II. L'EXTENSION DE L'INSTRUCTION OBLIGATOIRE, UNE MESURE DE SAUVEGARDE NÉCESSAIRE

A. UN TEXTE ADAPTÉ POUR CONSOLIDER LA PLACE SPÉCIFIQUE DE L'ÉCOLE MATERNELLE

Votre commission estime que l'avancée à trois ans de l'âge de l'instruction obligatoire, que proposent les auteurs du texte, constitue l'indispensable socle sur lequel pourra être refondée l'école maternelle, aujourd'hui fragilisée dans ses moyens et dans sa fonction. Sur le plan symbolique, l'intégration de l'école maternelle dans la scolarité obligatoire permettra la reconnaissance définitive de son statut d'école à part entière. Elle contribuera également à l'affirmation de son rôle fondamental comme racine du système éducatif, où progressivement se développe l'enfant et se construit l'élève dans le respect de sa personne et de ses besoins.

En outre, sur le plan juridique, la proposition de loi impose à l'État une obligation de mettre en oeuvre tous les moyens nécessaires à l'accueil et à l'instruction de l'ensemble des enfants de trois à cinq ans. Le passage d'une faculté, même si elle était exercée dans les faits, à une obligation constitue un verrou empêchant toute réduction future de la scolarisation en maternelle à partir de trois ans et freinant ainsi le grignotage insidieux des moyens matériels et humains dévolus à l'école maternelle.

Le texte examiné par votre commission ne présente aucune difficulté de conformité à la Constitution ou aux conventions internationales ratifiées par la France, en particulier à la Convention européenne des droits de l'homme, dans la mesure où seule l'instruction obligatoire est visée. La proposition de loi n'impose pas, malgré son titre équivoque, la scolarisation obligatoire ; elle ne remet donc aucunement en cause la liberté de l'instruction et le libre choix des familles. En outre, budgétairement, l'impact sur l'État et les communes devrait rester marginal puisque d'ores-et-déjà la totalité des enfants sont accueillis à partir de trois ans.

En revanche, votre rapporteure est consciente que se posera la question de l'extension de l'enseignement privé en maternelle. En effet, le droit existant ne reconnaissant pas l'école maternelle comme élément de l'obligation scolaire, à la différence de l'école élémentaire, il n'impose pas aux communes de prise en charge financière du fonctionnement des classes maternelles privées. La jurisprudence du Conseil d'État distingue un seul cas d'obligation, celui où le maire a approuvé le contrat d'association de la classe maternelle privée. C'est pourquoi l'enseignement privé est peu présent au niveau de la maternelle. Dès lors que l'école maternelle sera intégrée à la scolarité obligatoire, les communes seront tenues de participer financièrement comme elles le font actuellement pour les classes élémentaires privées sous contrat. Une extension de la part de l'enseignement privé en maternelle est donc probable, surtout dans les régions comme le Nord ou la Bretagne, où il est traditionnellement bien implanté.

Cependant, votre commission ne croit pas à un flux massif vers l'enseignement privé. En effet, l'interdiction du financement de l'investissement des établissements privés du premier degré par les collectivités demeure en place. Or un développement d'établissements privés en maternelle nécessiterait d'importants travaux de construction et d'aménagements de locaux pour permettre l'accueil des enfants de trois ans. Sans l'aide des collectivités, interdite par le législateur, ceci représenterait une charge financière probablement trop lourde pour le privé. En d'autres termes, le financement de l'investissement constituera un frein très important au développement de maternelles privées.

Il convient, cependant, de mettre en garde contre deux effets pervers potentiels de l'extension de la période d'instruction obligatoire. Premièrement, il faut empêcher que la consolidation de la scolarisation à partir de trois ans ne serve de prétexte à une accélération du reflux de la préscolarisation à deux ans. Sur ce point, inquiète comme l'ensemble des professionnels des conséquences des suppressions de postes, votre commission ne peut que renvoyer le ministère de l'éducation nationale à ses responsabilités. Deuxièmement, il faut stopper la dérive à l'oeuvre de l'école maternelle vers l'école élémentaire, à la fois dans les missions, l'organisation et les apprentissages. Cette tentation de la « primarisation » de l'école maternelle existe déjà, notamment en grande section, qui ressemble parfois à un « CP1 » avant le « CP2 » de l'école élémentaire. L'intégration de l'école maternelle dans la scolarité obligatoire ne devra à aucun prix renforcer ce mouvement, qui gomme la spécificité du pré-élémentaire et empêche l'adaptation fine aux besoins d'enfants en pleine transition cognitive et psychoaffective.

Votre rapporteure est pleinement consciente de l'attente forte des parents et des enseignants en matière de restauration, de consolidation et de vitalisation de l'école maternelle. Il faudra aller au-delà des engagements symboliques et engager une réflexion sur la mission et la fonction de l'école maternelle , qui permettra ensuite un travail sur les contenus et une remise à plat de la formation des enseignants. Un engagement financier supplémentaire ne manquera pas d'être nécessaire pour améliorer les conditions matérielles d'accueil, ce qui posera la question de la participation de l'État et de la péréquation entre les communes pour éviter le creusement d'inégalités territoriales déjà manifestes.

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