rapporteur. - L'amendement n°LOIS.2 concerne les conditions de saisine de la Cour des comptes sur les lois financières.

L'amendement n°2 est adopté.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

L'ensemble de la proposition de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.


* 1 Dont le Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques créé par l'Assemblée nationale lors de la réforme de son Règlement, par la résolution du 27 mai 2009.

* 2 Article 5 ter de l'ordonnance du 17 novembre 1958.

* 3 Ces pouvoirs d'audition pouvaient donc être mis en oeuvre par les instances suivantes :

- à l'Assemblée nationale, le Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques, créé par l'article 146 2 du Règlement de l'Assemblée nationale ;

- au Sénat, la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation et la délégation sénatoriale à la prospective (article XVII bis de l'Instruction générale du Bureau) ;

- dans chacune des deux assemblées, la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (article 6 septies de l'ordonnance du 17 novembre 1958).

* 4 Voir la décision du Conseil constitutionnel n° 2009-581 DC du 25 juin 2009, considérant n° 59. Le Conseil constitutionnel, examinant les compétences du nouveau Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques, a souligné qu'aux termes de l'article 57, premier alinéa, de la LOLF, « les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances suivent et contrôlent l'exécution des lois de finances et procèdent à l'évaluation de toute question relative aux finances publiques » et qu'aux termes de l'article L.O. 111-9 du code de la sécurité sociale, « les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat saisies au fond du projet de loi de financement de la sécurité sociale suivent et contrôlent l'application de ces lois et procèdent à l'évaluation de toute question relative aux finances de la sécurité sociale ».

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