CHAPITRE III - Lutte contre la prolifération des armes chimiques

Les articles 11 et 12 proposent de modifier deux articles du code de la défense relatifs aux armes chimiques.

La législation en vigueur en matière d'armes chimiques (article L. 2342-1 à 2342-84 du code de la défense) est particulièrement élaborée. Elle résulte de la loi n° 98-467 du 17 juin 1998 relative à l'application de la convention du 13 janvier 1993 sur l'interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l'emploi des armes chimiques et sur leur destruction , convention que la France a ratifiée le 2 mars 1995.

Outre l'interdiction de la fabrication, du commerce et de l'emploi des armes chimiques, cette législation reprend la classification des produits chimiques opérée par la convention de 1993 et elle soumet les activités relatives aux différents produits en cause, selon les cas, à autorisation ou à déclaration . Elle précise les conditions de mise en oeuvre de la vérification internationale et des investigations nationales . Elle instaure des sanctions administratives et des sanctions pénales pouvant aller jusqu'à la détention criminelle à perpétuité et à une amende de 7,5 millions d'euros.

Les ajouts proposés par les articles 11 et 12 portent principalement sur le financement des activités en lien avec la prolifération chimique .

Article 11 (art. L. 2342-3 du code de la défense) - Interdiction de financer les activités favorisant la prolifération d'armes chimiques

L'article 11 propose de compléter l'article L. 2342-3 du code de la défense, qui pose le principe d'interdiction des armes chimiques, par un alinéa prévoyant également l'interdiction du financement des activités relatives aux armes chimiques, à l'image de la rédaction retenue dans les domaines nucléaire (art L. 1333-13-5 du code de la défense) et biologique (art L. 2341-2 du code de la défense).

Votre commission a adopté l'article 11 sans modification.

Article 12 (art. L. 2342-60 du code de la défense) - Sanctions pénales applicables au financement d'activités prohibées en matière chimique et aux activités commises en bande organisée

L'article 12 propose de compléter l'article L. 2342-60 du code de la défense en instaurant des peines de vingt ans de réclusion criminelle et de 3 millions d'euros d'amende en cas de financement d'activités prohibées en matière chimique, à savoir l'utilisation d'une arme chimique (art. L. 2342-57 du code de la défense), la conception, la construction ou l'utilisation d'une installation de fabrication d'armes chimiques ou de munitions chimiques (art. L. 2342-58) et la mise au point, la fabrication, le stockage, la détention, la conservation, l'acquisition, la cession, l'importation, l'exportation, le transit, le commerce et le courtage d'armes chimiques ou de certains produits chimiques (art. L. 2342-60).

En outre, l'article 12 prévoit une aggravation des peines encourues lorsque les infractions sont commises en bande organisée, ces peines étant portées à trente ans de réclusion criminelle et à 5 millions d'euros d'amende.

Votre commission a adopté l'article 12 sans modification.

TITRE II - DISPOSITIONS RELATIVES À LA LUTTE CONTRE LA PROLIFÉRATION DES VECTEURS D'ARMES DE DESTRUCTION MASSIVE

La résolution 1540 du Conseil de sécurité place sur le même plan les armes de destruction massive, nucléaires, chimiques ou biologiques, et leurs vecteurs. A cet effet, elle définit les vecteurs d'armes de destruction massive comme les « missiles, fusées et autres systèmes sans pilote capables de conduire à leur cible des armes nucléaires, chimiques ou biologiques et spécialement conçus pour cet usage ».

La législation française ne comporte aucune disposition spécifique aux vecteurs d'armes de destruction massive . Ces systèmes relèvent sans distinction du régime des matériels de guerre, leur fabrication, leur acquisition, leur détention, leur exportation ou leur importation étant soumise à autorisation, sous peine de sanctions pénales.

Il n'existe aucun instrument international contraignant de lutte contre la prolifération de ces vecteurs, qu'il s'agisse des missiles balistiques ou des missiles de croisière, voire des drones susceptibles de délivrer des armes de destruction massive.

Créé en 1987 par les pays du G7, le Régime de contrôle des technologies de missiles ( Missile technology control regime - MTCR ) associe aujourd'hui 34 Etats appliquant des règles communes pour les exportations d'équipements et de technologies liées aux missiles balistiques, aux missiles de croisière et aux drones. Il contrôle deux catégories d'équipements et de matériels : les engins capables de transporter une charge d'au moins 500 kg à une distance d'au moins 300 km et les engins capables d'atteindre une distance d'au moins 300 km quelle que soit le poids de la charge utile.

En parallèle, les Etats du MTCR ont oeuvré à l'élaboration du Code de conduite de La Haye contre la prolifération des missiles balistiques ( Hague code of conduct - HCOC ) adopté en novembre 2002. Plus de 130 Etats ont souscrit aux engagements de ce code de conduite qui ne constitue cependant pas un instrument contraignant. Le HCOC pose le principe de retenue dans le développement des arsenaux. Il met également en place des mesures de transparence concernant les programmes balistiques et spatiaux.

L'article 13 vise tout d'abord à incorporer en droit français la notion de vecteur d'armes de destruction massive , en reprenant la définition donnée par la résolution 1540.

Ces systèmes seront ainsi distingués parmi les autres matériels de guerre. Les infractions les concernant seront assorties de peines plus sévères , le financement des activités qui leur sont liées sera réprimé et des peines complémentaires pourront être prononcées.

Article 13 (art. L. 2339-14 à L. 2339-18 [nouveaux] du code de la défense) - Lutte contre les vecteurs d'armes de destruction massive

L'article 13 propose d'introduire dans le chapitre du code de la défense relatif à la répression des infractions au régime des matériels de guerre, armes et munitions une section nouvelle, composée de cinq articles et portant sur la prolifération des vecteurs d'armes de destruction massive.


• Article L. 2339-14 du code de la défense - Définition des vecteurs et peines applicables

Le texte proposé pour l'article L. 2339-14 nouveau du code de la défense porte à quinze ans de réclusion criminelle et 1,5 million d'euros d'amende les peines encourues pour les infractions prévues par le code de la défense et relatives à la fabrication et au commerce (article L. 2339-2), à l'acquisition, à la détention et à la cession (articles L. 2339-4, 2339-5 et 2339-8), au transport (article L. 2339-9) et à l'importation (article L. 2339-10) des matériels de guerre, lorsque de telles infractions concernent des vecteurs d'armes de destruction massive. Pour ces différentes infractions, les peines encourues étaient jusqu'alors, selon les cas, comprises entre trois et cinq ans d'emprisonnement, et entre 3 750 et 100 000 euros d'amende.

Conformément à la définition donnée par la résolution 1540, les matériels concernés sont les missiles, fusées ou autres systèmes sans pilote capables de conduire à leur cible des armes nucléaires, chimiques ou biologiques et spécialement conçus à cet usage.

Les peines sont portées à vingt ans de réclusion criminelle et à 3 millions d'euros d'amendes quand les faits sont commis en bande organisée, alors qu'elles sont actuellement de cinq ans d'emprisonnement et 500 000 euros d'amende.


• Article L. 2339-15 du code de la défense - Financement des vecteurs

A l'image du dispositif retenu par le projet de loi en matière nucléaire, biologique et chimique, le texte proposé pour l'article L. 2339-15 nouveau prévoit des sanctions identiques à celles définies à l'article L. 2339-14 pour l'ensemble des activités de financement concernant les vecteurs d'armes de destruction massive.


• Article L. 2339-16 du code de la défense - Obtention par des moyens frauduleux d'une autorisation ou d'un agrément

A l'image du dispositif retenu par le projet de loi pour les matières nucléaires (article 1333-9 du code de la défense), le texte proposé pour l'article L. 2339-16 nouveau réprime de dix ans d'emprisonnement et de 1,5 million euros d'amende l'obtention par des moyens frauduleux d'une autorisation ou d'un agrément imposé par le code de la défense pour réaliser une activité en rapport avec les matériels de guerre lorsque ces autorisations ou agréments concernent des vecteurs d'armes de destruction massive.


• Article L. 2339-17 du code de la défense - Peines complémentaires encourues par les personnes physiques

L'article L. 2339-17 nouveau vise à préciser les peines complémentaires encourues par les personnes physiques, identiques celles prévues par le projet de loi pour les matières nucléaires (article L. 1333-13-7) et pour les armes biologiques (article L. 2341-5-1).


• Article L. 2339-18 du code de la défense - Peines complémentaires encourues par les personnes morales

L'article L. 2339-18 nouveau définit les peines complémentaires applicables aux personnes morales, comme le projet de loi le prévoit également en matière nucléaire (article L. 1333-13-8) et biologique (article L. 2341-5-2).

Votre commission a adopté l'article 13 sans modification.

TITRE III - DISPOSITIONS RELATIVES AUX BIENS À DOUBLE USAGE

Les transferts de biens et technologies à double usage font l'objet d'une réglementation spécifique, au plan européen comme au plan national.

Selon la définition donnée par le règlement (CE) n° 428/2009 du Conseil du 5 mai 2009 instituant un régime communautaire de contrôle des exportations, des transferts, du courtage et du transit des biens et technologies à double usage, les biens à double usage sont « les produits, y compris les logiciels et les technologies, susceptibles d'avoir une utilisation tant civile que militaire; ils incluent tous les biens qui peuvent à la fois être utilisés à des fins non explosives et entrer de manière quelconque dans la fabrication d'armes nucléaires ou d'autres dispositifs nucléaires explosifs ».

Ce sont des biens sensibles qui, dans la plupart des cas, sont destinés à des applications civiles, mais qui peuvent être utilisés à des fins militaires ou qui pourraient sensiblement renforcer les capacités militaires des pays qui les acquièrent Peuvent aussi bien entrer dans cette catégorie, pour reprendre les exemples cités par la direction générale des douanes et des droits indirects, un ordinateur, un logiciel d'une certaine capacité, un composant électronique ou mécanique, un virus qui existe à l'état naturel (Ebola), un produit chimique vendu en grande quantité industrielle, une machine-outil ou encore un équipement pour une usine nucléaire.

Les biens à double usage sont pris en compte par plusieurs régimes internationaux de lutte contre la prolifération : l'arrangement de Wassenaar, dont le contrôle porte essentiellement sur les transferts de biens industriels et cryptologiques ainsi que sur les technologies avancées susceptibles d'entrer dans des programmes militaires ; le groupe des fournisseurs nucléaires ( NSG, Nuclear suppliers group ) ; le groupe « Australie », s'agissant des biens et technologies chimiques et biologiques ; le régime de contrôle de la technologie des missiles ( MTCR, Missile technology control regime ) précité. Ces différents régimes ont pour but de contrôler avec précision les exportations de biens stratégiques et éventuellement d' établir des règles de contrôles communes appuyées sur des listes consolidées de produits et technologies .

Au plan européen, les biens à double usage sont régis par le règlement n° 428-2009 du 5 mai 2009 précédemment évoqué, qui a remplacé le règlement n° 1334/2000 du 22 juin 2000.

Ce règlement impose aux Etats membres de soumettre à autorisation l'exportation hors du territoire européen d'une liste de biens à double usage figurant dans son annexe I 3 ( * ) et régulièrement mise à jour. Par ailleurs, une clause dite « attrape-tout » permet également de soumettre à autorisation des biens non mentionnés dans cette liste mais susceptibles de contribuer à la prolifération des armes chimiques, biologiques ou nucléaires. Le règlement prévoit des échanges d'informations entre Etats membres sur l'application des contrôles à l'exportation de biens à double usage.

Au plan national, la règlementation applicable résulte du décret n° 2001-1192 du 13 décembre 2001 relatif au contrôle à l'exportation, à l'importation et au transfert de biens et technologies à double usage, modifié en dernier lieu par le décret n°2010-292 du 18 mars 2010. Le contrôle, précédemment effectué par la direction générale des droits indirects, incombe désormais à la direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. En outre, le décret n° 2010-294 du 18 mars 2010 a institué une commission interministérielle des biens à double usage chargée de rendre des avis sur la soumission d'un bien à autorisation d'exportation.

Le projet de loi vise à aggraver les sanctions encourues en cas d'exportation sans déclaration de biens à double usage et à préciser les attributions de la direction générale des douanes et des droits indirects.

Article 14 (art. 414 du code des douanes) - Aggravation des peines en cas de trafic illicite de biens à double usage

L'article 14 du projet de loi propose de compléter l'article 414 du code des douanes afin d'aggraver les peines encourues pour contrebande, importation ou exportation sans déclaration de biens à double usage. Le droit en vigueur prévoit une peine de trois ans d'emprisonnement et une amende pouvant aller jusqu'à deux fois la valeur de l'objet de la fraude, lorsque ces infractions se rapportent à des marchandises de la catégorie de celles qui sont prohibées ou fortement taxées au sens du code des douanes. La rédaction proposée prévoit une peine de cinq ans d'emprisonnement et une amende pouvant aller jusqu'à trois fois la valeur de l'objet de la fraude si celle-ci porte sur un bien à double usage.

Cette nouvelle infraction douanière permettra également l'ouverture d'enquêtes judiciaires pour association de malfaiteurs, conformément à l'article 450-1 du code pénal, afin de favoriser le démantèlement de filières de fraude.

Votre commission a adopté l'article 14 sans modification.

Article 14 bis - Prérogatives des agents des douanes en matière de biens à double usage (art. 61 bis [nouveau], 427 et 59 sexies [nouveau] du code des douanes)

L'article 14 bis résulte d'un amendement du Gouvernement adopté par l'Assemblée nationale.

Premièrement, il insère dans le code des douanes un article 61 bis nouveau permettant aux agents des douanes d'immobiliser, dans des conditions définies par un décret en Conseil d'Etat, les biens à double usage non communautaires en transit sur le territoire français et à destination d'un pays non membre de l'Union européenne, en attente de la décision d'autorisation ou d'interdiction du transit. La possibilité d'interdire un tel transit est en effet prévue par l'article 6 du règlement n° 428/2009 du 5 mai 2009 précité, en vue d'éviter que le territoire européen soit utilisé pour des transferts proliférants.

Deuxièmement, l'article 14 bis complète l'article 427 du code des douanes afin de préciser que tout transport de biens à double usage non communautaire transitant à destination d'un Etat non membre de l'Union européenne en violation des interdictions ou autorisations mentionnées ci-dessus sera assimilé à une importation sans déclaration de marchandises prohibées. De ce fait, les sanctions prévues à l'article 414 seront applicables à ces transports.

Troisièmement, l'article 14 bis insère dans le code des douanes un article 59 sexies nouveau autorisant les agents des douanes et les agents de la direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, en charge du contrôle des transferts des biens à double usage, à se communiquer sur demande ou spontanément tous les renseignements ou documents détenus ou recueillis à l'occasion de leurs missions respectives.

Votre commission a adopté l'article 14 bis sans modification.

TITRE IV - DISPOSITIONS RELATIVES À LA PROCÉDURE APPLICABLE AUX INFRACTIONS RELATIVES À LA PROLIFÉRATION DES ARMES DE DESTRUCTION MASSIVE ET DE LEURS VECTEURS

Le projet de loi prévoit de renforcer les moyens procéduraux de lutte contre la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs en s'inspirant des règles applicables en matière de lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée.

Il s'agit ainsi de placer les infractions relatives à la prolifération sur le même plan que celles portant le plus gravement atteinte à la sécurité intérieure.

Ce renforcement passe tout d'abord par l'instauration d'une centralisation de l'enquête, de la poursuite, de l'instruction et du jugement des crimes et des délits concernés au tribunal de grande instance de Paris . Cette centralisation est un gage d'efficacité, compte tenu de la possibilité d'infractions multiples relevant normalement de ressorts différents, mais aussi parce qu'elle permettra de faire suivre les dossiers par des magistrats spécialisés sur ce type très spécifique de délinquance. Ces magistrats pourront appréhender de manière globale ce type d'infraction. Ils disposeront d'une meilleure connaissance des textes applicables et des enjeux. Ils pourront développer des relations plus étroites avec les services spécialisés de renseignement et de police judiciaire, et avec les partenaires interministériels et internationaux.

Le projet de loi prévoit également, pour ce type d'infractions, une cour d'assises composée exclusivement de magistrats professionnels , compte tenu de la technicité de la matière, et un allongement substantiel des délais de prescription .

Enfin, les pouvoirs de contrôle et d'enquête seront renforcés , avec la possibilité de procéder à des contrôles d'identité et à la visite des véhicules dans les lieux et pour la période de temps déterminés par le procureur de la République, ou encore le recours aux techniques spéciales d'enquêtes (mesures de surveillance sur l'ensemble du territoire national, infiltration, perquisitions nocturnes, interception des correspondances téléphoniques, sonorisations et fixations d'images de certains lieux et véhicules, garde à vue de 96 heures).

Article 15 (art. 706-167 à 706-173 du code de procédure pénale [nouveaux]) - Procédure applicable aux infractions relatives à la prolifération d'armes de destruction massive et de leurs vecteurs

L'article 15 du projet de loi propose d'insérer dans le livre IV du code de procédure pénale un nouveau titre spécifiquement consacré à la procédure applicable aux infractions relatives à la prolifération d'armes de destruction massive et de leurs vecteurs.

Composé de neuf articles (articles 706-167 à 706-175 nouveaux), ce titre est calqué sur la procédure applicable aux actes terroristes (titre XV du livre IV du code de procédure pénale) et à la criminalité et la délinquance organisée (titre XXV).


• Article 706-167 du code de procédure pénale - Champ d'application

Le texte proposé pour l'article 706-167 nouveau du code de procédure pénale définit le champ d'application des règles spécifiques de procédure et de compétence prévues en matière de lutte contre la prolifération.

Sont concernées :

- les infractions les plus graves relatives aux matières et aux armes nucléaires (articles L. 1333-9, L. 1333-11, L. 1333-13-1 à L. 1333-13-6 et L. 1333-14 du code de la défense), aux armes biologiques ou à base de toxines (articles L. 2341-1, L. 2341-2, L. 2341-4 et L. 2341-5), aux armes et produits chimiques (articles 2342-57 à 2342-61) et aux vecteurs d'armes de destruction massive (articles L. 2339-14 à L. 2339-16) ;

- les infractions relatives à l'exportation sans autorisation de biens à double usage (article 414 du code des douanes) ;

- les infractions de livraison à une puissance étrangère d'informations susceptibles de contribuer à la prolifération (articles 411-6 à 411-8 du code pénal) et le délit de participation à une association de malfaiteurs (article 450-1), lorsque ces actes ont pour finalité de commettre une ou plusieurs des infractions susvisées.


• Article 706-168 du code de procédure pénale - Compétence du tribunal de grande instance de Paris.

Le texte proposé pour l'article 706-168 nouveau prévoit la centralisation de l'enquête, de la poursuite, de l'instruction et du jugement des crimes et des délits entrant dans le champ d'application de l'article 760-167 au tribunal de grande instance de Paris.

Comme en matière de terrorisme, la compétence du procureur de la République, du juge d'instruction du tribunal correctionnel et de la cour d'assises de Paris s'exercent concurremment avec les autres juridictions territorialement compétentes en application des articles 43, 52 et 382 du code de procédure pénale. Pour l'instruction des nouvelles infractions de financement de la prolifération des armes de destruction massive créées par le présent projet de loi, la possibilité d'une co-saisine d'un magistrat instructeur du tribunal de grande instance de Paris spécialisé en matière économique et financière est prévue. En revanche, contrairement à la matière terroriste, la centralisation de l'application des peines n'est pas nécessaire pour le suivi des personnes condamnées pour des actes de prolifération.


• Article 706-169 du code de procédure pénale - Dessaisissement au profit de la juridiction d'instruction de Paris

Reprenant les dispositions de l'article 706-18 du code de procédure pénale, l'article 706-169 précise que dans le cas où un procureur de la République estime que des infractions relèvent de l'article 706-167, il peut demander au juge d'instruction de se dessaisir au profit de la juridiction d'instruction de Paris. Les parties en sont avisées et peuvent présenter leurs observations. L'ordonnance de dessaisissement est rendue par le procureur de la République huit jours au plus tôt et un mois au plus tard à compter de cet avis.


• Article 706-170 du code de procédure pénale - Dessaisissement de la juridiction d'instruction de Paris

A l'image des dispositions prévues à l'article 706-19 du code de procédure pénale, l'article 706-170 concerne le cas où un juge d'instruction de Paris considère que les faits dont il a été saisi n'entrent pas dans le champ de l'article 706-167. Il se déclare alors incompétent soit sur requête du procureur de la République, soit, après avis de ce dernier, d'office ou sur requête des parties. Celles des parties qui n'ont pas présenté de requête de dessaisissement sont préalablement avisées et invitées à faire part de leurs observations. L'ordonnance est rendue au plus tôt huit jours après cet avis.


• Article 706-171 du code de procédure pénale - Déclaration d'incompétence du tribunal correctionnel ou du tribunal pour enfants de Paris

L'article 706-171 concerne le cas dans lequel le tribunal correctionnel ou le tribunal pour enfants de Paris se déclare incompétent, pour des raisons analogues à celles envisagées à l'article précédent. Il appartient alors à ce tribunal de renvoyer le dossier au ministère public pour que celui-ci saisisse le tribunal territorialement compétent. Afin d'éviter, le cas échéant, que le prévenu échappe à la justice, le tribunal peut néanmoins, lorsqu'il se déclare incompétent, décerner un mandat de dépôt ou un mandat d'arrêt.


• Article 706-172 du code de procédure pénale - Effets des actes de procédure accomplis avant le dessaisissement ou la déclaration d'incompétence

Reprenant la procédure prévue à l'article 706-21 du code de procédure pénale, cet article précise que dans les hypothèses visées aux articles 706-169 à 706-171, les mandats de dépôt ou d'arrêt conservent leur force exécutoire et que les actes et formalités accomplis avant la décision de dessaisissement ou d'incompétence n'ont pas à être renouvelés. Le juge d'instruction saisi reste compétent pour accomplir tous les actes de procédure jusqu'à ce que la décision concernant son dessaisissement ou son incompétence soit définitive.


• Article 706-173 du code de procédure pénale - Règlement des contestations concernant le dessaisissement ou la compétence des juges d'instruction

L'article 706-173 traite du règlement des contestations concernant le dessaisissement ou la compétence des juges d'instruction.

Il se calque sur la procédure prévue à l'article 706-22 du code de procédure pénale. Les recours s'effectuent devant la chambre criminelle de la Cour de cassation.


• Article 706-174 du code de procédure pénale - Composition et fonctionnement de la cour d'assises

Le code de procédure pénale prévoit que les crimes terroristes, les crimes de trafic de stupéfiants et les crimes militaires en temps de paix relèvent d'une cour d'assises composée exclusivement de magistrats professionnels.

Par l'article 706-174 nouveau, le projet de loi propose d'étendre ce principe aux infractions liées à la prolifération.


• Article 706-175 du code de procédure pénale - Prescription

L'article 706-175 nouveau prévoit un allongement substantiel des délais de prescriptions pour les infractions liées à la prolifération.

Le régime des prescriptions de l'action publique et de l'exécution des peines sera identique à celui applicable aux actes terroristes et permettra ainsi une meilleure répression de la prolifération. Ces délais exceptionnels se justifient non seulement par l'extrême gravité des faits mais aussi parce que les conséquences des infractions liées à la prolifération peuvent n'apparaître que plusieurs années après avoir été commises.

Ainsi, en matière de prolifération, l'action publique des crimes comme la peine prononcée en cas de condamnation pour l'un de ces crimes se prescriront au bout de trente ans (au lieu, en droit commun, de dix ans pour l'action publique et de vingt ans pour la peine). S'agissant des délits, l'allongement de ces délais de prescription se limitera aux délits les plus graves, c'est-à-dire à ceux faisant encourir dix ans d'emprisonnement (comme l'exportation sans autorisation d'une matière nucléaire ou la contrebande de biens à double usage en bande organisée). Les délais de prescription seront de vingt ans pour de tels délits (au lieu de trois ans en droit commun pour la prescription de l'action publique et de cinq ans pour celle de l'exécution des peines).

Votre commission a adopté l'article 15 sans modification.

Article 16 (art. 78-2-2, 706-73, 706-75, 706-75-1 et 706-77 du code de procédure pénale) - Procédures spécifiques de contrôle et d'enquête

L'article 16 propose de renforcer les moyens de contrôle et d'enquête pour les infractions liées à la prolifération.

En premier lieu, il étend à la recherche d'infractions liées aux armes de destruction massive ou à leurs vecteurs le pouvoir donné par l'article 78-2-2 du code de procédure pénale aux officiers de police judiciaire, sur réquisitions du procureur de la République, de procéder à des contrôles d'identité et à la visite des véhicules dans les lieux et pour la période de temps que ce magistrat détermine et qui ne peut excéder vingt-quatre heures. En effet, dans la rédaction actuelle de l'article 78-2-2, ces dispositions peuvent être utilisées lorsque les infractions recherchées concernent la détention ou le transport d'armes ou de munitions de la première et quatrième catégories, ou encore la fabrication d'un engin explosif, mais ni les armes de destruction massive, ni leurs vecteurs, potentiellement plus dangereux, ne sont mentionnés.

En second lieu, l'article 16 propose de modifier l'article 706-73 du code de procédure pénale afin de permettre aux magistrats et aux enquêteurs de recourir, pour la recherche des infractions les plus graves en matière de prolifération, à l'ensemble des techniques spéciales d'enquête prévues par les articles 706-80 à 706-106 du code de procédure pénale, réservées jusqu'à présent à la criminalité organisée et au terrorisme. Il s'agit de mesures de surveillance sur l'ensemble du territoire national, d'infiltration, de perquisitions nocturnes, d'interception des correspondances téléphoniques dans le cadre des enquêtes dirigées par le parquet, de sonorisations et fixations d'images de certains lieux et véhicules, et d'une possibilité de garde à vue de 96 heures. L'utilisation de ces techniques spéciales d'enquêtes sera limitée à la recherche des crimes et délits punis de dix ans d'emprisonnement.

Votre commission a adopté l'article 16 sans modification.

TITRE V - DES INFRACTIONS RELATIVES À LA PROLIFÉRATION DES ARMES DE DESTRUCTION MASSIVE ET DE LEURS VECTEURS COMME ACTE DE TERRORISME

Article 17 (art. 421-1 du code pénal) - Inclusion des actes de prolifération dans la liste des actes terroristes

L'article 17 du projet de loi vise à compléter la définition des actes de terrorisme en y ajoutant diverses infractions déjà prévues par le code de la défense ou créées par le projet de loi, lorsqu'elles sont en rapport avec une entreprise terroriste.

Les infractions existantes qui pourront désormais entrer dans le champ des actes terroristes sont les suivantes :

- l'importation, l'exportation, l'élaboration, la détention, le transfert, l'utilisation et le transport sans autorisation de matières nucléaires (1° de l'article 1333-9) ;

- l'abandon ou la dispersion de matières nucléaires (3° de l'article 1333-9) ;

- la détention, le transfert, l'utilisation et le transport de certaines matières nucléaires hors du territoire de la République, sans autorisation des autorités étrangères compétentes (article L. 1333-11).

Les infractions créées par le projet de loi et susceptibles d'entrer dans le champ des actes terroristes sont pour leur part les suivantes :

- la provocation, l'encouragement ou l'incitation à commettre les infractions relatives aux matières nucléaires (articles L. 1333-13-2 et L. 1333-13-6) ;

- les infractions relatives aux vecteurs d'armes de destruction massive (articles L. 2339-14 et L. 2339-16) ;

- la provocation à commettre des infractions en matière biologique (article L. 2341-5).

Enfin, le projet de loi prévoyant de compléter certains articles du code de la défense déjà visés par l'article 421-1 du code pénal, cela aura pour conséquence de créer de nouvelles infractions terroristes :

- le transport, l'importation, l'exportation, le commerce et le courtage en matière d'armes biologiques ou à base de toxines ;

- les infractions en matière d'armes chimiques et de produits chimiques interdits prévues par l'article L. 2342-60 du code de la défense lorsqu'elles sont commises en bande organisée.

Votre commission a adopté l'article 17 sans modification.

TITRE VI - DISPOSITIONS DIVERSES

Article 18 (art. 689-4 du code de procédure pénale) - Codification

L'Assemblée nationale a supprimé l'article 18 qui visait à remplacer, dans l'article 689-4 du code de procédure pénale, une référence à la loi n° 80-572 du 25 juillet 1980 sur la protection et le contrôle des matières nucléaires par une référence aux dispositions correspondantes du code de la défense. Il apparaît que cette rectification de référence avait déjà été effectuée par l'ordonnance n°2004-1374 du 20 décembre 2004 relative à la partie législative du code de la défense.

Votre commission a maintenu la suppression de l'article 18.

Article 19 (art. L. 2339-2 et 2342-18 du code de la défense) - Régime de déclaration de certaines installations chimiques

L'article 19 procède en premier lieu à une précision rédactionnelle à l'article L. 2239-2 du code de la défense relatif à la répression des infractions concernant la fabrication ou le commerce des matériels de guerre.

Par ailleurs, il supprime la disposition de l'article L. 2342-18 qui dispensait de déclaration les installations fabriquant des produits chimiques organiques contenant des substances dont la concentration était inférieure à des taux déterminés.

Votre commission a adopté l'article 19 sans modification.

Article 20
Application outre-mer

L'article 20 pose le principe de l'application de la future loi sur l'ensemble du territoire de la République, à l'exception de l'article 14 relatif aux biens à double usage.

S'agissant des biens à double usage, il transpose les nouvelles peines instaurées en matière de contrebande ou exportation sans déclaration dans les codes des douanes des différentes collectivités d'outre-mer (code des douanes de Mayotte, code des douanes applicable à Wallis-et-Futuna, à Saint-Pierre-et-Miquelon et en Nouvelle-Calédonie, code des douanes applicable en Polynésie française).

Enfin, il rend applicable dans ces mêmes collectivités d'outre-mer la procédure pénale particulière prévue par l'article 706-141 du code de procédure pénale en cas d'infraction sur les biens à double usage.

Votre commission a adopté l'article 20 sans modification.


* 3 Cette liste comporte dix catégories : matières, installations et équipements nucléaires ; matériaux, produits chimiques, « micro-organismes » et « toxines » ; traitement des matériaux ; électronique ; calculateurs ; télécommunications et « sécurité de l'information » ; capteurs et « lasers » ; navigation et aéro-électronique ; marine ; systèmes de propulsion, véhicules spatiaux et équipements connexes.

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