N° 571

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 1 er juin 2011

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ AVEC MODIFICATIONS PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN DEUXIÈME LECTURE , relatif à la bioéthique ,

Par M. Alain MILON,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Muguette Dini , président ; Mme Isabelle Debré, M. Gilbert Barbier, Mmes Annie David, Annie Jarraud-Vergnolle, Raymonde Le Texier, Catherine Procaccia, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Alain Milon , vice-présidents ; MM. François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Gisèle Printz, Patricia Schillinger, Anne-Marie Payet , secrétaires ; Mmes Jacqueline Alquier, Brigitte Bout, Claire-Lise Campion, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mme Roselle Cros, M. Yves Daudigny, Mme Christiane Demontès, M. Gérard Dériot, Mme Catherine Deroche, M. Jean Desessard, Mme Sylvie Desmarescaux, M. Guy Fischer, Mme Samia Ghali, MM. Bruno Gilles, Jacques Gillot, Adrien Giraud, Mme Colette Giudicelli, MM. Jean-Pierre Godefroy, Alain Gournac, Mmes Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, M. Claude Jeannerot, Mme Christiane Kammermann, MM. Ronan Kerdraon, Marc Laménie, Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Jacky Le Menn, Mme Valérie Létard, M. Jean-Louis Lorrain, Mme Isabelle Pasquet, M. Louis Pinton, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente-Baudrin, MM. René Teulade, Alain Vasselle, François Vendasi, André Villiers.

Voir le(s) numéro(s) :

Première lecture : 2911 , 3111 et T.A. 606

Deuxième lecture : 3324 , 3403 et T.A. 671

Première lecture : 304 , 381 , 388 , 389 et T.A. 95 (2010-2011)

Deuxième lecture : 567 et 572 (2010-2011)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le texte soumis au Sénat en deuxième lecture laisse peu de points de réelle divergence entre les deux assemblées. Il est le fruit du travail commun d'approfondissement et d'amélioration rédactionnelle que permet la navette parlementaire. Les sujets abordés par le projet de loi nécessitaient à l'évidence un tel travail, ainsi que les débats et échanges nourris qui ont eu lieu à chacune des différentes étapes de la procédure.

Au total, près d'un tiers des soixante-neuf articles encore en discussion après la première lecture au Sénat ont été adoptés dans les mêmes termes par l'Assemblée nationale en deuxième lecture.

Parmi les articles qu'elle a modifiés et restant donc en discussion, plusieurs ont fait l'objet de simples coordinations ou clarifications rédactionnelles et ne posent aucune difficulté pour leur adoption par le Sénat.

Certains points toutefois appellent à nouveau un débat et il convient donc d'examiner précisément les évolutions qu'a connues le texte à l'Assemblée nationale.

S'agissant tout d'abord du don d'organe , l'Assemblée nationale a suivi le Sénat pour lever les obstacles au don et ne pas prévoir de contreparties susceptibles de fausser l'altruisme de cet acte. Elle a ainsi confirmé l'interdiction de discrimination concernant le don du sang pour des motifs autres que médicaux et complété l'interdiction de discrimination des donneurs en matière d'accès à l'assurance.

Elle a cependant supprimé l'allègement du consentement adopté par le Sénat en matière de collecte des cellules souches hématopoïétiques de la moelle osseuse et du sang périphérique. Concrètement, comme c'est déjà le cas pour le don de moelle osseuse, le don de cellules hématopoïétiques du sang devra être autorisé par un juge.

L'Assemblée a également rétabli la mention du caractère anonyme et non dirigé du don de cellules hématopoïétiques du sang de cordon, considérant que le rappel partiel des caractéristiques du don était nécessaire pour éviter la mise en place de banques de conservation privées du sang de cordon à des fins autologues.

Sur la question du diagnostic prénatal, l'Assemblée nationale a entendu les objections du Sénat. Elle n'a donc pas rétabli sa rédaction qui conduisait à ce que les examens de biologie médicale et d'imagerie destinés à évaluer un éventuel risque ne soient proposés à la femme enceinte que « lorsque les conditions médicales le nécessitent ».

Elle a, à la place, prévu que la femme enceinte recevra, lors d'une consultation médicale, « une information loyale, claire et appropriée » sur la possibilité de recourir, à sa demande, à ces examens.

Ce faisant, l'Assemblée nationale a estimé qu'elle répondait aux principales critiques émises tant par le Sénat que par l'ensemble des professionnels concernés et des sociétés savantes, à savoir : le non respect du droit du patient à être informé, l'atteinte au principe d'autonomie du patient, l'absence d'égalité de traitement entre les femmes, l'accroissement de la responsabilité pesant sur les professionnels.

Elle a par ailleurs adopté sans modification les autres dispositions relatives au diagnostic prénatal et au diagnostic préimplantatoire.

Sur l'anonymat du don de gamètes , le Sénat avait, en première lecture, comme l'Assemblée nationale, supprimé les dispositions permettant la levée de l'anonymat sous conditions. Le débat se limite donc désormais aux modalités de contrôle de la Cnil sur les données personnelles détenues par les centres et sur la mise en place d'un référentiel des bonnes pratiques. Sur ces deux points, le texte de l'Assemblée est très proche de celui adopté par le Sénat.

Sur l' assistance médicale à la procréation, plusieurs divergences persistent entre l'Assemblée et le Sénat. Tout d'abord, l'Assemblée a rétabli la possibilité pour les majeurs n'ayant pas procréé de faire un don de gamètes et de se voir proposer, à cette occasion, leur autoconservation. Cette possibilité est présentée par le rapporteur de l'Assemblée non comme une contrepartie mais comme la garantie que les accidents de la vie ne viendront pas faire regretter le don accompli.

Les députés ont également limité la participation des établissements privés aux procédures d'AMP aux seuls cas où le directeur général de l'agence régionale de la santé aura constaté l'absence d'activité dans ce secteur depuis deux ans.

Par ailleurs, l'Assemblée a souhaité procéder à la codification de l'autorisation de la technique de vitrification alors que le Sénat avait prévue de l'inscrire dans un article spécifique afin de préserver la clarté du code de la santé publique et d'encadrer la responsabilité du législateur. Contrairement au rapport de l'Académie de médecine, elle a également réintroduit la conservation des gamètes et tissus germinaux dans la définition de l'AMP.

Enfin, elle est revenue à son texte d'origine pour la détermination des couples auxquels l'AMP est ouverte, écartant tant le texte de notre commission que celui adopté en séance, qui ouvrait l'accès à l'AMP aux couples homosexuels.

S'agissant de la recherche sur l'embryon , l'Assemblée nationale a finalement rétabli en séance l'interdiction de principe de la recherche sur l'embryon, les cellules souches embryonnaires et les lignées de cellules souches, afin d'ériger un « interdit symbolique fort » qui pourra pourtant s'accompagner de dérogations permanentes.

Elle est également revenue à son texte concernant l'essentiel des conditions nécessaires pour qu'une recherche soit autorisée. Il faudra ainsi que les chercheurs prouvent qu'il est « impossible de parvenir au résultat escompté » par une autre méthode de recherche. Ceci signifie concrètement qu'il faudra avoir engagé des recherches par tous les autres moyens possibles, et avoir échoué, pour pouvoir mener des recherches sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires.

De plus, les parents ayant donné à la recherche leurs embryons surnuméraires devront être informés de la nature des recherches pour lesquels ceux-ci seront utilisés, ce qui suppose une pré-affectation des embryons.

En pratique, les conditions posées par l'Assemblée aboutissent à restreindre considérablement, si ce n'est totalement, la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires.

L'Assemblée a également supprimé le rapport demandé par le Sénat sur la nécessité de mettre en place des centres de conservation biologiques conformément aux préconisations de l'agence de la biomédecine, de l'Académie de médecine et même de l'OCDE.

Sur l'application et l'évaluation de la loi , l'Assemblée a pris, sur plusieurs points, une position inverse de celle du Sénat.

Elle a supprimé la clause de révision de la loi au bout de cinq ans, qui avait pourtant fait l'objet au Sénat d'un vrai consensus.

Elle a supprimé le caractère obligatoire de l'organisation d'un débat public avant toute réforme d'importance en matière de bioéthique, laissant l'organisation de ce débat à la seule initiative du comité consultatif national d'éthique.

Elle a supprimé la demande d'un rapport d'activité aux espaces éthiques régionaux, dont le CCNE aurait fait la synthèse dans son rapport annuel. Elle a en effet considéré que la mesure était inutile, ces espaces n'étant pas encore créés. Or, précisément, cette mesure était destinée à pousser le Gouvernement à agir et, de fait, la secrétaire d'Etat à la santé, Nora Berra, avait, lors de l'examen de cette mesure, indiqué au Sénat que l'arrêté de création de ces espaces éthiques serait bientôt signé.

Enfin, l'Assemblée nationale a supprimé l'article mettant en place un régime de déclaration d'intérêts applicable aux membres du conseil d'orientation de l'agence de la biomédecine, alors que nombre de parlementaires ont plusieurs fois regretté que les liens d'intérêts de ces membres ne soient pas rendus publics.

En définitive et au-delà des ajustements que propose votre commission, deux points particulièrement importants du texte ne lui semblent pas pouvoir être adoptés en l'état.

Il s'agit, d'une part, de la possibilité de l'autoconservation des gamètes à l'occasion d'un don , qu'elle a supprimée à une large majorité, d'autre part, du régime d'interdiction assortie de dérogations pour la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires qui, en raison de son caractère extrêmement restrictif, marquerait une véritable régression par rapport à la situation actuelle.

*

Comme en première lecture, votre commission s'est fixé pour objectif de mettre en place, sur les différentes questions relatives à la bioéthique, un régime de clarté et de responsabilité. Il lui est apparu essentiel que ses choix soient pleinement assumés et lisibles, afin de répondre aux attentes de nos concitoyens.

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