B. LA DÉLINQUANCE TRANSFRONTALIÈRE

La Guyane est l'un des départements français connaissant l'un des plus forts taux de violence. En 2011, le rapport de l'observatoire national de la délinquance note que le taux d'atteintes volontaires à l'intégrité physique s'élève à 15,9 pour 1000 habitants, soit le double de la moyenne nationale. Enclave européenne en Amérique Latine, elle bénéficie d'un niveau de développement plus élevé que ses voisins, devenant ainsi un territoire très attractif pour les ressortissants des États alentour et les groupes criminels. C'est en Guyane que l'on trouve le plus fort taux d'infractions à la législation sur les étrangers (64,2 pour 1000 habitants) 1 ( * ) .

De plus, la présence en Guyane d'un important potentiel aurifère attise la convoitise de chercheurs d'or clandestins, les « garimpeiros ». Au-delà de cette exploitation illégale, c'est toute une délinquance « collatérale » qui en découle : immigration clandestine, meurtres, prostitution, trafic d'armes, trafic de stupéfiants. Cette délinquance se déroulant souvent au coeur de la forêt amazonienne, l'interpellation des auteurs en est rendue d'autant plus difficile. La pérennisation de l'opération HARPIE a permis ces dernières années un démantèlement de nombreux sites clandestins, malheureusement les saisies, destructions de matériels et arrestations ne découragent pas les orpailleurs pour autant. Enfin, les enquêteurs doivent faire face à la violence des orpailleurs illégaux, qui n'hésitent pas à faire usage des armes à leur encontre.

C'est ainsi que le 27 juin dernier, deux soldats du 9 e RIMA ont perdu la vie lors d'un accrochage à l'arme de guerre contre des orpailleurs clandestins, deux gendarmes ont également été gravement blessés.

La question de l'orpaillage clandestin est un sujet de grande importance en Guyane ainsi que dans les relations franco-brésiliennes. Les élus guyanais ont régulièrement attiré l'attention sur ce point névralgique, diverses missions sénatoriales ont pu confirmer l'étendue du problème.

A cet égard, un accord entre la France et le Brésil dans le domaine de la lutte contre l'exploitation aurifère illégale dans les zones protégées d'intérêt patrimonial a été signé à Rio de Janeiro le 23 décembre 2008. Il a été ratifié par la France 2 ( * ) mais toujours pas par le Brésil.

En décembre 2010, une mission de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, conduite par M. Josselin de Rohan, et composée de Mme Bernadette Dupont, MM. Jean-Etienne Antoinette et Jacques Berthou, avait préconisé un renforcement de la coopération avec le Brésil pour lutter contre ce fléau 3 ( * ) .

En avril 2011, lors d'une mission au Brésil d'une délégation de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat 4 ( * ) , les membres de la délégation sénatoriale ont pu rencontrer le Sénateur Randolfo Rodrigues, élu de l'Amapa, et lui ont rappelé l'importance de la ratification pour la France de l'accord sur la répression de l'orpaillage illégal. La délégation a également relayé les préoccupations fortes des élus guyanais à ce sujet et ses conséquences néfastes sur l'environnement et la santé des populations locales. En réponse, le Sénateur Rodrigues a indiqué à la délégation qu'il ne devrait pas y avoir de difficultés pour l'adoption de ce texte par le Sénat brésilien, et qu'il s'engagerait auprès du Député Bala Rocha pour que l'adoption de l'accord soit facilitée.

Néanmoins, le texte est actuellement toujours en instance au Sénat brésilien.

En septembre 2011, une visite du groupe interparlementaire d'amitié France-Brésil, conduite par M. Roland du Luart et composée de MM. Jean-Etienne Antoinette, René Beaumont et Georges Patient, avait à son tour souligné la nécessité d'agir sans tarder sur cette question. La délégation avait traversé à pied le pont sur l'Oyapock pour se rendre au Brésil et rencontrer les élus brésiliens de la région de l'Amapa, à qui ils avaient fait part de leurs préoccupations concernant l'orpaillage illégal et ses conséquences environnementales et sécuritaires en Guyane.

Votre rapporteur insiste sur le fait que, sans ratification par la partie brésilienne de l'accord précité, la coopération transfrontalière en matière sécuritaire ne pourra être pleinement mise en oeuvre . Si le Centre de coopération policière en est un élément essentiel, il doit, pour être pleinement fonctionnel, être accompagné d'une véritable volonté politique dans tous les domaines sensibles, au premier rang desquels se trouve la lutte contre l'exploitation aurifère illégale.

L'Amapa est l'une des régions les plus pauvres du Brésil et son développement, seule façon efficace de limiter l'attrait des populations pour l'orpaillage clandestin, ne semble malheureusement pas au coeur des priorités brésiliennes. Or, le manque d'une véritable politique de développement en Amapa va à l'encontre des textes de coopération en matière de sécurité, puisqu'il n'est pas possible de remplacer une source potentielle de revenu (l'orpaillage clandestin) par une perspective inexistante.

L'absence de ratification par le Brésil de cet accord sur l'orpaillage clandestin serait un frein à une coopération transfrontalière pleine et entière.


* 1 Rapport 2011 de l'observatoire national de la délinquance

* 2 Loi n°2011-856 du 20 juillet 2011

* 3 Un rapport d'information a été publié suite à cette mission : La Guyane, une approche globale de la sécurité, n°271 (2010-2011)

* 4 Mission au Brésil effectuée du 11 au 15 avril 2011 et composée de MM. Josselin de Rohan, président, Jean Besson, Bernard Piras et Yves Pozzo di Borgo.

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