CONCLUSION

L'avenant à la convention fiscale entre la France et les Philippines tend à promouvoir la transparence fiscale en actualisant ses stipulations afin de renforcer les obligations de cet Etat en matière de coopération administrative fiscale.

Votre rapporteure prend acte de l'extension du champ d'application de l'échange de renseignements de la convention ainsi que de la levée du secret bancaire en matière d'assistance fiscale internationale.

Elle convient que le rejet d'un tel accord ne permettrait pas d'imposer aux Philippines de transmettre aux autorités administratives françaises les informations requises, eu égard aux stipulations conventionnelles et dispositions législatives en vigueur trop restrictives.

Elle prend acte des progrès réalisés par les Philippines en matière de transparence fiscale , ainsi que l'a jugé le Forum mondial sur la transparence fiscale dans son rapport du 1 er juin 2011. Elle observe que la capacité normative de ce pays à coopérer fonde la présente demande de ratification, contrairement au système juridique panaméen qui avait été jugé insuffisant par le Forum mondial et par votre commission, lors de l'examen de la convention de suppression des doubles impositions franco-panaméenne.

Votre rapporteure salue la volonté politique philippine de lutter contre l'évasion fiscale. Cependant , elle rappelle, d'une part , que certains obstacles résiduels à l'échange de renseignements, de nature juridique, demeurent dans la législation interne philippine en matière de disponibilité de l'information sur l'identité des propriétaires de parts. D'autre part , elle tient à mettre en garde contre toute entrave à l'échange d'information de nature culturelle.

Constatant que la présente ratification entraîne la radiation des Philippines de la liste française des Etats et territoires non coopératifs, elle sera particulièrement vigilante quant à l'application de l'accord. L'absence de coopération fiscale sera sanctionnée par la réintégration sur la liste française .

Sous réserve des observations précédentes, votre commission des finances propose d'adopter le présent projet de loi tendant à ratifier l'avenant franco-philippin.

Enfin votre rapporteure appelle de ses voeux le renforcement de l'efficacité de la politique conventionnelle française conformément aux conclusions de la commission d'enquête sénatoriale. Elle souhaite également que l'information du Parlement soit accrue en la matière.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 10 octobre 2012 sous la présidence de Jean-Pierre Caffet, vice-président, la commission a procédé à l'examen du rapport de Mme Michèle André, rapporteure, sur le projet de loi n° 788 (2011-2012), autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République des Philippines tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu.

Mme Michèle André , rapporteure . - Nous sommes aujourd'hui réunis afin d'examiner le projet de loi visant à approuver l'avenant à la convention fiscale de suppression des doubles impositions entre la France et les Philippines, signé le 25 novembre 2011.

Il s'agit du quarante-quatrième projet de loi de ratification présenté devant notre commission depuis 2009. Il intervient dans un contexte difficile de crise, alors que l'évasion fiscale a été dénoncée par la commission d'enquête sénatoriale présidée par Philippe Dominati et dont le rapporteur, Éric Bocquet, a rendu ses conclusions en juillet dernier.

Face au constat dressé par cette commission, j'ai tenu à examiner, non seulement l'environnement juridique philippin, mais aussi son cadre financier.

Cet avenant n'a qu'un seul objectif : permettre la coopération fiscale aujourd'hui bloquée en raison de stipulations conventionnelles obsolètes. En effet, la convention franco-philippine date de 1995. L'article relatif à l'échange de renseignements ne comprend pas la clause relative à la levée du secret bancaire qui a été ajoutée au modèle de convention de l'OCDE en 2005.

Or, cette stipulation est essentielle car ce pays pratique le secret bancaire. Le secrétariat de la commission des finances a interrogé le Bureau du contrôle fiscal de la Direction de la législation fiscale du ministère de l'économie et des finances qui a confirmé qu'en l'état actuel, aucune coopération fiscale n'était possible. Seule la modification de la convention permettra d'imposer aux autorités philippines d'échanger des renseignements, même si les informations sont détenues par une banque ou un établissement financier.

Si la ratification de l'avenant apparaît donc comme nécessaire, elle n'est toutefois pas neutre en termes de conséquences. Certes, la transparence fiscale s'en trouvera renforcée. Cependant, les Philippines seront retirées de la liste française des Etats et territoires non coopératifs.

Cette liste a été établie en 2010 sur la base de celle de l'OCDE. A cette époque, les Philippines avaient quitté la liste noire pour figurer sur la liste grise des Etats qui, bien qu'ayant pris l'engagement de coopérer, n'avaient pas encore conclu les douze accords requis.

Or, vous avez tous en mémoire l'examen du projet de loi tendant à ratifier la convention franco-panaméenne, rapporté par notre collègue Nicole Bricq, qui avait conduit au rejet du texte devant le Sénat. Le contexte est aujourd'hui différent.

Le Forum mondial sur la transparence fiscale avait alors constaté de graves carences dans le cadre juridique panaméen empêchant toute coopération fiscale. Ce n'est pas le cas des Philippines. Elles ont été évaluées positivement en juin 2011. Leur système juridique a été jugé comme globalement satisfaisant par le Forum mondial.

Parmi les progrès constatés, et j'insiste, c'est certainement l'avancée la plus importante, les Philippines ont adopté en 2009 des dispositions législatives dérogeant au secret bancaire dans le domaine de l'assistance internationale.

En conséquence, si celui-ci est maintenu en matière domestique, il sera levé dans le cadre des demandes formulées au titre de la coopération fiscale dès que l'avenant sera ratifié.

Ensuite, la rédaction de l'avenant est plus stricte que celle du modèle OCDE. La France a obtenu l'insertion d'un paragraphe prévoyant que les Philippines doivent « prendre les mesures nécessaires afin de garantir la disponibilité des renseignements et la capacité de son administration fiscale à accéder à ces renseignements et à les transmettre ».

Rappelons aussi qu'aucune contrepartie à la mise à jour de la convention n'a été accordée par la France.

La signature de l'avenant est intervenue sept mois après son paraphe afin de vérifier la mise en oeuvre réglementaire de la dérogation législative au secret bancaire. Les textes d'application ont été étudiés par le secrétariat de la commission des finances et sont annexés au rapport.

Enfin, toujours au titre des éléments en faveur de la ratification, il convient également de souligner la volonté politique exprimée par le nouveau président, Benigno Aquino, de procéder à une « chasse contre l'évasion fiscale ».

Ce n'est pas pour autant un blanc seing que nous accordons ici. En effet, le cadre normatif philippin peut encore être amélioré. Le Forum mondial a recommandé que la législation philippine soit modifiée afin d'imposer aux mandataires, non soumis aux obligations de lutte contre le blanchiment, de détenir les informations relatives aux bénéficiaires effectifs des titres de propriété pour lesquels ils agissent.

Les Philippines seront, par ailleurs, à nouveau évaluées lors de la seconde phase, mise en oeuvre le premier semestre 2013 par le Forum mondial. Cette nouvelle étape permettra d'apprécier concrètement l'état d'avancement de la coopération et pas uniquement l'environnement juridique.

Nous verrons alors dans quelle mesure ce pays pourra surmonter, non seulement sa culture du secret bancaire, mais également l'éventuelle opposition de certains acteurs économiques liés à l'influence des oligarchies.

Vous l'avez compris, notre vigilance sera suivie d'effet, si besoin est. L'absence de coopération fiscale sera sanctionnée par la réintégration sur la liste française.

En conclusion, sous réserve des observations précédentes et de la vigilance de la commission des finances manifestée dans le cadre de l'examen des accords fiscaux, je vous propose d'adopter le présent projet de loi visant à approuver l'avenant à la convention fiscale en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôt sur le revenu, conclu avec les Philippines.

M. Éric Bocquet . - J'aimerais tout d'abord connaître la réalité de la présence économique française aux Philippines. Quelle est la nature des activités qui y sont menées ? Le sujet de la fuite des capitaux nous préoccupe. Sur ce point je prends acte des arguments en faveur de la ratification ainsi que de la bonne volonté du Gouvernement philippin dans sa lutte contre l'évasion fiscale. Cependant, de quelles garanties disposons-nous quant à la réalité de ces engagements politiques ? Que se passera-t-il dans une année si aucun progrès n'a été réalisé, notamment en matière de levée du secret bancaire ? J'observe, en effet, que, contrairement par exemple à Malte ou au Japon, la disponibilité des informations telles qu'évaluées par le Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales n'est pas totale, même si des progrès ont été constatés. J'émets donc des réserves quant à la capacité pleine et entière de ce pays à échanger les informations demandées.

Mme Michèle André , rapporteure . - Sur le premier point, l'étude d'impact jointe au projet de loi précise qu'« aucune banque française n'a de licence bancaire aux Philippines, ni n'est actionnaire de banques philippines. BNP Paribas et Crédit Agricole sont uniquement des « offshore banking units » supervisées par la Banque centrale, qui ne peuvent opérer qu'en devises, pas en pesos » .

Quant à la présence française, la part de marché française aux Philippines a progressé de 1,55 % à 1,65 %. Elle demeure donc modeste, même si elle est l'une des plus élevées dans la zone ASEAN. Parmi la trentaine d'entreprises les plus importantes figurent  la société Teleperformance, entreprise de sous-traitance de services aux entreprises à l'étranger ou « call centers » , TOTAL, AXA, Essilor, Lafarge, L'Oréal, Schneider, ainsi que les marques de luxe (LVMH et Lacoste...), quelques bureaux de représentation ou commerciaux (International SOS pour les services médicaux, Alstom, etc.).

L'enjeu de cette ratification est qu'en l'état des stipulations conventionnelles en vigueur, nos administrations fiscales ne peuvent obtenir aucun renseignement. En cas d'absence de coopération, ce pays réintégrerait toutefois la liste française des Etats et territoires non coopératifs. La ratification constitue donc une étape préalable nécessaire afin d'imposer aux Philippines l'obligation d'échanger des renseignements en matière fiscale. Vérification en sera faite.

Nous serons bien entendu vigilants quant à l'effectivité des engagements des Philippines en matière de transparence fiscale. L'étude du cadre normatif philippin tel qu'observé par le Forum mondial a recommandé que soit améliorée la disponibilité des informations détenues par les mandataires qui ne sont pas soumis aux obligations imposées dans le cadre de la lutte anti-blanchiment. Nous connaissons également le poids des oligarchies. Nos échanges avec les représentants du Forum mondial conduisent à la même conclusion quant à la nécessité de s'engager dans cette voie conventionnelle. Par ailleurs, le Forum mondial procèdera, en 2013, à l'examen de la phase dite « 2 » qui évaluera la conformité des Philippines à ses engagements en matière de transparence, après avoir constaté la mise en place du cadre normatif lors de la phase « 1 », en juin 2011.

La commission a adopté le projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République des Philippines tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu, M. Eric Bocquet s'abstenant.

Elle a proposé que ce texte fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifié en séance publique, en application des dispositions de l'article 47 decies du Règlement du Sénat.

Page mise à jour le

Partager cette page