Rapport n° 232 (2010-2011) de Mme Anne-Marie PAYET , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 19 janvier 2011

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N° 232

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 janvier 2011

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur la proposition de loi de M. Nicolas ABOUT, Mme Muguette DINI, M. Jean-Marie VANLERENBERGHE, Mme Anne-Marie PAYET, M. Adrien GIRAUD et les membres du groupe de l'Union centriste relative à l' organisation de la médecine du travail ,

Par Mme Anne-Marie PAYET,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Muguette Dini , présidente ; Mme Isabelle Debré, M. Gilbert Barbier, Mmes Annie David, Annie Jarraud-Vergnolle, Raymonde Le Texier, Catherine Procaccia, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe , Alain Milon , vice - présidents ; MM. Nicolas About, François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Gisèle Printz, Patricia Schillinger , secrétaires ; M. Alain Vasselle, rapporteur général ; Mmes Jacqueline Alquier, Brigitte Bout, Claire-Lise Campion, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Yves Daudigny, Mme Christiane Demontès, M. Gérard Dériot, Mme Catherine Deroche, M. Jean Desessard, Mme Sylvie Desmarescaux, M. Guy Fischer, Mme Samia Ghali, MM. Bruno Gilles, Jacques Gillot, Adrien Giraud, Mme Colette Giudicelli, MM. Jean-Pierre Godefroy, Alain Gournac, Mmes Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, M. Claude Jeannerot, Mme Christiane Kammermann, MM. Ronan Kerdraon, Marc Laménie, Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Jacky Le Menn, Mme Valérie Létard, MM. Jean-Louis Lorrain, Alain Milon, Mmes Isabelle Pasquet, Anne-Marie Payet, M. Louis Pinton, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente-Baudrin, MM. René Teulade, François Vendasi, André Villiers.

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

106 et 233 (2010-2011)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Il y a quelques mois, le Parlement adoptait une importante réforme de l'organisation de la santé au travail dans le cadre du projet de loi portant réforme des retraites. Le 9 novembre 2010, le Conseil constitutionnel a annulé ces dispositions, considérant qu'elles n'avaient pas de lien, même indirect, avec le texte dans lequel elles avaient été insérées 1 ( * ) .

Aussitôt après la publication de la loi, Nicolas About et les membres du groupe UC ont déposé une proposition de loi reprenant, sans les modifier, les articles annulés du projet de loi portant réforme des retraites.

La réforme de la médecine du travail est en préparation depuis trois ans. De nombreux travaux ont démontré la nécessité de parachever les évolutions engagées depuis le début des années 2000 pour adapter la médecine du travail à l'évolution de l'économie et des formes d'emploi. Le vieillissement de la population, le développement des emplois précaires justifient en particulier des adaptations de l'organisation de la santé au travail afin que les services de santé au travail deviennent les acteurs principaux d'un dispositif de traçabilité des risques professionnels, non pour simplement constater les atteintes à la santé mais pour stimuler la prévention et les actions correctrices.

Dans un contexte caractérisé par une crise démographique de la médecine du travail, la mise en oeuvre de cette réforme doit désormais intervenir rapidement, afin de moderniser le fonctionnement des services de santé au travail tout en redonnant de l'attractivité à une médecine du travail dont le rôle est plus indispensable que jamais.

I. LA MUTATION INACHEVÉE DE LA MÉDECINE DU TRAVAIL

A. DE LA MÉDECINE DU TRAVAIL À LA SANTÉ AU TRAVAIL

1. La loi fondatrice du 11 octobre 1946

La médecine du travail trouve son origine dans le développement industriel intervenu au dix-neuvième siècle, qui s'est accompagné de la revendication d'une meilleure protection de l'intégrité et de la santé des travailleurs. Ainsi, plusieurs textes législatifs et réglementaires de la fin du siècle font référence à la nécessité d'un avis médical pour l'exercice de certaines activités, en particulier la loi du 12 juin 1893 sur l'hygiène et la sécurité des travailleurs.

En outre, après l'adoption de la loi du 9 avril 1898, qui a organisé la réparation des accidents du travail, des sociétés d'assurance ont encouragé les employeurs à créer des dispensaires.

La Première Guerre mondiale a accéléré le développement de la médecine du travail, dans la mesure où les médecins d'usine ont joué un rôle essentiel pour faire face aux impératifs de la production de guerre alors qu'une population inexpérimentée remplaçait dans les usines les ouvriers partis au front.

En 1939, a été créé un diplôme d'hygiène industrielle et de médecine du travail. Enfin, la médecine du travail est devenue obligatoire avec le régime de Vichy en 1942 pour les établissements occupant au moins cinquante salariés.

Mais les bases de l'organisation actuelle de la médecine du travail ont été posées par la loi du 11 octobre 1946 relative à l'organisation des services médicaux du travail .

Son article premier apporte une définition de la mission des médecins du travail qui demeure celle que retient encore le code du travail :

« Les établissements énumérés à l'article 65 du livre II du code du travail, ainsi que les offices publics et ministériels, les établissements relevant de professions libérales, les sociétés civiles, les syndicats professionnels et les associations de quelque nature que ce soit occupant des salariés devront organiser des services médicaux du travail.

« Ces services seront assurés par un ou plusieurs médecins qui prennent le nom de « médecins du travail » et dont le rôle exclusivement préventif consiste à éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail, notamment en surveillant les conditions d'hygiène du travail, les risques de contagion et l'état de santé des travailleurs ».

La loi de 1946 pose ainsi les principes fondamentaux de l'organisation de la médecine du travail en France :

- caractère obligatoire et financement par les employeurs ;

- orientation exclusivement préventive de l'action médicale en milieu du travail ;

- indépendance technique et respect de la déontologie médicale ;

- spécialisation des médecins du travail.

Par la suite, de nouveaux textes sont venus enrichir ces dispositions sans les remettre en cause. Ainsi, un décret de 1969 a prévu l'obligation pour le médecin du travail de passer un tiers de son temps sur les lieux de travail.

2. Crise et réformes

Régulièrement critiquée depuis les années 70, la médecine du travail a fait l'objet d'une véritable remise en cause à la fin des années 90 sous l'effet de plusieurs phénomènes rappelés dans le rapport établi en 2007 par les professeurs Françoise Conso et Paul Frimat, ainsi que par l'inspection générale des affaires sociales (Igas) et l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche 2 ( * ) :

- la forte augmentation des maladies professionnelles , liée certes à une amélioration des taux de déclaration mais également au développement de certaines affections, qu'il s'agisse de l'émergence, après plusieurs décennies de latence, de pathologies à risques différés, de la multiplication des troubles musculo-squelettiques ou de ceux liés au stress ;

- la désaffection pour le métier de médecin du travail , qui traduit l'image dévalorisée d'une profession méconnue ;

- l'inapplication de la loi relevée par les rapports de l'Igas : services fonctionnant sans agrément, action en milieu du travail inférieure au « tiers temps » réglementaire...

Surtout, le drame de l'amiante est venu mettre en lumière les carences d'un système qui n'a pas su empêcher une catastrophe sanitaire majeure.

Parallèlement à cette remise en cause, le droit communautaire est venu encourager la réforme de l'organisation de la médecine du travail. La directive européenne du 12 juin 1989 sur la santé et la sécurité au travail a en effet introduit une approche de prévention primaire nouvelle par rapport au dispositif français. L'apport de la directive au droit français tient en deux points essentiels :

- elle introduit l' évaluation a priori des risques qui devient un élément essentiel de la prévention dans l'entreprise. Ainsi, l'employeur « doit disposer d'une évaluation des risques pour la sécurité et la santé au travail » ;

- l'article 7 de la directive prévoit que l'employeur fait appel aux compétences nécessaires pour assurer les activités de prévention des risques professionnels dans l'entreprise . Cette disposition constitue la base à partir de laquelle sera introduite la notion de pluridisciplinarité, la prévention des risques professionnels supposant la mobilisation de savoirs très divers qui dépassent le cadre médical : toxicologie, psychologie, ergonomie...

Dans ces conditions, la médecine du travail a connu d'importantes évolutions au début des années 2000.

En 2002, la loi de modernisation sociale 3 ( * ) a apporté plusieurs modifications au dispositif en vigueur :

- la protection statutaire des médecins du travail a été renforcée, notamment en conditionnant un éventuel licenciement à l'autorisation de l'inspection du travail ;

- pour faire face - déjà - à la crise démographique, une procédure de reconversion des médecins généralistes ou exerçant d'autres spécialités a été créée ;

- les services médicaux du travail ont été renommés « services de santé au travail » et ils font appel à des ressources spécialisées afin d'assurer la mise en oeuvre des compétences médicales, techniques et d'organisation nécessaires à la prévention des risques professionnels et à l'amélioration des conditions de travail.

Un arrêté du ministre du travail en date du 24 décembre 2003 4 ( * ) a évoqué précisément dans son titre « une obligation de pluridisciplinarité » pour décrire l'interaction nécessaire entre les services de santé au travail et les intervenants extérieurs.

Enfin, un décret du 28 juillet 2004 5 ( * ) a précisé les missions des médecins du travail en renforçant leur activité de prévention sur le milieu du travail et en redéfinissant leur charge maximale de travail afin de leur permettre de remplir leurs missions. Ce décret a en outre modifié les règles de constitution des services de santé au travail et a porté de douze à vingt-quatre mois la périodicité des examens médicaux dont doivent bénéficier les salariés, sauf si ces examens sont pratiqués dans le cadre de la surveillance médicale renforcée.

3. Quelques données chiffrées sur la santé au travail : une démographie médicale préoccupante

Au 1 er janvier 2009, la population surveillée par la médecine du travail s'élevait à 15 956 000 salariés, en augmentation de près de 1 % par rapport à l'année précédente.

Évolution de l'effectif de salariés suivis par les services
de santé au travail

Année

Effectif (1)

1995

12 464 500

1996

12 789 400

2000

13 389 700

2002

14 501 600

2003

14 859 300

2004

15 062 400

2005

15 091 000

2006

15 301 000

2007

15 540 600

2008

15 820 000

2009

15 956 000

(1) Chiffres arrondis à la centaine la plus proche.

Répartition des services de santé au travail par catégorie

Année

Total

Nombre de services de santé au travail

Total
services

Services autonomes
dont

services
inter-
entreprises

ETSE*

I-ETB**

UES***

1995

1 013

844

155

14

422

1 435

1998

928

747

143

4

400

1 327

2002

765

625

136

4

363

1 128

2003

748

616

126

6

348

1 096

2004

724

608

107

9

344

1 068

2005

723

598

112

13

332

1 055

2006

659

535

109

15

284

943

2007

654

522

117

15

328

982

2008

583

454

113

16

311

894

2009

649

300

949

* ETSE : services d'entreprises

** I-ETB : services interétablissements

*** UES : unité économique et sociale

Si le nombre de médecins du travail n'a connu qu'une faible diminution au cours des dernières années, pour s'établir à 6 874 en 2009, la situation n'en est pas moins préoccupante car plus de 21 % des médecins du travail ont soixante ans et plus, et 55 % cinquante-cinq ans et plus ; 4 000 médecins auront atteint ou dépassé l'âge légal de départ à la retraite d'ici cinq ans, et plus de 5 600 à l'horizon de dix ans, soit près de 80 % de la population totale des médecins du travail.

Évolution des effectifs de médecins du travail
(contrats de travail)

Au 1 er janvier
de l'année

Temps plein

Temps partiel

Total

Nombre

%

Nombre

%

1988

2 677

45,5

2 949

52,5

5 626

1992

2 866

45,6

3 414

54,3

6 280

1994

2 871

45,3

3 466

54,7

6 337

1998

2 734

42,1

3 758

57,9

6 492

2002

3 191

45,0

3 876

55,0

7 067

2003

3 295

46,5

3 788

53,5

7 083

2004

3 557

48,3

3 802

51,7

7 359

2005

3 540

48,3

3 741

51,7

7 331

2006

3 234

49,2

3 339

50,8

6 573

2007

3 397

48,6

3 596

51,4

6 993

2008 (1)

3 410

48,8

5 583

51,2

6 999

2009

3 222

46,9

3 652

53,1

6 874

(1) Chiffres corrigés après consolidation.

Source : Conditions de travail - Bilan 2009, ministère
du travail, de la solidarité et de la fonction publique

B. DE NOUVELLES ÉVOLUTIONS NÉCESSAIRES

Peu de temps après les réformes des années 2002-2004, la nécessité de nouvelles évolutions de l'organisation de la santé au travail s'est imposée parmi les professionnels concernés pour tenir compte de l'évolution de l'économie et des formes d'emploi en poursuivant le renforcement des actions de prévention des services de santé au travail et en approfondissant le développement de la pluridisciplinarité au sein de ces services dans un contexte de crise démographique de la médecine du travail.

En octobre 2007, le rapport Conso-Frimat précité 6 ( * ) a fait le constat du caractère inachevé des réformes entreprises jusqu'à cette date.

Comme l'indique l'introduction de ce rapport, « la mission est ainsi parvenue à la conclusion que si la réforme a permis d'engager une dynamique nouvelle, la mutation de la médecine du travail n'est pas achevée. A bien des égards, les logiques formelles, procédurales, continuent à prévaloir. A contrario, les ressources, au premier rang desquelles les effectifs de médecins du travail, les connaissances, les outils aussi bien techniques que juridiques, le pilotage stratégique, sont insuffisants pour faire de la médecine du travail l'acteur d'une politique de santé au travail, c'est-à-dire d'une action collective ayant pour objet d'éviter l'altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail ».

La mission a formulé de nombreuses propositions parmi lesquelles :

- donner une définition législative des missions des services de santé au travail , centrée sur la prévention ;

- élaborer pour chaque entreprise un plan pluriannuel de santé au travail ;

- adapter la fiche d'entreprises aux petites et très petites entreprises ;

- organiser le suivi des recommandations du médecin du travail en imposant à l'employeur d'indiquer par écrit les suites données aux observations du médecin du travail ou les raisons pour lesquelles il n'a pas donné suite ;

- transformer la procédure d'aptitude systématique en une procédure ciblée de prévention des inaptitudes ;

- substituer à la surveillance médicale renforcée une prestation renforcée de santé au travail à visée préventive ;

- améliorer la traçabilité des expositions par la mise en place d'un dossier médical personnalisé au travail ;

- reconnaître formellement la notion d'équipe de santé au travail placée sous la responsabilité d'un médecin du travail ;

- former les médecins du travail au nouveau mode d'exercice de la santé au travail en enrichissant le contenu de la formation initiale et en adaptant la formation continue ;

- engager une action urgente pour redresser les flux de sortie de médecins du travail en formation initiale en relevant le nombre de places ouvertes en médecine du travail aux épreuves classantes nationales et en promouvant cette spécialité auprès des étudiants en médecine ;

- aménager une voie pérenne d'accès au DES de médecine du travail pour les médecins en activité ;

- favoriser le développement de nouveaux métiers pour appuyer et compléter l'action du médecin du travail.

En avril 2010, un nouveau rapport plus particulièrement consacré à la formation des professionnels de la santé au travail et à l'attractivité de ses métiers a été remis aux ministres compétents. Ce rapport, intitulé « La santé au travail - Vision nouvelle et professions d'avenir » 7 ( * ) , dresse un tableau très sombre de la situation de la médecine du travail en termes de démographie :

« La médecine du travail est en danger. D'ici cinq ans, si rien n'est fait pour aider les professionnels de la santé au travail à anticiper les départs à la retraite des praticiens et des enseignants hospitalo-universitaires, ce dispositif unique au monde, qui concerne en France près de seize millions de salariés, pourrait s'éteindre, faute d'expertise et de perspectives. La discipline est en crise. Elle est depuis longtemps jugée peu attractive, et aujourd'hui les étudiants en médecine s'interrogent sur son avenir. Les médecins du travail, qui pâtissent d'une image sociale peu flatteuse, désespèrent d'un métier dont ils connaissent pourtant les atouts et mesurent les potentialités. Déjà confrontés à l'impossibilité de remplir l'ensemble des missions que leur a confié le code du travail, certains ne reconnaissent pas le métier qu'ils ont choisi dans ce qu'ils vivent ou ne se reconnaissent pas dans les évolutions annoncées. Beaucoup se sentent atteints dans leur conscience professionnelle de ne pas pouvoir consacrer le temps qui leur paraît nécessaire aux salariés qui en ont le plus besoin ».

Face à ce constat, les auteurs du rapport ont formulé des propositions organisées autour de huit préoccupations essentielles :

- une approche intégrée pour un travail d'équipe : il s'agit de favoriser la formation d'une culture interdisciplinaire et d'une communauté d'objectifs partagée entre les professionnels travaillant dans les services de santé au travail pour éviter que la pluridisciplinarité ne se réduise à une juxtaposition des compétences ;

- le besoin d'ouvrir la perspective d'une deuxième carrière aux médecins souhaitant se reconvertir et exercer la spécialité de la médecine du travail ;

- un effort en profondeur pour redynamiser la recherche et reconstituer le vivier des enseignants hospitalo-universitaires ;

- une formation initiale des professionnels de santé adaptée aux nouvelles missions ;

- la volonté de faire connaître et valoriser la médecine du travail en tant que discipline médicale ;

- le souci de valoriser l'action des services de santé au travail et d'affirmer les prérogatives du médecin du travail. Il s'agit en particulier de renforcer les prérogatives du médecin du travail en élevant au rang d'une obligation une réponse motivée écrite de l'employeur qui ne prend pas en considération les recommandations ou les préconisations du médecin du travail après le constat dûment établi d'un risque patent ou persistant ;

- la nécessité de faire évoluer les mentalités , notamment pour sensibiliser les employeurs au fait que de bonnes conditions de travail et une bonne santé au travail sont de réels investissements qui ont un effet sur les performances et l'image de l'entreprise, et encourager les entreprises à mettre en place avec les services de santé des plans d'action en faveur de la santé et du mieux-être en entreprise ;

- la prise en main du changement par les acteurs locaux .

II. UNE RÉFORME URGENTE

A. UN TEXTE EN PRÉPARATION DEPUIS LONGTEMPS

Dès 2008, le ministre du travail a saisi les partenaires sociaux d'un document d'orientation, sur la base duquel des négociations se sont déroulées jusqu'en septembre 2009, date à laquelle un protocole d'accord a été établi, mais n'a pu recueillir l'assentiment des organisations syndicales.

A la suite de cet échec, mais dans la continuité du travail engagé par les partenaires sociaux, Xavier Darcos, alors ministre du travail, a présenté les principaux axes de la réforme de la santé au travail au conseil d'orientation sur les conditions de travail (Coct) le 4 décembre 2009. Ces orientations ont été confirmées et précisées par Eric Woerth, devenu ministre du travail, lors de la réunion du Coct du 11 mai 2010.

Lors de son audition le 2 juin 2010 par la mission d'information sur le mal-être au travail de la commission des affaires sociales 8 ( * ) , le ministre a indiqué aux sénateurs les principales orientations de la réforme :

- généraliser les équipes pluridisciplinaires , coordonnées par le médecin du travail, associant des spécialistes et des techniciens ;

- mieux couvrir tous les salariés , notamment les intérimaires ;

- tenir compte de la démographie médicale , 75 % des médecins du travail ayant plus de cinquante ans ;

- mieux prévenir la désinsertion professionnelle en cas d'inaptitude ; les salariés déclarés inaptes à leur poste de travail doivent pouvoir se reconvertir, par exemple grâce à un tutorat.

Dès cette audition, le ministre avait jugé souhaitable que la réforme renforce l'indépendance des médecins du travail.

Introduite par un amendement du Gouvernement au projet de loi portant réforme des retraites lors de son examen par l'Assemblée nationale, la réforme a été complétée et modifiée par des amendements d'origine parlementaire, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat.

Elle a donné lieu à des débats approfondis, le Sénat y consacrant en particulier près de deux journées de débat.

Cependant, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 9 novembre 2010, a annulé les articles consacrés à la médecine du travail en considérant qu'ils n'avaient pas de lien, même indirect, avec le projet de loi.

B. LA PROPOSITION DE LOI SOUMISE AU SÉNAT

La proposition de loi soumise à l'examen du Sénat reprend intégralement le contenu des articles annulés par le Conseil constitutionnel.

La réforme engagée tend à adapter et à moderniser les dispositions relatives à la santé au travail, en prenant en compte les négociations entre les partenaires sociaux qui se sont déroulées en 2009 ainsi que les différents rapports établis sur ce sujet, sans remettre en cause les principes fondamentaux sur lesquels elle repose.

Dans son article premier , la proposition énonce pour la première fois les missions confiées aux services de santé au travail . Jusqu'à présent, le code du travail ne confie de missions qu'aux seuls médecins du travail.

De manière cohérente avec la mission confiée par la loi du 11 octobre 1946, la proposition de loi prévoit que « les services de santé au travail ont pour mission exclusive d'éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail ». A cette fin, ces services sont chargés de :

- conduire des actions en vue de la préservation de la santé physique et mentale des travailleurs ;

- fournir des conseils pour éviter ou diminuer les risques professionnels, améliorer les conditions de travail, prévenir ou réduire la pénibilité et contribuer au maintien dans l'emploi ;

- surveiller l'état de santé des travailleurs ;

- contribuer à la traçabilité des expositions professionnelles et à la veille sanitaire.

Par ailleurs, la proposition de loi conforte la pluridisciplinarité dans les services de santé au travail interentreprises en prévoyant explicitement que, dans ces services, les missions sont assurées par une équipe pluridisciplinaire comprenant des médecins du travail, des intervenants en prévention des risques professionnels (IPRP) et des infirmiers, auxquels viennent éventuellement s'ajouter des assistants et des professionnels recrutés après avis des médecins du travail. Le texte précise que les médecins du travail « animent l'équipe pluridisciplinaire ».

Par ailleurs, les services de santé au travail interentreprises devront, selon les termes de l' article 4 de la proposition de loi, élaborer, au sein d'une commission de projet, un projet de service pluriannuel qui définira les priorités d'action.

L' article 2 marque une évolution importante dans la prise en compte des observations formulées par le médecin du travail . Actuellement, le code du travail habilite le médecin du travail à proposer des mesures individuelles justifiées par des considérations relatives à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique ou mentale des travailleurs. L'employeur est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite.

Plusieurs rapports ont souligné les limites de ces dispositions qui n'obligent l'employeur à répondre que sur les mesures individuelles proposées par les médecins du travail.

Désormais, lorsque le médecin du travail constatera la présence d'un risque pour la santé des travailleurs, il proposera par un écrit motivé et circonstancié des mesures visant à la préserver. L'employeur devra prendre ces propositions en considération et, en cas de refus, faire connaître par écrit les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite . Cet échange sera tenu, à leur demande, à la disposition de l'inspection du travail et des caisses de sécurité sociale.

L' article 3 modifie substantiellement les règles relatives à la gouvernance des services de santé au travail interentreprises. Actuellement, la partie réglementaire du code du travail prévoit que des membres représentants des salariés des entreprises adhérentes composent le tiers du conseil d'administration des services interentreprises.

Désormais, le conseil d'administration sera composé à parts égales de représentants des employeurs et des salariés . Les représentants des employeurs seront désignés par les entreprises adhérentes, tandis que les représentants des salariés le seront par les organisations syndicales représentatives.

Le président du conseil sera élu parmi les représentants des employeurs et aura une voix prépondérante en cas de partage. Le vice-président du conseil sera élu parmi les représentants des salariés.

Par ailleurs, le directeur du service de santé au travail interentreprises sera chargé de mettre en oeuvre, en lien avec l'équipe pluridisciplinaire et sous l'autorité du président, les actions approuvées par le conseil d'administration dans le cadre du projet pluriannuel ( article 9 ).

Afin d'apporter une réponse à la crise démographique que traverse actuellement la médecine du travail, l' article 8 de la proposition de loi permet aux services de santé au travail de recruter à titre temporaire des internes en voie de spécialisation en médecine du travail.

Les autres dispositions de la proposition de loi ont pour objet de :

- prévoir la possibilité de dérogations par accord collectif de banche étendu en matière d'organisation et de suivi de la santé au travail pour quatre professions peu couvertes par le système actuel de santé au travail en raison de leurs spécificités : les artistes et techniciens intermittents du spectacle, les mannequins, les salariés du particulier employeur et les voyageurs, représentants et placiers ( article 6 ) ;

- prévoir la possibilité de dérogations par voie réglementaire aux modalités d'organisation et de suivi de la santé au travail pour plusieurs professions ne disposant pas de représentation spécifique au niveau des branches : salariés temporaires, stagiaires de la formation professionnelle, travailleurs saisonniers... ( article 10 ) ;

- adapter la gouvernance des services de santé au travail dans le secteur agricole ( articles 11 et 13 ).

C. LE TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION : CONFORTER LA PROPOSITION DE LOI

La commission des affaires sociales approuve la proposition de loi qui lui est soumise. La réforme des services de santé au travail est jugée indispensable par l'ensemble des personnes qui la mettent en oeuvre.

La proposition contient des avancées importantes, qu'il s'agisse de la définition pour la première fois des missions des services de santé au travail, du renforcement de la prise en compte des avis rendus par les médecins du travail ou de la transformation de la gouvernance des services de santé au travail interentreprises pour lui donner un caractère paritaire.

Pour autant, son adoption ne marquera pas à elle seule l'achèvement de la réforme. Un grand nombre de dispositions relèvent en effet du domaine réglementaire ou d'autres textes. Ainsi, la proposition de loi devra être complétée par des mesures permettant de renforcer l'attractivité de la médecine du travail qui connaît, depuis plusieurs années, une grave crise démographique.

La commission a souhaité conforter la proposition de loi en renforçant les garanties d'indépendance reconnues aux médecins du travail et en simplifiant certaines dispositions du texte.

A l'initiative de Bruno Gilles, elle a adopté un amendement prévoyant que les missions des services de santé au travail sont assurées « par les médecins du travail et une équipe pluridisciplinaire » et précisant que « les médecins du travail coordonnent l'équipe pluridisciplinaire et prescrivent ses interventions ».

A l'initiative de son rapporteur, elle a adopté vingt amendements tendant notamment à :

- renforcer les garanties d'indépendance reconnues aux médecins du travail en les assimilant à des salariés protégés en cas de rupture conventionnelle, de rupture anticipée ou d'arrivée à son terme du contrat de travail à durée déterminée, de transfert d'un service de santé à un autre. Dans ces différents cas, la décision sera soumise à l'autorisation de l'inspecteur du travail, après avis du médecin inspecteur du travail ;

- donner une base législative à la commission médico-technique des services de santé au travail interentreprises, chargée de formuler des propositions relatives aux priorités du service, tout en lui confiant le soin d'élaborer le projet de service pluriannuel pour éviter de créer une nouvelle commission de projet ;

- donner une base législative au comité interentreprises et à la commission de contrôle chargés de surveiller l'organisation et la gestion du service de santé au travail. Il convient de rappeler que la commission de contrôle est composée aux deux tiers de représentants des salariés. Jusqu'à présent, cette composition était liée au fait que le conseil d'administration était pour sa part composée d'un tiers de représentants des salariés et de deux tiers de représentants des employeurs. Avec l'introduction du paritarisme au sein du conseil d'administration, le maintien de la commission de contrôle constitue un élément particulièrement favorable au contrôle de l'action des services de santé au travail par les représentants des salariés.

Par ailleurs, la commission a estimé indispensable de faire figurer parmi les missions des services de santé au travail la prévention de la consommation d'alcool ou de drogues sur le lieu de travail . Trop souvent encore, ces questions demeurent taboues au sein des entreprises comme en témoigne le rapport de la mission Chabalier : Alcoolisme : le parler vrai, le parler simple 9 ( * ) . Les services de santé au travail peuvent contribuer à faire changer cet état de fait.

Extrait du rapport de la mission d'Hervé Chabalier
sur la prévention et la lutte contre l'alcoolisme

« L'alcool, tout le monde connaît, tout le monde en parle, mais le risque alcool, l'a-t-on mesuré ? En a-t-on au moins conscience ? A entendre l'assourdissant silence qui entoure la question, on peut sans grand danger de se tromper penser que non. Qui parle de la baisse des performances, intellectuelles ou physiques, de l'altération des relations interpersonnelles, des violents passages à l'acte, de la potentialisation avec les médicaments, des accidents de machines aux « raisons inconnues » (quand vous ne connaissez pas la cause, cherchez l'alcool, disait un gastroentérologue à ses étudiants : l'alcoologue d'entreprise peut reprendre la formule à son compte), sans parler des maladies somatiques proprement dites et, bien sûr, de la dépendance ? L'on sait pourtant par exemple que l'alcool déclenche et accélère, chez les conducteurs de véhicules ou d'engins, la perte des facultés psychomotrices et sensorielles requises au travail : vigilance, réflexes, appréciation des distances, champ visuel, sensibilité à l'éblouissement. Et ce, bien avant même d'avoir dépassé le taux légal. On n'ignore plus maintenant, comme le souligne Jean-Paul Jeannin 1 que « le risque alcool s'élève rapidement, même à faible taux d'alcoolémie, alors même que notre organisation sociale et professionnelle exige de plus en plus de capacités d'apprentissage, de capacités d'adaptation rapide aux techniques nouvelles, de capacités de mémorisation et un fort degré d'abstraction ». Allez demander tout ça, ou ne serait-ce qu'une partie, à un cadre qui sort d'un confortable repas d'affaires.

« Le risque est le même pour tous, la gestion du risque doit être la même pour tous. Plus que par la répression, qui garde son rôle sous la forme de rappel permanent de la règle et des conséquences de sa transgression, la gestion passe par un processus de conscientisation de l'ensemble du collectif du travail à tous les niveaux hiérarchiques, chaque niveau se répartissant les rôles, dans une certaine mesure.

« Ainsi, ce sera à la direction, par ailleurs détentrice de la loi et de son application, au management, d'affirmer une politique claire et surtout cohérente de l'entreprise dont les pratiques des dirigeants ne démentiront pas les déclarations d'intention et les contraintes imposées aux salariés.

« Ce sera au pôle médico-psycho-social d'organiser l'aide, les soins et l'accompagnement des personnes en difficulté directe avec l'alcool. Ce sera enfin, idéalement, dans le registre de la prévention, aux personnes dûment mandatées et constituées en groupe de réflexion et d'action de communiquer sur les facteurs de risque.

« Les outils ne manquent pas pour donner à chacun de ces intervenants les moyens de sa politique. Des textes de loi, des règlements intérieurs, du temps, de la stratégie, de la méthode, mais, surtout, de la formation. Le risque alcool, sa gestion, ça ne s'invente pas. Aucun des acteurs de l'entreprise, y compris, la plupart du temps, le médecin du travail, ne possède cette formation qui conjugue l'alcoologie et les indispensables capacités relationnelles d'écoute. Il reste aux entreprises à entendre ce discours, à accepter d'aborder la question. Pour les encourager, on serait tenté de leur suggérer de reprendre leurs comptes annuels en y introduisant un paramètre correcteur : celui du risque alcool en entreprise. »

1 Gérer le risque alcool au travail, Chronique sociale, 2003 .

*

* *

Réunie le 19 janvier 2011, la commission a adopté la proposition de loi dans la rédaction résultant de ses délibérations.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er (art. L. 4622-2 et L. 4622-4 ; art. L. 4622-8 à L. 4622-10 [nouveaux] ; art. L. 4622-15 [nouveau] ; art. L. 4624-3 [nouveau] ; art. L. 4644-1 [nouveau] du code du travail) - Missions et organisation des services de santé au travail

Objet : Cet article définit les missions des services de santé au travail et réforme leur organisation.

I - Le dispositif proposé

1) Le droit en vigueur

La loi n° 46-2195 du 11 octobre 1946 relative à l'organisation des services médicaux du travail a créé l'obligation, pour un certain nombre d'entreprises, de créer des « services médicaux du travail », assurés par des médecins qui prennent le nom de « médecins du travail » et dont « le rôle exclusivement préventif consiste à éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail, notamment en surveillant les conditions d'hygiène du travail, les risques de contagion et l'état de santé des travailleurs ».

En 2002, la loi de modernisation sociale 10 ( * ) en a engagé la réforme :

- la protection statutaire des médecins du travail a été renforcée, notamment en conditionnant un éventuel licenciement à l'autorisation de l'inspection du travail ;

- pour faire face - déjà - à la crise démographique, une procédure de reconversion des médecins généralistes ou exerçant d'autres spécialités a été créée ;

- les services médicaux du travail ont été renommés « services de santé au travail » et ils font appel à des ressources spécialisées afin d'assurer la mise en oeuvre des compétences médicales, techniques et d'organisation nécessaires à la prévention des risques professionnels et à l'amélioration des conditions de travail.

Cette dernière modification reflète la place croissante des professions non médicales dans la prévention des risques de santé au travail. En effet, si les professions paramédicales, au premier rang desquelles les infirmiers, jouent un rôle ancien auprès des médecins du travail, depuis les années soixante-dix de nombreuses autres professions ont également été sollicitées pour agir au sein des entreprises : il peut s'agir de psychologues, d'assistants sociaux, d'ergonomes, mais aussi de professionnels plus spécialisés en fonction des différents secteurs d'activité économique concernés et des risques inhérents (exposition au bruit, aux rayonnements ionisants, à des produits chimiques ou nucléaires...). Leur rôle en matière de prévention des risques professionnels a été consacré par la directive européenne du 12 juin 1989 11 ( * ) concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail.

Un arrêté du ministre du travail en date du 24 décembre 2003 12 ( * ) évoque précisément dans son titre « une obligation de pluridisciplinarité » pour décrire l'interaction nécessaire entre les services de santé au travail et les intervenants extérieurs.

Services de santé autonomes ou services de santé interentreprises

Les articles D. 4622-1 et suivants du code du travail prévoient deux formes d'organisation pour les services de santé au travail.

Les services dits « autonomes » , qu'ils soient d'entreprise, d'établissement, interétablissements (en cas de pluralité d'établissements) ou commun aux entreprises constituant une unité économique et sociale.

Ces services sont internes à une entreprise ou à un regroupement d'entreprises d'une même zone géographique. Ils sont administrés par l'employeur sous la surveillance du comité d'entreprise ou du comité d'établissement.

La mise en place d'un service de santé d'entreprise ou d'établissement est obligatoire lorsque l'effectif de salariés concernés est supérieur à 2 200 ou que le nombre d'examens médicaux pratiqués est supérieur à 2 134. Il peut être mis en place dès 412,5 salariés ou 401 examens.

Un service de santé interétablissements peut être créé entre plusieurs établissements d'une même entreprise lorsque le nombre de salariés concernés dépasse 412,5 ou le nombre d'examens 401.

Un service de santé commun à des entreprises distinctes constituant une unité économique et sociale peut être créé lorsque le nombre de salariés dépasse 1 650 ou le nombre d'examen 1 600.

Les services interentreprises.

Organismes à but non lucratif , ils ont pour objet exclusif la pratique de la médecine du travail. Ils sont structurés en un ou plusieurs secteurs géographiques et parfois professionnels. Ils sont administrés par un président , sous la surveillance d'un comité interentreprises ou d'une commission de contrôle, où les représentants des salariés sont majoritaires.

Les entreprises ou établissements qui ne relèvent pas d'un service de santé « autonome » organisent ou adhèrent à un service de santé interentreprises.

2) Le dispositif proposé pour approfondir la réforme de 2002

La définition des missions des services de santé au travail

Aujourd'hui, le code du travail ne confie des missions qu'aux seuls médecins du travail, dans les termes mêmes de la loi de 1946 ; l'article L. 4622-3 prévoit ainsi que « le rôle du médecin du travail est exclusivement préventif. Il consiste à éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail, notamment en surveillant leurs conditions d'hygiène au travail, les risques de contagion et leur état de santé ».

Le du paragraphe I propose une nouvelle rédaction de l'article L. 4622-2 afin d'attribuer spécifiquement des missions aux services de santé au travail et définir un cadre d'intervention commun à l'ensemble des acteurs, sans modifier les missions historiquement attribuées aux médecins du travail.

En cohérence avec la loi de 1946 et la mission confiée aux médecins du travail, cet article rappelle d'abord que « les services de santé au travail ont pour mission exclusive d'éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail ». Il décline ensuite cette mission selon quatre axes relatifs à la prévention des risques :

- conduire des actions en vue de la préservation de la santé physique et mentale des travailleurs ;

- fournir des conseils pour éviter ou diminuer les risques professionnels, améliorer les conditions de travail, prévenir ou réduire la pénibilité et contribuer au maintien dans l'emploi ;

- surveiller l'état de santé des travailleurs ;

- contribuer à la traçabilité des expositions professionnelles et à la veille sanitaire.

Le 1° modifie également l'article L. 4622-4 , qui avait permis, depuis 2002, le développement de la pluridisciplinarité en prévoyant que les services de santé au travail font appel à des compétences spécialisées dans différents domaines de la prévention et des conditions de travail. Cette notion sera dorénavant inscrite à d'autres endroits du code du travail et il ne semble pas utile de la laisser à cette place. Dans ces conditions, la nouvelle rédaction proposée pour cet article précise que les missions des services de santé « autonomes » sont exercées par les médecins du travail , qui agissent en toute indépendance et en coordination avec les employeurs, les membres du CHSCT ou les délégués du personnel et les intervenants en prévention des risques professionnels (IPRP). La mention des employeurs correspond à l'obligation de résultat qui leur incombe en matière de sécurité et de santé de leurs salariés.

Le renumérote, sans changement, l'article L. 4622-8 en L. 4622-15, en raison d'articles intercalés. Cet article prévoit notamment que des décrets déterminent les conditions d'organisation et de fonctionnement des services de santé au travail.

Les services de santé au travail interentreprises

Le propose une réforme ambitieuse des services interentreprises, fondée sur le développement de la pluridisciplinarité.

Ainsi, le nouvel article L. 4622-8 prévoit que, dans ces services, les missions sont assurées par une équipe pluridisciplinaire comprenant des médecins du travail, des IPRP et des infirmiers, auxquels viennent éventuellement s'ajouter des assistants et des professionnels recrutés après avis des médecins du travail. La place des médecins du travail reste naturellement centrale : il est précisé qu'ils « animent l'équipe pluridisciplinaire ».

Le nouvel article L. 4622-9 propose que les services interentreprises comprennent un service social ou coordonnent leurs actions avec celles des services sociaux du travail externes. L'existence d'un service social du travail dont la mission, définie par l'article L. 4631-2 du code du travail, est de « suivre et faciliter la vie personnelle des travailleurs [...] sur les lieux mêmes du travail » est obligatoire dans les établissements de plus de deux cent cinquante salariés (article L. 4631-1).

Le nouvel article L. 4622-10 crée les outils de coordination entre les services de santé au travail interentreprises et les différents acteurs publics compétents. Ainsi, sans préjudice de leurs missions générales, les missions de ces services seront précisées, en fonction des réalités locales, par un contrat d'objectifs et de moyens conclu avec l'Etat et les organismes de sécurité sociale concernés, après avis des organisations syndicales et patronales et des agences régionales de santé. Des actions conjointes ou complémentaires menées par ces divers organes peuvent également y être précisées.

Il ressort cependant des échanges entre le ministère du travail et votre rapporteur que ces contrats ne pourront pas faire obstacle à l'action des équipes des services de santé interentreprises sur des thématiques extérieures au champ de la convention. Ainsi, s'ils doivent permettre la mobilisation des équipes sur des sujets dont l'importance fait l'objet d'un constat partagé, ils ne pourront servir en aucune façon à restreindre l'action des services de santé au travail, qui resteront libres de prendre des initiatives.

Les actions et moyens des membres des équipes de santé au travail

Le modifie l'intitulé du chapitre IV du titre II du livre VI de la quatrième partie du code « Actions du médecin du travail » pour l'élargir : « Actions et moyens des membres des équipes de santé au travail ».

Le insère un nouvel article L. 4624-3 ; il prévoit que des décrets en Conseil d'Etat précisent les modalités d'action des personnels concourant aux services de santé au travail ainsi que les conditions d'application de l'article L. 4624-1, qui habilite le médecin du travail à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes de travail.

L'aide à l'employeur pour la gestion de la santé et de la sécurité au travail

Le insère, dans le titre du code relatif aux « institutions concourant à l'organisation de la prévention », un chapitre nouveau « Aide à l'employeur pour la gestion de la santé et de la sécurité au travail ». Il se compose d'un article unique L. 4644-1 , selon lequel l'employeur désigne un ou plusieurs salariés compétents pour s'occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels . En l'absence de compétences internes, l'employeur s'adresse aux IPRP du service de santé interentreprises auquel il adhère ou à des IPRP indépendants. Il peut également solliciter les organismes de sécurité sociale ou professionnels compétents en la matière.

Cet article conjugue des dispositions en vigueur, notamment celles de l'article L. 4622-4 actuel, et les pratiques existantes. Il est en effet usuel pour les employeurs de recruter des salariés pour leurs services de prévention internes, plus particulièrement dans les grandes entreprises, ou de faire appel aux compétences des IPRP des services interentreprises. Les garanties d'indépendance en matière de recrutement qui figurent également au sein du nouvel article sont reprises de l'article L. 4622-4 actuel.

Enfin, les modalités d'application de l'article seront déterminées par décret et l'article n'entrera en vigueur qu'à la date de publication de ces décrets.

Mesures transitoires pour les personnes habilitées comme IPRP

A l'origine de la reconnaissance de la pluridisciplinarité, l'article L. 4622-4 actuel prévoit la possibilité, pour les services de santé au travail, de recourir à des personnes aux compétences reconnues en matière de prévention des risques professionnels. La partie réglementaire du code du travail 13 ( * ) organise les missions, les conditions d'intervention et la procédure d'habilitation de ces intervenants en prévention des risques professionnels (IPRP).

Or, cette procédure d'habilitation, lourde, n'a pas permis le développement attendu de la profession : près de 4 300 personnes physiques ont été habilitées depuis 2004, dont 37 % travailleraient en service de santé interentreprises, 29 % au sein d'une entreprise et 26 % dans un cabinet conseil ou comme expert indépendant. Environ 250 personnes morales l'ont également été. Le nouvel article L. 4644-1 prévoit un « enregistrement » des IPRP auprès de l'autorité administrative ; la procédure sera précisée par voie réglementaire.

Le paragraphe II fixe en conséquence une période de transition, afin de ne pas pénaliser les personnes qui ont eu recours à la procédure d'habilitation avant la date d'entrée en vigueur de la présente loi : cette habilitation sera valide, au titre du nouvel enregistrement, pendant une période de trois ans à compter de la publication de la loi.

Fréquence des examens médicaux

Hormis les salariés faisant l'objet d'une surveillance médicale renforcée (personnes affectées à certains travaux, travailleurs handicapés, femmes enceintes...), tout salarié bénéficie 14 ( * ) :

- d'un examen médical avant l'embauche ou au plus tard avant l'expiration de la période d'essai, ainsi que d'un examen de reprise de travail après certaines absences ;

- d'examens périodiques. De 1946 au 1 er août 2004, le salarié devait, en théorie, bénéficier d'un examen annuel ; depuis 2004, la périodicité est passée à vingt-quatre mois ;

- d'un examen à sa demande ou à celle de son employeur.

Même modifiée depuis 2004 seulement, la régularité bisannuelle des examens périodiques ne semble pas toujours adaptée aux nouvelles conditions de travail. Par exemple, il serait certainement pertinent de la moduler selon le secteur d'activité ou le type de poste occupé. Dans l'attente d'une réflexion plus approfondie sur cette question, le paragraphe III fixe là aussi une période de transition : dix-huit mois après la publication de la loi, les clauses des accords collectifs comportant des obligations en matière d'examens médicaux différentes de celles prévues par le code seront caduques.

II - Le texte adopté par la commission

Consciente de la crise profonde de la médecine du travail en France, votre commission soutient la réforme de son organisation et l'approfondissement de ses missions.

Elle relève avec satisfaction que la mission spécifique des médecins du travail, fixée à l'article L. 4622-3, n'est pas modifiée par la proposition de loi. Il convient d'attribuer, en sus, des missions précises aux services de santé eux-mêmes, en raison de la nécessité d'élargir le champ des mesures à prendre pour améliorer les conditions de travail : il ne s'agit plus uniquement de surveiller l'hygiène au travail. La définition des actions des services de santé permet en conséquence d'apporter des précisions à même de répondre aux nouveaux enjeux de la santé au travail : santé mentale, pénibilité, maintien dans l'emploi, traçabilité des expositions professionnelles...

Naturellement, l'exercice des missions des services de santé au travail interentreprises par une équipe pluridisciplinaire , et non plus par les seuls médecins, constitue un changement majeur , mais il s'agit de prendre enfin en compte l'évolution de l'économie française et des maladies ou risques professionnels qu'on y rencontre dorénavant. Qui plus est, le temps médical doit être concentré sur les priorités et les personnes ou entreprises qui en ont le plus besoin. Il faut éviter le saupoudrage des interventions, que les médecins sont aujourd'hui obligés de pratiquer en raison de l'inadéquation des capacités humaines aux obligations légales. Enfin, pour « éviter l'altération de la santé des travailleurs », il est essentiel de reconnaître plus largement la qualification de professionnels spécialisés dans d'autres matières que médicales.

Par ailleurs, les nouveaux contrats d'objectifs et de moyens, entendus de manière souple et véritablement partenariale, sont une avancée importante pour coordonner les actions et réaffirmer que la santé au travail est partie prenante de la santé publique. De ce point de vue, il est également intéressant que la proposition de loi inscrive la veille sanitaire dans les missions des services de santé au travail.

La pluridisciplinarité constitue une avancée majeure de la proposition. Pour autant, elle ne doit pas peser trop lourdement sur les entreprises, notamment les plus petites d'entre elles. Ainsi, le nouvel article L. 4644-1, qui demande à l'employeur de désigner un ou des salariés compétents en matière de prévention des risques, devra être appliqué avec tact et mesure par l'autorité administrative. Si certaines branches professionnelles, comme celle du bâtiment, sont très organisées en matière de conditions de travail, elles ne pourront cependant pas répondre à un afflux de demandes.

Dans le même esprit, alléger la procédure pour obtenir la qualification d'IPRP, tout en conservant un niveau de compétence élevé, est un élément positif.

A l'initiative de son rapporteur, votre commission a adopté huit amendements de précision pour :

- prévoir que les services de santé au travail conseillent les employeurs et les salariés dans la prévention de la consommation d'alcool et de drogues sur le lieu de travail ;

- conforter la pluridisciplinarité dans les services de santé au travail dits « autonomes » ;

- lever d'éventuelles ambiguïtés sur l'articulation entre les missions générales des services de santé au travail et le contrat d'objectifs et de moyens conclu avec l'Etat et les caisses de sécurité sociale ;

- prendre en compte l'adoption en loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 du principe d'une convention entre les services de santé au travail et les caisses de sécurité sociale en vue d'engager des actions conjointes ou complémentaires dans leurs domaines de compétences ;

- renvoyer à un décret les modalités d'application du contrat d'objectifs et de moyens ;

- élargir le renvoi à des décrets en Conseil d'Etat ;

- mieux organiser la désignation par l'employeur de personnes compétentes en matière de prévention des risques professionnels et supprimer une restriction superflue relative aux IPRP ;

- ne pas inscrire dans le code du travail une disposition qui n'y a pas sa place (date d'entrée en vigueur de l'article L. 4644-1).

Elle a également adopté un amendement présenté par Bruno Gilles pour prévoir que les missions des services de santé sont assurés par « les médecins de travail et une équipe pluridisciplinaire », plutôt que par « une équipe pluridisciplinaire » ; en outre, au lieu d' « animer » l'équipe, les médecins la « coordonnent » et « prescrivent ses interventions ».

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 2 (art. L. 4624-4 [nouveau] du code du travail) - Echange entre le médecin du travail et l'employeur lorsqu'est constaté un risque ayant une portée collective

Objet : Cet article organise un dialogue entre le médecin du travail et l'employeur lorsque le premier constate la présence d'un risque pour la santé des travailleurs.

I - Le dispositif proposé

Aujourd'hui, l'article L. 4624-1 du code du travail habilite le médecin du travail à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs. L'employeur est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite. Un recours peut alors être exercé auprès de l'inspecteur du travail.

De nombreux rapports 15 ( * ) ont pointé du doigt les limites de cette compétence du médecin du travail, puisque l'employeur n'est tenu de répondre à ses remarques que sur les cas individuels.

L'article 2 de la proposition de loi répond à cette lacune et introduit un nouvel article L. 4624-4 dans le chapitre IV du titre II du livre VI de la quatrième partie du code pour organiser une procédure dans le cas d'un risque à portée collective .

Ainsi, lorsque le médecin du travail constatera la présence d'un risque pour la santé des travailleurs, il proposera par un écrit motivé et circonstancié des mesures visant à la préserver. L'employeur devra prendre ces propositions en considération et, en cas de refus, faire connaître par écrit les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite. Cet échange sera tenu, à leur demande, à la disposition de l'inspection du travail et des caisses de sécurité sociale.

Il est enfin prévu que cette procédure s'applique également aux préconisations du médecin du travail lorsqu'il est saisi par un employeur d'une question relevant de ses missions.

II - Le texte adopté par la commission

Votre commission se félicite de ce renforcement des prérogatives du médecin du travail et de l'organisation d'un dialogue avec l'employeur.

A l'initiative de son rapporteur, elle a adopté un amendement de précision rédactionnelle du dispositif applicable lorsque le médecin du travail transmet ses préconisations à la demande de l'employeur.

Elle a adopté cet article ainsi modifié.

Article 3 (art. L. 4622-11 [nouveau] du code du travail) - Gouvernance des services de santé au travail interentreprises

Objet : Cet article met en place une gouvernance paritaire des services de santé au travail interentreprises.

I - Le dispositif proposé

Aujourd'hui, aucune disposition de nature législative ne prévoit l'organisation des services de santé, notamment interentreprises.

Dans la partie réglementaire du code, l'article D. 4622-27 prévoit que des membres représentants des salariés des entreprises adhérentes composent le tiers du conseil d'administration des services interentreprises.

Cet article insère un nouvel article L. 4622-11 dans la section 2 « Services de santé au travail interentreprises » du chapitre II du titre II du livre VI de la quatrième partie du code du travail.

Il précise tout d'abord que ces services sont administrés paritairement par un conseil d'administration et ajoute ensuite, de manière redondante mais symbolique, que ce conseil est composé « à parts égales » de représentants des employeurs et des salariés.

Les représentants des employeurs seront désignés par les entreprises adhérentes. Le président du conseil, qui doit être en activité afin que la gestion du service de santé soit la plus proche possible des réalités de terrain, sera élu parmi ces représentants et aura une voix prépondérante en cas de partage.

Les représentants des salariés d'entreprises adhérentes seront désignés par les organisations syndicales représentatives. Parmi eux sera élu le vice-président du conseil.

Enfin, les modalités d'application seront déterminées par décret.

II - Le texte adopté par la commission

La question de la gouvernance des services de santé au travail interentreprises a été très longuement débattue durant l'examen du projet de loi sur les retraites et votre commission estime équilibré le résultat des travaux de la commission mixte paritaire.

Celui-ci constitue en effet une évolution sensible par rapport au droit en vigueur qui n'attribue qu'un tiers des sièges aux représentants salariés. Il laisse une voix prépondérante - en dernier ressort - au président du conseil, élu parmi les représentants des entreprises adhérentes ; cette règle découle naturellement des modalités de financement des services de santé, assuré exclusivement par les cotisations des entreprises adhérentes, et de la responsabilité des employeurs en matière de santé et de sécurité des salariés .

En conséquence, votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 3 bis (nouveau) (art. L. 4622-11-1 [nouveau] du code du travail) - Organes de contrôle des services de santé interentreprises

Objet : Cet article additionnel, présenté à l'initiative du rapporteur, inscrit dans la partie législative du code du travail les organes de contrôle, comprenant majoritairement des représentants des salariés, des services de santé au travail interentreprises.

L'article D. 4622-42 du code du travail prévoit que l'organisation et la gestion des services de santé au travail interentreprises sont placées sous la surveillance d'organes de contrôle, composés majoritairement de représentants de salariés :

- soit un comité interentreprises constitué par les comités d'entreprise intéressés ;

- soit une commission de contrôle composée pour un tiers de représentants des employeurs et pour deux tiers de représentants des salariés.

L'avis du comité ou de la commission est notamment sollicité 16 ( * ) sur les finances du service, sa compétence géographique, les créations, modifications ou suppressions de secteurs géographiques, la création ou suppression d'emploi de médecin du travail, les recrutements de médecins du travail en contrat à durée déterminée ou encore les décisions de recrutement et de licenciement des intervenants en prévention des risques professionnels.

Alors que l'article 3 de la proposition de loi érige au niveau législatif le conseil d'administration du service de santé au travail interentreprises, il semble utile d'en faire de même pour ses organes de contrôle, en reprenant les termes mêmes de l'article D. 4622-42.

La commission a adopté cet article additionnel ainsi rédigé.

Article 4 (art. L. 4622-12 [nouveau] du code du travail) - Projet de service pluriannuel

Objet : Cet article prévoit l'élaboration d'un projet de service pluriannuel par les services de santé au travail interentreprises.

I - Le dispositif proposé

Cet article introduit un nouvel article L. 4622-12 demandant aux services de santé interentreprises d'élaborer, au sein d'une commission de projet, un projet de service pluriannuel qui définit les priorités d'action.

Le projet sera soumis à l'approbation du conseil d'administration et devra s'inscrire dans le cadre du contrat d'objectifs et de moyens conclu avec l'Etat et les caisses de sécurité sociale.

II - Le texte adopté par la commission

L'élaboration par les équipes du service de santé au travail d'un projet définissant de manière pluriannuelle les priorités d'action est tout à fait positive.

Pour autant, l'article confie cette mission à une « commission de projet », alors que la partie réglementaire du code 17 ( * ) crée déjà une « commission médico-technique » ayant pour mission de formuler des propositions relatives aux priorités du service et aux actions à caractère pluridisciplinaire.

Votre commission a estimé que le fait d'ajouter une nouvelle instance pouvait s'avérer improductif et a en conséquence adopté, à l'initiative de son rapporteur, un amendement pour :

- ériger la commission médico-technique au niveau législatif ;

- lui confier la mission d'élaborer le projet de service pluriannuel.

Elle a adopté cet article ainsi modifié.

Article 5 - Relations entre la commission de projet et la commission médico-technique

Objet : Cet article organise les liens entre la commission de projet et la commission médico-technique.

I - Le dispositif proposé

L'article 4 de la proposition de loi prévoit qu'une commission de projet élabore un projet de service pluriannuel dans les services de santé au travail interentreprises.

Or, dans ces services, il existe déjà une commission médico-technique chargée de formuler des propositions relatives aux priorités du service.

L'article 5 prévoit en conséquence que l'exercice des missions de la commission de projet « ne fait pas obstacle » aux travaux de la commission médico-technique.

II - Le texte adopté par la commission

Cet article découle de la création, à l'article 4, d'une commission concurrente de la commission médico-technique.

Or, ainsi qu'il est indiqué précédemment, votre commission estime, pour des raisons de simplicité et d'efficacité, que c'est cette dernière qui doit élaborer le projet de service pluriannuel du service de santé au travail interentreprises et qu'il est inutile de créer une nouvelle commission dite « de projet ».

Par coordination avec la suppression de cette instance, et à l'initiative de son rapporteur, votre commission a supprimé cet article, devenu sans objet.

Articles 5 bis, 5 ter, 5 quater et 5 quinquies (nouveaux) (art. L. 1237-15 ; art. L 4623-5-1, L. 4623-5-2 et art. L. 4623-5-3 [nouveaux] du code du travail) - Garanties accordées aux médecins du travail en cas de rupture du contrat de travail

Objet : Ces articles additionnels, insérés dans la proposition de loi à l'initiative du rapporteur, tendent à renforcer les garanties accordées aux médecins du travail en cas de rupture de leur contrat de travail ou de transfert de leur activité.

En cas de licenciement, le médecin du travail est assimilé, en application de l'article L. 4623-5 du code du travail, aux salariés protégés que sont les représentants du personnel. En conséquence, le licenciement ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend le service de santé au travail, après avis du médecin inspecteur du travail.

Toutefois, cette procédure protectrice n'est pas applicable dans toutes les hypothèses de rupture du contrat de travail. Afin de conforter l'indépendance des médecins du travail, la commission a inséré quatre articles additionnels destinés à corriger cette situation :

- l'article 5 bis complète l'article L. 1237-15 du code du travail pour prévoir que la rupture conventionnelle , lorsqu'elle concerne un médecin du travail, est soumise à l'autorisation de l'inspecteur du travail dans les mêmes conditions qu'en cas de licenciement ;

- l'article 5 ter insère un nouvel article au sein du code du travail pour prévoir que la rupture du contrat de travail à durée déterminée d'un médecin du travail est soumise à l'autorisation de l'inspecteur du travail dans les mêmes conditions qu'en cas de licenciement, quel que soit le motif de la rupture ;

- l'article 5 quater dispose que l' arrivée du terme du contrat de travail à durée déterminée d'un médecin du travail n'entraîne sa rupture qu'après constatation par l'inspecteur du travail que celle-ci n'est pas en lien avec l'exercice des missions de médecin du travail et ne constitue pas une mesure discriminatoire. L'employeur devra saisir l'inspecteur du travail un mois avant l'arrivée du terme et ce dernier devra statuer avant la date du terme du contrat. Cette procédure est celle actuellement en vigueur à l'égard des salariés protégés ;

- l'article 5 quinquies crée un article L. 4623-5-3 au sein du code du travail pour prévoir que le transfert d'un médecin du travail compris dans un transfert partiel de service de santé au travail ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend le service de santé au travail, après avis du médecin inspecteur du travail.

Saisi d'une demande d'autorisation de transfert, l'inspecteur du travail devra s'assurer que celui-ci n'est pas en lien avec l'exercice des missions de médecin du travail et ne constitue pas une mesure discriminatoire.

Il s'agit d'une garantie particulièrement importante, qui doit permettre d'éviter des transferts constituant des sanctions déguisées à l'égard de médecins du travail.

La commission a adopté ces articles additionnels ainsi rédigés.

Article 6 (art. L. 4625-2 [nouveau] du code du travail) - Dérogations par voie d'accord de branche aux règles du suivi médical au travail

Objet : Cet article prévoit des possibilités de dérogation en matière d'organisation et de suivi de la santé au travail pour un certain nombre de professions.

I - Le dispositif proposé

Le paragraphe I de cet article insère un nouvel article L. 4625-2 au chapitre V « Surveillance médicale des salariés temporaires » du titre II du livre VI de la quatrième partie du code du travail.

Il prévoit la possibilité de dérogations par accord collectif de branche étendu en matière d'organisation et de suivi de la santé au travail pour quatre professions peu couvertes par le système actuel de santé au travail en raison de leurs spécificités : les artistes et techniciens intermittents du spectacle, les mannequins, les salariés du particulier employeur et les voyageurs, représentants et placiers. La forte mobilité géographique et la fréquence des missions nombreuses en un temps très court des intermittents du spectacle, des mannequins et des VRP rendent effectivement complexes les modalités d'organisation de leur suivi médical professionnel. La situation des salariés du particulier employeur, environ 1,1 million de personnes, est différente, la pluralité des missions et des employeurs étant le principal obstacle au suivi par la médecine du travail de droit commun.

Pour l'ensemble de ces professions, des négociations de branche sont actuellement en cours, notamment sur le thème de la santé au travail. Cet article vise donc à donner une base légale aux éventuelles dérogations au code du travail auxquelles elles pourraient parvenir. Ces dérogations sont encadrées et ne peuvent porter sur la périodicité des examens médicaux.

Pour les mannequins et les salariés du particulier employeur, l'article permet également à la négociation de branche de prévoir le recours à des médecins non spécialistes en médecine du travail, sous deux réserves :

- la signature par ces médecins d'un protocole avec un service de santé au travail interentreprises ;

- la possibilité de recours, pour le travailleur, à un médecin du travail en cas de désaccord sur les avis délivrés par le médecin non spécialiste.

Le recours à un médecin non spécialiste est déjà prévu pour les mannequins mineurs non résidents en Ile-de-France par le décret n° 2007-1271 du 24 août 2007 relatif au suivi médical et au pécule des enfants employés dans les spectacles, la publicité et la mode, et au suivi médical des mannequins.

Conformément à la pratique généralement suivie en matière de renvoi à la négociation collective, l'article ouvre la possibilité au Gouvernement d'adopter un décret en Conseil d'Etat, en cas d'absence d'accord entre les partenaires sociaux et après avis du Conseil national de l'ordre des médecins.

Enfin, le paragraphe II prévoit que le Gouvernement remet un rapport au Parlement, dans un délai de cinq ans, sur l'évaluation du recours à des médecins non spécialistes en médecine du travail prévu dans cet article.

II - Le texte adopté par la commission

Certaines professions présentent des spécificités qu'il est nécessaire de prendre en compte pour que la sécurité et la santé de ces travailleurs soient protégées de manière égale à celle des autres.

Les éventuelles dérogations, prévues dans cet article, sont soumises à des conditions qui permettent de les encadrer, notamment le fait que l'accord de branche doit être étendu , c'est-à-dire qu'il est rendu obligatoire pour tous les salariés et employeurs entrant dans son champ d'application par un arrêté du ministre en charge du travail .

Dans ces conditions, votre commission estime que cet article va permettre d'améliorer la prise en charge de professions aujourd'hui largement à l'écart de la médecine du travail.

A l'initiative de son rapporteur, elle a adopté un amendement de précision visant à fixer une durée de dix-huit mois aux négociations collectives avant que l'Etat ne soit habilité à prendre des mesures par décret en Conseil d'Etat.

Elle a adopté cet article ainsi modifié.

Article 7 (art. L. 4622-13 [nouveau] du code du travail) - Contrôle des conventions par le conseil d'administration du service de santé au travail interentreprises

Objet : Cet article précise que les conventions entre un service de santé au travail interentreprises et l'un de ses dirigeants sont soumises à son conseil d'administration.

I - Le dispositif proposé

Cet article introduit un nouvel article L. 4622-13, qui transpose aux services de santé au travail interentreprises les règles prévues par le code de commerce 18 ( * ) en matière d'autorisation préalable par le conseil d'administration des conventions entre les personnes investies d'un pouvoir de décision et l'entreprise.

Il vise à garantir la transparence des relations financières entre les acteurs.

II - Le texte adopté par la commission

Cette autorisation préalable peut utilement contribuer au renforcement de la transparence des organismes à but non lucratif que sont les services de santé au travail interentreprises.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 8 (art. L. 4623-1 du code du travail) - Recrutement temporaire d'un interne

Objet : Cet article prévoit la possibilité pour un service de santé au travail de recruter à titre temporaire un interne de la spécialité.

I - Le dispositif proposé

L'article L. 4623-1 du code du travail rend obligatoire l'obtention d'un diplôme spécial pour l'exercice des fonctions de médecin du travail.

Par dérogation, l'article 8 de la proposition de loi permet le recrutement temporaire d'un interne de la spécialité, après délivrance d'une licence de remplacement et autorisation par le conseil de l'ordre des médecins. Ces internes travailleront sous l'autorité d'un médecin du travail expérimenté. Leur recrutement prendra la forme d'une activité rémunérée, analogue aux remplacements couramment effectués par les internes dans d'autres spécialités, et distinct des stages de formation des internes dans les services de santé au travail, dont les conditions sont prévues aux articles R. 4623-44 à R. 4623-50.

Les modalités d'application seront déterminées par décret.

II - Le texte adopté par la commission

Le renfort de la part d'internes en voie de spécialisation dans le domaine de la médecine du travail est un des moyens pertinents de lutter à court terme contre la crise démographique très importante dans le secteur. Il ne peut en outre qu'améliorer la formation de ces internes.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 9 (art. L. 4622-14 [nouveau] du code du travail) - Rôle du directeur du service de santé au travail interentreprises

Objet : Cet article précise le rôle du directeur d'un service de santé au travail interentreprises.

I - Le dispositif proposé

Cet article introduit un nouvel article L. 4622-14 dans la section consacrée aux services de santé au travail interentreprises. Il crée la fonction de directeur de ces services, en lui attribuant la mission de mettre en oeuvre, en lien avec l'équipe pluridisciplinaire et sous l'autorité du président, les actions approuvées par le conseil d'administration dans le cadre du projet pluriannuel.

II - Le texte adopté par la commission

Après l'article 3 relatif au conseil d'administration des services de santé au travail interentreprises, cet article complète la gouvernance de ces services en y créant la fonction de directeur qui devra, en toute logique, mettre en oeuvre les décisions du conseil. Cet ensemble de mesures permettra une certaine unité dans l'administration des services de santé.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 10 (art. L. 4625-1 [nouveau] du code du travail) - Dérogations pour certaines professions

Objet : Cet article prévoit la possibilité de dérogations réglementaires aux modalités d'organisation et de suivi de la santé au travail pour plusieurs catégories de salariés.

I - Le dispositif proposé

Le élargit l'intitulé du chapitre V « Surveillance médicale des salariés temporaires », en remplaçant l'expression « salariés temporaires » par celle de « catégories particulières de travailleurs ». A noter que cette modification concerne aussi l'article 6 de la proposition de loi qui introduit, dans ce même chapitre, des dérogations possibles pour certaines professions (artistes, intermittents, mannequins, salariés du particulier employeur et VRP).

Le introduit un nouvel article L. 4625-1 dans ce chapitre et permet à un décret de déterminer les règles relatives à l'organisation, au choix et au financement du service de santé au travail, ainsi qu'aux modalités de surveillance de l'état de santé des travailleurs dans certaines professions . Il donne ainsi un fondement légal aux dérogations réglementaires existantes ou pallie l'absence de dispositions relatives à la santé au travail pour plusieurs professions qui ne disposent pas de représentation spécifique au niveau des branches .

Ces professions limitativement énumérées, pour lesquelles il ne peut y avoir de négociation collective pertinente, sont au nombre de sept :

- les salariés temporaires, qui sont couverts en matière de santé au travail par un accord du 26 septembre 2002 ;

- les stagiaires de la formation professionnelle, qui ne disposent d'aucun suivi en matière de santé au travail ;

- les travailleurs des associations intermédiaires, qui sont partiellement couverts par les articles R. 5132-11 et suivants du code du travail ;

- les travailleurs exécutant habituellement leur contrat de travail dans une entreprise autre que celle de leur employeur, couverts par les articles R. 4513-9 à R. 4513-13 ;

- les travailleurs éloignés exécutant habituellement leur contrat de travail dans un département différent de celui où se trouve l'établissement qui les emploie, couverts par la circulaire de la direction générale du travail n° 1 du 5 février 2007 ;

- les travailleurs détachés temporairement par une entreprise non établie en France, couverts par les articles R. 1262-9 à R. 1262-15 ;

- les travailleurs saisonniers, pour lesquels aucune disposition spécifique n'est actuellement prévue et les dispositions générales s'avèrent inadaptées. Pour cette dernière catégorie professionnelle, la possibilité de définition de modalités spécifiques par voie d'accord local est prévue, sous réserve de l'approbation par l'autorité administrative.

Pour autant, l'article prévoit que ces travailleurs bénéficient d'une protection égale à celle des autres travailleurs . En outre, comme pour les professions mentionnées à l'article 6 de la proposition de loi, les dérogations ne peuvent pas avoir pour effet de modifier la périodicité des examens médicaux définie par le code du travail.

II - Le texte adopté par la commission

Convaincue de l'intérêt de cet article, qui ne peut que renforcer la surveillance de travailleurs actuellement non ou très mal couverts par la médecine du travail, votre commission a adopté cet article sans modification .

Article 11 (art. L. 717-3 et L. 717-7 du code rural et de la pêche maritime) -Commissions paritaires d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail en agriculture

Objet : Cet article adapte la gouvernance des services de santé au travail interentreprises dans le secteur agricole et modifie la composition et le fonctionnement des commissions paritaires d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail en agriculture.

I - Le dispositif proposé

L'article L. 717-3 du code rural et de la pêche maritime prévoit que les caisses de mutualité sociale agricole sont responsables de l'application des dispositions concernant l'organisation du service de santé au travail agricole. Elles peuvent soit instituer en leur sein une section de santé au travail, soit créer une association spécialisée. Le du paragraphe I précise qu'il s'agit de service de santé au travail agricole « interentreprises » et le prévoit que, par dérogation aux règles de gouvernance prévue à l'article 3 de la présente proposition de loi, le service de santé au travail agricole interentreprises est administré paritairement selon les modalités spécifiques à ce secteur.

Le paragraphe II modifie l'article L. 717-7 du même code, qui crée des commissions départementales paritaires d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail en agriculture . Elles sont chargées de promouvoir la formation à la sécurité et de contribuer à l'amélioration des conditions d'hygiène et de sécurité et à l'évaluation des risques pour la sécurité et la santé des travailleurs.

Le ajoute qu'elles apportent également leur contribution à la prévention de la pénibilité.

Le supprime les deuxième et troisième alinéas de l'article. Ils prévoient respectivement les modalités de composition de ces commissions, qui comprennent en nombre égal des représentants des organisations d'employeurs et de salariés, et la présidence, par alternance annuelle, entre ces deux catégories.

Le modifie deux phrases du quatrième alinéa de l'article L. 717-7 qui concerne l'indemnisation du temps passé pour participer aux réunions de ces commissions.

La première de ces phrases, qui prévoit que les membres employeurs bénéficient de l'indemnité forfaitaire représentative du temps passé attribuée aux administrateurs des organismes de mutualité sociale agricole, fait l'objet d'une modification rédactionnelle.

La seconde précise que les frais de déplacement, les salaires maintenus par l'employeur et les cotisations sociales y afférentes, ainsi que les indemnités forfaitaires représentatives du temps passé sont pris en charge par le fonds national de prévention créé en application de l'article L. 751-48 19 ( * ) . L'article 11 de la proposition de loi prévoit que ces charges peuvent, « le cas échéant », être prises en charge par le fonds national de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles qui relève du régime général (Cnam).

Le simplifie la formulation usuelle du renvoi à un décret d'application.

Enfin, le ouvre la possibilité à un accord collectif national étendu de préciser les modalités de fonctionnement de ces commissions.

II - Le texte adopté par la commission

Le régime agricole a développé un modèle spécifique de médecine du travail, qui donne des résultats reconnus et dont la gestion est largement paritaire. Cet article y apporte quelques adaptations nécessaires en lien avec la réforme générale prévue dans la proposition de loi.

A l'initiative de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement de précision, puis cet article ainsi modifié.

Article 12 (art. L. 5132-12, L. 7214-1, L. 7221-2, L. 7211-3 et L. 5132-17 du code du travail) - Adaptation de divers articles du code du travail

Objet : Cet article vise à inscrire dans le droit commun la surveillance médicale des gardiens d'immeubles, des employés de maison et des personnes employées par une association intermédiaire.

I - Le dispositif proposé

Cet article apporte des précisions concernant trois professions ou secteurs d'activités qui connaissaient des situations spéciales au titre de la médecine du travail.

L'article L. 7214-1 du code du travail, qui concerne la surveillance médicale des gardiens d'immeubles à usage d'habitation, est abrogé ( ) et le prévoit que s'appliquent à cette catégorie professionnelle les dispositions de droit commun.

L'article L. 7221-2, qui renvoyait la surveillance médicale des employés de maison à l'article relatif aux gardiens d'immeubles, est en conséquence modifié et la surveillance de ces personnes est également alignée sur les dispositions de droit commun ( ).

L'article L. 5132-12 est abrogé ( ) ; il est relatif à la surveillance médicale des personnes employées par une association intermédiaire et est devenu inutile en conséquence de l'article 10 de la présente proposition de loi. La formulation de l'article L. 5132-17 de renvoi à un décret d'application est modifiée en conséquence ( ).

II - Le texte adopté par la commission

Ces diverses modifications permettent de simplifier le code du travail, d'autres articles de la proposition de loi fixant de nouvelles modalités pour la surveillance médicale de ces professions ou secteurs d'activité.

Ceci étant, il conviendrait également d'abroger l'article L. 7424-4 du code du travail, qui prévoit que la surveillance médicale des gardiens d'immeubles mentionnée à l'article L. 7214-1 peut être rendue applicable aux travailleurs à domicile. Or, l'article L. 7214-1 est abrogé par cet article et la situation des travailleurs à domicile est prévue à l'article 6 de la présente proposition de loi.

Suivant son rapporteur, votre commission a adopté un amendement pour abroger l'article L. 7424-4 du code du travail, puis cet article ainsi modifié.

Article 13 (art. L. 717-2 et L. 717-3-1 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime) - Services de santé au travail en agriculture

Objet : Cet article prévoit les conditions de réforme des services de santé au travail en agriculture.

I - Le dispositif proposé

Le paragraphe I exclut de l'application de l'article L. 4622-9 du code du travail les travailleurs d'employeurs agricoles. Cet article concerne les liens entre les services de santé au travail et les services sociaux du travail.

Le paragraphe II transpose la réforme des services de santé au travail au secteur agricole régi par les articles L. 717-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime.

Le modifie l'article L. 717-2 du code rural et de la pêche maritime pour prévoir que des décrets ou décrets en Conseil d'Etat déterminent diverses mesures relatives à l'organisation et au fonctionnement des services de santé au travail en agriculture.

Le insère dans le code un article L. 717-3-1 nouveau. Il constitue le pendant de l'article L. 4622-12 du code du travail et prévoit que les services de santé au travail en agriculture élaborent également un projet de service pluriannuel.

Le remplace l'intitulé actuel de la section 2 du chapitre VII du titre I er du livre VII du code rural et de la pêche maritime « Commissions paritaires d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail en agriculture » par « Institutions et organismes concourant à la prévention et à la pluridisciplinarité ».

II - Le texte adopté par la commission

Sur proposition de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement pour mieux insérer les premiers alinéas de cet article dans le code rural et de la pêche maritime et supprimer un changement d'intitulé sans objet.

Elle a adopté cet article ainsi modifié.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Réunie le mercredi 19 janvier 2011 , sous la présidence de Muguette Dini, présidente, la commission procède à l' examen du rapport de Nicolas About sur la proposition de loi n° 106 (2010-2011), de Nicolas About et les membres du groupe de l'Union centriste, relative à l'organisation de la médecine du travail .

Anne-Marie Payet, rapporteur . - Cette proposition de loi reprend les dispositions relatives à la médecine du travail adoptées dans le cadre du projet de loi portant réforme des retraites et annulées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 9 novembre 2010, au motif qu'elles n'avaient « pas de lien, même indirect » avec ce texte.

L'organisation de la médecine du travail en France découle de la loi du 11 octobre 1946. Les principes en sont le caractère obligatoire et la mise à la charge des employeurs ; l'orientation exclusivement préventive ; l'indépendance technique et le respect de la déontologie médicale ; enfin, la spécialisation des médecins du travail. Un décret de 1969 prévoit que le médecin du travail passe un tiers de son temps sur les lieux de travail.

La directive européenne du 12 juin 1989 sur la santé et la sécurité au travail a introduit une approche de prévention primaire, en imposant l'évaluation a priori des risques, et a souligné l'importance de disposer de compétences diversifiées. La loi de modernisation sociale de 2002 a donc renforcé la protection statutaire des médecins du travail, remplacé la dénomination de « services médicaux du travail » par celle de « services de santé au travail » et prévu le recours à des ressources spécialisées non médicales. Un décret de 2003 a rendu obligatoire la pluridisciplinarité dans les services de santé au travail. Enfin, un décret du 28 juillet 2004 a renforcé l'activité de prévention dans le milieu du travail et redéfini la charge de travail des médecins du travail. Il a modifié en outre les règles de constitution des services de santé au travail et porté de douze à vingt-quatre mois la périodicité des examens médicaux.

Malgré ces améliorations, une nouvelle réforme est apparue nécessaire. Il s'agit notamment de faire des services de santé au travail les acteurs principaux d'un dispositif de traçabilité des risques professionnels, pour stimuler la prévention et les actions correctrices.

Le rapport Conso-Frimat en 2007, puis le rapport Dellacherie ont plaidé pour un approfondissement des réformes, pour la réorganisation des services de santé au travail, et pour des actions visant à enrayer la crise démographique que connaît la médecine du travail. Plus de 55 % des 6 800 médecins du travail ont plus de cinquante-cinq ans ; 4 000 médecins auront atteint l'âge légal de départ à la retraite d'ici cinq ans, et plus de 5 600 - soit 80 % - d'ici dix ans. La France compte toutefois la moitié des médecins du travail d'Europe, ce qui signifie que nos partenaires ont retenu des organisations différentes.

En 2008, le ministre du travail a adressé un document d'orientation aux partenaires sociaux, qui ont négocié de janvier à septembre 2009. Le protocole d'accord établi n'ayant pu recueillir l'assentiment des syndicats, le Gouvernement a engagé lui-même la réforme, sur la base du résultat des négociations, par amendement au projet de loi portant réforme des retraites, suscitant d'importants débats tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat. Cette réforme a fait l'objet d'un accord au sein de la commission mixte paritaire, avant que le Conseil constitutionnel n'annule ses dispositions pour des raisons formelles.

L'article 1 er de la proposition de loi énonce les missions confiées aux services de santé au travail, qui « ont pour mission exclusive d'éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail ». Le texte conforte la pluridisciplinarité dans les services de santé au travail interentreprises, en précisant que les médecins du travail « animent l'équipe pluridisciplinaire ». En outre, les services de santé au travail interentreprises devront élaborer un projet de service pluriannuel qui définira leurs priorités.

Actuellement, l'employeur n'est tenu à répondre que sur les mesures individuelles proposées par les médecins du travail ; l'article 2 l'oblige à prendre en considération les mesures proposées par le médecin qui constaterait la présence d'un risque collectif pour la santé des travailleurs et à motiver par écrit un éventuel refus d'y donner suite. Cet échange sera tenu à la disposition de l'inspection du travail et des caisses de sécurité sociale.

La gouvernance des services de santé au travail interentreprises, qui fait l'objet de l'article 3, a donné lieu à un large débat lors de la réforme des retraites. Aujourd'hui, les représentants des salariés composent le tiers du conseil d'administration des services interentreprises ; désormais, ce conseil sera composé à parts égales de représentants des employeurs et des salariés. Le président sera élu parmi les représentants des employeurs et aura une voix prépondérante en cas de partage. Le vice-président du conseil sera élu parmi les représentants des salariés. Le directeur du service interentreprises sera chargé de mettre en oeuvre, en lien avec l'équipe pluridisciplinaire et sous l'autorité du président, les actions approuvées par le conseil d'administration dans le cadre du projet pluriannuel.

En réponse à la crise démographique que traverse la médecine du travail, l'article 8 permet aux services interentreprises de recruter à titre temporaire un interne de la spécialité. D'autres dispositions prévoient des dérogations, soit par accord collectif de branche, soit par voie réglementaire, pour certaines professions spécifiques. Enfin, deux articles visent à adapter la gouvernance des services interentreprises dans le secteur agricole.

Ce texte comporte des avancées importantes, même s'il ne satisfait pas complètement les organisations syndicales, plusieurs syndicats souhaitant une présidence alternée entre représentants des employeurs et représentants des salariés. La définition des missions des services de santé au travail, la meilleure prise en compte des observations du médecin du travail ou le caractère désormais paritaire des conseils d'administration sont toutefois des progrès incontestables.

Je vous propose donc d'approuver ce texte, qui a déjà reçu l'accord du Parlement, en l'améliorant quelque peu. Outre plusieurs amendements rédactionnels, je proposerai, pour renforcer les garanties d'indépendance du médecin du travail, d'assimiler celui-ci à un salarié protégé en cas de rupture conventionnelle, de rupture anticipée ou d'arrivée à terme du CDD, et de transfert. La décision sera alors soumise à l'autorisation de l'inspecteur du travail.

Un autre amendement donne une base législative à la commission médico-technique des services de santé au travail interentreprises, tout en la chargeant d'élaborer le projet de service pluriannuel pour éviter de créer une nouvelle commission de projet.

De même, je vous propose de donner valeur législative au comité interentreprises et à la commission de contrôle chargés de surveiller l'organisation et la gestion du service de santé au travail. Cette dernière est composée pour deux tiers de représentants des salariés.

Enfin, il me semble nécessaire de faire figurer explicitement parmi les missions des services de santé au travail la prévention de la consommation d'alcool et de drogue sur le lieu de travail, question trop souvent taboue.

Il y a désormais urgence à adopter ce texte, qui sera suivi d'importantes dispositions réglementaires. Compte tenu de la pénurie de médecins du travail, les services de santé au travail et les employeurs sont confrontés à la « formalité impossible », c'est-à-dire qu'ils ne sont pas en mesure de respecter les obligations qui leur sont imposées. Cette proposition de loi ne résoudra pas toutes les difficultés mais contribuera à moderniser le système de santé au travail et à renforcer la prévention des risques dans les entreprises.

Jean-Pierre Godefroy . - Nous sommes d'accord pour faire figurer la prévention de la consommation d'alcool et de drogue parmi les missions de la médecine du travail, d'accord également pour donner valeur législative à la commission de contrôle.

Mais pourquoi assimiler le médecin du travail à un salarié protégé ? En quoi cela renforce-t-il son indépendance et sa protection ?

Je regrette que cette proposition de loi reprenne le texte issu de la commission mixte paritaire, qui était en retrait par rapport à ce que le Sénat avait voté à la quasi-unanimité. On nous propose un faux paritarisme : c'est toujours l'employeur qui préside, avec voix prépondérante ! La rédaction du Sénat prévoyait une alternance pour les postes de président et de trésorier. Je souhaite qu'on y revienne.

André Lardeux . - La première mission du service de santé au travail est « d'éviter toute altération de la santé du travailleur ». Est-ce à dire que pèse sur lui, non une obligation de moyens mais une obligation de résultat ? Ce serait le meilleur moyen de tuer la médecine du travail !

L'employeur pourra désigner des « salariés compétents » pour s'occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels. En cas de problème, leur responsabilité pourra-t-elle être recherchée au même titre que celle de l'employeur ou du médecin ?

L'obligation d'un échange écrit entre le médecin du travail et le chef d'entreprise posera problème dans les très petites entreprises, où l'employeur n'a ni les moyens ni le temps d'y répondre.

Je m'inquiète du coût que représenterait un paritarisme absolu au sein du conseil d'administration. Si l'employeur préside le conseil d'administration bénévolement, le salarié, lui, devra être indemnisé.

La France compte plus de la moitié des médecins du travail d'Europe, dites-vous. La santé au travail est-elle plus mauvaise chez nos voisins ? Si ce n'est pas le cas, est-ce donc que notre système est inutile ?

Je voterai contre le rapport, et contre le texte en séance publique. On cherche par ce texte à s'excuser auprès des syndicats de la petite misère qui leur a été faite avec la réforme des retraites... mais ils ne sont pas dupes !

Je regrette que cette réforme soit venue sous forme d'amendements, ce qui nous prive du filtre juridique du Conseil d'Etat. Surtout, elle ne répond pas au problème de la pénurie de médecins du travail. L'article 8 n'aura guère d'effet. Les conditions d'exercice, la rémunération de la profession ne sont pas si mauvaises qu'on le dit : le manque d'appétence pour cette profession a donc d'autres explications. En votant ce texte, on se moque du monde !

Annie David . - Je regrette moi aussi que cette réforme vienne sous forme de proposition de loi, sans passer par le Conseil d'Etat.

Je regrette également que la proposition de loi ne reprenne pas le texte voté par le Sénat, notamment concernant la gestion paritaire. Une présidence tournante aurait plus de crédibilité et l'alternance avec le trésorier éviterait bien des suspicions.

Enfin, pour répondre à M. Lardeux, je dirai qu'un salarié président ne coûterait pas plus cher qu'un président employeur : il continuerait à toucher son salaire pendant ses heures de présidence.

Paul Blanc . - C'est l'entreprise qui paiera !

Annie David . - Je regrette que l'indépendance des médecins ne soit pas mieux respectée. Ce ne sont pas eux qui définissent leurs missions mais le directeur du service de santé au travail, qui, il faut bien le dire, est à la solde du patronat !

Paul Blanc . - Du Medef ! Du Cac 40 !

Annie David . - On ne répond pas aux besoins des salariés. Comment sera constituée la commission médico-technique ? Qui en définira les missions ?

Pour tenter d'enrayer la crise des vocations, il faut revaloriser l'image de la médecine du travail : ce n'est pas une branche de second ordre de la médecine.

Les équipes pluridisciplinaires sont une bonne chose mais leurs membres devraient bénéficier du même statut de salarié protégé que le médecin du travail.

Les « salariés compétents » désignés par les chefs d'entreprise devraient bénéficier d'une formation adaptée. Qu'en est-il de leur responsabilité ?

Je ne peux dire quel sera notre vote en séance publique. Il y urgence à réformer la santé au travail, trop de salariés sont en souffrance. Mais ce texte s'arrête au milieu du gué...

Marc Laménie . - Quelles solutions propose-t-on pour enrayer la crise des vocations et assurer le renouvellement démographique des médecins du travail ?

Bruno Gilles . - Je m'inquiète moi aussi de la pénurie de médecins du travail.

J'ai déposé trois amendements visant à concilier la réforme de la santé au travail avec l'exigence d'une indépendance renforcée des médecins du travail, sur laquelle insiste le rapport de juin 2010 du Conseil national de l'ordre des médecins. Il faut notamment que le médecin du travail anime et « coordonne » davantage l'équipe pluridisciplinaire.

Claude Jeannerot . - Pourquoi refuser une présidence alternée du conseil d'administration ? Je n'y vois aucun risque et il y a une attente de paritarisme.

En quoi la proposition de loi est-elle de nature à apporter une solution au problème de la démographie médicale ?

Jean-Marie Vanlerenberghe . - Cette proposition de loi, que j'ai cosignée, renforce le paritarisme, mais pourquoi ne pas prévoir la présidence alternée du conseil d'administration comme cela se fait dans les conseils de prud'hommes ? Je déposerai un amendement en ce sens. Nous nous honorerions à ne pas rester au milieu du gué.

Il faut protéger au maximum l'indépendance du médecin du travail. Dans le cas de l'amiante, certains nous ont dit n'avoir pu remplir correctement leur mission... Je suis d'accord pour mettre en avant son rôle de coordination et d'animation de l'équipe pluridisciplinaire.

Enfin, il n'y a pas de solution miracle au problème de la démographie médicale, qui est général. La rémunération n'est pas le seul levier ; un temps de travail encadré peut aussi séduire les femmes, qui sont de plus en plus nombreuses à exercer la profession.

Gisèle Printz . - Si le médecin du travail constate qu'un salarié n'est plus apte à remplir ses fonctions, ce dernier sera-t-il muté ? D'expérience, je sais que les choses ne se passent pas toujours pour le mieux...

Ronan Kerdraon . - Le Gouvernement a voulu faire passer à la hussarde cette réforme qui ne règle en rien les problèmes d'attractivité, de formation, de revalorisation de la médecine du travail. Je passe sur la question du paritarisme. Ni les syndicats ni l'ordre des médecins ne soutiennent ce texte ! Je souhaite que le Sénat fasse entendre sa petite musique, comme il a su le faire hier sur un autre sujet.

Catherine Deroche . - L'indépendance du médecin du travail est garantie : le directeur du service de santé au travail n'a pas droit de regard sur l'activité du médecin et celui-ci ne lui rend pas compte. Mais qu'entendez-vous par un statut de « salarié protégé » ?

Je suis favorable à la prévention de la consommation d'alcool et de drogue sur le lieu de travail, mais je constate que les syndicats sont moins allants quand il s'agit de mettre en place un contrôle effectif... Sur le paritarisme, le texte proposé me convient.

Le problème de la démographie médicale est général. Laissons les médecins se concentrer sur l'exercice de la médecine plutôt que de leur imposer toutes sortes de commissions et de réunions. Or, on charge encore la barque.

Enfin, il est vrai que la profession médicale se féminise mais il n'y a pas lieu de cantonner les femmes à la médecine scolaire et à la médecine du travail !

Annie Jarraud-Vergnolle . - Attention à ne pas passer d'une logique de prévention à une logique de gestion.

La médecine du travail est peu valorisée. Peut-être est-ce aussi parce qu'elle relève du code du travail et non du code de santé publique ?

Enfin, les membres des équipes pluridisciplinaires autres que les médecins n'ont pas de statut défini dans le code du travail, ce qui pose un problème de gestion.

Anne-Marie Payet, rapporteur . - La question du paritarisme a été longuement débattue à l'Assemblée nationale comme au Sénat. Un équilibre a été trouvé en commission mixte paritaire : il serait difficile, et discourtois, de revenir sur cet accord. En outre, c'est l'employeur qui finance toutes les dépenses afférentes à la santé au travail et qui est personnellement responsable de la sécurité de ses salariés.

Aujourd'hui, le médecin du travail n'est protégé qu'en cas de licenciement. Or certains se sont dits harcelés par leur employeur. Mes amendements renforcent leur protection en soumettant la non-reconduction de leur contrat ou leur transfert à l'autorisation de l'inspection du travail.

Le texte n'introduit pas d'obligation de résultat : la définition de la médecine du travail, qui date de la loi de 1946, n'est pas modifiée.

La responsabilité du « salarié compétent » ne sera pas recherchée : l'employeur reste responsable de la sécurité de ses salariés.

Concernant les échanges écrits entre le médecin et l'employeur, il faudra que la mesure soit appliquée avec souplesse pour les très petites entreprises.

Le Royaume-Uni ou l'Allemagne comptent relativement moins d'accidents du travail déclarés que nous, mais bénéficient de la pluridisciplinarité et de l'aide des médecins généralistes. La France pourrait s'inspirer de ces exemples.

S'agissant de l'indépendance des médecins, la proposition de loi ne modifie pas les articles du code du travail qui permettent de la faire respecter et les médecins sont toujours soumis au code de déontologie. Qui plus est, le statut protégé est renforcé.

Un amendement supprime la commission de projet ; c'est la commission médico-technique qui sera chargée du projet pluriannuel.

Le problème de la démographie médicale est réel et il est amplifié pour les médecins du travail. Faire appel à des internes ne réglera pas tout, mais le rôle d'animation de l'équipe pluridisciplinaire et l'accent mis sur les problèmes psychologiques pourraient inciter des étudiants à s'orienter davantage vers la médecine du travail et des médecins à se reconvertir dans cette spécialité.

Enfin, la proposition de loi ne touche pas à la question de l'aptitude des salariés.

Muguette Dini, présidente . - Nous allons maintenant examiner les amendements du rapporteur.

Article 1 er

Anne-Marie Payet, rapporteur . - Je ne suis pas favorable à l'amendement n° 1 de M. Gilles, satisfait par l'article L. 4622-3 du code du travail. Il faut préciser les missions des services de santé au travail et non seulement celles des médecins.

L'amendement n° 1 est retiré.

Anne-Marie Payet, rapporteur . - Mon amendement n° 4 fait figurer parmi les missions des services de santé au travail la prévention de la consommation d'alcool et de drogues sur le lieu de travail. Entre 10 % et 20 % des accidents du travail sont dus à la consommation d'alcool, et la drogue entraîne des problèmes de sécurité, sans parler de ses conséquences économiques et sociales. L'alcoolisme dans l'entreprise reste un sujet tabou, alors que 8 % des salariés seraient concernés.

L'amendement n° 4 est adopté.

Anne-Marie Payet, rapporteur . - Par l'amendement n° 5, nous confortons la pluridisciplinarité dans les services de santé dits « autonomes », en prévoyant que les médecins du travail participent, avec les salariés, aux activités de protection et de prévention des risques professionnels.

L'amendement n° 5 est adopté.

Anne-Marie Payet, rapporteur . - L'amendement n° 2 de Bruno Gilles laisse penser que le médecin ne fait pas partie de l'équipe pluridisciplinaire, ce qui va contre l'objectif de ce texte, qui est de renforcer la pluridisciplinarité : je souhaite le retrait de l'amendement.

Bruno Gilles . - Il faut bien rappeler le rôle prééminent du médecin dans l'équipe pluridisciplinaire, en précisant qu'il en prescrit les interventions. Avec la rédaction actuelle, le médecin risque d'être noyé au sein de l'équipe pluridisciplinaire.

Anne-Marie Payet, rapporteur . - Le verbe prescrire paraît cependant impropre, puisque le médecin ne dirige pas l'équipe pluridisciplinaire et que le point de savoir si un médecin du travail a le droit de prescrire un médicament fait l'objet d'un débat. L'alinéa 10 précise qu'il anime l'équipe, vous avez satisfaction.

Jean-Marie Vanlerenberghe . - Cette précision n'arrive qu'en fin d'article, ce n'est guère valorisant ! Je voterai cet amendement.

Nicolas About . - Ne peut-on parvenir à une rédaction qui satisfasse tout le monde, en précisant qu'au sein des équipes pluridisciplinaires chargées des missions des services de santé au travail, les médecins prescrivent les interventions ?

Bruno Gilles . - Cela revient à la rédaction proposée par mon amendement.

Jean-Pierre Godefroy . - Le verbe prescrire ne convient pas, le médecin n'a pas à prescrire ce que fait l'équipe pluridisciplinaire. Pour autant, je soutiens le renforcement de la place du médecin du travail.

Catherine Procaccia . - L'objet mentionne un pouvoir de prescription, ce qui serait excessif, mais le texte même de l'amendement est satisfaisant.

Jean-Louis Lorrain . - Le rôle du médecin, c'est d'animer, de coordonner l'équipe pluridisciplinaire, dans le respect des compétences de chacun. Quant à la prescription, elle ne correspond pas au seul registre médical, elle n'est pas nécessairement autoritaire : on peut prescrire... une proposition !

Bruno Gilles . - Effectivement, on ne prescrit pas seulement des médicaments, le terme est parfaitement compatible avec la fonction de coordination.

Anne-Marie Payet, rapporteur . - Nous pourrions accepter l'amendement, à condition d'en retirer, au II, les mots : « et prescrivent ses interventions ».

Jean-Marie Vanlerenberghe . - Ce texte concerne la médecine du travail et il est bien normal qu'il valorise la place du médecin du travail. Le médecin est responsable et il faut veiller à son indépendance.

Muguette Dini, présidente . - Je vous propose de voter par division. Le II ne paraît pas poser de problème, nous pourrions commencer par le voter.

Bruno Gilles . - Je préfère un vote sur l'ensemble.

Jean-Pierre Godefroy . - Nous sommes favorables au II, mais nous nous abstiendrions sur le I.

L'amendement n° 2 est adopté.

Anne-Marie Payet, rapporteur . - Par l'amendement n° 6, nous précisons l'alinéa 12, pour mieux articuler les missions générales des services de santé au travail et le contrat d'objectifs et de moyens.

Annie David . - L'alinéa 12 mentionne des « missions », pourquoi remplacez-vous ce terme par celui de « priorités » ? Qui définira ces priorités ?

Anne-Marie Payet, rapporteur . - Nous nous soucions de bien articuler ces missions avec le contrat d'objectifs et de moyens et les priorités seront incluses dans ce contrat par accord entre le service de santé, l'Etat et les caisses de sécurité sociale.

L'amendement n° 6 est adopté.

Anne-Marie Payet, rapporteur . - Par l'amendement n° 7, nous relions le contrat d'objectifs et de moyens et la convention bipartite prévue dans le code de la sécurité sociale et signée entre les services de santé au travail et les organismes de sécurité sociale.

L'amendement n° 7 est adopté.

Anne-Marie Payet, rapporteur . - Par l'amendement n° 8, nous renvoyons au décret les modalités d'application du contrat d'objectifs et de moyens.

L'amendement n° 8 est adopté.

Les amendements de précision nos 9 et 10 sont adoptés, de même que l'amendement de cohérence n° 11.

L'article 1 er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 2

Anne-Marie Payet, rapporteur . - Par l'amendement n° 12, nous précisons la procédure quand le médecin du travail transmet des préconisations à la demande de l'employeur.

L'amendement n° 12 est adopté.

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article additionnel après l'article 3

Anne-Marie Payet, rapporteur . - Par l'amendement n° 13, nous définissons, dans la partie législative du code, les organes chargés de surveiller l'organisation et la gestion du service de santé au travail.

Paul Blanc . - Ce texte vise à renforcer l'indépendance de la médecine du travail mais on précise ici qu'il faut la surveiller : qui surveillera quoi ? Avec quel pouvoir de sanction ?

Anne-Marie Payet, rapporteur . - Cette surveillance existe déjà, nous ne faisons que la consacrer dans la loi.

André Lardeux . - Si cette matière est réglementaire, pourquoi légiférer ?

Anne-Marie Payet, rapporteur . - La loi précisera désormais la composition du conseil d'administration ; nous respectons un parallélisme des formes. Ce texte fait entrer plusieurs dispositions réglementaires dans le champ de la loi.

Nicolas About . - Effectivement, ce texte donne un statut légal à plusieurs dispositions aujourd'hui réglementaires. Ensuite, la surveillance ne porte pas ici sur les actes médicaux mêmes, qui relèvent de la responsabilité du médecin, mais sur l'organisation et la gestion du service de la santé au travail. Cette surveillance est tout à fait légitime.

Jean-Pierre Godefroy . - Nous voterons l'amendement.

Annie David . - Nous aussi.

L'amendement n° 13 est adopté, il devient article additionnel.

Article 4

Anne-Marie Payet, rapporteur . - Par l'amendement n° 14, nous inscrivons dans la loi l'existence de la commission médico-technique et nous lui confions la mission d'élaborer le projet de service pluriannuel du service de santé au travail interentreprises.

L'amendement n° 14 est adopté.

L'amendement n° 3, satisfait, est retiré par son auteur, Bruno Gilles.

L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 5

L'amendement de conséquence n° 15 est adopté.

L'article 5 est supprimé.

Articles additionnels après l'article 5

Anne-Marie Payet, rapporteur . - Par l'amendement n° 16, nous soumettons à l'accord de l'inspection du travail la rupture conventionnelle du contrat d'un médecin du travail, comme c'est le cas pour les salariés protégés.

Guy Fischer . - Les ruptures conventionnelles atteignent un chiffre record, nous avions raison de vous alerter contre ce dispositif !

Nicolas About . - Nous l'avions fait de notre côté également.

L'amendement n° 16 est adopté, il devient article additionnel.

Anne-Marie Payet, rapporteur . - Par l'amendement n° 17, nous faisons intervenir l'inspecteur du travail, également, pour la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée d'un médecin du travail.

L'amendement n° 17 est adopté, il devient article additionnel.

Anne-Marie Payet, rapporteur . - Par l'amendement n° 18, nous faisons bénéficier le médecin du travail de la procédure protectrice prévue à l'article L. 2421-8 du code du travail en cas de non-renouvellement du contrat de travail à durée déterminée.

L'amendement n° 18 est adopté, il devient article additionnel.

Anne-Marie Payet, rapporteur . - Par l'amendement n° 19, nous prévoyons que le transfert, même partiel, du médecin du travail ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail et après avis du médecin inspecteur du travail.

L'amendement n° 19 est adopté, il devient article additionnel.

Article 6

Anne-Marie Payet, rapporteur . - Par l'amendement n° 20, nous prévoyons un délai de dix-huit mois pour parvenir à un accord collectif de branche, après quoi le Gouvernement est habilité à prendre des mesures par décret en Conseil d'Etat.

Annie David . - N'est-ce pas un peu long ? Pourquoi pas un an ?

Anne-Marie Payet, rapporteur . - Le délai de dix-huit mois est couramment utilisé en matière de négociations collectives.

L'amendement n° 20 est adopté.

L'article 6 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 11

Anne-Marie Payet, rapporteur . - Par l'amendement n° 21 rectifié, nous précisons certaines conditions de fonctionnement des commissions paritaires d'hygiène, de sécurité et de conditions de travail en agriculture.

Jean-Pierre Godefroy . - Ces commissions sont paritaires, cela démontre bien que le paritarisme est possible !

Guy Fischer . - Pourquoi le refuser aux salariés ?

L'amendement n° 21 rectifié est adopté.

L'article 11 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 12

L'amendement de coordination n° 22 est adopté.

L'article 12 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 13

L'amendement rédactionnel n° 23 est adopté.

L'article 13 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

L'ensemble de la proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

ANNEXE - RÉPONSES REÇUES EN APPLICATION DU PROTOCOLE ORGANISANT LA CONCERTATION AVEC LES PARTENAIRES SOCIAUX


* 1 Décision n° 2010-617 DC.

* 2 Rapport sur le bilan de réforme de la médecine du travail, octobre 2007.

* 3 Loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002, article 193.

* 4 Arrêté du 24 décembre 2003 relatif à la mise en oeuvre de l'obligation de pluridisciplinarité dans les services de santé au travail.

* 5 Décret n°2004-760 du 28 juillet 2004 relatif à la réforme de la médecine du travail et modifiant le code du travail.

* 6 Rapport sur le bilan de réforme de la médecine du travail, octobre 2007.

* 7 Rapport présenté par Christian Dellacherie, membre du conseil économique, social et environnemental, Paul Frimat, professeur de médecine du travail à l'Université de Lille II, et Gilles Leclercq, médecin conseil de l'ACMS.

* 8 Rapport d'information n° 642 (2009-2010) de Gérard Dériot, fait au nom de la mission d'information sur le mal-être au travail et de la commission des affaires sociales, 7 juillet 2010.

* 9 Rapport remis en novembre 2005 au ministre de la santé.

* 10 Loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002, article 193.

* 11 Directive 89/391/CEE du Conseil.

* 12 Arrêté du 24 décembre 2003 relatif à la mise en oeuvre de l'obligation de pluridisciplinarité dans les services de santé au travail.

* 13 Articles R. 4623-26 et suivants.

* 14 Articles R. 4624-10 et suivants.

* 15 Par exemple, rapport remis au Gouvernement par Christian Dellacherie, Paul Frimat et Gilles Leclercq, en avril 2010, « La santé au travail - Vision nouvelle et professions d'avenir ».

* 16 Article D. 4622-43.

* 17 Articles D. 4622-74 à D. 4622-76.

* 18 Article L. 225-38.

* 19 L'article R. 732-31 crée un fonds national de prévention, d'éducation et d'information sanitaires qui apporte, au sein de la caisse centrale de la mutualité sociale agricole, un concours financier aux actions entreprises dans ces domaines par les organismes de mutualité sociale agricole.

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