b) Un ressaut d'inflation qui n'est pas de nature à remettre en cause la stratégie d'émission de titres indexés

Au cours de la période récente, deux chocs d'inflation ont renchéri dans des proportions substantielles le service de la dette. Outre le phénomène observé en 2011, l'année 2008 avait vu le service de la dette passer de 41,2 milliards d'euros en prévision à 44,5 milliards d'euros en exécution sous l'effet d'un autre choc d'inflation.

Bien que la stratégie d'émission de titres indexés sur l'inflation soit partagée par tous les autres pays AAA (Canada, Royaume-Uni, Allemagne) ainsi que par les Etats-Unis 95 ( * ) , ces « incidents » appellent une vigilance accrue sur la progression de notre dette indexée. Selon l'AFT, les titres indexés sur l'inflation représentaient 162,6 milliards d'euros au 31 juillet 2011 (inflation incluse), soit 12,4% de l'encours total et le niveau le plus élevé jamais atteint depuis le lancement de cette stratégie d'émission en 1998. ( cf . graphique).

Encours de la dette indexée

(échelle de gauche : millions d'euros - échelle de droite : % de l'encours total)

Source : commission des finances, d'après l'Agence France Trésor

Interrogée sur l'opportunité d'infléchir notre stratégie d'émission de titres indexés, l'AFT reconnaît que ces titres entraînent une certaine variabilité de la charge d'intérêt et d'amortissement, mais qu'ils « permettent d'une part de diversifier la base d'investisseurs de la France, ce qui diminue le coût de la dette nominale , d'autre part de diminuer le coût ex-post de la dette en raison de l'attractivité des titres indexés sur l'inflation , et enfin de diminuer la variabilité du solde budgétaire . De ce dernier point de vue, les simulations effectuées permettent de confirmer que l'émission de titres indexés sur l'inflation dans une proportion située entre 10 % et 15 % des émissions, diminue à la fois le coût de la dette et la variabilité du solde budgétaire ».

L'émission d'obligations indexées diminue le coût de la dette en raison de la protection contre l'inflation qu'offrent les titres indexés. En contrepartie de cette protection, les investisseurs sont en moyenne prêts à se voir servir un taux réel plus faible. L'Etat économise ainsi la prime de risque d'inflation incluse (en plus des anticipations d'inflation) dans les taux des titres nominaux. Cette économie peut être évaluée de différentes manières, soit ex-ante soit ex-post :

1) ex-ante , pour une émission donnée, l'évaluation de cette prime, qui repose sur l'appréciation des anticipations d'inflation du marché, conduit à estimer qu'elle se situe à une valeur comprise entre 10 points de base et 80 points de base selon les conditions de liquidité du marché et l'évolution des anticipations macro-économiques retenues ;

2) ex-post, l'évaluation des coûts actuariels globaux des portefeuilles de titres nominaux et indexés émis par l'AFT repose sur l'inflation effectivement réalisée. A ce jour, dans plus de 80 % des cas, le niveau d'inflation réellement observée ex-post fait que l'Etat réalise une économie en ayant émis une émission indexée plutôt qu'une émission non indexée présentant les mêmes caractéristiques de maturité. En outre, ces données ne prennent pas en compte l'économie de charge d'intérêt sur les émissions nominales que fait réaliser à l'Etat le programme d'émission de titres indexés au travers de l'allègement du volume de titres que doit absorber le marché. En effet un report des émissions indexées sur les émissions nominales se traduirait par une hausse des taux de ces dernières.

En deuxième lieu, l'émission d'obligations indexées sur l'inflation diminue la variabilité interannuelle du solde budgétaire . Il existe une corrélation significative, à moyen terme, entre les recettes de l'Etat et l'écart de production 96 ( * ) d'une part, puis entre l'écart de production et l'inflation d'autre part. Par conséquent, en moyenne, les variations de charge d'intérêt dues à l'indexation d'une partie de la dette sur l'inflation sont en partie compensées au sein du solde budgétaire par les variations des recettes de l'Etat. Les simulations menées par l'AFT montrent que, selon les hypothèses prises, il existe un niveau d'émissions de titres indexés sur l'inflation qui maximise cet effet contracyclique de la charge de la dette indexée sur l'inflation et permet donc de réduire la variabilité du solde budgétaire. Ce niveau se situe entre 10 % et 15 % des émissions. Au-delà de ce seuil, l'émission de titres indexés sur l'inflation continue de diminuer le coût de la dette, mais augmente la variabilité du solde budgétaire. Le maintien de la proportion de titres indexés à un niveau inférieur à 15 % permet donc de prendre le minimum de risque de variation du solde budgétaire.

Au total, le surcroît temporaire de charge de la dette affectant le budget de l'Etat en 2011 doit être mis en perspective avec les économies réalisées en période de faible inflation . A titre d'illustration, en 2009, la loi de finances initiale retenait une provision pour charge d'indexation de 2,2 milliards d'euros, liée à une prévision d'inflation de 2 %, tandis que l'inflation réalisée, proche de zéro, a réduit cette provision budgétaire à moins de 100 millions d'euros, soit un gain d'environ 2,1 milliards d'euros. En outre, les perspectives d'inflation ne conduisent pas à anticiper un choc à la hausse sur la charge de la dette en 2012 : l'inflation pour la zone euro devrait s'établir à environ 1,6%-1,7% et pour la France à un niveau proche de 1,7%.


* 94 Et 7 ans et 71 jours avant swaps.

* 95 Dans des proportions variables : de 4 % à plus de 20 % suivant le pays considéré.

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