Rapport n° 558 (2010-2011) de M. Francis GRIGNON , fait au nom de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, déposé le 25 mai 2011

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N° 558

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 25 mai 2011

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (1), comportant le texte de la commission, sur :

- la proposition de résolution européenne de M. Jean-François HUMBERT présentée en application de l'article 73 quinquies du Règlement, sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant un espace ferroviaire unique européen (E 5642),

- la proposition de résolution européenne de Mme Mireille SCHURCH, M. Michel BILLOUT, Mmes Isabelle PASQUET, Éliane ASSASSI, M. François AUTAIN, Mmes Marie-France BEAUFILS, Nicole BORVO COHEN-SEAT, Annie DAVID, M. Jean-Claude DANGLOT, Mmes Michelle DEMESSINE, Évelyne DIDIER, MM. Guy FISCHER, Thierry FOUCAUD, Mmes Brigitte GONTHIER-MAURIN, Gélita HOARAU, M. Robert HUE, Mme Marie-Agnès LABARRE, M. Gérard LE CAM, Mme Josiane MATHON-POINAT, MM. Jack RALITE, Ivan RENAR, Mme Odette TERRADE, MM. Bernard VERA et Jean-François VOGUET présentée en application de l'article 73 quinquies du Règlement, sur la proposition de directive établissant un espace ferroviaire unique européen (E 5642),

- et la proposition de résolution européenne de M. Roland RIES et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés présentée en application de l'article 73 quinquies du Règlement, relative à la refonte du premier paquet ferroviaire (E 5642),

Par M. Francis GRIGNON,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Paul Emorine , président ; MM. Gérard César, Gérard Cornu, Pierre Hérisson, Daniel Raoul, Mme Odette Herviaux, MM. Marcel Deneux, Daniel Marsin, Gérard Le Cam , vice-présidents ; M. Dominique Braye, Mme Élisabeth Lamure, MM. Bruno Sido, Thierry Repentin, Paul Raoult, Daniel Soulage, Bruno Retailleau , secrétaires ; MM. Pierre André, Serge Andreoni, Gérard Bailly, Michel Bécot, Joël Billard, Claude Biwer, Jean Bizet, Jean-Marie Bockel, Yannick Botrel, Martial Bourquin, Jean Boyer, Jean-Pierre Caffet, Yves Chastan, Alain Chatillon, Roland Courteau, Jean-Claude Danglot, Philippe Darniche, Marc Daunis, Denis Detcheverry, Mme Évelyne Didier, MM. Michel Doublet, Daniel Dubois, Alain Fauconnier, Alain Fouché, Serge Godard, Francis Grignon, Didier Guillaume, Michel Houel, Alain Houpert, Mme Christiane Hummel, M. Benoît Huré, Mme Bariza Khiari, MM. Daniel Laurent, Jean-François Le Grand, Philippe Leroy, Claude Lise, Roger Madec, Michel Magras, Hervé Maurey, Jean-François Mayet, Jean-Claude Merceron, Jean-Jacques Mirassou, Robert Navarro, Louis Nègre, Mmes Renée Nicoux, Jacqueline Panis, MM. Jean-Marc Pastor, Georges Patient, François Patriat, Jackie Pierre, Rémy Pointereau, Ladislas Poniatowski, Marcel Rainaud, Charles Revet, Roland Ries, Mmes Mireille Schurch, Esther Sittler, Odette Terrade, MM. Michel Teston, Robert Tropeano, Raymond Vall, René Vestri.

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

494 , 496 , 498 et 509 (2010-2011)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La commission des affaires européennes du Sénat a examiné, mardi 10 mai 2011, trois propositions de résolution européenne, conformément à l'article 88-4 de la Constitution, sur la proposition de directive établissant un espace ferroviaire unique européen :

- la proposition n° 494 de M  Jean-François Humbert ;

- la proposition n° 496 de Mme Mireille Schurch et les membres du groupe CRC-SPG ;

- la proposition n° 498 de M. Roland Ries et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Elle a adopté la première sans modification, et a rejeté les deux autres. C'est donc le texte de la proposition de M. Jean-François Humbert, devenu le texte de la commission des affaires européennes, qui est examiné par notre commission de l'économie. Toutefois, le présent rapport mentionne, à l'occasion de l'examen des dispositions de la proposition de résolution adoptée par la commission des affaires européennes, les principaux points des deux propositions de résolution rejetées par la commission des affaires européennes.

L'adoption de cette proposition résulte d'un long travail de la commission des affaires européennes, entamé il y a plusieurs mois. Initialement, il était prévu que les deux rapporteurs, M. Roland Ries et M. Jean-François Humbert, déposent une proposition de résolution commune. Mais devant les difficultés de cette entreprise, les deux rapporteurs ont déposé chacun leur texte, auxquels s'est ajoutée la proposition du groupe CRC-SPG.

Au vu de l'enjeu majeur que représentent les transports ferroviaires, votre commission de l'économie avait, dès le mercredi 23 mars 2011, prédésigné M. Francis Grignon comme rapporteur sur la proposition de résolution de la commission des affaires européennes.

Les rapports entre Réseau ferré de France (RFF) et la SNCF sont en en effet au coeur des préoccupations de la commission de l'économie. En vertu de la loi fondatrice de 1997, RFF est chargé de la gestion du réseau ferré national, mais il délègue une partie essentielle de cette mission - la gestion de la circulation - à la SNCF. De nombreuses voix ont plaidé dans cette enceinte pour un renforcement sans équivoque de RFF en lui transférant, directement ou via une filiale, les quelque 14 000 agents actuellement affectés à la Direction de la Circulation ferroviaire (DCF), entité indépendante au sein de la SNCF. La Commission européenne réclame une séparation plus nette en France entre le gestionnaire et l'exploitant historique, afin d'éviter tout risque de partialité dans l'attribution des sillons au bénéfice de cette dernière. Un recours en manquement a d'ailleurs été porté par la Commission devant la Cour de Justice des communautés européennes pour mauvaise transposition du premier paquet ferroviaire.

Mais votre commission de l'économie s'intéresse également aux problématiques liées aux services ferroviaires annexes, au service minimal en cas de grève, aux missions des organismes de contrôle, ces sujets étant également traités par la proposition de directive.

C'est dans ce contexte que la commission des affaires européennes a déposé sa proposition de résolution européenne.

Après une description approfondie du contexte de la proposition de résolution, votre rapporteur examinera précisément le contenu de ce texte dont il approuve pleinement l'orientation .

Il propose à votre commission de l'adopter, sous réserve de plusieurs modifications tendant à renforcer et préciser sa portée.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. LA REFONTE DU « PREMIER PAQUET FERROVIAIRE »

A. LA DIRECTIVE FONDATRICE DE 1991

La libéralisation du secteur ferroviaire a été inaugurée par la directive 91/440/CEE du 29 juillet 1991. Ce texte poursuivait trois objectifs :

- assainir la situation financière des entreprises ferroviaires et assurer leur indépendance vis-à-vis des États-membres au travers d'une comptabilité propre ;

- instituer une séparation au moins comptable entre la gestion de l'infrastructure ferroviaire et les exploitants ;

- ouvrir, sous conditions, les réseaux aux entreprises ferroviaires des autres États-membres.

L'objectif initial de cette directive était en effet d'ouvrir l'exploitation du réseau ferroviaire européen à la concurrence afin de regagner les parts modales perdues au profit de la route et de l'avion. La création progressive d'un « espace ferroviaire unique européen », dans lequel les opérateurs bénéficieraient d'un accès égal et non discriminatoire au réseau, est censée, selon la Commission européenne, accroitre la compétitivité du secteur ferroviaire. En revanche, la gestion des réseaux demeure l'apanage des États et n'est pas ouverte à la concurrence.

B. LE PREMIER PAQUET FERROVIAIRE ADOPTÉ EN FÉVRIER 2001

Le premier paquet ferroviaire de 2001, entré en vigueur en 2003, comporte trois directives :

- la directive 2001/12/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2001 modifiant la directive du Conseil du 29 juillet 1991 relative au développement de chemins de fer communautaires ;

- la directive 2001/13/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2001 modifiant la directive du Conseil du 27 juin 1995 concernant les licences des entreprises ferroviaires ;

- et la directive 2001/14/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2001 concernant la répartition des capacités d'infrastructure ferroviaire et la tarification de l'infrastructure ferroviaire .

C. LES RAISONS DE LA REFONTE DE CE PAQUET

Le transport par rail en Europe ne connait pas une évolution favorable depuis 20 ans. La Commission européenne, dans son deuxième rapport sur le suivi de l'évolution du marché ferroviaire, considère que la part modale du rail est stabilisée à 10 % pour les marchandises et 7 % pour les passagers en 2002.

La Commission européenne impute ces piètres résultats à la mauvaise transposition et l'application déficiente du premier paquet ferroviaire. Elle estime par conséquent que ce premier paquet ferroviaire doit subir une refonte pour deux raisons. Sur la forme, il convient de simplifier le cadre réglementaire dans le secteur ferroviaire en fusionnant, harmonisant, clarifiant et actualisant les trois directives précitées en un seul texte. Sur le fond, trois objectifs sont poursuivis :

- assurer un financement et une tarification adéquats des infrastructures ferroviaires ;

- garantir des conditions de concurrence égale entre opérateurs ;

- renforcer l'effectivité des organismes de contrôle.

C'est pourquoi elle a présenté, le 17 septembre 2010, une proposition de directive « établissant un espace ferroviaire unique européen », qui comprend vingt-six nouvelles mesures, disséminées un peu partout dans le texte, et de portée inégale, pour réaliser ces objectifs.

Cette directive unique comprend 5 chapitres , soixante huit articles et douze annexes.

Le premier chapitre compte trois articles qui concernent les dispositions générales .

Le deuxième concerne le développement des chemins de fer de l'Union et regroupe douze articles, répartis en six sections : indépendance de gestion, séparation entre la gestion de l'infrastructure et l'activité de transport et entre les différents types d'activité de transport, assainissement financier, accès à l'infrastructure et aux services ferroviaires, accords transfrontaliers et missions de contrôle de la Commission.

Le troisième chapitre est dédié aux licences des entreprises ferroviaires et compte dix articles, divisés en trois sections : organisme responsable de la délivrance des licences, conditions d'obtention d'une licence, validité de la licence.

Le quatrième chapitre comprend trente-deux articles et il a trait à la tarification de l'infrastructure ferroviaire et à la répartition des capacités de l'infrastructure . Ce chapitre est organisé en quatre sections : principes généraux, tarification de l'infrastructure et des services, répartition des capacités de l'infrastructure et organisme de contrôle.

Le dernier chapitre regroupe douze articles relatifs aux dispositions finales .

LES PROCHAINES ÉCHÉANCES AU NIVEAU EUROPÉEN POUR LA PROPOSITION DE DIRECTIVE « ÉTABLISSANT UN ESPACE FERROVIAIRE UNIQUE EUROPÉEN »

Au Parlement européen, le vote en commission transport (TRAN) sur ce texte est prévu le 12 juillet, et le vote en session plénière le 13 septembre.

Au Conseil, un COREPER est prévu le 25 mai 2011 et abordera ce texte, dans le cadre de la préparation de l'agenda du Conseil "transports, télécommunications et énergie" (TTE) du 16 juin 2011. Le Conseil a inscrit cette proposition de directive le 16 juin pour une « approche générale ».

II. LES ENJEUX FRANÇAIS AU REGARD DE CETTE REFONTE

A. LA DCF, TRAIT D'UNION ENTRE RFF ET LA SNCF ?

Le législateur national n'a pas souhaité aller trop loin en 1997 dans la séparation effective entre le gestionnaire du réseau ferré et l'opérateur historique . La transposition de la directive 91/440 a été assurée par la loi n° 97-135 du 13 février 1997 portant création de l'établissement public « Réseau ferré de France » (RFF) en vue du renouveau du transport ferroviaire. RFF se voit confier la gestion de l'infrastructure ferroviaire, qui était jusqu'à alors attribuée à la SNCF. Formellement, la France est allée au-delà de l'obligation d'une séparation seulement comptable imposée par cette directive en créant une entité nouvelle séparée juridiquement de l'entreprise historique. Mais dans le détail, les choses sont plus complexes. En effet, l'article 1 er de la loi précitée indique que, compte tenu des impératifs de sécurité et de continuité du service public, la SNCF est le gestionnaire délégué du réseau , en charge de la gestion du trafic et de l' entretien de l'infrastructure pour le compte de RFF. Le nouveau gestionnaire a donc pour mission d'attribuer les sillons 1 ( * ) aux entreprises ferroviaires souhaitant circuler sur le réseau ferré national. En définitive, derrière le jardin à la française, se cache un jardin à l'anglaise pour le moins baroque. RFF est formellement séparé de la SNCF, mais dans les faits l'entreprise historique conserve des missions essentielles. Comme le dit justement Hubert Haenel dans son rapport au Premier ministre en 2009, « la principale ambition des auteurs de la loi était de réussir une sorte de ` carré magique ' répondant à deux doubles contraintes :

- d'une part, réaliser la séparation fonctionnelle exigée par la directive 91/440 tout en préservant l'unité de la SNCF ;

- d'autre part, créer les conditions d'un nouveau départ de la société nationale en la désendettant, sans pour autant alourdir la dette publique, passage à l'euro oblige. » 2 ( * )

Face aux critiques constantes de la Commission européenne, la législation française a cependant évolué à travers l'adoption de la loi dite ORTF du 9 décembre 2009 3 ( * ) , en instituant un service gestionnaire des trafics et des circulations, baptisé Direction de la circulation ferroviaire (DCF) . Ce service spécialisé, interne à la SNCF, exerce depuis le 1 er janvier 2010 les missions de gestion du trafic et des circulations sur le réseau ferré national, pour le compte et selon les objectifs et principes de gestion définis par RFF. La DCF exerce ses missions dans des conditions assurant l'indépendance des « fonctions essentielles » afin de garantir une concurrence libre et loyale et l'absence de toute discrimination entre les opérateurs ferroviaires.

Bien que ce service ne possède pas la personnalité juridique , la loi indique que le directeur du service gestionnaire des trafics et des circulations ne reçoit aucune instruction de nature à remettre en cause ou à fausser l'indépendance de ses décisions. Nommé par décret du Premier ministre sur proposition du ministre chargé des transports pour une période de cinq ans et après avis de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF), il ne peut être mis fin de manière anticipée à ses fonctions que dans l'intérêt du service, là encore par décret du Premier ministre, mais après avis conforme cette fois-ci de l'Autorité. Le directeur du service gestionnaire des trafics et des circulations ne peut être membre du conseil d'administration de la SNCF. Il est seul responsable de la gestion administrative et budgétaire du service. Il a également autorité sur les personnels employés par le service.

Par ailleurs, la loi impose des règles strictes aux agents du service en matière de secret professionnel et institue une commission de déontologie pour autoriser ces agents à travailler ensuite dans des entreprises ferroviaires. Enfin, ce texte impose à RFF de financer ce service au travers d'une convention.

En pratique, la DCF compte 14 000 cheminots environ . Ils exercent des missions méconnues du grand public, mais qui sont essentielles pour le secteur ferroviaire. Ces agents sont en quelque sorte les « aiguilleurs du ciel » dans le domaine ferroviaire. Schématiquement, la DCF comprend :

- des horairistes , chargés d'établir le graphique des horaires de tous les trains circulant sur l'ensemble du réseau ferré national, à la fois pour les trains de voyageurs et de marchandises. Les quelque 500 horairistes de la DCF étudient 1 à 2 ans à l'avance les demandes de sillons qui sont déposées auprès des horairistes de RFF, en tenant compte notamment  de la nature des trains, de leur composition et des caractéristiques de la ligne ;

- des régulateurs , qui veillent à la régularité des trains en « temps réel » ;

- des aiguilleurs , assurant physiquement la manoeuvre de signaux ou d'appareils de voie (on compte 2 000 postes d'aiguillage sur les quelque 30 000 kilomètres du réseau ferré français) ;

- et des agents de circulation , en charge de la sécurité et de la protection des agents SNCF (ou d'entreprises extérieures) qui réalisent des interventions sur les voies.

En définitive, et pour reprendre l'expression d'une personne auditionnée par votre rapporteur, le législateur a souhaité placer la DCF « dans une cage de Faraday » afin d'assurer son isolement au sein de la SNCF. Toutefois, la Commission européenne n'a pas été convaincue par le dispositif législatif français.

B. LE RECOURS EN MANQUEMENT CONTRE LA FRANCE POUR MAUVAISE APPLICATION DU PREMIER PAQUET FERROVIAIRE

Le 29 décembre dernier, la Commission européenne a saisi la Cour de justice de l'Union européenne afin de faire constater l'insuffisance des mesures prises par notre pays pour mettre en oeuvre le premier paquet ferroviaire. En effet, en vertu de l'article 258 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, si la Commission estime qu'un État-membre a manqué à une des obligations qui lui incombent en vertu des traités, elle émet un avis motivé à ce sujet, après avoir mis cet État en mesure de présenter ses observations. Si l'État en cause ne se conforme pas à cet avis dans le délai déterminé par la Commission, celle-ci peut saisir la Cour de justice de l'Union européenne. Pour l'heure, la Commission n'a pas demandé à la Cour de prononcer des sanctions financières contre la France. Toutefois, si d'aventure la France était condamnée et refusait de respecter le jugement de la juridiction européenne, la Commission aurait la possibilité, conformément à l'article 260 du traité précité, de saisir à nouveau la Cour pour qu'elle lui inflige le paiement d'une somme forfaitaire ou d'une astreinte.

Cette saisine de la Cour intervient après une longue procédure. En effet, la Commission avait adressé une mise en demeure à la France par lettre du 27 juin 2008, un courrier complémentaire le 14 juillet 2009 et un avis motivé le 9 octobre 2009. Le Gouvernement a fourni des explications à chaque étape de cette procédure, qui n'ont pas mis un terme au différend avec la Commission, sauf sur un point : elle reconnaît désormais que la France a institué un organe de régulation indépendant et doté des pouvoirs nécessaires.

Le Parlement européen a joué un rôle non négligeable dans le durcissement des relations entre la Commission et certains États-membres . Il a en effet adopté, le 17 juin 2010, une résolution sur la mise en oeuvre des directives du premier paquet ferroviaire. Cette résolution n'hésitait d'ailleurs pas à l'enjoindre d'entamer une procédure en justice à l'encontre des 22 États-membres n'ayant pas correctement mis en oeuvre le premier paquet ferroviaire. Depuis lors, la Commission a finalement traduit treize États-membres devant la Cour de justice.

Concrètement, la Commission a retenu deux griefs contre la France, le premier a trait à l'indépendance des « fonctions essentielles » 4 ( * ) , le second concerne la tarification de l'accès à l'infrastructure ferroviaire.

S'agissant du premier grief, la Commission estime que la Direction de la circulation ferroviaire exerce des « fonctions essentielles » mais qu'elle n'est pas suffisamment indépendante « sur le plan juridique, organisationnel et décisionnel » par rapport à la SNCF. La DCF est certes chargée de certaines fonctions en matière d'attributions de sillons, mais les autorités françaises estiment que les « missions confiées à la DCF ne peuvent en aucun cas en faire un organisme de répartition indépendant tel que prévu à l'article 14 [de la directive 2001/14/CE], puisqu'elle n'a pas de compétence pour attribuer les capacités » 5 ( * ) . La DCF, service spécialisé de la SNCF, ne serait donc qu'un prestataire de service, agissant pour le compte et sous le contrôle de RFF. La Commission affirme pour sa part que « les études dont est chargée la SNCF font partie des fonctions essentielles : elles permettent à celui qui en est chargé d'influencer la répartition des sillons et de prendre connaissance d'informations confidentielles » 6 ( * ) . Ce « vice originel » est aggravé par l'absence d'indépendance de la DCF par rapport à la SNCF. Sur le plan juridique, ce qui pose problème avec le statut de la DCF selon la Commission, « ce n'est pas tant l'absence d'un personnalité juridique que son intégration juridique dans la personne juridique SNCF ». La théorie de « l'approche fonctionnelle », selon laquelle seul compte le résultat obtenu et non les moyens utilisés, est défendue par la France : l'indépendance juridique de RFF par rapport à la SNCF la protège contre toute influence de la part de l'opérateur historique. Mais la Commission rejette ce raisonnement, jugé « totalement erroné », car « tout l'effet utile de l'exigence d'indépendance serait ainsi perdu 7 ( * ) . Sur le plan organisationnel et décisionnel, quatre critiques précises sont formulées :

- aucun droit de se plaindre n'est accordé aux parties prenantes sur une éventuelle violation de l'indépendance de la DCF ;

- le directeur de la DCF peut être nommé contre l'avis de l'ARAF, qui ne donne un avis conforme qu'en cas de révocation de ce dernier ;

- les transferts de personnel de la DCF vers les autres services de la SNCF ne sont pas suffisamment contrôlés ;

- la DCF ne dispose pas pour l'heure d'un personnel propre, de locaux séparés et d'un système d'information protégé.

Quant au second grief, il est reproché au système français de tarification de l'accès à l'infrastructure de ne pas intégrer de mécanismes encourageant les opérateurs et le gestionnaire de l'infrastructure à minimiser les défaillances et à améliorer les performances du réseau. En outre, la tarification ne comprend pas, selon la Commission, de mécanismes récompensant le gestionnaire d'infrastructure s'il parvient à réduire les coûts et les charges d'utilisation de l'infrastructure (redevances d'accès). Ces deux reproches recouvrent une réalité assez proche mais le premier concerne surtout les opérateurs, tandis que le second vise exclusivement les gestionnaires.

Par conséquent, les négociations en cours sur la proposition de refonte du premier paquet ferroviaire se déroulent dans un climat particulièrement tendu entre de nombreux États-membres et la Commission européenne, suite à la saisine de la Cour pour mauvaise application du premier paquet ferroviaire.

C. LA CRÉATION DE LA BRANCHE GARES ET CONNEXIONS AU SEIN DE LA SNCF

La branche Gares et connexions, cinquième et dernière née au sein de la SNCF, est opérationnelle depuis le 1 er janvier 2010 . Elle découle de l'article 18 de la loi dite loi ORTF, qui indique que la SNCF a notamment pour mission  « de gérer, de façon transparente et non discriminatoire, les gares de voyageurs qui lui sont confiées par l'État ou d'autres personnes publiques et de percevoir à ce titre auprès des entreprises ferroviaires toute redevance ». Pour mémoire, RFF détient, depuis sa création et en pleine propriété, l'ensemble des ouvrages et installations liés au réseau, y compris ceux qui sont situés en gare à savoir notamment les quais, escaliers et rampes d'accès . Par conséquent, l'accès des trains à la gare est entièrement et exclusivement du ressort du gestionnaire d'infrastructure . En outre, Gares et connexions ne s'occupe pas des terminaux de fret , qui sont pourtant un enjeu essentiel pour les opérateurs ferroviaires.

Cette nouvelle branche, dirigée par Mme Sophie Boissard, compte 1 600 agents en propre au sein du groupe SNCF et assure une double mission d'exploitation et d'aménagement des gares . D'une part, elle exploite et gère les quelque 3 000 gares en activité sur le réseau (prestations de service, valorisation des espaces, entretien...). D'autre part, elle conçoit et conduit les opérations d'aménagement des gares et de leurs abords. Pour financer les charges d'exploitation des gares (dont le montant atteignait un milliard d'euros environ en 2010), la branche Gares et connexions bénéficie des redevances des entreprises ferroviaires (70 %), des redevances versées par les concessionnaires (15 %) et des loyers facturés aux locataires (15 %).

Un décret est en cours d'élaboration afin de préciser les missions et le fonctionnement de Gares et connexions.

III. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

Votre rapporteur approuve l'essentiel du dispositif de la proposition de résolution européenne présentée par notre collègue Jean-François Humbert et adoptée par la commission des affaires européennes. Il s'oppose donc à la proposition de résolution de Mme Mireille Schurch et les membres du groupe CRC-SPG, qui tend au retrait de proposition de cette directive ainsi qu'à un moratoire sur les trois paquets ferroviaires (alinéas 14 et 15).

A. POUR UNE SÉPARATION COMPLÈTE ENTRE LE GESTIONNAIRE ET L'EXPLOITANT FERROVIAIRE

1. La proposition de directive

Le projet de refonte n'apporte pas de règles nouvelles par rapport au droit en vigueur pour les relations entre le gestionnaire et les entreprises ferroviaires . Il ne s'attache pas à renforcer la séparation entre ces deux entités, malgré la persistance de situations très différentes en Europe (notamment la présence de « holdings » intégrant le gestionnaire d'infrastructure et l'exploitant historique en Allemagne, Autriche, Italie, Pologne...) qui ont un impact significatif sur la concurrence.

Cette relative timidité de la Commission européenne, qui tranche avec le volontarisme du Parlement européen, s'explique peut-être par le fait que la Commission a saisi la CJUE, à l'encontre de nombreux États-membres, sur les relations entre le gestionnaire de réseau et l'opérateur ferroviaire historique.

En tout état de cause, la Commission a indiqué, dans sa communication jointe au projet de refonte, qu'elle entend traiter cette question et l'ouverture du transport domestique de passagers en 2012, dans le cadre d'une nouvelle initiative.

L'article 7 impose aux États-membres de confier les « fonctions essentielles », qui sont énumérées à l'annexe II, à des organismes ou entreprises qui ne sont pas eux-mêmes fournisseurs de services de transport ferroviaire, afin de garantir un accès équitable et non discriminatoire à l'infrastructure. Cet article précise que cet objectif doit être atteint d'une « manière probante », quelle que soit la structure organisationnelle retenue par l'État.

Cet article oblige le gestionnaire de l'infrastructure à être « indépendant des entreprises ferroviaires sur le plan juridique, organisationnel et décisionnel ».

L'annexe II a été modifiée et indique que les « fonctions essentielles » recouvrent:

- d'une part, la préparation et l'adoption des décisions concernant la répartition des sillons , y compris la définition et l'évaluation de la disponibilité, ainsi que l'attribution de sillons individuels ;

- d'autre part, l'adoption des décisions concernant la tarification de l'infrastructure , y compris la détermination et la perception des redevances.

2. La proposition de résolution initiale

L'alinéa 16 de la proposition de résolution indique qu'il est « indispensable de conditionner l'ouverture complète à la concurrence du secteur ferroviaire, notamment pour le transport national de voyageurs, à l'exigence d'un même degré de séparation dans tous les États-membres entre le gestionnaire d'infrastructure et l'opérateur ferroviaire historique ».

La philosophie de cet alinéa s'éloigne sensiblement de l'alinéa 23 de la proposition de résolution de M. Roland Ries, qui réaffirme que « la séparation des fonctions de gestionnaire d'infrastructure et celles d'opérateur de transport peut se limiter aux aspects comptables, comme cela est explicitement prévu dans l'article 6 de la directive sur la refonte du premier paquet ferroviaire ». La proposition de résolution du groupe socialiste indique que « l'idée de maintenir les deux fonctions à l'intérieur d'une même structure juridique de holding paraît dès lors une hypothèse de synthèse permettant d'éviter une séparation qui présente, à l'expérience, plus d'inconvénients que d'avantages ». L'alinéa 24 de cette proposition de résolution précise qu'il conviendrait dans ce cas de « créer les conditions juridiques permettant de garantir l'affectation des éventuels résultats de la branche gestionnaire d'infrastructures aux seuls investissements dans les infrastructures ».

3. La position de votre commission

D'une manière générale, votre rapporteur ne peut que regretter la complexité du paysage institutionnel français dans le secteur ferroviaire. La législation française opère un mixte entre la séparation complète et la séparation fonctionnelle (voir tableau infra ). RFF a en théorie une existence juridique complètement séparée de la SNCF mais, dans les faits, elle délègue à l'entreprise historique sa mission essentielle de gestion du réseau. Pour reprendre les mots du Secrétaire d'État chargé des transports, M. Thierry Mariani, l'organisation française est « récente, complexe, à peine stabilisée et probablement perfectible », et elle a abouti à ce que « le rail français semble saisi par le doute » 8 ( * ) . Votre rapporteur rappelle que RFF n'est pas le seul gestionnaire du réseau ferroviaire français, certaines lignes échappant à sa compétence, de même que les voies dans les circonscriptions des grands ports maritimes, anciennement appelés ports autonomes. Les opérateurs de fret ferroviaire sont nombreux. Bientôt, des compagnies étrangères feront du cabotage pour certaines lignes internationales de voyageurs. L'ARAF est érigé au rang de juge de paix du secteur ferroviaire, tandis que l'établissement et le contrôle des règles de sécurité sont l'apanage de l'Établissement Public de Sécurité Ferroviaire (EPSF). Bref, on observe de plus en plus d'acteurs dans le monde ferroviaire si bien que les élus comme les usagers ne savent plus très bien identifier les responsabilités de chacun.

PANORAMA DES GESTIONNAIRES D'INFRASTRUCTURES FERROVIAIRES
AU SEIN DES ÉTATS-MEMBRES DE L'UNION EUROPÉENNE EN 2009

Catégorie

États-membres

Gestionnaires d'infrastructure, chargé de l'attribution des capacités, et ayant une totale indépendance juridique, organisationnelle, et institutionnelle.

Grande-Bretagne, Finlande, Danemark, Pays-Bas, Norvège, Espagne, Suède, Portugal, Slovaquie, Lituanie, Roumanie, République Tchèque, Grèce, Bulgarie

Gestionnaire d'infrastructures indépendant, chargé d'attribuer des capacités, mais ayant délégué certaines fonctions de gestion d'infrastructure (e.i. gestion du trafic, maintenance) à un des opérateurs ferroviaires/gestionnaire d'infrastructure intégré travaillant aux côté d'un corps indépendant chargé de gérer l'attribution des capacités.

Estonie, France, Hongrie, Slovénie, Luxembourg, Lettonie

Gestionnaire d'infrastructure indépendant légalement (mais non institutionnel) chargé de gérer les capacités, détenu par une holding qui détient également un des opérateurs.

Autriche, Belgique, Allemagne, Italie, Pologne

Infrastructure chargée d'attribuer les capacités et entreprise ferroviaire toujours intégrée .

Irlande, Irlande du Nord

Source : annexe au rapport de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur le tableau de bord du développement du marché du rail, 18 décembre 2009.

Votre commission souhaite aller plus loin que la commission des affaires européennes en exigeant une séparation totale (c'est-à-dire juridique, organisationnelle, décisionnelle et patrimoniale) dans tous les États-membres entre le gestionnaire et l'opérateur historique, avant d'envisager l'ouverture complète à la concurrence du secteur ferroviaire. Plutôt que de lancer de nouvelles étapes dans la libéralisation de ce secteur, il vaut mieux aller au terme des processus lancés il y a maintenant vingt ans. Cette position est d'ailleurs partagée par la SNCF, qui craint que le respect du premier paquet ferroviaire par certains États-membres vertueux n'aboutisse à donner un avantage indu à la Deutsche Bahn (DB) qui a mis en place un système juridique pour le moins original et critiqué par la Commission européenne. Par conséquent, il convient que l'ouverture à la concurrence des marchés domestiques se fasse avec des gestionnaires placés sur un pied d'égalité afin de ne pas créer des conditions inégales d'accès pour les nouveaux entrants.

TYPOLOGIE DES RELATIONS ENTRE LE GESTIONNAIRE D'INFRASTRUCTURE ET L'ENTREPRISE FERROVIAIRE HISTORIQUE

Dans la lignée de l'avis de l'autorité de la concurrence du 4 novembre 2009 9 ( * ) , il convient de distinguer 5 cas de figure par ordre croissant, allant de la société intégrée au découplage total entre l'activité de gestion et celle d'exploitation du réseau :

- la société intégrée : il s'agit du cas de la SNCF et de la majorité des autres États-membres avant la transposition de la directive 91/440/CEE du 29 juillet 1991. Les fonctions de gestionnaire et d'exploitation du réseau sont confondues ;

- la séparation comptable entre ces deux fonctions au sein d'une même entreprise : c'est le degré le plus faible du découplage, imposé par la directive 91/440/CEE précitée ;

- la séparation fonctionnelle , qui donne une autonomie d'organisation et de décision à l'entité choisie. Elle peut inclure de nombreuses garanties liées, par exemple, au rattachement des salariés ou à la circulation de l'information. C'est le choix retenu par le législateur pour la DCF, qui a suscité, on l'a vu, de nombreuses critiques de la Commission européenne ;

- la séparation juridique , qui prend le plus souvent la forme de la filialisation. En Allemagne, le gestionnaire du réseau est une filiale à 100 % du groupe Deutsche Bahn ;

- la séparation complète , ou découplage total : la séparation est juridique, organisationnelle, décisionnelle mais aussi patrimoniale.

Votre rapporteur rappelle à cet égard que le Parlement européen souhaite également un découplage total entre le gestionnaire du réseau ferroviaire et l'opérateur historique. Au point 7 de la résolution précitée du 17 juin 2010, les députés européens ont réaffirmé que « l'indépendance du gestionnaire de l'infrastructure est une condition préalable pour permettre un traitement équitable, transparent et non discriminatoire de tous les opérateurs ». Dès lors, le Parlement souligne qu' « il est particulièrement inquiétant de constater que les garanties pratiques et juridiques visant à assurer l'indépendance des gestionnaires de l'infrastructure sont insuffisantes, surtout lorsqu'ils font partie de sociétés holding de chemin de fer exerçant également des activités de transport ferroviaire » . Mme Debora Serracchiani, rapporteure pour le Parlement européen sur la proposition de refonte du premier paquet ferroviaire, s'inscrit résolument dans la continuité de cette résolution. Dans son document de travail du 17 décembre 2010, elle regrette que la proposition de la Commission ne permette « aucune avancée en matière de dégroupage » et estime que « ne devraient être agréées que les gestionnaires de l'infrastructure pleinement indépendants des points de vue juridique, organisationnel et institutionnel » 10 ( * ) . La rapporteure a décidé de reporter la présentation de son projet de rapport, initialement prévue en mars, à la session du 23 au 25 mai 2011 de la Commission des transports.

Votre rapporteur exprime sa plus grande réserve sur l'idée de créer en France une holding dans le secteur ferroviaire en s'inspirant du modèle allemand. En effet, la Commission européenne a également introduit devant la CJUE un recours contre l'Allemagne le 26 novembre 2010, dans lequel elle estime que l'indépendance du gestionnaire d'infrastructure dans l'exercice de « fonctions essentielles » n'est pas garantie, étant donné que plusieurs de ces fonctions ont été confiées à une société qui est certes juridiquement indépendante, mais qui fait partie d'une société mère à laquelle appartiennent entre autres des entreprises fournissant des services de transport ferroviaire. Dès lors, les « mesures de sauvegarde » invoquées par l'Allemagne ne suffisent pas, selon la Commission européenne, à garantir « l'indépendance des fonctions essentielles » ni à éviter les « conflits d'intérêt » ou à faire échec au « contrôle par la société mère » de l'instance chargée des fonctions essentielles. C'est pourquoi il n'apparaît pas souhaitable à votre rapporteur de reprendre les préconisations des alinéas 23 et 24 de la proposition de résolution de M. Roland Ries. Plutôt que de rayer d'un trait de plume l'organisation ferroviaire mise en place en France depuis 1997, il est plus sage de réformer le système actuel de l'intérieur en conservant le découplage juridique entre le gestionnaire et les opérateurs ferroviaires. Il convient par ailleurs de rappeler que des recours en manquement ont également été introduits par la Commission européenne contre l'Italie et la Pologne, mais pas la Belgique, ces pays ayant mis en place une organisation ferroviaire similaire à celle observée en Allemagne.

LA DEUTSCHE BAHN, MODÈLE OU REPOUSSOIR POUR LA FRANCE ?

Née en 1994 de la fusion entre les deux principaux opérateurs historiques publics qui existaient avant la réunification ( Deustche Bahn et Deutsche Reichsbahn ), la Deustche Bahn AG est une entreprise de droit privé, détenue à 100 % par l'État. Le Gouvernement allemand envisage d'ailleurs de faire entrer en Bourse le groupe.

Formellement, la Deutsche Bahn est un konzern , c'est-à-dire une association d'entreprises qui associe concentration horizontale et verticale. Les activités de la DB sont actuellement réparties en 2 grands pôles. D'une part, la gestion des infrastructures est assurée par 3 entités : DB Netze Fahrweg (pour la gestion des sillons), DB Netze Personenbahnhöfe (pour la gestion des gares de voyageurs) et DB Netze Energie (pour la fourniture d'électricité notamment). Quant aux activités d'opérateur ferroviaire, regroupées sous la bannière DB Mobility Logistics Konzern , elle regroupe aujourd'hui 6 branches :

- DB Bahn Verkehr , qui traite des services voyageurs pour les grandes lignes ;

- DB Regio , compétente exclusivement pour les services voyageurs locaux et régionaux ;

- DB Arriva gère la filiale britannique ;

- DB Schenker Rail et DB Schenker Logistics s'occupent du fret ferroviaire ;

- et DB Diensleistungen fournit des services aux entreprises ferroviaires.

Beaucoup d'observateurs français mettent en avant les succès du groupe DB, en Allemagne comme à l'étranger, par contraste avec ses concurrents français, et en premier lieu la SNCF. La DB est la plus importante entreprise ferroviaire de l'Union européenne (239 000 employés), le montant de son chiffre d'affaires est fort enviable (29,43 milliards d'euros en 2009) et son résultat d'exploitation satisfaisant (1,7 milliard d'euros la même année). Il est indéniable que la DB a considérablement développé son activité fret et voyageurs en Allemagne depuis plus de dix ans et s'est lancée dans une ambitieuse politique d'acquisition en Europe.

Mais il convient de rappeler que la politique d'expansion de la DB en Europe n'aurait pas été possible sans le choix du gouvernement fédéral de reprendre la dette colossale des deux opérateurs publics (33 milliards d'euros), ainsi que la gestion du personnel à statut par une structure de défaisance gérée par l'État fédéral (« Bundeseisenbahnvermögen » ou BEV). Cette dernière structure a bénéficié du transfert de biens immobiliers (6,5 milliards d'euros) pour assurer ses missions.

En outre, au-delà de ce bilan flatteur, il convient de rappeler quelques faits moins connus, dont certains sont mis en avant dans le recours en manquement introduit par la Commission européenne précité.

Tout d'abord, l'Allemagne n'a toujours pas transposé certaines directives importantes, portant sur des sujets aussi variés que la sécurité ferroviaire, l'interopérabilité ferroviaire, ou encore la certification des conducteurs de train.

Ensuite, l'Allemagne est mise en cause pour non-respect présumé de certaines directives européennes. Par exemple, la directive 2001/14/CE ne serait pas respectée, en particulier en matière de fixation des charges de péages et d'indépendance du gestionnaire d'infrastructure.

Par ailleurs, la DB utiliserait les bénéfices issus des péages perçus pour l'utilisation du réseau dans l'expansion internationale de la DB.

Enfin, la Commission européenne a fait procéder récemment à des perquisitions chez DB Energie , soupçonnée d'abus de position dominante.

En Allemagne même, de nombreux défauts de fonctionnements ou pratiques discriminatoires ont été sanctionnés et condamnés. Ainsi, la Bundesnetzagentur ( BNetzA ), l'autorité de régulation commune aux industries de réseau outre-Rhin, a rejeté le 10 décembre 2009 la tarification d'accès aux gares proposée par la DB, cette dernière n'ayant pas réussi à prouver que la tarification était fondée sur ses coûts. La Cour administrative fédérale a quant à elle confirmé, le 8 mai 2010, l'interdiction faite à DB Netz de recourir aux juristes de la DB Holding pour tout conseil en matière de droits d'accès au réseau pour les concurrents et de tarification de l'infrastructure. Enfin, la BNetzA a imposé, le 1 er septembre dernier à DB Regio, de proposer à toutes les entreprises ferroviaires des conditions identiques d'accès à ses ateliers de maintenance.

En définitive, ces difficultés expliquent peut-être pourquoi la DB est l'une des entreprises publiques les moins appréciées des Allemands.

L'organisation du système ferroviaire français doit s'inspirer, au cas par cas, des bonnes pratiques de nos différents voisins européens, sans céder à la facilité de transposer tels quels des modèles dans notre pays, car tout modèle comporte des limites.

Ce découplage total entre les missions de gestionnaire du réseau et d'exploitation signifie que le personnel de la DCF doit être transféré à RFF. Il est indispensable que les fonctions relatives à la gestion de l'infrastructure ferroviaire et à la répartition des sillons soient enfin assurées en totalité par un organisme unique, RFF, doté de moyens propres, sans délégation à une entreprise ferroviaire. Votre rapporteur est en effet convaincu que ce transfert est nécessaire pour trois raisons :

- du point de vue de la qualité des sillons, le système actuel est à bout de souffle . La dualité voire l'antagonisme entre les services de RFF et la DCF est désormais de notoriété publique, alors que la chaine des horairistes était intégrée avant 1997. L'ARAF, dans son avis du 2 février dernier, a estimé que « la répartition du processus, ainsi que celle des outils, entre RFF et la direction des circulations ferroviaires (DCF) constitue un handicap manifeste pour une allocation efficace des sillons » et qu'il est donc « nécessaire et urgent » d'assurer « le rapprochement physique et organisationnel des équipes de RFF et de la DCF ». M. Hubert du Mesnil, président de RFF, a rappelé, lors de son audition devant votre commission le 6 avril dernier, que « l'École Polytechnique de Lausanne avait précédemment mis en exergue trois faiblesses dans la gestion de nos sillons : le cadencement n'était pas suffisamment développé, l'organisation des travaux était défaillante, et le travail des horairistes, partagés entre la SNCF et RFF, était perfectible ». La qualité la gestion des sillons se détériore d'année en année, en raison d'une mauvaise coordination entre les horairistes de RFF en amont et de la DCF en aval, et de l'absence d'un outil informatique unifié. RFF et la SNCF ne sont pas parvenus ces dernières années à régler ce problème. Pire, la situation depuis le début de l'année 2011 est caractérisée par une explosion du nombre de sillons attribués en dernière minute (soit 7 jours avant la circulation du train). En effet, on estime que ce nombre est passé de 400 000 en 2006 à 900 000 pour les 3 premiers moins de l'année 2011, sur un total de 10 millions de sillons attribués par an ;

- du point de vue des entreprises ferroviaires privées, il existera toujours un soupçon de partialité lors de l'attribution des sillons tant que la DCF dépendra de la SNCF. La tentation peut exister que des agents de la DCF avantagent l'entreprise historique au détriment de ses concurrents. Cette suspicion est inévitable. Toutefois, sur le fond, il est quasi certain que l'immense majorité des sillons est d'ores-et-déjà attribuée dans des conditions objectives et transparentes. En effet, lors de son audition devant votre rapporteur, M. Bertrand, directeur de la DCF, a indiqué que son service était « un livre ouvert » par rapport à RFF ;

- du point de vue de la Commission européenne , qui privilégie une approche formaliste en matière de concurrence, il sera nécessaire de clarifier les relations entre RFF et la DCF . M. Pierre Cardo, président de l'ARAF, a déclaré, lors de son audition devant votre commission le 29 mars dernier, que compte tenu des « orientations des directives et de la jurisprudence européennes, si nous devions faire face, un jour, à un contentieux, nous serions perdants. On ne manquera pas d'exiger une claire distinction des rôles. On fera valoir qu'il n'est pas normal que les horairistes soient rattachés à une entreprise concurrente ». En tout état de cause, il est étonnant que RFF n'exerce en propre que la moitié de ses « fonctions essentielles ». Il prépare et adopte les décisions concernant la « tarification de l'infrastructure », mais tous le volet « répartition des sillons » est sous-traité à la DCF.

Compte tenu des quelque 2000 salariés au sein de RFF, le transfert intégral des 14 000 cheminots de la DCF vers RFF pourrait se faire idéalement dans le cadre d'une filiale de RFF, afin de ne pas déstabiliser le mode de fonctionnement du gestionnaire d'infrastructure. Cette solution aurait sans doute l'accord de Bruxelles, même si votre rapporteur n'a pas eu officiellement l'occasion d'interroger la Commission sur ce point, car cette filiale serait rattachée au gestionnaire du réseau, lui-même radicalement séparé de l'entreprise ferroviaire historique, ce qui la distinguerait du cas allemand. Quant au volet social, les cheminots conserveraient leur statut au sein d'une filiale rattachée à RFF, qui est par nature un établissement public assurant des missions régaliennes, non soumis à concurrence. Certains syndicats de la SNCF, hostiles à la création de la DCF qui est selon un eux un « démantèlement » de l'entreprise historique, pourraient à terme prendre conscience de l'intérêt et de la pérennité de cette formule. Les salariés actuels de RFF, ainsi que les nouveaux embauchés, seraient soumis au statut privé. En définitive, l'existence de la DCF constitue une avancée par rapport à la situation antérieure mais elle ne peut être qu'une solution transitoire, justifiée lors de sa création par la nécessité de répondre aux injonctions de la Commission européenne tout en préservant la paix sociale. Le transfert intégral du personnel dans le cadre d'une filiale rattachée à RFF aurait le mérite de la simplicité et d'éviter de créer à nouveau des structures juridiques baroques qui satisfont sur le coup les acteurs concernés mais engendrent à terme inquiétude chez les cheminots et exaspération chez les opérateurs ferroviaires.

C'est pourquoi votre commission a adopté un amendement de votre rapporteur, qui estime indispensable de « conditionner l'ouverture complète à la concurrence du secteur ferroviaire, notamment pour le transport national de voyageurs, à l'exigence d'une séparation totale dans tous les États-membres entre le gestionnaire d'infrastructure et l'opérateur ferroviaire historique ».

B. GARANTIR UN ACCÈS ÉQUITABLE ET NON DISCRIMINATOIRE AUX FACILITÉS ESENTIELLES, ET NOTAMMENT AUX GARES

1. La proposition de directive

La section 4 du chapitre II de la directive ne traite plus seulement de l'accès à l'infrastructure, mais aussi de « l'accès aux services ferroviaires », ce qui dénote la volonté nouvelle de la Commission européenne d'élargir sa conception de l'infrastructure ferroviaire.

LES SERVICES FERROVIAIRES : DÉFINITION

L'annexe III de la directive définit les services à fournir aux entreprises ferroviaires.

La directive 2001/14/CE avait déjà identifié de nombreux services, comme le traitement des demandes de capacités de l'infrastructure , l'utilisation des branchements , des aiguilles du réseau, des gares (de voyageurs, de triage, de formation et de remisage), et d'autres prestations complémentaires ou connexes.

La proposition de refonte a introduit de nouveaux services tels que l'utilisation du système d'alimentation électrique pour le courant de traction, les infrastructures portuaires liées à des activités ferroviaires ou encore les infrastructures d'assistance , notamment le remorquage.

Dans cette perspective, l'article 13, relatif aux conditions d'accès aux services, a été profondément remanié. Ainsi, quatre nouveaux alinéas ont été introduits par la Commission.

Le premier alinéa indique que lorsque l'exploitant de l'installation de service dépend d'un organisme ou d'une entreprise qui sont également actifs et occupent une position dominante sur au moins un des marchés de services de transport ferroviaire pour lesquels l'installation est utilisée, il est organisé de manière à assurer son « indépendance juridique, organisationnelle et décisionnelle » vis-à-vis de cet organisme ou de cette entreprise.

Le deuxième alinéa dispose que les demandes d'accès à l'installation de service introduites par les entreprises ferroviaires ne peuvent être rejetées que s'il existe des « alternatives viables » leur permettant d'exploiter le service de fret ou de transport de voyageurs concerné sur le même trajet dans des « conditions économiquement acceptables ». Il incombe à l'exploitant de l'installation de service de prouver l'existence d'une alternative viable.

Le troisième alinéa précise qu'en cas de « conflit » entre différentes demandes, l'exploitant de l'installation de service tente de répondre au mieux à toutes les demandes. Toutefois, si aucune alternative viable n'existe et qu'il est impossible de répondre à toutes les demandes de capacités pour l'installation concernée sur la base des besoins avérés, l'organisme de contrôle devra prendre des mesures appropriées, de sa propre initiative ou à la suite d'une plainte, pour qu'une partie adéquate de la capacité soit dévolue aux entreprises ferroviaires autres que celles dépendant de l'organisme ou de l'entreprise dont dépend l'exploitant de l'installation. Des exceptions sont prévues pour les nouveaux centres d'entretien et autres infrastructures techniques développés spécifiquement pour du nouveau matériel.

Le quatrième alinéa dispose que si l'installation de service n'a pas été utilisée pendant au moins deux années consécutives, son propriétaire annonce publiquement que son exploitation est disponible, entre autres, à la location.

2. La proposition de résolution initiale

L'alinéa 17 de la proposition de résolution de la commission des affaires européennes rappelle « la nécessité de garantir un accès équitable et non discriminatoire aux facilités essentielles, ce qui exige l'autonomie décisionnelle du gestionnaire des installations de services mais non pas nécessairement son indépendance juridique à l'égard de l'exploitant ferroviaire historique, dès lors que le régulateur national est doté des pouvoirs nécessaires, notamment le pouvoir de contrôle préalable de la tarification des services proposés en gares ».

Par ailleurs, la proposition de résolution de M. Roland Ries demande, dans ses alinéas 15 à 18, que la définition des facilités essentielles respecte les conditions suivantes :

- la SNCF ne saurait perdre la propriété d'installations qui lui appartiennent ;

- elle devra être associée à la définition du périmètre et des conditions techniques de mise à disposition des facilités essentielles permettant de combiner les exigences de chaque entreprise avec la fourniture d'une prestation de qualité égale pour toutes, et permettant le respect du secret industriel ;

- les tarifs ne sauraient mettre en péril l'équilibre économique de l'opérateur historique ni avoir pour conséquence une augmentation des charges pour les régions.

Pour mémoire, le terme de « facilité essentielle » a été défini par la jurisprudence européenne et désigne les installations impossible à dupliquer et dont l'accès est indispensable pour l'opération de services ferroviaires.

3. La position de votre commission

Votre rapporteur est favorable à l'extension de la notion de réseau ferroviaire, qui doit comprendre également les services ferroviaires (également appelés services annexes). On peut schématiquement avancer trois raisons :

- une raison économique : dans un contexte de libre concurrence, la création ex nihilo d'installations spécifiques pour chaque entreprise ferroviaire privée est impossible, compte tenu de l'absence d'économie d'échelle et de la raréfaction des terrains disponibles autour de l'infrastructure ferroviaire ;

- une raison d'équité : l'accès de tiers aux services annexes est légitime car les installations ferroviaires ont toutes été financées par des fonds publics ;

- une raison d'efficacité : toute entreprise ferroviaire ne peut faire circuler ses trains que si elle a un libre accès aux voies de services, aux gares, aux branchements et aux alimentations électriques par exemple, sans quoi l'ouverture à la concurrence du secteur ferroviaire perdrait une grande part de son effet utile.

Toutefois, votre rapporteur considère que l'annexe III est trop extensive, partageant ainsi certaines préoccupations exprimées par la proposition de résolution de notre collègue Roland Ries. De fait, il est préférable de restreindre la liste des services ferroviaires annexes, en distinguant clairement les « facilités essentielles » et les activités qui doivent rester dans la sphère concurrentielle. Là encore, il s'agit d'opérer un partage précis entre les services qui relèvent d'un service public, et les services relevant de prestations commerciales normales.

Concernant la maintenance, seule la « maintenance légère », est nécessaire pour le fonctionnement des services de transport en toute sécurité. Les entreprises ferroviaires disposent de beaucoup plus de flexibilité, notamment géographique, et d'un marché dynamique pour réaliser leur maintenance lourde.

S'agissant des gares, l'accès aux outils d'information des voyageurs (panneaux, annonces vocales) doit effectivement être garanti de manière non discriminatoire à tout opérateur. Il en est de même de la possibilité d'implanter des guichets en propre et des automates sur des emplacements adaptés.

Par contre, la billetterie en gare ne peut pas être assimilée à une facilité essentielle. A l'instar du transport aérien, et comme le montre le cas de nombreux opérateurs nouveaux sur le marché de la grande vitesse ferroviaire, la constitution d'un réseau de distribution est très aisée dans des conditions économiques normales.

Enfin, une attention particulière doit être accordée aux gares de triage .

Votre rapporteur plaide en outre pour que la gestion des facilités essentielles soit confiée, à terme, aux gestionnaires de réseaux . Il faut en effet que la restructuration du paysage institutionnel ferroviaire français se fasse en respectant un principe simple : RFF doit assurer l'ensemble de ses missions régaliennes liées à la gestion du réseau, tandis que les opérateurs ferroviaires, y compris la SNCF, sont censés réaliser uniquement des prestations commerciales, le cas échéant assorti d'obligation de service public ( voir infra ). Dès lors, RFF devrait à terme constituer deux filiales : la première pour la gestion de la circulation sur le réseau (par l'intégration de la DCF), la seconde pour la gestion des services ferroviaires annexes (ce qui implique là aussi l'intégration de la branche Gares et connexions de la SNCF). La création de cette filiale est d'autant plus nécessaire que la gestion des gares est aujourd'hui partagée entre la SNCF et RFF. Le poids de l'histoire, l'importance des entreprises ferroviaires intégrées et la crainte de mouvements sociaux ont conduit, en France comme en Europe, à créer un système ferroviaire complexe qui a aujourd'hui atteint ses limites. Par ailleurs, il serait souhaitable que les collectivités territoriales soient associées au fonctionnement des gares les plus importantes par le gestionnaire des infrastructures, tant leur rôle dans l'économie et l'aménagement du territoire est essentiel.

A titre provisoire, il est nécessaire que la SNCF donne plus d'autonomie à la DCF et à la branche Gares et connexions . Le projet de refonte pose des exigences identiques pour la gestion des sillons et la gestion des services ferroviaires annexes comme les gares. Ces activités doivent être exercées par des entités bénéficiant d'une « indépendance juridique, organisationnelle et décisionnelle » vis-à-vis de l'entreprise ferroviaire historique, étant entendu que la Commission européenne considère que l'indépendance juridique implique la filialisation. Votre rapporteur considère que le débat actuel sur la DCF, qui sera tranché prochainement par la CJUE, rejaillira tôt ou tard sur la branche Gares et connexions de la SNCF, compte tenu des nouvelles dispositions introduites par l'article 13 du projet de refonte. Il observe d'ailleurs que notre collègue député Gérard Voisin considère également qu'il est « difficilement concevable que la gestion des gares soit durablement éclatée entre de multiples entités » 11 ( * ) .

C'est pourquoi votre rapporteur a déposé initialement un amendement qui rédige l'alinéa 17 de la manière suivante : le Sénat rappelle désormais la « nécessité que les services ferroviaires annexes, dont la définition ne saurait être entendue de manière extensive, soient fournis, directement ou indirectement, par le gestionnaire de l'infrastructure, ou à défaut par une entité dont l'indépendance juridique, organisationnelle et décisionnelle est garantie par rapport à l'opérateur ferroviaire en position dominante ».

Suite aux observations de nos collègues MM. Roland Ries et Michel Teston, votre rapporteur a modifié son amendement afin de parler de « facilités essentielles » au lieu de « services ferroviaires annexes ». La commission a adopté cet amendement ainsi modifié.

C. ENCOURAGER UNE COOPÉRATION ACCRUE ENTRE LES GESTIONNAIRES DE RÉSEAU EN EUROPE

1. La proposition de directive

L' article 57 de la future directive fusionnée traite de la coopération entre organismes de contrôle dans l'Union européenne. Alors que la directive 2001/14/CE était brève sur ce point, le projet élaboré par la commission introduit 7 nouveaux alinéas, tout en modifiant le premier.

Tout d'abord, le premier alinéa indique qu'un « groupe de travail » est créé pour que les organismes de contrôle nationaux puissent coopérer.

Le deuxième alinéa axe cette coopération sur leurs tâches de « surveillance du marché » et de « traitement des plaintes et enquêtes ».

Le troisième alinéa oblige à la consultation des organismes concernés lorsqu'une plainte concerne un « sillon international ».

Le quatrième alinéa indique que les organismes consultés dans ce cas doivent fournir toutes les informations qu'ils ont le droit de demander en fonction de leur droit national.

Le cinquième alinéa oblige l'organisme qui reçoit ou instruit une plainte à communiquer toute « information pertinente » à ses homologues étrangers.

Le sixième alinéa oblige les « gestionnaires d'infrastructure » concernés à coopérer quand un organisme de contrôle instruit une plainte portant sur un sillon international.

Enfin, le dernier alinéa impose aux organismes de contrôle d'élaborer un corpus de principes et de pratiques pour les décisions qu'ils sont amenés à prendre sur le fondement de la future directive consolidée. Ils examinent en outre les décisions et pratiques des gestionnaires d'infrastructure qui coopèrent en vue de répartir les capacités de l'infrastructure sur plusieurs réseaux.

2. La proposition de résolution initiale

L'alinéa 18 de la proposition de résolution de la commission des affaires européennes plaide pour « la mise en place d'un réseau européen de régulateurs nationaux afin de garantir une convergence des tarifs pratiqués par les gestionnaires nationaux d'infrastructure et d'harmoniser les conditions techniques et juridiques des activités ferroviaires en concurrence dans les différents États-membres. »

3. La position de votre commission

A l'unisson de la commission des affaires européennes, votre rapporteur souhaite une coopération renforcée entre les régulateurs nationaux, sans créer un régulateur unique à l'échelle européenne. En effet, compte tenu de l'hétérogénéité et de la complexité des systèmes ferroviaires nationaux, l'instauration d'un tel régulateur européen intégré pourrait aboutir, au moins dans un premier temps, à un affaiblissement de la régulation sectorielle. L'approche proposée par la Commission, favorable à un renforcement de la coopération entre les régulateurs nationaux, semble la plus adaptée dans le contexte actuel de mise en place des régulateurs dans chaque pays, afin de promouvoir des doctrines et des pratiques homogènes, des échanges d'informations et une politique européenne sur les entraves à la concurrence.

D. PERMETTRE UNE TARIFICATION EN FONCTION DU BRUIT MAIS À UN RYTHME RAISONNABLE

1. La proposition de directive

L' article 31 du projet de directive traite des principes de tarification. Son cinquième paragraphe apporte des règles nouvelles en matière de tarification en fonction du bruit.

Dès lors que la législation de l'Union autorise la perception de redevances correspondant au coût des effets du bruit émis par le fret routier, les redevances d'utilisation de l'infrastructure ferroviaire sont modifiées pour tenir compte du coût des effets du bruit causé par l'exploitation des trains. Autrement dit, l'internalisation des coûts externes liés au bruit dans la tarification ferroviaire ne sera possible que si elle est autorisée pour les camions par la directive Eurovignette II en cours de modification.

2. La proposition de résolution initiale

L'alinéa 19 de la proposition de résolution de la commission des affaires européennes souligne qu'une « modulation des tarifs d'accès au réseau en fonction du bruit des matériels roulants ne saurait être imposée aux opérateurs ferroviaires tant que les externalités négatives du trafic routier ne font pas aussi l'objet d'une taxation obligatoire ».

3. La position de votre commission

Afin de préserver la compétitivité du fret ferroviaire, votre rapporteur soutient la volonté de la Commission européenne de modifier les redevances d'utilisation de l'infrastructure ferroviaire en fonction du bruit des trains, uniquement si la directive Eurovignette III autorise une procédure analogue pour les camions. La directive actuelle Eurovignette II interdisait de faire varier les péages autoroutiers pour prendre en compte les externalités négatives. Or, les négociations en cours sur la nouvelle directive Eurovignette sont parvenues à un point d'accord entre le Conseil et le Parlement européen : le prix du péage du transport routier pourra inclure les coûts des nuisances sonores et de la pollution atmosphérique, mais pas les coûts liés à la congestion routière.

Votre rapporteur est convaincu que le renouveau du fret ferroviaire en Europe passe par son acceptabilité sociale et par la réduction des nuisances sonores causées aux riverains . Il est regrettable que les constructeurs ferroviaires soient restés si longtemps en retrait en matière d'innovation technologique. A cet égard, on ne peut que saluer le projet « RAILENIUM », présenté par le pôle de Recherche et d'Enseignement Supérieur Nord-Pas de Calais. Il vise en effet à créer un Institut de Recherche Technologique pour l'infrastructure ferroviaire, qui a vocation à devenir un des centres de recherche de niveau mondial pour l'infrastructure ferroviaire.

Votre commission a adopté un amendement de votre rapporteur pour demander à la Commission européenne de « réaliser rapidement une évaluation des externalités négatives générées par les différents modes de transport de marchandises et de personnes dans l'Union européenne ». Cette étude servira de fondement pour établir les modulations en fonction du bruit pour les trains mais aussi pour les modulations de la taxe poids lourds. Cette proposition s'inspire de l'une des préconisations du groupe de suivi sur le Schéma national des infrastructures de transport (SNIT), rattaché à votre commission, et que préside notre collègue M. Louis Nègre.

E. LE SERVICE MINIMUM EN CAS DE GRÈVE

1. La proposition de directive

L'annexe VII, qui pose les principes de base et les paramètres des contrats entre autorités compétentes et gestionnaires de l'infrastructure, prévoit en son point 9 que le gestionnaire de réseau doit établir des règles applicables en cas de perturbations importantes des activités ou dans les situations d'urgence, y compris un niveau de service minimal en cas de grève, le cas échéant, et de résiliation anticipée du contrat, ainsi que les règles en matière d'information des utilisateurs.

2. La proposition de résolution initiale

L'alinéa 20 de la proposition de résolution de la commission des affaires européennes « reconnaît la nécessité de prévoir la fourniture, par le gestionnaire d'infrastructures, d'un service minimal aux entreprises ferroviaires en cas de grève ».

3. La position de votre commission

Votre rapporteur soutient sur le fond cette proposition d'un service minimal en cas de grève, qui constitue d'ailleurs une revendication de l'Association française du rail (AFRA).

La loi n° 2007-1224 du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs ne concernait, comme son nom l'indique, que le transport de voyageurs et pas le fret ferroviaire. Elle a mis en place les conditions pour réduire les perturbations dans les transports publics, quelles qu'en soient les causes, en améliorant leur prévisibilité et en permettant de mettre en oeuvre des mesures pour en maîtriser les conséquences.

Suite aux conflits sociaux de la rentrée 2010, les entreprises ferroviaires privées ont souhaité que la libre circulation du fret ferroviaire en situation perturbée soit assurée pour :

- des raisons juridiques : la liberté du commerce et de l'industrie est consacrée aux articles 26.2 et 28 à 37 du Traite sur le fonctionnement de l'Union européenne ; en outre, cette liberté, ainsi que la liberté du travail, sont de niveau constitutionnel, comme le droit de grève ;

- des raisons économiques : un retard trop important de certains trains, transportant par exemple des matières premières, peut déboucher sur l'arrêt d'un site industriel ;

- pour des raisons environnementales : pour renforcer la compétitivité du train et éviter un éventuel report modal du trafic sur la route, il est nécessaire de fiabiliser le fret ferroviaire.

Toutefois, votre commission a adopté un amendement de suppression, présenté conjointement par votre rapporteur, d'une part, et MM. Roland Ries et Michel Teston, et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, d'autre part, compte tenu de l'incertitude juridique liée à l'annexe VI du projet de directive. En effet, l'Union ne peut pas intervenir dans le domaine du droit de grève, conformément à l'article 153.5 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. La Commission explique pour sa part que ce n'est pas ce qu'elle a entendu faire dans l'annexe VII, point 9 de sa proposition, précisant qu'elle propose seulement que les règles éventuellement existantes dans les États-membres, relatives au service minimum, soient inscrites et déclinées dans le contrat pluriannuel signé avec le gestionnaire de réseau. Eu égard à l'incertitude juridique sur cette question et à l'hostilité des syndicats, il est préférable de se concentrer sur une réflexion sur le service minimal aux entreprises ferroviaires en cas de perturbation du trafic uniquement dans le cadre français. Selon les informations fournies par le Gouvernement à votre rapporteur, une mission a été confiée en mars dernier au Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) pour étudier les moyens d'assurer la continuité du fret ferroviaire en situation perturbée. L'axe central de la réflexion du CGEDD devrait être la gestion des priorités entre le trafic de passagers et le trafic de fret. Ce rapport pourrait déboucher sur la proposition d'étendre au transport de marchandises les dispositions de la loi du 21 août 2007 précitée. Si tel était le cas, le législateur devrait à nouveau veiller, sous le contrôle éventuel du Conseil constitutionnel, à concilier l'encadrement de l'exercice du droit de grève avec d'autres principes de valeur constitutionnel.

F. CONTRE LES ACTES DÉLÉGUÉS CONFIÉS À LA COMMISSION EUROPÉENNE

1. La proposition de directive

L' article 60 autorise la Commission européenne à adopter des actes délégués pour modifier quasiment toutes les annexes de la future directive fusionnée.

Concrètement, la Commission pourrait modifier, en vertu de cette habilitation :

- l'annexe II, relative aux fonctions essentielles du gestionnaire d'infrastructure ;

- l'annexe III, qui traite des services à fournir aux entreprises ferroviaires ;

- l'annexe IV, qui énumère les informations destinées à la surveillance du marché ferroviaire ;

- l'annexe V, qui traite de la capacité financière ;

- l'annexe VI, définissant le contenu du document de référence du réseau ;

- l'annexe VII, qui pose les principes de base et les paramètres des contrats entre autorités compétentes et gestionnaires de l'infrastructure ;

- les points 1, 3, 4 et 5 de l'annexe VIII, qui posent les exigences en matière de coûts et de redevances en rapport avec l'infrastructure ferroviaire ;

- l'annexe IX, relatif au calendrier du processus de répartition ;

- l'annexe X, qui définit le contenu des comptes réglementaires à soumettre à l'organisme de contrôle.

A contrario, l'annexe I, définissant la liste des éléments de l'infrastructure ferroviaire, et le point 2 de l'annexe VIII sont soumis à la procédure législative ordinaire, la codécision.

LES ACTES DÉLÉGUÉS DANS L'UNION EUROPÉENNE : DÉFINITION

Les actes délégués sont une nouvelle catégorie d'acte juridique, créée par le Traité de Lisbonne. Le législateur européen choisit de déléguer à la Commission le pouvoir d'adopter des actes modifiant, en théorie, les éléments non essentiels d'un acte législatif. Autrement dit, le législateur pose l'orientation politique, tandis que la Commission décline et adapte les dispositions législatives.

Toutefois, cette délégation n'équivaut pas un blanc-seing du législateur :

- seule la Commission peut être autorisée à adopter des actes délégués ;

- des conditions parfois strictes sont parfois fixées par les textes pour l'exercice de cette délégation ;

- enfin, à tout moment, le Conseil ou le Parlement peuvent révoquer une délégation ou lui attribuer une durée limitée dans le temps, en vertu de l'article 290 du traité sur le fonctionnement de l'UE (TFUE).

En l'espèce, l' article 60 confère à la Commission européenne l'exercice de la délégation « pour une durée indéterminée ».

L' article 61 de la directive donne le pouvoir au Parlement européen et au Conseil de révoquer cette délégation, conformément à l'article 290 du TFUE précité.

Enfin, le Parlement européen et le Conseil ont la liberté de formuler des « objections » à l'égard d'un acte délégué, deux mois à compter de sa notification, en vertu de l' article 62 de la directive.

2. La proposition de résolution initiale

L'alinéa 21 de la proposition de résolution de la commission des affaires européennes recommande de « cantonner le recours aux actes délégués aux dispositions véritablement non essentielles de la réglementation du secteur ferroviaire ».

3. La position de votre commission

Votre rapporteur est favorable à la limitation du recours aux actes délégués. En effet, les modifications des annexes relatives aux fonctions essentielles du gestionnaire d'infrastructure ou aux services à fournir aux entreprises ferroviaires, pour ne citer que ces deux exemples emblématiques, ne sont pas des tâches anodines et doivent être modifiées dans le cadre d'une procédure de codécision.

G. POUR UNE HARMONISATION SOCIALE

1. La proposition de directive

Le texte proposé par la Commission européenne est muet sur le thème de l'harmonisation sociale dans le secteur ferroviaire.

2. La proposition de résolution initiale

La commission des affaires européennes a demandé au Gouvernement français (alinéa 22) de « promouvoir une harmonisation du cadre social applicable au secteur ferroviaire dans les différents États-membres de l'Union afin que la concurrence dans ce secteur s'exerce entre entreprises plutôt qu'entre statuts sociaux ».

Cette préoccupation rejoint celle de M. Roland Ries, dont la proposition de résolution (alinéas 12 et 13) invitait également le gouvernement à proposer « des amendements afin qu'une harmonisation sociale « par le haut » soit négociée dans le respect des processus de réforme propres à chaque entreprise, au besoin en définissant des étapes intermédiaires ».

3. La position de votre commission

Votre rapporteur est favorable à l'harmonisation sociale dans le secteur ferroviaire, tant au niveau national qu'européen. L'ouverture par étapes, depuis 2006, des marchés du transport ferroviaire à d'autres opérateurs que la SNCF, a conduit à l'apparition dans le paysage français d'une branche professionnelle du transport ferroviaire, à laquelle la SNCF n'appartient pas.

La nécessité de règles sociales équitables recouvre deux dimensions selon l'opérateur historique: d'une part, les cotisations sociales, d'autre part, l'aménagement et l'organisation du temps de travail.

S'agissant des cotisations sociales, la SNCF indique devoir supporter des surcoûts liés notamment au taux de cotisation retraite supplémentaire versé par la SNCF au régime spécial. L'écart de coût du travail qui en résulte dépasse 10 %.

Quant à l'aménagement et de l'organisation du temps de travail, la SNCF n'est soumise ni au code du travail ni à l'accord de branche du 14 octobre 2008. En application de l'acte dit loi du 3 octobre 1940, le régime qui lui est applicable est fixé par le décret 99-1161 du 29 décembre 1999. Le régime applicable aux opérateurs privés de fret est défini par le code du travail et par l'accord de branche - chapitre fret de la future convention collective du transport ferroviaire - du 14 octobre 2008, étendu le 9 juillet 2009. Les principales dispositions de cet accord ont été reprises dans le décret 2010-404, auxquels des accords d'entreprise peuvent, le cas échéant, apporter des dérogations et des aménagements.

La SNCF demande par conséquent que l'ensemble du transport ferroviaire de voyageurs, quels qu'en soient la distance et le statut commercial (sous contrat de service public ou non), soit régi par les mêmes fondements législatifs et réglementaires en matière d'aménagement et d'organisation du temps de travail. En particulier, l'opérateur historique demande qu'en cas de perte de marché, le transfert des contrats de travail de l'ancien au nouvel opérateur soit garanti. Plus globalement, la SNCF souhaiterait une également une approche harmonisée pour la dimension européenne. Un processus d'harmonisation est d'ailleurs en cours en Allemagne. En particulier, l'objectif de GDL, qui est le syndicat des conducteurs de trains outre-Rhin, est de rallier toutes les compagnies ferroviaires d'Allemagne à un accord salarial unique, qui concernerait quelque 26 000 conducteurs de trains et permettrait d'harmoniser les salaires ainsi que les conditions de travail.

Toutefois, il convient de souligner que l'AFRA est hostile à la proposition de la SNCF de réaliser un cadre social harmonisé. Elle rejette en effet tout cadrage préalable ou supervision du Gouvernement, indique que cette méthode n'a pas été retenue lors de l'ouverture des secteurs de l'aérien, des télécoms ou de l'énergie, et rappelle que la SNCF bénéficie déjà d'avantages implicites (comme la connaissance du marché, le contrôle des réseaux commerciaux, ou encore la maitrise de la gestion des circulations et des gares notamment).

Votre rapporteur estime pour sa part que le dialogue social doit être engagé rapidement et sans entrave entre partenaire sociaux, la SNCF et les opérateurs ferroviaires privés pour poursuivre sereinement la politique d'ouverture à la concurrence du secteur ferroviaire et ouvrir à terme le chantier de l'harmonisation sociale du secteur ferroviaire en Europe.

Votre commission a adopté un amendement du rapporteur pour préciser que l'harmonisation sociale s'accompagne d'une « convergence des règles économiques et environnementales applicables au secteur ferroviaire » .

Un amendement du rapporteur , ainsi qu'un amendement présenté par MM. Roland Ries, Michel Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, ont précisé que cette convergence globale serait « progressive ».

IV. LES AUTRES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION

A. POUR UN NOUVEAU CONTRAT DE PERFORMANCE ENTRE L'ÉTAT ET RFF APRÈS 2012

L'article 8 de la directive a innové en obligeant les États-membres à publier, au plus tard deux ans après l'entrée en vigueur de la présente directive, une « stratégie de développement de l'infrastructure ferroviaire » visant à répondre aux futurs besoins de mobilité et reposant sur un financement sain et durable du réseau ferroviaire. Il est précisé que cette stratégie couvre une période d'au moins cinq ans et est renouvelable.

Dans la continuité de cette stratégie, le gestionnaire doit adopter un « plan d'entreprise » incluant des programmes d'investissement et de financement. La notion de plan d'entreprise a été instituée par la directive 2001/12/CE. Mais la Commission européenne a souhaité aller plus loin que le droit existant en ajoutant deux dispositions :

- d'une part, le gestionnaire de l'infrastructure doit veiller à ce que les candidats soient consultés avant l'approbation du plan d'entreprise ;

- d'autre part, l'organisme de contrôle ferroviaire doit émettre un avis non contraignant sur ce plan.

Le Gouvernement n'a pas soutenu ces dispositions lors des négociations du 6 décembre 2010 dans le cadre du groupe transports terrestres du 6 décembre 2010. Le Secrétariat Général des Affaires Européennes (SGAE) a estimé que l'élaboration d'une telle stratégie est un « acte de foi », peu compatible avec les « règles budgétaires » nationales, et « semble constituer une entorse au principe de subsidiarité ».

Votre rapporteur souhaite cependant que la proposition de résolution aborde l'épineuse question des ressources de RFF , dont les marges de manoeuvre sont obérées par le poids de la dette (plus de 28 milliards d'euros) et par la nécessité de rénover, régénérer et moderniser le réseau ferroviaire. C'est pourquoi il soutient la proposition de la Commission européenne, qui est cohérente avec les conclusions du Grenelle de l'environnement et de l'engagement national pour le fret ferroviaire présenté par le Gouvernement le 16 septembre 2009. La préoccupation de votre rapporteur rejoint d'ailleurs celle de notre collègue Roland Ries dont la proposition de résolution souligne la nécessité que des « investissements importants soient consentis pour mettre à niveau et développer les infrastructures ferroviaires » (alinéa 19).

Par conséquent, votre commission a adopté un amendement de votre rapporteur, affirmant que le Sénat « estime indispensable que les États-membres établissent régulièrement une stratégie de développement de l'infrastructure ferroviaire, assortie d'un programme de financement pluriannuel, glissant et adéquat, et que les gestionnaires d'infrastructure élaborent des plans d'entreprise après consultation des entreprises ferroviaires et de l'organisme de contrôle ».

B. LA RECONNAISSANCE AU CAS PAR CAS DE LIGNES DE FRET ASSURANT UN SERVICE PUBLIC D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

La directive 2001/14/CE, qui a modifié la directive 91/440/CEE, ne traite pas de la problématique des services d'intérêt économique général (SIEG) puisque l'objectif unique de ce texte est l'ouverture des services ferroviaire dans une logique de concurrence dans le marché. La problématique d'une ouverture à la concurrence pour le marché dans une logique de SIEG (ou de délégation de service public dans le cas français) est traitée par le règlement du 23 octobre 2007 relatif aux services publics de transport de voyageur 12 ( * ) .

De fait le projet de révision du premier paquet ferroviaire est sans effet sur la liberté des États de mettre en place des services publics dans le secteur ferroviaire. De façon plus générale, cette question de l'articulation entre concurrence et service public sera un des points centraux du « Quatrième paquet ferroviaire » qui devrait être présenté par la Commission en 2012.

Or votre commission a manifesté le souhait, dans le cadre des réflexions du groupe de travail sur l'avenir du fret ferroviaire, que le Gouvernement engage une étude sur la possibilité d'attribuer des aides publiques à certaines lignes de faible trafic de wagons isolés qui répondent à une logique d'aménagement du territoire 13 ( * ) . Cette subvention serait accordée, au cas par cas, à toute entreprise ferroviaire qui exploiterait une ligne de fret déclarée d'intérêt général par l'État.

Il convient à cet égard de rappeler que selon les termes de l'article L. 2141-1 du code des transports, la SNCF exerce d'ores et déjà deux missions selon les principes du service public :

- l'exploitation des services nationaux (les TGV et les trains d'équilibre du territoire dont l'État est autorité organisatrice depuis le 1 er janvier 2011) et régionaux (les TER et les Transilien) de transport ferroviaire de personnes sur le réseau ferré national ;

- la gestion du trafic et des circulations sur le réseau ferré national ainsi que le fonctionnement et l'entretien des installations techniques et de sécurité de ce réseau pour le compte et selon les objectifs et principes de gestion définis par RFF.

C'est pourquoi votre commission a tenu à rappeler, par un amendement de votre rapporteur, que « les États-membres, demeurent libres, dans le respect des textes européens en vigueur, de créer des services d'intérêt économique général dans le secteur ferroviaire ».

Votre commission a donc partiellement satisfait l'une des demandes de la proposition de résolution de Mme Mireille Schurch, qui tendait à assimiler l'ensemble des transports publics de voyageurs et de marchandises à des missions de service public (alinéa 10).

C. LE FLÉCHAGE DES CRÉDITS DES FONDS STRUCTURELS VERS LES TRANSPORTS DURABLES

La commission a adopté un amendement de MM. Roland Ries, et Michel Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, après avis favorable de votre rapporteur, indiquant qu'il est « nécessaire que des investissements importants soient consentis pour mettre à niveau et développer les infrastructures ferroviaires ». Par conséquent, il « doit être introduit a minima dans les nouveaux règlements des fonds structurels un mécanisme de fléchage des crédits affectés aux transports durables ».

Votre rapporteur rappelle que les fonds structurels - le Fonds européen de développement régional (FEDER) et le Fonds Social pour l'Emploi (FSE) - sont moins importants pour la France que pour les pays de l'est de l'Europe. En outre, les infrastructures de transport ne figurent pas parmi les priorités que se fixe la France.

Les fonds structurels en France pour la période 2007-2013 atteignent 14 milliards d'euros environ, dont 4 milliards pour les DOM. Sur les 10 milliards restant, 4,5 milliards sont dédiés au FSE et 5,6 milliards vont au FEDER. La moitié de l'enveloppe FEDER va à l'innovation et à la recherche pour les PME, une autre partie va à l'énergie renouvelable pour les bâtiments. La part pour les infrastructures de transport est très faible, à l'exception de crédits d'étude sur le prolongement de la branche ouest de la LGV Atlantique vers Rennes et Nantes.

Votre rapporteur considère que le Gouvernement français doit flécher une partie des crédits du FEDER vers les transports durables, car la Stratégie « Europe 2020 », qui succède à la stratégie de Lisbonne, fixe entre autres comme objectif à l'Union européenne la lutte contre le réchauffement climatique.

ANNEXE I - PROPOSITION DE RÉSOLUTION ADOPTÉE PAR LA COMMISSION DE L'ÉCONOMIE, DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant un espace ferroviaire unique européen (Refonte) du 17 septembre 2010 - E 5642 (COM(2010) 475 final),

Vu la Communication de la Commission européenne concernant l'élaboration d'un espace ferroviaire unique européen du 17 septembre 2010 (COM(2010) 474 final),

Vu le Livre blanc de la Commission européenne pour un espace européen unique des transports du 28 mars 2011 (COM(2011) 144 final),

Vu la résolution du Parlement européen du 17 juin 2010 sur la mise en oeuvre des directives du premier paquet ferroviaire,

Vu le document de travail sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant un espace ferroviaire unique européen publié le 17 décembre 2010 par Mme Debora Serracchiani, rapporteure au nom de la Commission des transports et du tourisme du Parlement européen,

Vu le rapport du Sénat (n° 220) fait en février 2009 par M. Hubert Haenel au nom de la commission des affaires européennes sur la libéralisation des transports ferroviaires dans l'Union européenne,

Vu le rapport du Sénat (n° 55) fait en octobre 2010 par M. Francis Grignon au nom de la commission de l'économie sur l'avenir du fret ferroviaire,

Vu l'avis n° 09-A-55 de l'Autorité de la concurrence du 4 novembre 2009 sur le secteur du transport public terrestre de voyageurs,

Vu l'avis n° 2011-002 de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires du 2 février 2011 relatif au document de référence du réseau ferré national pour 2012,

Considérant que la part de marché du rail stagne depuis dix ans dans l'Union européenne,

Considérant que la Commission européenne juge insatisfaisante la transposition des directives du premier paquet ferroviaire et a saisi la Cour de justice de l'Union européenne en 2010 d'un recours en manquement contre treize États-membres, dont la France et l'Allemagne,

Considérant que les nécessaires débats juridiques autour des propositions de la Commission européenne ne doivent pas faire oublier que le secteur ferroviaire européen est d'abord confronté à des défis économiques et opérationnels,

Confirme le bien-fondé d'une refonte du premier paquet ferroviaire afin de consolider les règles existantes et préciser leur interprétation,

Estime indispensable de conditionner l'ouverture complète à la concurrence du secteur ferroviaire, notamment pour le transport national de voyageurs, à l'exigence d'une séparation totale dans tous les États-membres entre le gestionnaire d'infrastructure et l'opérateur ferroviaire historique,

Convient de la nécessité que les facilités essentielles, dont la définition ne saurait être entendue de manière extensive, soient fournies, directement ou indirectement, par le gestionnaire de l'infrastructure, ou à défaut par une entité dont l'indépendance juridique, organisationnelle et décisionnelle est garantie par rapport à l'opérateur ferroviaire en situation dominante,

Juge nécessaire la mise en place d'un réseau européen de régulateurs nationaux afin de garantir une convergence des tarifs pratiqués par les gestionnaires nationaux d'infrastructure et d'harmoniser les conditions techniques et juridiques des activités ferroviaires en concurrence dans les différents États-membres et invite la Commission européenne à réaliser rapidement une évaluation des externalités négatives générées par les différents modes de transport de marchandises et de personnes dans l'Union européenne,

Souligne qu'une modulation des tarifs d'accès au réseau en fonction du bruit des matériels roulants ne saurait être imposée aux opérateurs ferroviaires tant que les externalités négatives du trafic routier ne feront pas aussi l'objet d'une taxation obligatoire,

Recommande de cantonner le recours aux actes délégués aux dispositions véritablement non essentielles de la réglementation du secteur ferroviaire,

Appelle le Gouvernement français à promouvoir une harmonisation progressive du cadre social ainsi qu'une convergence des règles économiques et environnementales applicables au secteur ferroviaire dans les différents États-membres de l'Union afin que la concurrence dans ce secteur s'exerce entre entreprises plutôt qu'entre statuts sociaux,

Estime nécessaire que des investissements importants soient consentis pour mettre à niveau et développer les infrastructures ferroviaires. Pour ce faire, doit être introduit a minima dans les nouveaux règlements des fonds structurels un mécanisme de fléchage des crédits affectés aux transports durables,

Estime indispensable que les États-membres établissent régulièrement une stratégie de développement de l'infrastructure ferroviaire, assortie d'un programme de financement pluriannuel, glissant et adéquate, et que les gestionnaires d'infrastructure élaborent des plans d'entreprise après consultation des entreprises ferroviaires et de l'organisme de contrôle,

Rappelle que les États-membres demeurent libres, dans le respect des textes européens en vigueur, de créer des services d'intérêt économique général dans le secteur ferroviaire.

ANNEXE II - EXAMEN DES AMENDEMENTS ET DU TEXTE DE LA COMMISSION DE L'ÉCONOMIE, DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE (MERCREDI 25 MAI 2011)

La commission procède ensuite à l'examen du rapport et du texte de la commission sur la proposition de résolution européenne, présentée par M. Jean-François Humbert, en application de l'article 73 quinquies du Règlement, sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant un espace ferroviaire unique européen (E 5642), adoptée sans modification par la commission des affaires européennes, contenue dans le rapport n° 509 (2010-2011) de MM. Jean-François Humbert et Roland Ries.

M. Jean-Paul Emorine , président . - Nous allons procéder à l'examen de la proposition de résolution européenne adoptée par la commission des affaires européennes sur la base du rapport de MM. Jean-François Humbert et Roland Ries. Je vous rappelle que la commission des affaires européennes avait à examiner trois propositions de résolution européenne (PPRE) :

- la proposition n° 494 déposée par Jean-François Humbert ;

- la proposition n° 498 de notre collègue Roland Ries ;

- la proposition n° 496 de notre collègue Mireille Schurch.

La commission des affaires européennes n'ayant pu se mettre d'accord sur ces trois propositions par consensus, elle a adopté la proposition de Jean-François Humbert et rejeté les deux autres.

Nous allons donc nous prononcer sur la proposition de résolution adoptée par la commission des affaires européennes. C'est sur celle-ci que vous avez pu déposer des amendements.

En revanche, l'examen des deux propositions socialiste et communiste sera fait à l'occasion du rapport écrit de Francis Grignon.

Avant de lui passer la parole, je voudrais le féliciter, car il a été nommé le 24 mai au conseil d'administration de la SNCF, où il me remplacera. J'ai siégé pendant deux ans dans cette instance, où mon mandat ne pouvait être renouvelé, puisque je n'exerce plus de fonction élective locale. Les réunions mensuelles du conseil d'administration permettent de faire le point sur la SNCF, une grande entreprise publique avec plus de 900 filiales.

M. Francis Grignon , rapporteur . - Avant d'aborder l'examen de la PPRE, je voudrais vous dire que je suis disposé à présenter devant votre commission le rapport que j'ai transmis au Gouvernement, le 18 mai dernier, sur les conditions pour une expérimentation portant sur l'ouverture à la concurrence des services de transports ferroviaires régionaux de voyageurs, un sujet complexe et socialement difficile.

Depuis 1991, le secteur ferroviaire s'est progressivement ouvert à la concurrence. Remontant à 2001, le « premier paquet ferroviaire » a traité trois grands sujets en trois directives : la séparation entre le gestionnaire de l'infrastructure et l'exploitant ferroviaire historique ; les licences des entreprises ferroviaires ; la répartition des capacités d'infrastructure et la tarification de leur usage. En France, l'Autorité de régulation des activités ferroviaires doit veiller à la bonne application de ces principes.

Globalement, les États n'ont que partiellement appliqué ce premier paquet. En dix ans, la commission de Bruxelles a envoyé de nombreux avis motivés. Sous la pression du Parlement européen, elle s'est décidée fin 2010 à saisir pour manquement la Cour de justice de l'Union européenne contre 13 États membres, dont la France et l'Allemagne.

Le premier grief à l'encontre de notre pays concerne la Direction de la circulation ferroviaire (DCF), créée en 2009 par la loi d'organisation et de régulation des transports ferroviaires, dite « loi ORTF », pour attribuer les sillons, pour le compte de Réseau ferré de France (RFF). Quelques 14 000 personnes y travaillent. La Commission européenne estime que la SNCF peut influencer la répartition des sillons et prendre connaissance d'informations confidentielles. Il s'agit d'un sujet sensible, car les meilleurs sillons sont laissés aux voyageurs, au détriment du fret. Le second grief concerne les péages, qui ne comportent pas de système de bonus-malus pour changer les comportements du gestionnaire et des opérateurs.

La Commission reproche également à l'Allemagne de ne pas avoir donné suffisamment d'indépendance au gestionnaire d'infrastructure dans l'exercice de ses « fonctions essentielles ». La Deutsche Bahn (DB), organisée en société holding, comporte une filiale, dénommée DB Netz, qui fixe les prix des péages acquittés par les exploitants, à l'image de RFF.

Le projet de refonte a donc été présenté fin 2010 dans un contexte particulièrement tendu. Aucun désaccord n'est envisageable sur la philosophie du texte, qui actualise, harmonise, clarifie et réunit en un seul document les trois directives de l'ancien « paquet ferroviaire ». Mais je n'ignore pas que notre collègue Mireille Schurch s'oppose à cette approche, souhaitant revenir à la situation qui prévalait en France avant 1997, lorsque la SNCF était une entreprise intégrée... Je rappellerai simplement que pratiquement tous les États-membres, à des degrés divers, sont engagés dans l'ouverture à la concurrence de leur marché ferroviaire.

Avant d'exposer les orientations de la directive et la position de nos collègues de la commission des affaires européennes du Sénat, je voudrais énoncer ce que j'estime être le fil rouge de ma réflexion : l'évolution européenne se poursuivra ; RFF et la DCF relèvent du domaine régalien ; les fonctions commerciales doivent en être clairement séparées.

Le premier thème du projet de directive tient aux relations entre le gestionnaire d'infrastructure et les opérateurs ferroviaires. Ainsi, son article 7 dispose que le gestionnaire doit être indépendant de l'opérateur ferroviaire « sur le plan juridique, organisationnel et décisionnel ». Cette condition n'est pas satisfaite en France, où la DCF fait partie de la SNCF, tout en dépendant de RFF. J'ajoute que la définition des sillons occupe 500 horairistes, soit 400 à la SNCF et 100 à RFF, mais tous ne travaillent pas sur la même plate-forme et éprouvent les plus grandes difficultés à communiquer. Cela ne peut durer ! Nous proposons que la DCF soit intégrée dans RFF, où les centres de décision et de profit devraient être mieux identifiés et coordonnés.

Le deuxième thème concerne certains services ferroviaires annexes, comme les gares, les centres de maintenance légère (qui mobilise 30 % du personnel de la SNCF), ou encore les panneaux d'information des voyageurs. Il s'agit là d'une fonction régalienne, puisque la sécurité, mais aussi le bon emploi des deniers publics, sont en jeu. D'où la nécessité de renforcer dans un premier temps l'indépendance de la branche Gares et connexions.

Troisièmement, la coopération entre organismes de contrôle au sein de l'Union européenne existe déjà de façon informelle; l'institutionnaliser et la promouvoir est une excellente chose.

Le quatrième thème intéresse la modulation des péages ferroviaires en fonction du bruit. La commission de Bruxelles et la commission sénatoriale des affaires européennes acceptent la modulation, à condition d'appliquer une mesure similaire aux camions. Il ne faut pas pénaliser les entreprises ferroviaires.

Le cinquième sujet concerne le service minimal en cas de grève. Nous sommes d'accord avec la position de Roland Ries : Bruxelles n'a pas à nous dicter notre politique et nous devons régler la question chez nous.

Le sixième sujet a trait aux actes délégués : la Commission voulait pouvoir modifier ainsi pratiquement toutes les annexes sans demander l'avis à qui que ce soit. Or, l'article 290 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne n'autorise le recours aux actes délégués que pour modifier les éléments non essentiels d'un acte législatif. C'est pourquoi la commission des affaires européennes a refusé de signer un chèque en blanc à la Commission de Bruxelles. Nous sommes en plein accord avec elle.

Septième et dernier sujet, l'harmonisation sociale. La commission des affaires européennes a demandé au gouvernement de promouvoir une harmonisation du cadre social applicable au secteur ferroviaire dans les différents États membres de l'Union afin que la concurrence dans ce secteur s'exerce entre entreprises plutôt qu'entre statuts sociaux. Là aussi, nous approuvons cette demande qui est cohérente avec la lettre que le président de la République a adressée à M. Guillaume Pepy, lui demandant de réfléchir à l'harmonisation sociale. Or, l'ouverture à la concurrence du fret n'a pas tenu compte de cet aspect essentiel. Comme les TGV et, éventuellement, les TER vont être ouverts à la concurrence, il est important de se pencher dès maintenant sur cette question.

La proposition de directive apporte également quelques avancées sur le financement des travaux de régénération du réseau, mais ne se substitue pas aux États membres pour leur imposer un niveau d'investissement. En outre, le texte n'avait pas vocation à aborder la question du service public dans le secteur ferroviaire, qui sera examinée dans un quatrième paquet ferroviaire. Je vous proposerai sur ces deux sujets des amendements et vous demanderai d'adopter le texte de la résolution ainsi modifiée.

M. Roland Ries . - Merci d'avoir clarifié vos orientations, Monsieur le Rapporteur.

Au départ, la commission des affaires européennes voulait parvenir à un texte de synthèse sur la question délicate de la création d'un espace ferroviaire européen. Avec mon collègue Jean-François Humbert, nous avons auditionné toute une série de responsables à Bruxelles et à Paris. Nous avons bien travaillé ensemble, mais nous ne sommes pas parvenus aux mêmes conclusions. Nos collègues du groupe CRC, qui n'ont pas participé directement à nos travaux, proposent de leur côté un autre texte.

Je ne récuse pas la méthode : à partir du moment où l'on travaille dans une commission, il n'y a pas de raison qu'il n'y ait pas de co-rapporteurs, même si leurs conclusions diffèrent. Au-delà de cette question, nous nous sommes interrogés, Jean-François Humbert et moi-même, sur la méthode employée par Bruxelles. Pourquoi se livrer à une refonte alors que treize États-membres sont traduits devant la Cour de justice de l'Union européenne de Luxembourg ? Pourquoi ne pas attendre le jugement de la Cour avant de remettre le premier paquet ferroviaire sur le métier ? Je n'ai pas de réponse à cette question...

La commission des affaires européennes n'a malheureusement pas adopté ma résolution n° 498. Je souhaite néanmoins reprendre ses principales orientations par voie d'amendements: il n'est pas besoin d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer. Avec le groupe socialiste, je suis convaincu que nous avons trouvé des points d'équilibre qui mériteraient d'être examinés.

Tout d'abord, pourquoi ne pas dresser, avant d'aller plus loin, un bilan objectif de la séparation entre le gestionnaire des infrastructures et l'opérateur de transport ? Ce système n'a en effet pas que des avantages. Les difficultés sont-elles liées à la séparation en tant que telle ou à des modalités particulières de cette séparation ?

Nous nous rejoignons ensuite sur l'harmonisation sociale, à la réserve près que nous voulons éviter le dumping social : c'est pourquoi nous présentons un amendement qui vise explicitement à promouvoir une harmonisation par le haut.

La troisième orientation traite non pas des services annexes, cher Francis Grignon, mais des facilités essentielles (les trains ne peuvent se passer de gares). Ces facilités essentielles appartiennent aujourd'hui à RFF ou à la SNCF. Comment les gérer demain sans dépouiller l'opérateur historique ? Nous proposons d'intégrer celui-ci dans le processus visant à définir ces facilités essentielles et leur éventuel transfert.

Quatrième point : l'insuffisance des investissements est une des difficultés principales. RFF est plombé par les 28 milliards de dette qui lui ont été transférés au moment de sa création. Cette dette, qui pèse sur les comptes, empêche RFF d'exercer pleinement ses fonctions. Des crédits d'investissement européens fléchés pourraient abonder son budget.

Enfin, on a beaucoup glosé sur la démarche allemande. Ce pays a créé une holding qui crée une séparation comptable entre le gestionnaire d'infrastructure, DB Netz, et les autres activités de la Deutsche Bahn. Les Allemands y tiennent beaucoup.

M. Francis Grignon , rapporteur . - C'est le moins que l'on puisse dire !

M. Roland Ries . - Peut être ne faudrait-il pas écarter cette piste a priori. La séparation juridique, souhaitée par la Commission, est-elle nécessaire ? Peut être pas. M. Guillaume Pepy semble pencher pour une solution intermédiaire. Lors de la création de RFF, nous sommes allés plus loin, ce qui ne nous a pas empêchés d'être traduits devant la Cour de Luxembourg. Les Allemands sont restés en retrait, mais leur position a le mérite de faire la synthèse entre l'opérateur historique et le gestionnaire des infrastructures.

Nous vous proposerons des amendements reprenant scrupuleusement ces points. Y aura-t-il un débat en séance publique ?

M. Jean-Paul Emorine , président . - Pour l'instant, ce n'est pas prévu. La proposition de résolution, une fois adoptée, deviendra celle du Sénat et elle sera transmise au gouvernement et à Bruxelles. Il n'y aura un débat en séance que s'il est demandé par la commission ou par un groupe politique.

Mme Mireille Schurch . - Nous avions présenté une proposition de résolution pour demander qu'un bilan des trois premiers paquets ferroviaires nous soit présenté afin de mesurer leurs impacts en termes d'emplois, de qualité de service, de garantie de sécurité, de continuité du réseau ferroviaire national et régional. Avant d'envisager une nouvelle directive, il serait utile de faire le point. Nous demandons donc un moratoire sur ce nouveau projet de directive. Le service public ferroviaire doit être sauvegardé, et même développé dans un cadre qui le protège.

Les enjeux économiques et écologiques du développement du territoire appellent une autre politique : or, malgré les trois premiers paquets, le rail ne s'est pas suffisamment développé en Europe.

Ce projet de directive ne se résume pas à un simple exercice de codification ou de clarification : il a pour but d'accroître la concurrence. Nous disons halte là ! Le rail reste fragile dans toute l'Europe, et les effets escomptés de l'ouverture à la concurrence tardent à se concrétiser aux yeux de la Commission européenne. Le temps du bilan est donc venu.

Premièrement, nous sommes opposés à la séparation entre le gestionnaire de réseau et l'opérateur historique, puisque nous appelons de nos voeux le maintien d'une entreprise intégrée. M. Guillaume Pepy estime que le système ferroviaire actuel nous mène droit dans le mur et M. Hubert du Mesnil dit à peu près la même chose : la séparation est compliquée et coûteuse.

En deuxième lieu, l'État ne saurait être assimilé à un actionnaire ordinaire. L'article 5 de la directive remet en cause de manière indirecte le statut d'EPIC de la SNCF en demandant à l'État que ses droits de contrôle en matière de gestion n'excèdent pas ceux des actionnaires des sociétés anonymes privées. L'État doit conserver un rôle très particulier et assumer ses responsabilités.

Troisièmement, je voterai l'amendement de suppression des dispositions relatives au service minimal en cas de grève, car l'Union européenne n'est pas compétente en ce domaine : elle ne doit pas violer le principe de subsidiarité. Nous sommes tous d'accord sur ce point.

Quatrièmement, l'ouverture à la concurrence n'a pas sauvé le fret ferroviaire, mais a contribué à remettre deux millions de camions sur les routes françaises. Nous demandons un bilan sur les externalités négatives générées par les différents modes de transport.

Enfin, la proposition de résolution accepte l'ouverture complète à la concurrence du transport des voyageurs, suivant en cela la volonté de la Commission. Une évaluation du règlement sur les obligations de service public (OSP) est en cours. Or, le Comité économique et social européen relève que la Commission s'applique à évaluer un règlement publié seulement le 3 novembre 2009. Nous nous inquiétons de cette hâte, d'autant que la Commission n'avait accepté certaines des dispositions du règlement qu'après de longs et difficiles débats au sein du Parlement européen. S'il reste des améliorations à apporter, l'organisation du transport national de voyageurs a fait ses preuves : il faut donner aux régions les moyens d'améliorer leur offre et nous ne pouvons accepter l'ouverture à la concurrence des TER.

M. Michel Teston . - Le groupe socialiste se devait de présenter sa propre proposition de résolution.

Tout d'abord, l'harmonisation sociale par le haut. L'ouverture à la concurrence du fret ferroviaire a eu lieu sans harmonisation des conditions sociales. Aujourd'hui, en France comme en Allemagne, l'opérateur historique craint que l'ouverture à la concurrence dans le secteur voyageur se passe de même. Elle demande donc une harmonisation sociale préalable. D'ailleurs, le chef de l'État l'avait évoqué il y a quelques années dans sa lettre de mission à M. Guillaume Pepy. En Allemagne, les personnels de la DB ont obtenu que cette question majeure soit inscrite à l'ordre du jour. Ses concurrents ne sont pas enthousiastes. Seule la filiale SNCF en Allemagne, Keolis, a accepté d'engager des négociations sur ce sujet.

Concernant les facilités essentielles, les opérateurs concurrents de la SNCF doivent pouvoir procéder au ravitaillement de leur matériel et accéder aux gares. Cela ne doit pourtant pas se faire au détriment de la SCNF ni de ses personnels. C'est pourquoi notre proposition de résolution recommande de prendre certaines précautions.

Dernier point : nous ne souhaitons pas aller au-delà de ce que prévoit le premier paquet ferroviaire sur la question de la séparation. Pour l'instant, l'article 6 de la refonte du premier paquet se contente d'une séparation comptable et pas forcément d'une séparation fonctionnelle. Une holding aurait notre préférence, mais il faudrait alors dire clairement que la filiale qui gèrera les infrastructures ferroviaires ne pourra utiliser ses éventuelles recettes que pour les améliorer. Cet argent ne doit pas être utilisé à d'autre fin. La Commission européenne reproche à la DB d'avoir profité de certaines recettes de DB Netz pour acquérir des concurrents dans le domaine du fret. Nous devons donc nous prémunir contre cette éventuelle critique.

M. Bruno Retailleau . - Je souhaite interroger notre rapporteur sur l'alinéa 18 : la mise en place du réseau de régulateurs pour faire converger les prix ne risque-t-il pas de nous désavantager ? Notre réseau a en effet une plus forte capillarité ; or, plus un réseau est simple, plus les tarifs sont bas. Quel sera l'impact de cette convergence des tarifs pour l'aménagement de notre territoire ?

M. Daniel Dubois . - Lors de la création de RFF, nous avons eu un débat sur la problématique opérationnelle : l'unicité de commandement dans la gestion des sillons nous était apparue nécessaire. C'est pourquoi je trouve astucieuse la proposition du rapporteur de créer une filiale rattachée à RFF pour répondre à cette question.

L'alinéa 16 ne me semble pas bien placé. Il s'agit en effet d'un enjeu majeur : si l'on veut instaurer la concurrence en Europe, tous les États-membres doivent s'engager dans une démarche concurrentielle, ce qui n'est pas le cas à ce jour puisque deux pays ne se sont pas encore réorganisés tandis que d'autres l'ont fait imparfaitement. Pourquoi ne pas remonter cet attendu pour en souligner l'importance ?

M. Jean-Paul Emorine , président . - Je partage l'analyse de notre rapporteur : j'ai siégé pendant deux ans au conseil d'administration de la SNCF, et M. Guillaume Pepy souhaitait que la DCF reste intégrée. Il ne serait pourtant pas incohérent de la placer auprès de RFF. Le gestionnaire de l'infrastructure doit être celui qui attribue les sillons. On pourrait créer au sein de RFF une filiale avec ses 14 400 salariés dont le statut resterait inchangé. Cette clarification témoignerait de notre volonté de nous conformer aux préconisations européennes.

L'opérateur historique a toute sa place dans les gares, mais les collectivités pourraient y être associées, notamment dans les grandes gares.

M. Francis Grignon , rapporteur . - Pour répondre à Daniel Dubois, nous avons d'abord mis dans la proposition de résolution tous les visas, puis toutes les considérations générales jusqu'au point 15. Le premier point dur, c'est l'alinéa 16.

Je veux apaiser les craintes de Bruno Retailleau : la mesure vise surtout les grandes lignes, dont les péages ne doivent pas subir de distorsions de concurrence dans l'Union européenne. Je rappelle que pour les TER, les péages représentent entre 5 et 10 % du coût de fonctionnement. L'usager ne paye qu'entre 20 et 30 % de ce coût, et les tarifs dépendent de décisions politiques régionales : ainsi, certaines régions proposent des tarifs à un euro pour concurrencer les bus. In fine , la question du prix des billets de train continuera de relever d'une décision politique.

Avec la holding proposée par le groupe socialiste, nous allons retomber sur les problèmes de la dette et des critères de Maastricht. C'est pourquoi nous proposons de distinguer l'entreprise commerciale, la SNCF, de tout le reste, à savoir RFF et ses filiales. Même si l'on regrette la SNCF d'antan, on ne peut plus faire machine arrière, comme le souhaite Mireille Schurch.

J'en viens à l'harmonisation sociale : à la SNCF, il y a les salaires, le statut et l'organisation du travail. Pour les salaires, il n'y a pas de grandes différences. Le statut regroupe quatre points : la retraite qui est supérieure de 10 à 12 %, la protection sociale, les évolutions de carrière et les billets gratuits, qui concernent des centaines de milliers de personnes. Enfin, il y a l'organisation du travail qui repose sur un accord d'entreprise négocié à l'intérieur du monopole et qui est figé dans les tables de la loi par un décret en Conseil d'État. Si nous voulons une harmonisation sociale par le haut, il faut que toutes les entreprises françaises se calquent sur le modèle de la SNCF, ce qui n'est pas jouable, car les entreprises étrangères, notamment la DB, prendraient alors des parts de marché, sans même parler des camions. L'harmonisation sociale ne peut en effet pas être imposée au niveau européen. Pour autant, il faut éviter l'erreur qui a été commise pour le fret en faisant rouler les trains avant de s'interroger sur l'organisation sociale. Entre une harmonisation par le haut et une harmonisation par le bas, une solution médiane est possible afin de ne pas pénaliser nos entreprises.

M. Roland Ries . - On peut marquer une orientation.

M. Michel Teston . - Il s'agit bien d'obtenir que l'ensemble des opérateurs ferroviaires soit soumis aux mêmes règles sociales. En Allemagne, les syndicats de la DB font pression pour parvenir à une harmonisation par le haut. C'est la seule solution pour permettre à la concurrence de se développer. Il n'est pas question que la France se livre à une telle harmonisation sans l'implication des autres États-membres.

M. Francis Grignon . - On ne peut avoir aujourd'hui les mêmes règles sociales dans tous les pays de l'Union.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

M. Roland Ries . - Nos amendements reprennent notre proposition de résolution.

M. Francis Grignon , rapporteur . - Avis défavorable à l'amendement n°1, qui demande un rapport sur le bilan du premier paquet ferroviaire. Il existe déjà de nombreux rapports sur ce sujet.

Mme Mireille Schurch . - Je voterai cet amendement.

L'amendement n°1 est rejeté.

M. Francis Grignon , rapporteur . - Mon amendement n° 7 exige une séparation totale entre le gestionnaire d'infrastructures et l'opérateur ferroviaire historique avant de poursuivre l'ouverture à la concurrence du secteur ferroviaire. Par conséquent, avis défavorable sur l'amendement n° 3, qui préconise sous conditions la création de holding, intégrant les fonctions de gestionnaires d'infrastructures et d'opérateur ferroviaire.

M. Michel Teston . - Nous sommes favorables à une holding, mais pas à une séparation totale. Nous ne voterons donc pas l'amendement du rapporteur.

Mme Mireille Schurch . - Nous voterons l'amendement n° 3 qui prévoit une séparation seulement comptable entre le gestionnaire du réseau et l'opérateur ferroviaire.

L'amendement n° 7 est adopté.

L'amendement n° 3 est rejeté.

M. Francis Grignon , rapporteur . - Mon amendement n° 8 vise à ce que les principaux services ferroviaires annexes soient fournis par le gestionnaire de l'infrastructure, idéalement à travers une filiale. Suite à la remarque de notre collègue Roland Ries, je rectifie mon amendement n°8 pour remplacer l'expression « services ferroviaires annexes » par « facilités essentielles ». Avis défavorable sur l'amendement n° 4 car nous ne pouvons pas faire référence à la SNCF dans une résolution européenne.

M. Michel Teston . - Nous prenons note avec satisfaction que vous retenez notre formulation qui est meilleure, mais vous n'allez pas au bout de la logique : il ne faut pas pénaliser la SCNF ni ses personnels.

M. Jean-Paul Emorine , président . - L'amendement de Francis Grignon n'est pas modifié sur le fond.

L'amendement n° 8 rectifié est adopté.

L'amendement n° 4 est rejeté.

M. Francis Grignon , rapporteur . - L'amendement n° 9 traite des externalités négatives générées par le secteur des transports, et il demande à la Commission européenne une étude sur ce sujet.

Mme Mireille Schurch . - Nous nous en félicitons.

M. Michel Teston . - Dans le Livre vert sur les transports publiés en 2007, il était déjà question d'évaluer ces externalités négatives. C'est l'Arlésienne, tout le monde en parle, mais jamais la Commission européenne n'a procédé à une telle évaluation.

L'amendement n° 9 est adopté à l'unanimité.

M. Francis Grignon , rapporteur . - Mon amendement n° 10, identique à l'amendement n° 6, supprime l'alinéa 20 car il existe selon moi une incertitude sur la légalité de dispositions sur le service minimal en cas de grève dans un texte européen.

M. Roland Ries . - Nous sommes d'accord pour la suppression, mais pas pour les mêmes raisons.

Les amendements identiques n° s 10 et 6 sont adoptés, et l'alinéa 20 est supprimé.

M. Francis Grignon , rapporteur . - Les amendements n° s 11 et 2 sont en discussion commune. Mon amendement n° 11 se conforme aux préconisations du Grenelle : nous souhaitons une convergence progressive des règles économiques, environnementales et sociales dans le secteur ferroviaire. L'amendement n° 2 insiste sur la nécessité de réaliser une convergence vers le haut.

Mme Mireille Schurch . - La convergence peut en effet tirer vers le bas.

M. Jean-Paul Emorine , président . - Nous avons mis « progressive » et non pas « dégressive ».

M. Roland Ries . - Une harmonisation par le haut suppose des négociations.

M. Francis Grignon , rapporteur . - Laissons les négociations se dérouler.

M. Jean-Paul Emorine , président . - Et puis, dans « progressif », il y a « progrès »...

L'amendement n° 11 est adopté.

L'amendement n° 2 est rejeté.

M. Francis Grignon , rapporteur . - L'amendement n° 5 demande le fléchage des crédits des fonds structurels vers les investissements relatifs aux transports durables. L'Engagement national pour le fret ferroviaire est doté de crédits importants. En outre, un contrat de performance est signé avec RFF. On n'a jamais autant investi dans ce pays en faveur de la régénération. Avis favorable car malgré l'effort sans précédent de la Nation, toute nouvelle ressource est la bienvenue.

L'amendement n° 5 est adopté.

M. Francis Grignon , rapporteur . - Mon amendement n° 12 soutient la proposition de la Commission européenne d'instituer dans chaque État-membre une stratégie de développement de l'infrastructure ferroviaire et des plans d'entreprise du gestionnaire d'infrastructure.

L'amendement n° 12 est adopté à l'unanimité.

M. Francis Grignon , rapporteur . - L'amendement n° 13 rappelle que les États-membres ont le droit de créer des services d'intérêt économique général (SIEG) dans le secteur ferroviaire. Récemment, l'État a ainsi décidé, en tant qu'autorité organisatrice de transport, de financer des trains d'équilibre du territoire. Dans le rapport sur le fret ferroviaire, nous avons demandé au Gouvernement d'étudier la possibilité d'attribuer des aides publiques à certaines lignes de faible trafic de wagons isolés, notamment pour les matières dangereuses, afin de prendre en compte l'aménagement du territoire.

M. Michel Teston . - On a bien compris. Selon le règlement sur les obligations de service public, la France devrait adapter sa législation afin de permettre aux autorités organisatrices de transport de choisir soit le gré à gré, soit la concurrence. Mais il faudra pour cela modifier la loi d'orientation des transports intérieurs de 1982. Cet amendement n'est-il pas redondant avec ce qui existe déjà ?

M. Francis Grignon , rapporteur . - Je préfère le préciser, car la question de l'articulation entre concurrence et service public sera un des points centraux du « Quatrième paquet ferroviaire » qui devrait être présenté par la Commission européenne en 2012.

L'amendement n° 13 est adopté à l'unanimité.

La proposition de résolution est adoptée.

M. Jean-Paul Emorine , président . - Les groupes politiques pourront demander un débat en séance sur la proposition de refonte du premier paquet ferroviaire. Faites-le d'ici trois jours, quand la proposition de résolution sera devenue celle du Sénat.

M. Michel Teston . - Ne risque-t-on pas de nous renvoyer à plus tard ?

M. Jean-Paul Emorine , président . - Il faudra voir en Conférence des présidents en fonction de l'ordre du jour de la séance publique.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Texte de la Proposition de résolution européenne

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. RIES

1

Demande d'un rapport sur le bilan du 1er paquet ferroviaire.

Rejeté

M. GRIGNON, rapporteur

7

Exigence d'une séparation totale entre le gestionnaire d'infrastructures et l'opérateur ferroviaire historique avant de poursuivre l'ouverture à la concurrence du secteur ferroviaire.

Adopté

M. RIES

3

Modalités de fonctionnement des structures juridiques de holding, intégrant les fonctions de gestionnaires d'infrastructures et d'opérateur ferroviaire.

Rejeté

M. GRIGNON, rapporteur

8

Conditions de gestion des facilités essentielles.

Adopté avec modification

M. RIES

4

Conditions d'accès aux facilités essentielles.

Rejeté

M. GRIGNON, rapporteur

9

Demande d'étude à la commission européenne sur l'évaluation des externalités négatives dans le domaine des transports.

Adopté

M. GRIGNON, rapporteur

10

Suppression des dispositions relatives au service minimal en cas de grèves.

Adopté

M. RIES

6

Identique au précédent.

Adopté

M. GRIGNON, rapporteur

11

Exigence d'une convergence progressive des règles sociales, économiques et environnementales applicables au secteur ferroviaire.

Adopté

M. RIES

2

Modalités de la mise en oeuvre de l'harmonisation sociale.

Rejeté

M. RIES

5

Demande de fléchage des crédits des fonds structurels vers les investissements relatifs aux transports durables.

Adopté

M. GRIGNON, rapporteur

12

Promotion de la stratégie de développement de l'infrastructure ferroviaire et des plans d'entreprise du gestionnaire d'infrastructure.

Adopté

M. GRIGNON, rapporteur

13

Faculté pour les États membres de créer des services d'intérêt économique général (SIEG) dans le secteur ferroviaire.

Adopté

ANNEXE III - LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

I. Auditions du rapporteur :

Mercredi 23 mars 2011

- Direction des circulations ferroviaires (DCF) : M. Alain-Henri Bertrand, directeur, et M. Jérôme Dezeure , responsable juridique.

Mercredi 30 mars 2011

- Ministère de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement - Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer : M. Patrick Vieu , directeur de la direction des services de transports, M. Benoît Chevalier , sous-directeur de la sécurité ferroviaire, M. François Davenne , adjoint au sous-directeur de la sécurité et de la régulation des transports ferroviaires et collectifs.

Mardi 5 avril 2011

- Société nationale des Chemins de fer (SNCF) : M. Pierre Messulam , directeur de la stratégie ferroviaire et de la régulation et M. Jean-Michel Dancoisne , représentant permanent de la SNCF à Bruxelles, Mme Karine Grossetête , conseillère parlementaire SNCF.

II. Auditions de la commission :

Mardi 29 mars 2011

- Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF) : M. Pierre Cardo, président.

Mercredi 6 avril 2011

- Réseau ferré de France (RFF) : M. Hubert du Mesnil, président.

Mercredi 18 mai 2011

- Société nationale des Chemins de fer (SNCF) : M. Guillaume Pepy, président.


* 1 Un sillon désigne la capacité d'infrastructure requise pour faire circuler un train donné d'un point à un autre à un moment donné.

* 2 Cf . le rapport de M. Hubert Haenel au Premier ministre, « Des régions à l'Europe : les nouveaux défis du chemin de fer français », la Documentation française, octobre 2008, p. 16.

* 3 Cf. la loi n° 2009-1503 du 8 décembre 2009 relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports.

* 4 En règle générale, on appelle « fonctions essentielles » des activités telles que la répartition des capacités ferroviaires, la perception des redevances d'usage de l'infrastructure ou encore la délivrance des licences par des organismes indépendants.

* 5 Cf. la requête de la Commission européenne contre la République française, affaire C-625/10, déposée au greffe de la Cour de justice de l'Union européenne, le 29 décembre 2010, page 13.

* 6 Op. cit , page 14.

* 7 Op. cit , p. 15.

* 8 Cf . la tribune de M. Thierry Mariani, Secrétaire d'État chargé des transports, journal « Le Monde », jeudi 14 avril 2011.

* 9 Cf. l'avis n° 09-A-55 de l'autorité de la concurrence du 4 novembre 2009 sur le secteur du transport public terrestre de voyageurs, page 32 et suivantes.

* 10 Cf. le document de travail sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant un espace ferroviaire unique européen (abrogeant les directives 91/440/CEE, 95/18/CE et 2001/14/CE), refonte, commission des transports et du tourisme du Parlement européen, 17 décembre 2010, p. 6.

* 11 Cf . le rapport d'information n° 3204 de M. Gérard Voisin, « la libéralisation du transport ferroviaire en Europe : une nécessaire mais complexe régulation », commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale, 9 mars 2011, p. 33.

* 12 Cf . règlement 1370/2007/CE du 23 octobre 2007 relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route.

* 13 Cf. le rapport d'information n° 55 (2010-2011) de M. Francis Grignon, fait au nom de la commission de l'économie, déposé le 20 octobre 2010, « Avenir du fret ferroviaire : comment sortir de l'impasse ? », p. 42.

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