B. DES INÉGALITÉS PRÉOCCUPANTES ENTRE SALARIÉS

La loi du 10 août 2009 a institué des régimes différents selon que les salariés travaillent dans une commune ou une zone touristique ou dans un Puce. Si les salariés des Puce bénéficient de garanties 7 ( * ) , encore insuffisantes, leurs collègues des communes et zones touristiques n'ont pas ce droit.

1. Des garanties insuffisantes dans les périmètres d'usage de consommation exceptionnel

La loi prévoit que seuls les salariés volontaires peuvent travailler le dimanche dans les Puce et leur accorde des contreparties.

a) Les contreparties au travail du dimanche

L'article L. 3132-25-3 du code du travail dispose que les autorisations administratives de déroger au principe du repos dominical sont accordées aux établissements de vente au détail au vu d'un accord collectif ou, à défaut, d'une décision unilatérale de l'employeur prise après référendum.

L'accord collectif ou la décision unilatérale fixe les contreparties accordées aux salariés privés de repos dominical, ainsi que les engagements de l'employeur en termes d'emploi ou en faveur de certains publics en difficulté.

Cependant, la loi ne contient pas tous les garde-fous qui seraient nécessaires. En cas de décision unilatérale de l'employeur, elle précise que les salariés doivent bénéficier, au minimum, d'un salaire double et d'un repos compensateur. Mais elle ne garantit pas aux salariés ces mêmes contreparties minimales en cas de conclusion d'un accord collectif.

Or, si l'on considère l'accord interbranches conclu, le 27 novembre 2009, par l'Union pour les entreprises des Bouches-du-Rhône (UPE 13 - Medef), la CFE-CGC, la CFTC et FO sur l'ouverture des commerces le dimanche dans la zone de Plan-de-Campagne, on constate que celui-ci ne garantit pas à tous les salariés le paiement d'un salaire double pour les heures travaillées le dimanche. L'accord stipule que la majoration salariale est égale à 100 % du Smic horaire ; pour les salariés dont l'ancienneté est supérieure à dix-huit mois, la majoration est augmentée d'une prime égale à 4 % du Smic en 2010-2011, 7 % en 2012-2013 et 10 % en 2013-2014.

En raison de la faiblesse des salaires dans le secteur du commerce, une majoration égale à 100 % du Smic équivaut, certes, à un doublement du salaire pour la majorité des salariés. Mais ce n'est pas le cas pour les salariés affectés à des tâches d'encadrement, les responsables de magasin par exemple, rémunérés au-dessus du Smic.

b) Le principe du volontariat

L'article L. 3132-25-4 du code du travail vise à garantir le caractère volontaire du travail dominical dans les Puce.

Il prévoit d'abord que seuls les salariés volontaires ayant donné leur accord par écrit à leur employeur peuvent travailler le dimanche. Il précise ensuite qu'une entreprise bénéficiaire d'une autorisation ne peut prendre en considération le refus d'une personne de travailler le dimanche pour refuser de l'embaucher. Il indique enfin que le salarié qui refuse de travailler le dimanche ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire et que son refus ne constitue ni une faute ni un motif de licenciement.

La loi vise également à garantir que la décision du salarié est réversible. Elle distingue selon qu'un accord collectif, conclu en application de l'article L. 3132-25-3 du code du travail, est ou non applicable.

L'accord collectif fixe les conditions dans lesquelles l'employeur prend en compte l'évolution de la situation personnelle des salariés privés de repos dominical. En l'absence d'accord, plusieurs garanties sont prévues :

- l'employeur doit demander chaque année à tout salarié qui travaille le dimanche s'il souhaite bénéficier d'une priorité pour occuper un emploi ne comportant pas de travail le dimanche ; il l'informe de sa faculté de ne plus travailler le dimanche s'il ne le souhaite plus ;

- le salarié peut, à tout moment de l'année, demander à bénéficier de la priorité pour occuper un emploi ne comportant pas de travail le dimanche ;

- le salarié privé de repos dominical conserve la faculté de refuser de travailler trois dimanches de son choix par année civile.

Les auditions de responsables syndicaux auxquelles a procédé le comité d'évaluation de la loi du 10 août 2009, comité dont faisait partie votre rapporteure, ont montré que le principe du volontariat était cependant parfois difficile à faire respecter .

D'abord, il faut bien admettre que c'est souvent la peur du chômage, ou la faiblesse des salaires, qui conduit les salariés à accepter de travailler le dimanche, faute de mieux.

Ensuite, il arrive que les accords collectifs conclus dans les entreprises ne respectent pas véritablement le principe du volontariat : certains accords stipulent par exemple que les salariés non volontaires pourront être mutés dans un autre magasin ; d'autres qu'il sera fait appel aux non-volontaires si les volontaires ne sont pas assez nombreux ; d'autres encore que le volontariat ne concerne pas les salariés embauchés après la signature de l'accord. Le renvoi à la négociation collective ne permet donc pas toujours de faire bénéficier les salariés des protections auxquelles ils devraient avoir droit.

2. Une absence de garanties dans les communes et les zones touristiques

En dépit des insuffisances qui viennent d'être soulignées, les salariés des Puce pourraient être considérés comme « privilégiés », dès lors que ces garanties, qui permettent seulement une meilleure reconnaissance du travail dominical, ne sont même pas accordées à leurs collègues travaillant dans les communes et les zones touristiques.

Tout d'abord, la règle du volontariat ne les concerne pas. Les salariés des commerces implantés dans les communes et les zones touristiques peuvent donc se voir imposer de travailler le dimanche. Leur refus pourrait constituer une faute. De plus, leurs heures travaillées sont rémunérées au taux normal et n'ouvrent pas droit à un repos compensateur (à moins bien sûr qu'un accord collectif ne comporte des dispositions plus favorables aux salariés).

Les auteurs de la loi « Mallié » ont justifié cette inégalité de traitement en arguant d'une différence de situation. Il faudrait, selon eux, distinguer deux cas de figure :

- soit le travail le dimanche résulte d'une dérogation de plein droit qui découle de la nature même de l'activité ou de la zone dans laquelle se situe le commerce ; il présente alors un caractère structurel et tout emploi est susceptible d'impliquer un travail le dimanche ;

- soit le travail dominical présente un caractère exceptionnel et est subordonné à une autorisation individuelle donnée par l'administration. La loi doit alors prévoir des contreparties pour les salariés amenés à travailler le dimanche.

Le Conseil constitutionnel a admis ce raisonnement et a estimé que la différence de traitement entre ces deux catégories de salariés n'était pas contraire au principe constitutionnel d'égalité devant la loi 8 ( * ) .

Il n'en reste pas moins que cette différence de traitement est difficile à justifier sur le plan social . Il est même paradoxal que les salariés qui sont susceptibles de travailler tous les dimanches soient moins protégés que ceux pour lesquels le travail dominical présente un caractère plus exceptionnel. Ne faudrait-il pas au contraire protéger davantage ceux qui sont susceptibles de travailler régulièrement le dimanche et qui subissent, de ce fait, le plus grand préjudice pour leur vie personnelle ?


* 7 Ces garanties sont également applicables aux salariés privés du repos dominical dans le cadre du régime prévu à l'article L. 3132-20 du code du travail (hypothèse où le repos simultané, le dimanche, de tous les salariés d'un établissement serait préjudiciable au public ou compromettrait le fonctionnement normal de cet établissement).

* 8 Cf. la décision n° 2009-588 DC du 6 août 2009, considérants 19 et 20.

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