N° 620

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 15 juin 2011

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , de finances rectificative pour 2011 ,

Par M. Philippe MARINI,

Sénateur,

Rapporteur général

Tome I : Rapport

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis , président ; M. Yann Gaillard, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Jacques Jégou, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Joël Bourdin, François Marc, Serge Dassault , vice-présidents ; MM. Philippe Adnot, Jean-Claude Frécon, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Sergent, François Trucy , secrétaires ; M. Jean-Paul Alduy, Mme Michèle André, MM. Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Mme Marie-France Beaufils, MM. Claude Belot, Pierre Bernard-Reymond, Auguste Cazalet, Yvon Collin, Philippe Dallier, Jean-Pierre Demerliat, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Éric Doligé, Philippe Dominati, Hubert Falco, André Ferrand, François Fortassin, Jean-Pierre Fourcade, Adrien Gouteyron, Charles Guené, Claude Haut, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Yves Krattinger, Roland du Luart, Philippe Marini, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Gérard Miquel, Albéric de Montgolfier, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Bernard Vera.

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) :

3406 , 3501 , 3503 et T.A. 678

Sénat :

612 (2010-2011)

EXPOSÉ GÉNÉRAL
PREMIÈRE PARTIE - LA FRANCE FACE À LA CRISE DE LA DETTE SOUVERAINE

I. DES PERSPECTIVES DE SOLDE PUBLIC TOUJOURS INCERTAINES POUR 2012

En ce début du mois de juin 2011, les perspectives économiques pour cette année ont significativement évolué par rapport à ce que l'on pouvait anticiper au milieu du mois d'avril.

A. LES PERSPECTIVES LORS DU VOTE DU PARLEMENT SUR LE PROJET DE PROGRAMME DE STABILITÉ 2011-2014

1. Une croissance qui semblait devoir être inférieure à 2 % en 2011

En avril 2011, le consensus des conjoncturistes prévoyait une croissance de 1,7 % en 2011 et en 2012 1 ( * ) , contre respectivement 2 % et 2,25 % selon le projet de programme de stabilité 2011-2014.

La commission des finances s'interdit par principe de faire des prévisions économiques. Cependant, en prolongeant la prévision de croissance prévue par l'Insee pour le premier trimestre (0,6 %) par une hypothèse conventionnelle de croissance « normale » de 0,5 % aux trimestres suivants, on parvenait à une croissance de l'ordre de 1,75 % en 2011 en moyenne annuelle. Sur cette base, et en retenant l'hypothèse conventionnelle d'une croissance du PIB de 2 % en 2012, la commission des finances parvenait à une estimation du déficit public de 5,9 points de PIB en 2011 et 5,1 points de PIB en 2012 (contre respectivement 5,7 et 4,6 points de PIB selon le Gouvernement). Ces chiffres correspondent au scénario « prudent » présenté par votre rapporteur général dans son rapport d'information sur le projet de programme de stabilité 2011-2014 2 ( * ) , publié le 26 avril dernier. L'écart par rapport à la prévision de solde public du Gouvernement pour 2012 était de 0,5 point de PIB, soit 10 milliards d'euros.

De même, dans ses prévisions du printemps 2011, publiées le 13 mai 2011, la Commission européenne, s'appuyant sur des prévisions de croissance de 1,8 % en 2011 et 2 % en 2012, anticipait pour 2011 et 2012 un déficit public de 5,8 et 5,3 points de PIB (contre respectivement 5,7 et 4,6 points de PIB selon le Gouvernement).

Les prévisions de solde public de la Commission européenne

(en points de PIB)

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

Grèce

-5,7

-6,4

-9,8

-15,4

-10,5

-9,5

-9,3

Irlande

2,9

0,1

-7,3

-14,3

-32,4

-10,5

-8,8

Espagne

2

1,9

-4,2

-11,1

-9,2

-6,3

-5,3

France

-2,3

-2,7

-3,3

-7,5

-7

-5,8

-5,3

Slovénie

-1,4

-0,1

-1,8

-6

-5,6

-5,8

-5

Chypre

-1,2

3,4

0,9

-6

-5,3

-5,1

-4,9

Slovaquie

-3,2

-1,8

-2,1

-8

-7,9

-5,1

-4,6

Portugal

-4,1

-3,1

-3,5

-10,1

-9,1

-5,9

-4,5

Belgique

0,1

-0,3

-1,3

-5,9

-4,1

-3,7

-4,2

Autriche

-1,6

-0,9

-0,9

-4,1

-4,6

-3,7

-3,3

Italie

-3,4

-1,5

-2,7

-5,4

-4,6

-4

-3,2

Malte

-2,8

-2,4

-4,5

-3,7

-3,6

-3

-3

Estonie

2,4

2,5

-2,8

-1,7

0,1

-0,6

-2,4

Pays-Bas

0,5

0,2

0,6

-5,5

-5,4

-3,7

-2,3

Allemagne

-1,6

0,3

0,1

-3

-3,3

-2

-1,2

Luxembourg

1,4

3,7

3

-0,9

-1,7

-1

-1,1

Finlande

4

5,2

4,2

-2,6

-2,5

-1

-0,7

Zone euro

-1,4

-0,7

-2

-6,3

-6

-4,3

-3,5

Source : commission européenne, prévisions économiques du printemps 2011 (13 mai 2011)

2. Un programme de stabilité 2011-2014 qui pouvait paraître optimiste

Dans ce contexte, le projet de programme de stabilité 2011-2014 pouvait sembler optimiste.

La commission des finances s'est résignée, lors de la discussion du projet de loi de programmation des finances publiques 2011-2014 3 ( * ) , à ce que la programmation continue d'être construite sur une hypothèse de croissance de 2,5 % par an, parce qu'il était entendu que, en cas de croissance inférieure à ce taux, le Gouvernement prendrait des mesures complémentaires.

On aurait donc pu s'attendre à ce que le Gouvernement annonce pour 2012 une hypothèse de croissance de 2 %, ainsi que des mesures supplémentaires pour un montant d'au moins 4 à 6 milliards d'euros, selon les estimations a minima du Gouvernement figurant dans le rapport annexé à la loi de programmation des finances publiques 2011-2014.

Cette éventualité, envisagée par le Gouvernement 4 ( * ) , a été écartée, celui-ci ayant manifestement choisi d'attendre l'automne 2011 pour déterminer si un effort supplémentaire serait nécessaire en 2012.

Ainsi, le programme de stabilité 2011-2014 retient un scénario dans lequel, après une croissance de 2 % en 2011, l'hypothèse de croissance pour 2012 serait ramenée de 2,5 % à 2,25 % (contre alors 1,7 % selon le consensus des conjoncturistes 5 ( * ) ).

La légère révision à la baisse de l'hypothèse de croissance pour 2012 accroît le ratio dépenses/PIB, et donc le déficit, de 0,1 point.

Cependant, cette aggravation du déficit serait annulée par le fait qu'en 2012, les recettes seraient supérieures de 0,1 point de PIB aux prévisions de la loi de programmation des finances publiques, après leur révision à la hausse pour 0,3 point de PIB en 2010 et en 2011.

Comparaison de la LPFP 2011-2014 et du programme de stabilité 2011-2014

(en points de PIB)

2010

2011

2012

2013

2014

LPFP 2011-2014*

Croissance du PIB (en %)

1,5

2

2,5

2,5

2,5

Dépenses

56,6

55,7

54,8

53,8

52,8

Recettes

48,9

49,7

50,2

50,8

50,8

Solde

-7,7

-6

-4,6

-3

-2

Programme de stabilité 2011-2014

Croissance du PIB (en %)

1,6

2

2,25

2,5

2,5

Dépenses

56,2

55,7

54,9

53,8

52,8

Recettes

49,2

50

50,3

50,8

50,8

Solde

-7

-5,7

-4,6

-3

-2

Ecart

Croissance du PIB (en %)

0,1

0

-0,25

0

0

Dépenses

-0,4

0

0,1

0

0

Recettes

0,3

0,3

0,1

0

0

Solde

0,7

0,3

0

0

0

* Plus précisément, on s'appuie ici sur le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2011.

Sources : documents indiqués, calculs de la commission des finances

Comme votre rapporteur général l'indiquait dans son rapport d'information sur le projet de programme de stabilité 2011-2014 6 ( * ) , « ce scénario n'est pas irréaliste ».

Cependant, comme il le soulignait, il fallait « être bien conscient du fait qu'en cette période de l'année, il n'[était] guère possible de présenter de scénario fiable pour 2012 ».


* 1 Consensus Forecasts, avril 2011.

* 2 Rapport d'information n° 456 (2010-2011).

* 3 Devenu la loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

* 4 Ainsi, le journal Les Echos écrivait le 1 er avril 2011 : « Il ne peut pas y avoir de débat politique sur une cagnotte », prévient François Baroin. Au contraire, explique-t-il à propos du budget 2012, il faudra réaliser « autour de 6 milliards » d'effort « en plus de ce que nous avions prévu ». Dès janvier, il avait préparé les esprits en expliquant qu'il faudrait aller au-delà des 3 milliards d'euros d'économies sur les niches fiscales et sociales que le gouvernement s'est déjà engagé à faire en 2012 (une bonne partie de cet objectif sera atteint avec la montée en charge des mesures déjà votées). Les 6 milliards évoqués par François Baroin vont s'y ajouter. Il s'agira de mesures portant aussi bien sur les recettes que sur la dépense, indique-t-on au sein du gouvernement.

« Ces économies supplémentaires vont être rendues nécessaires par la révision prochaine de la prévision de croissance : si l'objectif d'une hausse de 2 % du PIB en 2011 devrait être maintenu, celui d'une hausse de 2,5 % en 2012 devrait être revu à la baisse (à 2 % ou 2,25 %). Les économistes et les institutions internationales tablent sur un niveau inférieur à 2 %. « On ne prendra pas le risque d'afficher un tel décalage », confie un conseiller. D'autant que le programme de stabilité actualisé doit être soumis au Parlement, puis à la Commission européenne et aux ministres des Finances européens. »

* 5 Consensus Forecasts, avril 2011.

* 6 Rapport d'information n° 456 (2010-2011) du 26 avril 2011.

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