II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION : UNE ACTION PLUS RÉSOLUE EST POSSIBLE ET NÉCESSAIRE

Comme votre rapporteur l'a indiqué au tout début de ce rapport, il existe un large accord sur l'une des prémisses qui fonde ce texte, à savoir que les pouvoirs publics doivent créer les conditions d'une relance forte et durable de la construction de logements, notamment sociaux. Tout l'enjeu du débat est de déterminer la façon la plus efficace et la plus juste d'y parvenir. Votre commission estime que le dispositif proposé par le Gouvernement ne répond pas aux objectifs. Elle propose donc de lui substituer une mesure plus simple, plus robuste et plus efficace.

A. SUPPRIMER UNE MESURE GADGET

Le dispositif proposé par le Gouvernement cumule les inconvénients : insuffisamment préparé et discuté dans la précipitation, il est à la fois redondant avec le droit existant, porteur de risques contentieux lourds, doté d'une efficacité concrète très improbable et contraire à l'esprit d'un urbanisme de projet responsable et d'une coopération intercommunale apaisée et efficiente. Pour toutes ces raisons, votre commission a décidé de le supprimer en lui substituant un autre dispositif.

B. RESTAURER L'EXEMPLARITÉ DE L'ÉTAT PAR UNE MESURE FORTE, CONCRÈTE ET D'APPLICATION IMMÉDIATE

Votre commission est convaincue que les blocages qui existent aujourd'hui dans le secteur du logement sont bien trop prononcés pour qu'une seule mesure suffise à les lever. C'est uniquement par une action coordonnée sur de multiples leviers qu'une avancée significative pourra être réalisée: action sur la fiscalité foncière pour accélérer le retour sur le marché des logements vacants et l'utilisation des terrains constructibles non bâtis ; action sur la taxation des plus-values immobilières pour mettre fin à la rétention de logements ou de terrains constructibles inutilisés pour des motifs d'optimisation fiscale ; action sur le règles d'évolution des loyers pour éviter leur envolée ; action sur les mécanismes de financement du logement social par une orientation de l'épargne vers ce secteur ; action pour renforcer la portée et l'effectivité de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains en matière de logement social et éviter les comportements de passager clandestin des communes qui jouent le jeu du malthusianisme, etc.

Bien entendu, il n'est pas question pour votre commission de développer dans le cadre de l'examen de ce texte un dispositif juridique complet et finalisé correspondant à ce projet d'ensemble -et ce pour deux raisons. La première est technique : une politique dans les domaines de l'urbanisme et du logement ne s'improvise pas. C'est un sujet trop important et trop complexe pour tolérer les approximations. Le texte mal conçu présenté par le Gouvernement en est la preuve par l'absurde. La seconde raison, plus déterminante, est politique. À moins de deux mois d'échéances électorales majeures, le temps est désormais celui de la confrontation des projets. La question du logement en est une composante essentielle.

En revanche, si présenter dans le contexte de ce projet de loi une réforme complète de la politique du logement est techniquement impossible et politiquement inopportun, votre commission a souhaité mettre en avant une mesure qui a une portée symbolique forte et un impact pratique rapide et puissant . Il s'agit de l'assouplissement des conditions dans lesquelles l'État peut mettre les immeubles de son domaine privé à disposition pour y réaliser des logements -notamment sociaux .

On sait qu'aujourd'hui l'État peut céder ses terrains avec une décote dont le niveau est fixé par décret. Aux termes de l'article R. 148-7 du code du domaine de l'État, elle ne peut excéder 25 % du produit de la valeur vénale du terrain pondérée par le rapport de la surface hors oeuvre nette affectée au logement locatif social à la surface hors oeuvre nette totale du programme immobilier. Cette décote peut être portée à 35 % dans les zones tendues. L'amendement adopté par votre commission permet d'aller beaucoup plus loin en donnant la possibilité à l'État de céder ses immeubles -et non pas seulement ses terrains- et en portant la décote potentielle à 100 %, ce qui lui permet éventuellement de les céder gratuitement. Il s'agit, précisons-le, uniquement d'une possibilité, l'État gardant la maîtrise des conditions de cession, qui sont fixées par un décret en Conseil d'État. Par ailleurs, il est précisé que la décote de 100 % ne concerne que la partie du programme en logement social, ce qui empêche le détournement de la plus-value latente par les acteurs privés.

Pourquoi, parmi l'ensemble des mesures souhaitables pour relancer la politique du logement, votre commission choisit-elle précisément de mettre en avant celle-ci ?

En premier lieu, parce que c'est une mesure simple et rapide . Nul besoin de demander à 17 300 communes de délibérer. Nul besoin de modifier des documents d'urbanisme complexes au risque d'un contentieux abondant. Nul besoin de créer un nouveau dispositif juridique. Il suffit de modifier un article du code général de la propriété de l'État.

Deuxièmement, c'est une mesure qui met en évidence de façon criante la différence de philosophie entre l'opposition et la majorité gouvernementales sur la question du logement .

De son côté, le Gouvernement et la majorité qui le soutient, à travers le présent projet de loi, expliquent l'insuffisance du nombre de logements construits par des réglementations locales malthusiennes qui freinent voire bloquent le développement des projets de constructions. À partir de ce diagnostic bien naïf, ce texte avance une solution frappée au coin du bon sens de la pensée économique orthodoxe : alléger des règles de constructibilité pour « libérer » les droits à construire. À l'inverse, avec la mesure qu'elle propose, votre commission porte une autre vision de l'État : celle d'un État qui s'engage, qui n'est pas là pour tout faire, mais qui répond présent pour impulser, donner l'exemple et, en paraphrasant le célèbre mot d'ordre du New Deal , faire sa part du travail .

L'État ne peut pas, d'un côté, faire le constat d'un manque de foncier pour construire du logement et, de l'autre, se tourner simplement vers les communes en les mettant en demeure de prendre leurs responsabilités. L'État qui se désengage ne peut pas être, dans le même temps, un État qui appelle les uns et les autres à prendre leurs responsabilités. La conception de l'action publique, dans le domaine du logement comme ailleurs, qu'entend mettre en avant votre commission est différente : tout le monde doit prendre ses responsabilités, y compris l'État. Le sens des responsabilités, c'est de commencer à faire, soi même, à son niveau, ce qui est juste et utile. L'État aura une légitimité forte pour responsabiliser les communes qui ne respectent pas la loi SRU ou mettent en place des règles de constructibilité malthusiennes et pour responsabiliser les propriétaires qui gèlent leurs logements ou leur terrain à condition que, lui-même, fasse ce qui dépend de lui en cédant les immeubles bâtis et non bâtis qu'il n'utilise pas .

Jusqu'à présent, l'État a refusé de se servir véritablement de l'outil des cessions avec décote mis en place par la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005. Manifestement, entre l'État propriétaire immobilier et l'État garant du droit au logement, le Gouvernement a fait le choix de privilégier le premier . C'est un choix éthiquement discutable. C'est également un choix économiquement absurde, car, si l'on raisonne en coûts complet sur le moyen terme, la perte d'actifs que représente la cession d'immeubles est largement compensée par l'effet de dynamisation de l'activité économique nationale et les rentrées de recettes fiscales subséquentes. Pour l'État en effet , céder ses terrains inutilisés, ce n'est pas brader son patrimoine : c'est investir . Car le mal logement et les prix exorbitants du logement représentent un coût exorbitant pour la collectivité nationale. Cela coûte en dépenses d'intervention pour aider les ménages à se loger et en dépenses sociales induites, par exemple celles liées aux difficultés d'accès à l'emploi ou en matière d'échec scolaire. Cela coûte en pouvoir d'achat et donc en consommation et en croissance, car le logement constitue une dépense contrainte qui absorbe une part croissante du revenu des ménages. Cela freine les projets de construction et donc la création de richesses par le secteur du bâtiment, gros pourvoyeur d'emplois. Cela pèse aussi sur la compétitivité du territoire et des entreprises. Pour ces raisons, votre commission rejette l'idée que faciliter les cessions d'immeubles pour permettre la construction de logements sociaux constitue un appauvrissement pour l'État.

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