N° 285

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2011-2012

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 janvier 2012

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (1) sur la proposition de résolution de Mme Bernadette BOURZAI, portant avis motivé, présentée au nom de la commission des affaires européennes en application de l'article 73 octies du Règlement, sur la conformité au principe de subsidiarité de la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux orientations de l' Union pour le développement du réseau transeuropéen de transport (E 6740),

Par M. Roland RIES,

Sénateur

et TEXTE DE LA COMMISSION

(1) Cette commission est composée de : M. Daniel Raoul , président ; MM. Martial Bourquin, Gérard César, Gérard Cornu, Daniel Dubois, Pierre Hérisson, Mme Élisabeth Lamure, M. Gérard Le Cam, Mme Renée Nicoux, MM. Thierry Repentin, Raymond Vall , vice-présidents ; MM. Claude Bérit-Débat, Ronan Dantec, Mme Valérie Létard, MM. Rémy Pointereau, Bruno Retailleau, Bruno Sido, Michel Teston , secrétaires ; M. Gérard Bailly, Mme Delphine Bataille, MM. Michel Bécot, Alain Bertrand, Joël Billard, Jean Bizet, Mme Bernadette Bourzai, MM. François Calvet, Pierre Camani, Vincent Capo-Canellas, Yves Chastan, Alain Chatillon, Jacques Cornano, Roland Courteau, Philippe Darniche, Marc Daunis, Marcel Deneux, Mme Évelyne Didier, MM. Claude Dilain, Michel Doublet, Philippe Esnol, Alain Fauconnier, Jean-Luc Fichet, Jean-Jacques Filleul, Alain Fouché, Francis Grignon, Didier Guillaume, Mme Odette Herviaux, MM. Michel Houel, Alain Houpert, Benoît Huré, Philippe Kaltenbach, Joël Labbé, Serge Larcher, Jean-Jacques Lasserre, Daniel Laurent, Jean-Claude Lenoir, Philippe Leroy, Alain Le Vern, Mme Marie-Noëlle Lienemann, MM. Michel Magras, Hervé Maurey, Jean-François Mayet, Jean-Claude Merceron, Jean-Jacques Mirassou, Robert Navarro, Louis Nègre, Jackie Pierre, Ladislas Poniatowski, Charles Revet, Roland Ries, Mmes Laurence Rossignol, Mireille Schurch, Esther Sittler, MM. Henri Tandonnet, Robert Tropeano, Yannick Vaugrenard, François Vendasi, Paul Vergès, René Vestri.

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

256 (2011-2012)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La commission des affaires européennes du Sénat, le 12 janvier dernier, a proposé un avis motivé de la Haute Assemblée pour indiquer au législateur européen que la proposition de règlement européen relatif au réseau transeuropéen de transport (RTE-T) ne respecte pas le principe de subsidiarité. Votre commission s'est saisie de ce projet d'avis motivé, étant compétente au fond, pour bien marquer l'importance qu'elle attache au sujet.

La mise en place d'un réseau transeuropéen de transport est un objectif ancien mais qui demeure très lointain : en effet, les initiatives européennes ne sont pas parvenues à fédérer le développement des réseaux existants, dont le cadre est resté national. L'Europe s'est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre, les trop nombreux défauts de son réseau de transport nuisent à sa compétitivité économique : dans ces conditions, les retards trop souvent constatés dans la réalisation de grands projets d'infrastructures européennes, alors même que leurs financements sont disponibles, ne sont plus acceptables.

La proposition de règlement européen prévoit de structurer le réseau transeuropéen de transport autour d'un réseau « central », subventionné par l'Union, ainsi que la mise en place de « corridors de réseau central », véritables plateformes pour la gestion des capacités, la programmation des investissements, ou encore le déploiement de systèmes de gestion du trafic interopérables - avec, pour chaque corridor, un « coordonnateur européen » doté d'un pouvoir de « diriger la mise en oeuvre coordonnée » du corridor et d'appliquer à cette fin des décisions d'exécution prises par la Commission européenne. Cette proposition de règlement fait partie d'un « paquet législatif » qui comprend également la mise en place d'un « mécanisme pour l'interconnexion en Europe », doté de 31,7 milliards d'euros pour la période 2014-2020.

Ce volontarisme bienvenu, cependant, doit respecter le principe de subsidiarité, qui commande - selon les termes de l'article 5 du traité de Lisbonne - que l'échelon européen agisse seulement lorsque l'échelon national n'est pas en mesure d'exercer de manière « satisfaisante » la compétence partagée, en l'occurrence les réseaux transeuropéens.

Or, la commission des affaires européennes estime que les articles 51 et 53 de la proposition de règlement ne respectent pas le principe de subsidiarité, en confiant des pouvoirs excessifs aux « coordonnateurs européens » et aux décisions d'exécution de la Commission européenne.

Votre commission se range d'autant plus volontiers à cet avis que la Commission européenne, dans son projet de règlement, ne justifie pas ces pouvoirs confiés aux coordonnateurs européens. Dans sa rédaction actuelle, cette proposition de règlement européen risque de contraindre les autorités nationales dans l'exercice de compétences où l'échelon national est pourtant mieux placé que l'échelon communautaire.

En conséquence, votre commission, le 24 janvier 2012, a adopté sans modification et à l'unanimité la proposition de résolution portant avis du Sénat sur la proposition de règlement (E 6740) du Parlement européen et du Conseil relatif aux orientations de l'Union pour le développement du réseau transeuropéen de transport.

I. LES AVIS MOTIVÉS SUR LA CONFORMITÉ AU PRINCIPE DE SUBSIDIARITÉ

La procédure d'avis motivé des Parlements nationaux sur le respect du principe de subsidiarité est récente. Introduite par le traité de Lisbonne 1 ( * ) , elle a été précisée à l'échelon européen par le protocole n° 2 annexé au traité et, à l'échelon national, par l'article 88-6 de la Constitution 2 ( * ) décliné par l'article 73 octies du Règlement du Sénat 3 ( * ) , pour ce qui concerne la Haute Assemblée.

A. LES RÈGLES EUROPÉENNES

L'article 5 du traité de l'Union définit ainsi le principe de subsidiarité : « Dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, l'Union intervient seulement si, et dans la mesure où, les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les États membres, tant au niveau central qu'au niveau régional et local, mais peuvent l'être mieux, en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée, au niveau de l'Union.» 4 ( * ) .

Le principe de subsidiarité concerne donc seulement les compétences partagées entre l'Union et les États-membres - les transports et les réseaux transeuropéens figurent dans la liste exhaustive de l'article 4 du traité 5 ( * ) . Ce principe préside à l'exercice de ces compétences partagées, en répondant à la question : qui doit agir ? Il établit une présomption en faveur des États membres, en confiant l'exercice de la compétence partagée à l'échelon national sauf lorsque l'action est mieux à même d'être atteinte par l'échelon communautaire - ceci en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée.

Si la doctrine a souligné l'ancienneté du principe de subsidiarité, son application longtemps implicite ainsi que son ambiguïté, le traité de Lisbonne a explicité les mécanismes de contrôle, en renforçant le rôle des Parlements nationaux.

L'article 12 du traité, d'abord, dispose que les Parlements nationaux contribuent au bon fonctionnement de l'Union « en veillant au respect du principe de subsidiarité » ; le protocole n° 2 annexé au traité, relatif aux principes de proportionnalité et de subsidiarité, définit les modalités d'un dialogue entre l'échelon national et l'échelon communautaire, en impliquant l'ensemble des institutions européennes.

Concrètement, les projets d'actes législatifs européens sont transmis aux Parlements nationaux et ils sont motivés au regard des principes de subsidiarité et de proportionnalité : « Tout projet d'acte législatif [comporte] une fiche contenant des éléments circonstanciés permettant d'apprécier le respect des principes de subsidiarité et de proportionnalité. (...) Les raisons permettant de conclure qu'un objectif de l'Union peut être mieux atteint au niveau de celle-ci s'appuient sur des indicateurs qualitatifs et, chaque fois que c'est possible, quantitatifs ». 6 ( * )

Les Parlements nationaux 7 ( * ) peuvent, dans un délai de huit semaines, adresser au législateur européen un avis motivé « exposant les raisons pour lesquelles ils estiment que le projet en cause n'est pas conforme au principe de subsidiarité ». Lorsque les avis négatifs représentent un tiers des voix attribuées aux Parlements nationaux 8 ( * ) , le projet doit être réexaminé ; à l'issue de ce réexamen, l'institution européenne à l'origine de l'acte législatif peut maintenir le projet, le modifier ou le retirer - sa décision doit alors être motivée.

Un recours pour violation du principe de subsidiarité peut être formé par un État, ou transmis par un État au nom de son Parlement national, devant la Cour de justice de l'Union européenne. A ce jour, aucun recours n'a été déposé à ce titre 9 ( * ) .


* 1 Signé le 1 er décembre 2007 et entré en vigueur le 13 décembre 2009.

* 2 Introduit par la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la V e République.

* 3 Introduit par une Résolution du 20 décembre 2010.

* 4 Ce même article 5 dispose que l'Union agit dans les limites des compétences qui lui sont conférées et des objectifs qui lui sont assignés par les traités (principe d'attribution) et que « le contenu et la forme de l'action de l'Union n'excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs des traités » (principe de proportionnalité).

* 5 Les compétences partagées limitativement définies par l'article 4 du traité sont les suivantes : le marché intérieur, la politique sociale, la cohésion, l'agriculture et la pêche, l'environnement, la protection des consommateurs, les transports, les réseaux transeuropéens, l'énergie, l'espace de liberté, de sécurité et de justice et certaines questions en matière de santé publique.

* 6 Article 5 du protocole n° 2 annexé au traité de l'Union. En application de cet article, la Commission publie des feuilles de route qui présentent les intentions de l'acte législatif ainsi qu'une première justification au regard des principes de subsidiarité et de proportionnalité. Ces éléments sont versés à la consultation des parties prenantes et à l'analyse d'impact. La «fiche subsidiarité» est présentée dans l'exposé des motifs et son contenu est rappelé dans les considérants de la proposition. Un comité d'analyses d'impact contrôle la qualité de ces analyses et formule des observations, qui sont reprises dans le rapport annuel sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité, que la Commission européenne présente au Conseil européen, au Parlement européen et aux Parlements nationaux.

* 7 Chaque Parlement national dispose de deux voix - une par chambre, en cas de bicamérisme.

* 8 Ce seuil est abaissé au quart lorsque le projet concerne la coopération judiciaire en matière pénale ou la coopération policière.

* 9 La Cour, cependant, a rendu un arrêt en 2010 répondant à une question préjudicielle que lui posait la Haute cour de justice d'Angleterre et du Pays-de-Galles : elle a jugé qu'en plafonnant les tarifs de l'itinérance téléphonique, le règlement n°717/2007 respectait le principe de subsidiarité dès lors que les Etats nationaux pouvaient difficilement y procéder seuls sans compromettre le fonctionnement harmonieux du marché intérieur. Voir Arrêt C-58/28 Vodafone, du 8 juin 2010.

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