Rapport n° 59 (2012-2013) de M. Gérard ROCHE , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 17 octobre 2012

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N° 59

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 octobre 2012

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur la proposition de loi de MM. Gérard ROCHE et les membres du groupe union centriste et républicaine tendant à élargir la contribution de solidarité pour l' autonomie aux travailleurs non salariés et aux retraités et à compenser aux départements la moitié de leurs dépenses d' allocation personnalisée d' autonomie ,

Par M. Gérard ROCHE,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Annie David , présidente ; M. Yves Daudigny , rapporteur général ; M. Jacky Le Menn, Mme Catherine Génisson, MM. Jean-Pierre Godefroy, Claude Jeannerot, Alain Milon, Mme Isabelle Debré, MM. Jean-Louis Lorrain, Jean-Marie Vanlerenberghe, Gilbert Barbier , vice-présidents ; Mmes Claire-Lise Campion, Aline Archimbaud, Catherine Deroche, M. Marc Laménie, Mme Chantal Jouanno , secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, M. Jean-Paul Amoudry, Mmes Natacha Bouchart, Marie-Thérèse Bruguière, MM. Jean-Noël Cardoux, Luc Carvounas, Mme Caroline Cayeux, M. Bernard Cazeau, Mmes Karine Claireaux, Laurence Cohen, Christiane Demontès, MM. Gérard Dériot, Jean Desessard, Mme Muguette Dini, MM. Guy Fischer, Michel Fontaine, Mme Samia Ghali, M. Bruno Gilles, Mmes Colette Giudicelli, Christiane Hummel, M. Jean-François Husson, Mme Christiane Kammermann, MM. Ronan Kerdraon, Georges Labazée, Jean-Claude Leroy, Gérard Longuet, Hervé Marseille, Mme Michelle Meunier, M. Alain Néri, Mme Isabelle Pasquet, M. Louis Pinton, Mmes Gisèle Printz, Catherine Procaccia, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roche, René-Paul Savary, Mme Patricia Schillinger, MM. René Teulade, François Vendasi, Michel Vergoz, Dominique Watrin .

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

391 (2011-2012)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Cosignée par les membres du groupe Union centriste et républicaine (UCR) ainsi que par plusieurs représentants du groupe Union pour un mouvement populaire (UMP), la présente proposition de loi a un objet simple : apporter une ressource pérenne au financement de l'allocation personnalisée d'autonomie (Apa) afin d'alléger la charge croissante que fait aujourd'hui peser cette prestation sur les budgets départementaux.

Créée par la loi du 20 juillet 2001 relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie, l'Apa bénéficiait au 31 décembre 2011 à 1 199 267 personnes pour un coût total de près de 5,3 milliards d'euros, soit un peu moins de 20 % de l'ensemble des dépenses d'aide sociale des départements.

Son financement est assuré depuis l'origine conjointement par ces derniers et par une contribution dite de « solidarité nationale », versée dans un premier temps par le fonds de financement de l'Apa (Ffapa) puis par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). Trois ressources principales viennent alimenter la section du budget de la CNSA destinée à assurer le concours de celle-ci au financement de l'Apa : il s'agit d'une participation des régimes obligatoires d'assurance vieillesse, de 95 % de la part de CSG affectée à la CNSA et, depuis 2004, de 20 % du produit de la contribution de solidarité pour l'autonomie (CSA). L'ensemble de ce concours s'élevait en 2011 à 1,6 milliard d'euros.

La participation de l'Etat au financement de la prestation ayant progressé à un rythme bien inférieur à celui de l'augmentation globale des dépenses d'Apa, le taux de couverture de celles-ci par la CNSA est passé de 43 % en 2002 à moins de 30 % en 2010 avant de remonter très légèrement à 30,8 % l'année suivante. Les départements supportaient cette même année une charge nette de 3,7 milliards d'euros, un chiffre en hausse continue depuis 2002.

Cette situation s'explique en grande partie par le fait qu'aucune disposition législative ne permet aujourd'hui de répartir de façon claire et équitable la charge du financement de l'Apa entre l'Etat et les départements. Evoquée au moment de la discussion de la loi du 20 juillet 2001 et fréquemment mise en avant depuis, l'idée d'un financement à parité n'est cependant demeurée qu'un engagement informel, rapidement contredit par la réalité des faits.

Or la dégradation de la situation financière de nombre de nos départements impose aujourd'hui d'apporter une solution urgente et pérenne au financement de l'Apa. Tel est l'objet de la présente proposition de loi qui propose d'élargir l'assiette de la CSA aux revenus des travailleurs indépendants ainsi qu'aux pensions de retraite et de reverser l'intégralité de la recette ainsi créée au financement de l'Apa.

L'ambition de ce texte n'est en aucun cas d'apporter une solution globale au financement de la dépendance. D'autres débats s'engageront prochainement qui auront notamment à traiter de la lourde question du reste à charge pour les personnes âgées dépendantes. Il s'agit simplement d'apporter une réponse pragmatique, durable et équitable à un problème précis, afin de donner aux départements les moyens de continuer à accomplir dans des conditions satisfaisantes leur mission d'aide sociale auprès de nos aînés.

I. PRESTATION UNIVERSELLE ET GÉNÉREUSE DANS SON PRINCIPE, L'ALLOCATION PERSONNALISÉE D'AUTONOMIE REPOSE SUR UN FINANCEMENT MIXTE, ASSURÉ PAR LES DÉPARTEMENTS ET PAR UNE CONTRIBUTION DE SOLIDARITÉ NATIONALE

A. UNE PRESTATION AU CoeUR DE L'ACTION D'AIDE SOCIALE DES DÉPARTEMENTS

1. Origine et principes de versement de l'allocation personnalisée d'autonomie

L'allocation personnalisée d'autonomie (Apa) a été créée par la loi du 20 juillet 2001 1 ( * ) en remplacement de la prestation spécifique dépendance (PSD).

Introduite en 1997 à l'initiative du Sénat 2 ( * ) et fruit d'une réflexion entamée de longue date au sein de la Haute Assemblée 3 ( * ) , cette prestation constituait un premier pas, décisif mais volontairement modeste et conçu comme transitoire, vers une réforme plus ambitieuse de l'aide sociale aux personnes âgées dépendantes. A la fin de l'année 2000, la PSD était versée à 140 000 bénéficiaires. Son montant moyen était de 3 500 francs par mois à domicile et légèrement inférieur à 1 900 francs par mois en établissement.

Tout comme la PSD, l'Apa est une prestation en nature , c'est-à-dire affectée au paiement de dépenses déterminées à l'avance. Elle est destinée aux personnes âgées de soixante ans et plus confrontées à des situations de perte d'autonomie. Cette dernière est appréciée à l'aide de la grille Aggir (Autonomie gérontologie groupe iso-ressources). Si les trois premiers groupes iso-ressources ouvraient droit à la PSD, l'Apa a été élargie aux personnes relevant du Gir 4 .

Au 31 décembre 2011, 1 199 267 personnes bénéficiaient de l'Apa, soit quasiment deux fois plus qu'en 2002.


La grille Aggir

La grille Aggir permet une évaluation de la perte d'autonomie de la personne en repérant ce qu'elle fait et ce qu'elle ne fait pas seule. « Seule » signifie que l'on exclut ce que font les aidants et les soignants ; en revanche, les aides matérielles et techniques (comme les lunettes, prothèses, fauteuil roulant, poche de colostomie, etc.) sont prises en compte. La grille distingue six niveaux de Gir :


• Le Gir 1 regroupe les personnes confinées au lit ou au fauteuil ayant perdu leur autonomie mentale, corporelle, locomotrice et sociale, qui nécessitent une présence indispensable et continue d'intervenants.


• Le Gir 2 comprend les personnes confinées au lit ou au fauteuil dont les fonctions mentales ne sont pas totalement altérées et qui nécessitent une prise en charge pour la plupart des activités de la vie courante, ou celles dont les fonctions mentales sont altérées mais qui ont conservé leurs capacités motrices.


• Le Gir 3 correspond essentiellement aux personnes ayant conservé leur autonomie mentale, partiellement leur autonomie locomotrice, mais qui nécessitent quotidiennement et plusieurs fois par jour des aides pour leur autonomie corporelle.


• Le Gir 4 comprend deux groupes de personnes. D'une part, celles qui n'assument pas seules leurs transferts mais qui, une fois levées, peuvent se déplacer à l'intérieur du logement. Elles doivent parfois être aidées pour la toilette et l'habillage. La grande majorité d'entre elles s'alimente seule. D'autre part, celles qui n'ont pas de problèmes pour se déplacer mais qu'il faut aider pour les activités corporelles ainsi que pour les repas.


• Les Gir 5 et 6 recouvrent les personnes peu ou pas dépendantes.

Source : Drees, « L'évolution de l'allocation personnalisée d'autonomie de 2002 à 2009 », Etudes et résultats n° 780, octobre 2011.

Environ 60 % des personnes éligibles à l'Apa bénéficient de l'aide à domicile. Une équipe médico-sociale du conseil général évalue le niveau et la nature des besoins de la personne puis définit un plan d'aide dont le montant ne peut excéder un plafond déterminé pour chaque Gir au niveau national.

L'aide en établissement est versée à 40 % des bénéficiaires de l'Apa. Elle contribue au paiement d'une partie du tarif dépendance demandé par l'établissement, fonction du Gir du bénéficiaire 4 ( * ) .

Contrairement à la PSD, l'Apa est une prestation universelle . Le montant de l'aide est cependant modulé en fonction du niveau de ressources des bénéficiaires. Le plan d'aide notifié aux bénéficiaires de l'Apa à domicile est ainsi diminué d'un ticket modérateur plus ou moins important selon le niveau de revenus de la personne et pouvant atteindre jusqu'à 90 % du plan d'aide. Seuls les revenus les plus modestes, soit un bénéficiaire sur quatre, sont exonérés de cette participation financière. En établissement, le ticket modérateur est égal au tarif des Gir 5 et 6. Peut s'y ajouter une participation financière calculée en fonction des revenus du résident, de son Gir de rattachement et du tarif dépendance de l'établissement.

L'Apa diffère également de la PSD en ce qu' elle n'est pas soumise à une récupération sur succession . L'existence d'un tel mécanisme a souvent été avancée comme une explication à la faible montée en charge du dispositif de la PSD.

En 2009, le montant moyen mensuel de l'aide à domicile s'établissait à 500 euros tandis que celui de l'aide en établissement était de 478 euros .

Montants moyens mensuels d'Apa et de la participation financière selon le degré de dépendance en décembre 2009 (en euros)

Montant mensuel à domicile

Degré de dépendance

Montant moyen du plan d'aide

Montant payé par les conseils généraux

Participation financière à la charge de la personne âgée

Part des bénéficiaires acquittant un ticket modérateur (en %)

Participation financière des bénéficiaires acquittant effectivement un ticket modérateur

Gir 1

1 013

833

180

72

249

Gir 2

790

636

154

76

202

Gir 3

585

477

108

76

142

Gir 4

356

293

63

78

81

Ensemble

500

408

92

75

120

Montant mensuel en Ehpad*

Montant moyen du tarif dépendance

Montant payé par les conseils généraux

Participation financière à la charge de la personne âgée**

* La partie établissement ne concerne que les établissements hébergeant des personnes âgées qui ne sont pas sous dotation globale
** Y compris tarif dépendance de l'établissement applicable aux Gir 5 et 6

Gir 1 et 2

563

400

163

Gir 3 et 4

352

200

152

Ensemble

478

320

159

Source : Drees, « L'évolution de l'allocation personnalisée d'autonomie de 2002 à 2009 »,
Etudes et résultats n° 780, octobre 2011

2. Un dispositif au coeur de l'action d'aide sociale des départements

En 2010, les dépenses nettes d'aide sociale des départements se sont élevées à 30,3 milliards d'euros , pour des budgets globaux de fonctionnement de 53,9 milliards d'euros 5 ( * ) .

Après la gestion du revenu de solidarité active (RSA), l'aide sociale aux personnes âgées représente le deuxième poste de dépenses d'aide sociale des départements. Elle s'est élevée en 2010 à 6,5 milliards d'euros.

90 % des dépenses d'aide sociale aux personnes âgées sont aujourd'hui constitués des allocations versées aux personnes âgées dépendantes, qui recouvrent essentiellement l'Apa et de façon plus marginale l'allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) et la prestation de compensation du handicap (PCH).

La gestion de l'Apa est donc aujourd'hui au coeur de l'action d'aide sociale des départements, qui ont développé de réelles compétences en matière d'accompagnement des personnes âgées dépendantes.

L'Apa joue un rôle d'autant plus essentiel que son volet « aide à domicile » a permis de repousser considérablement l'âge d'entrée des personnes âgées en établissement spécialisé . Ce souci d'assurer le maintien à domicile des aînés le plus longtemps possible correspond à une aspiration générale au sein de la population française. Selon une enquête de la Drees parue en mai 2006, huit Français sur dix estiment préférable le maintien à domicile des personnes âgées dépendantes tandis que 18 % privilégieraient l'entrée en institution spécialisée 6 ( * ) .

Une telle évolution entraîne également de profonds changements dans la prise en charge des personnes âgées dépendantes en établissement. La maison de retraite a de plus en plus vocation à devenir le lieu d'une prise en charge médicalisée et spécifique des derniers moments de la fin de vie.

B. UN FINANCEMENT ASSURÉ CONJOINTEMENT PAR LES DÉPARTEMENTS ET PAR UNE CONTRIBUTION DE SOLIDARITÉ NATIONALE

1. Les modalités de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie

Depuis sa création, le financement de l'Apa repose sur un partage entre les départements et un apport dit de « solidarité nationale » effectué par le biais d'une structure dédiée. Jusqu'en 2004, il s'agissait du fonds de financement de l'Apa (Ffapa). Depuis 2004, c'est la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), qui est chargée d'assurer cette mission.

Créé par la loi du 20 juillet 2001 en même temps que l'Apa, le Ffapa était alimenté par deux recettes :

- une participation des régimes obligatoires de base d'assurance vieillesse égale à une fraction comprise entre 50 % et 75 % des dépenses d'aide ménagère à domicile consacrées en 2000 par ces régimes aux personnes âgées dépendantes ;

- une fraction de 0,1 point de CSG précédemment affectée au fonds de solidarité vieillesse (FSV).

Depuis la loi du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées 7 ( * ) , ces ressources ont été complétées par une fraction de la contribution de solidarité pour l'autonomie (CSA).

Deux types de ressources composent la CSA :

- une contribution de 0,3 % assise sur les revenus des travailleurs salariés due par les employeurs publics et privés correspondant à la « journée de solidarité » ; son assiette est identique à celle des cotisations patronales d'assurance maladie ; sont exclus du paiement de la contribution les travailleurs indépendants, agricoles ou non agricoles, ainsi que les individus percevant des revenus de remplacement ;

- une contribution additionnelle de 0,3 % au prélèvement social de 2 % qui s'applique aux revenus du patrimoine et aux produits de placement.

Evolution du rendement de la CSA depuis 2006

en millions d'euros

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012
(p)

2013
(p)

CSA sur les revenus d'activité

1 777

1 844

1 887

1 887

1 918

1 973

2 020

2 063

CSA sur les revenus du patrimoine

161

202

215

151

138

145

152

156

CSA sur les revenus de placement

148

174

194

169

183

216

229

230

Total

2 085

2 220

2 296

2 206

2 239

2 334

2 401

2 448

Source : CNSA

2. La complexité de la structure du budget de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie

Le produit de la CSA est entièrement affecté à la CNSA et réparti entre différentes sections du budget de la caisse.

Définie à l'article L. 14-10-5 du code de l'action sociale et des familles, la structure du budget de la CNSA est en effet composée de six sections :

- la section I est dédiée en premier lieu au financement des établissements et services médico-sociaux pour personnes handicapées (sous-section 1) et âgées (sous-section 2) 8 ( * ) ; elle participe également à celui des groupements d'aide mutuelle et des maisons pour l'autonomie et l'intégration des malades d'Alzheimer (les Maia) ;

- la section II retrace la contribution de la CNSA au financement de l'Apa ;

- la section III , celle de la CNSA au financement de la PCH ;

- la section IV concerne les financements dédiés à la promotion d'actions innovantes, à la formation des aidants et accueillants familiaux, et au renforcement de la professionnalisation des métiers de service exercés auprès des personnes âgées et handicapées ;

- la section V regroupe l'ensemble des autres dépenses en faveur de l'autonomie ; depuis 2011 en particulier, elle retrace le plan d'aide à l'investissement dont le financement est assuré à partir d'une fraction du produit de la CSA prélevée sur la section I ;

- enfin, la section VI porte sur les frais de gestion de la caisse.

Un tel cloisonnement doit en principe garantir transparence et lisibilité dans le suivi de ses ressources et de ses dépenses. Il s'agit en particulier d'éviter tout « effet vignette » pour la CSA, c'est-à-dire que les dépenses auxquelles devrait être affectée la ressource ne s'éloignent progressivement de leur objet premier.

Mais outre qu'elle entraîne une certaine complexité quant à la répartition des ressources, cette structuration, à laquelle s'ajoute une relative étanchéité entre les sections du budget, est également source de rigidités et de lourdeurs de gestion.

Le produit de la CSA a par exemple été réparti de la façon suivante au sein du budget de la CNSA en 2012 :

- la moitié a alimenté la section I : 12 %, soit 280 millions d'euros, ont été dédiés aux établissements et services accueillant des personnes handicapées ; 38 %, soit 887 millions d'euros, l'ont été aux établissements et services accueillant des personnes âgées ;

- 20 % du produit de la CSA, c'est-à-dire 467 millions d'euros, ont été alloués spécifiquement au financement de l'Apa à travers la section II ;

- 26 % , soit 607 millions d'euros, l'ont été au financement de la prestation de compensation du handicap (PCH) ;

- enfin, 4 % sont venus participer au financement du plan d'aide à l'investissement retracé au sein de la section V, ce qui représente un peu plus de 93 millions d'euros.

Il apparaît ainsi qu'une partie substantielle du produit de la CSA est détournée du financement de l'Apa et de la PCH pour participer à celui des établissements et services médico-sociaux alors que ce type de dépense relève naturellement des régimes d'assurance maladie.

Cette situation est d'autant plus regrettable que la sous-consommation quasi chronique de l'OGD au cours des dernières années a entraîné la constitution de réserves importantes qui n'ont pas été utilisées pour augmenter les concours versés par la CNSA aux départements.

Résultat annuel et réserves de la CNSA depuis 2005

en millions d'euros

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

Résultat

528

129

298

56

- 474

- 292

223

- 127

Réserves

532

660

958

1 014

540

248

471

344

Source : Direction générale de la cohésion sociale, réponse au questionnaire
relatif au secteur médico-social en vue de l'examen du PLFSS 2013

Le budget de la CNSA en 2012

Source : annexe 8 au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013

3. Les règles de péréquation de la contribution entre départements

L'article L. 14-10-6 du code de l'action sociale et des familles dispose que la contribution de la CNSA au financement de l'Apa est répartie annuellement entre les départements en fonction de quatre critères :

- le nombre de personnes âgées de plus de soixante-quinze ans ;

- le montant des dépenses d'Apa ;

- le potentiel fiscal , déterminé selon les modalités définies à l'article L. 3334-6 du code général des collectivités territoriales ;

- le nombre de foyers bénéficiaires du revenu de solidarité active « socle » non majoré.

Un mécanisme de correction est également prévu à l'article L. 14-10-6 puisque le rapport entre les dépenses des départements au titre de l'Apa et leur potentiel fiscal ne peut excéder un taux fixé par voie réglementaire, actuellement de 30 %. Si le taux est supérieur à 30 %, le département bénéficie d'un abondement complémentaire de sa dotation sous la forme d'une redistribution des crédits du concours.

II. LE POIDS DU FINANCEMENT DE L'ALLOCATION PERSONNALISÉE D'AUTONOMIE SUR LES DÉPARTEMENTS OBÈRE AUJOURD'HUI LARGEMENT LEUR CAPACITÉ À CONTINUER DE VERSER CETTE PRESTATION DANS DES CONDITIONS SATISFAISANTES

A. UNE MONTÉE EN CHARGE SOUTENUE, EN GRANDE PARTIE SUPPORTÉE PAR LES SEULS DÉPARTEMENTS

1. Une montée en charge insuffisamment anticipée au moment de la création de l'allocation personnalisée d'autonomie

Dès 2001, Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales sur le projet de loi créant l'Apa, pointait la fragilité des estimations de progression des dépenses et du dispositif de financement envisagé, estimant ce dernier « source de graves menaces pour les finances locales et les finances sociales » 9 ( * ) .

En 2005, la Cour des comptes a souligné que la montée en charge de l'Apa avait été à la fois plus rapide et plus forte que prévu initialement 10 ( * ) . Dès 2003, la prestation a atteint sa cible de bénéficiaires alors que l'étude d'impact annexée au projet de loi anticipait un déploiement progressif sur trois ou quatre années. Cette année-là, l'Apa a touché cinq fois plus de bénéficiaires que la PSD dans sa dernière année d'existence.

Cette situation a conduit à la mise en oeuvre de mesures d'urgence par la loi du 31 mars 2003 11 ( * ) . En premier lieu, le Ffapa a été autorisé à émettre un emprunt de 400 millions d'euros dont l'essentiel du montant est venu renforcer son concours aux départements. En second lieu, les conditions d'octroi de l'Apa ont été modifiées, notamment afin d'augmenter le seuil de ressources mensuelles à partir duquel le bénéficiaire de l'Apa à domicile est soumis à une participation financière. Le plafond de participation au plan d'aide a par ailleurs été porté de 80 % à 90 %. La date d'ouverture des droits à l'Apa à domicile a été reportée à la date de notification de la décision du président du conseil général et non plus à la date de dépôt du dossier de demande complet.

La loi du 30 juin 2004 est venue apporter de nouveaux changements en allouant une partie du produit de la CSA nouvellement créée au financement de l'Apa.

Malgré ces mesures, les dépenses brutes d'Apa ont augmenté de 5,9 % en moyenne annuelle sur la période 2003-2009 tandis que la participation du Ffapa puis de la CNSA à partir de 2004 ne progressait que de 0,9 % en moyenne par an. De ce fait, les dépenses restant à la charge des départements ont augmenté en moyenne de 8,8 % par an entre 2003 et 2009.


L'analyse de la Cour des comptes sur la création de l'Apa

« [...] Au printemps 2002, à l'occasion du débat sur le financement de l'autonomie des personnes âgées, les élus ont réitéré leur hostilité à l'égard de transferts non encadrés qui laissaient apparaître une progression des besoins de financement forte et rapide, tant dans la montée en charge initiale que dans l'évolution ultérieure.

« Ces éléments prospectifs n'ont pas été pris en compte par l'Etat qui a arrêté un plan de financement de la nouvelle prestation (Apa), immédiatement contesté par les collectivités départementales en raison de son niveau jugé insuffisant, de son caractère non évolutif et du risque financier qu'il laissait à leur charge. L'Etat, qui évaluait le coût du nouveau dispositif à 2,4 milliards d'euros en année pleine, a en effet arrêté un financement par tiers : redéploiement du coût de la précédente prestation (PSD), concours de l'Etat dit de solidarité nationale par prélèvement d'une fraction de la CSG à travers un fonds spécifique (fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie) pour un montant de 860 millions d'euros, concours équivalent des départements, doublant ainsi leur effort par rapport à la PSD.

« Or la dépense s'est élevée dès la première année et malgré les délais de lancement à 1,8 milliard d'euros, pour dépasser en 2003 la prévision initiale et s'établir à 3,2 milliards d'euros en raison d'une augmentation du nombre des bénéficiaires de 31 %. Le rythme de progression de ces derniers comme du coût des plans d'aide continue d'être rapide : 3,6 milliards d'euros de dépenses en 2004 pour 11 % d'allocataires supplémentaires, pour atteindre en 2007 une dépense globale de 4,5 milliards d'euros. Ces chiffres ne tiennent au demeurant pas compte des dépenses de personnel supplémentaires, estimées en moyenne, pour un département de 600 000 habitants, à une trentaine d'agents.

« Aussi, dès 2001-2002, les conseils généraux dénoncent-ils les conditions financières d'attribution de nouvelles compétences correspondant dans le cas d'espèce à la gestion d'un dispositif national, dont les principaux caractères, généreux et dynamiques, échappent à la décision locale. Ce conflit, fondé d'abord sur une divergence d'appréciation des prévisions de montée en charge et d'estimation du nombre de bénéficiaires potentiels, s'est enraciné dans la durée et est devenu toujours plus aigu à mesure du développement du dispositif et de l'importance des surcoûts budgétaires. »

Cour des comptes, Rapport thématique : « la conduite par l'Etat de la décentralisation », octobre 2009

En 2011, les dépenses d'Apa se sont établies à 5 264 millions d'euros . Elles étaient de 1 855 millions d'euros en 2002, soit un montant quasiment trois fois moindre. Pour les années 2012 et 2013, la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) prévoit une augmentation annuelle des dépenses d'Apa de 2 %.

Alors qu'il était de 43 % en 2002 , le taux de couverture des dépenses d'Apa par le Ffapa puis la CNSA est descendu sous la barre des 30 % en 2010 . Remonté à 30,8 % en 2011, il devrait se stabiliser à ce niveau au cours des prochaines années, laissant aux départements une charge nette en augmentation continue. Celle-ci était de 3,6 milliards d'euros en 2011 .

Evolution des dépenses d'Apa depuis 2002

en millions d'euros

2002

2003

2004

2005

2006

2007

Dépenses d'Apa

1 855

3 205

3 591

3 930

4 244

4 555

Concours Ffapa/CNSA

798

1 323

1 339

1 331

1 412

1 513

Taux de couverture Ffapa/CNSA

43,0 %

41,3 %

37,3 %

33,9 %

33,3 %

33,2 %

Charge nette départements

1 058

1 882

2 253

2 599

2 833

3 042

2008

2009

2010

2011

2012 (p)

2013 (p)

Dépenses d'Apa

4 855

5 029

5 183

5 264

5 369

5 476

Concours Ffapa/CNSA

1 599

1 548

1 536

1 622

1 651

1 689

Taux de couverture Ffapa/CNSA

32,9 %

30,8 %

29,6 %

30,8 %

30,8 %

30,8 %

Charge nette départements

3 256

3 481

3 647

3 642

3 718

3 787

Source : Direction générale de la cohésion sociale, réponse au questionnaire
relatif au secteur médico-social en vue de l'examen du PLFSS 2013

Le schéma suivant illustre l'évolution du taux de couverture des dépenses d'Apa par l'Etat depuis 2002 :

Source : Direction générale de la cohésion sociale, réponse au questionnaire
relatif au secteur médico-social en vue de l'examen du PLFSS 2013

En 2009, la Cour des comptes soulignait que, la montée en charge de l'Apa étant loin d'être achevée, les dépenses des départements avaient vocation à rester relativement dynamiques. Elle faisait ainsi la prévision suivante : « la confrontation de telles perspectives avec un mode de financement jugé dès l'origine insatisfaisant, tant en raison de son étiage que de l'absence de ressources adaptées garanties, ne peut qu'être préoccupante. Si l'effort de solidarité nationale devait s'essouffler au moment où les collectivités départementales risquent de connaître une stagnation de leurs recettes, après avoir déjà procédé depuis 2001 à de fortes augmentations fiscales, l'économie d'ensemble de ce dispositif devrait être revue dans une approche plus partenariale qu'actuellement » 12 ( * ) .

Force est de constater que cette prévision s'est en grande partie réalisée. Pendant plusieurs années, les départements ont pu continuer à faire face à la hausse continue de leurs dépenses d'aide sociale grâce à une fiscalité locale relativement dynamique liée en particulier à la progression soutenue du produit des droits de mutation à titre onéreux (DMTO).

Or, ainsi que l'a clairement montré le rapport de Charles Guené sur les propositions de loi relatives à la compensation des allocations individuelles de solidarité versées par les départements 13 ( * ) , la baisse des recettes de DMTO sur la période 2007-2009 a contribué à accentuer l'effet de ciseaux subi par les départements entre l'évolution de leurs charges et celle de leurs ressources et ce, d'autant plus que les DMTO représentaient en 2008 19,9 % de leurs recettes fiscales.

2. La nécessité d'un partage équitable entre départements et solidarité nationale

En première lecture de la loi du 20 juillet 2001, les sénateurs, conscients des risques que pouvait entraîner une montée en charge soutenue de l'Apa, ont adopté un amendement du rapporteur pour avis de la commission des finances, Michel Mercier, prévoyant explicitement un financement à parité de la prestation entre l'Etat et les départements. Cette disposition a cependant été supprimée en cours de lecture à l'Assemblée nationale.

L'idée d'un financement à parité des surcoûts liés à l'introduction de l'Apa n'est donc restée qu'un engagement informel , sans être inscrite explicitement dans la loi. Au final, aucune règle claire ne permet aujourd'hui d'organiser de façon satisfaisante le financement de l'Apa et de répartir équitablement la charge entre l'Etat et les départements.

Ainsi que l'a souligné Pierre Jamet dans son rapport sur la situation financière des départements en 2010, non seulement la règle de parité du financement n'est plus respectée, « mais le taux de prise en charge par la CNSA varie de 7 % à 50 % selon les départements ; les modalités de calcul mélangent compensation et péréquation, la lisibilité et donc la compréhension s'estompent avec le temps » 14 ( * ) . Ce sont donc à la fois le niveau du concours de la CNSA et les modalités de péréquation de celui-ci entre les départements qui posent question. Or un dispositif de péréquation ne peut fonctionner de façon satisfaisante qu'à la condition que le niveau du concours soit suffisant.

3. La jurisprudence du Conseil constitutionnel

Saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité par les départements de Seine-Saint-Denis et de l'Hérault, le Conseil constitutionnel a jugé en juin 2011 que le mécanisme de compensation financière prévu pour le financement de l'Apa ne portait pas atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales 15 ( * ) .

Les requérants estimaient que les modalités du concours apporté par l'Etat au financement de l'Apa ne permettaient pas, en l'absence de ressources suffisantes, de répondre à l'importance et à l'augmentation des charges liées au versement de cette prestation, et méconnaissaient ainsi les articles 72 et 72-2 de la Constitution.

Les articles 72 et 72-2 de la Constitution

Article 72

[...]

Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s'administrent librement par des conseils élus et disposent d'un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs compétences.

[...]

Article 72-2

Les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi.

Elles peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toute nature. La loi peut les autoriser à en fixer l'assiette et le taux dans les limites qu'elle détermine.

Les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources. La loi organique fixe les conditions dans lesquelles cette règle est mise en oeuvre.

Tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi.

La loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales.

L'extension de compétences que constitue la création de l'Apa en 2001 étant antérieure à l'introduction de l'article 72-2 de la Constitution par la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, et les modifications introduites par la loi du 30 juin 2004 n'ayant pas constitué une création ou une extension de compétences, le Conseil constitutionnel a estimé que cet article n'était pas utilement invocable à l'appui de la question prioritaire de constitutionnalité.

Se fondant sur une jurisprudence antérieure à la révision de 2003, il a donc examiné la conformité des dispositions contestées à l'article 72 de la Constitution afin d'apprécier si la compensation financière n'était pas inconstitutionnelle du fait d'une évolution démesurée des charges non compensées.

Si le Conseil constitutionnel a jugé en l'espèce que le mécanisme de compensation financière de l'Apa était conforme au principe de libre administration des collectivités territoriales, il a cependant émis deux réserves d'interprétation :

- en premier lieu, « il appartient au pouvoir réglementaire de fixer ce pourcentage [le rapport entre les dépenses au titre de l'Apa et le potentiel fiscal du département] à un niveau qui permette, compte tenu de l'ensemble des ressources des départements, que la libre administration des collectivités territoriales ne soit pas entravée » ;

- en second lieu « si l'augmentation des charges nettes faisait obstacle à la réalisation de la garantie prévue à l'article L. 14-10-6 du code de l'action sociale et des familles, il appartiendrait aux pouvoirs publics de prendre les mesures correctrices appropriées ».

Aux yeux de votre rapporteur, ces réserves d'interprétation ouvrent la voie à une prise de responsabilité de la part des pouvoirs publics, en particulier du législateur, pour mettre en oeuvre les mesures nécessaires à un financement équitablement réparti de l'Apa.

B. LE DISPOSITIF DE LA PROPOSITION DE LOI : UNE RÉPONSE CIRCONSTANCIÉE ET PÉRENNE AUX DIFFICULTÉS DE FINANCEMENT DE L'ALLOCATION PERSONNALISÉE D'AUTONOMIE

La présente proposition de loi a pour objet d' élargir l'assiette de la CSA aux revenus des travailleurs indépendants ainsi qu'aux pensions de retraite . Ceux-ci devraient donc acquitter un prélèvement de 0,3 % sur leurs revenus dont le produit serait intégralement alloué à la section II du budget de la CNSA, destinée au financement de l'Apa .

L'élargissement de l'assiette de la CSA a été envisagé à plusieurs reprises au cours des travaux consacrés à la dépendance et à son financement. Ainsi, le rapport du groupe de travail n° 4, remis en juin 2011 au moment du débat national sur la dépendance, évoquait cette piste, estimant qu'elle pourrait procurer des recettes de 950 millions d'euros 16 ( * ) .

Au regard des informations qu'a pu recueillir votre rapporteur au cours de ses auditions, il apparaît que cette extension de l'assiette de la CSA générerait une recette supplémentaire comprise entre 884 et 910 millions d'euros , ce qui permettrait de ramener quasiment à parité le financement de l'Apa entre la CNSA et les départements.

1. Dépasser la simple reconduction de mesures d'urgence par la mise en place d'un financement pérenne

La loi de finances rectificative du 29 décembre 2010 17 ( * ) a mis en place un mécanisme exceptionnel de 150 millions d'euros composé, d'une part, d'un prélèvement de 75 millions d'euros sur les réserves de la CNSA, d'autre part d'une enveloppe d'un même montant créée par l'ouverture complémentaire de crédits dans la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

Selon les informations dont dispose votre rapporteur, de nouvelles mesures d'urgence, dont le montant s'élèverait à 170 millions d'euros pourraient être décidées pour l'année 2013.

Si de telles aides sont nécessaires pour améliorer de façon immédiate la situation de certains départements, elles n'apportent qu'une réponse partielle aux difficultés que rencontrent ces collectivités pour continuer de verser l'Apa dans des conditions satisfaisantes. Il convient donc dès maintenant de dépasser les mesures ponctuelles.

Le Président de la République lui-même, lors de l'allocution qu'il a prononcée le 5 octobre dernier en clôture des états généraux de la démocratie territoriale, a déclaré : « au-delà de ces mesures ponctuelles ou d'urgence, il conviendra de trouver un mode de financement pérenne pour la dépendance et la prise en charge de la solidarité ».

La présente proposition de loi apporte un premier degré de réponse en garantissant un rééquilibrage durable dans le financement de l'Apa.

2. Assurer une participation équitablement répartie à l'effort de solidarité nationale envers les aînés

L'élargissement de l'assiette de la CSA permet également de rétablir une certaine équité dans la participation des Français au paiement de la contribution.

Il est parfois avancé qu'élargir le paiement de la CSA aux travailleurs indépendants et aux retraités crée pour eux une perte nette de pouvoir d'achat dans la mesure où le poids de la contribution ne pourrait être compensé par une journée de travail supplémentaire. Une telle mesure revêtirait donc un caractère discriminatoire au regard de ce qui s'applique pour les travailleurs salariés.

Votre rapporteur estime cependant que cet argument peut être aisément renversé. S'il est vrai que le prélèvement pesant actuellement sur les revenus salariaux ne vient pas directement obérer le pouvoir d'achat des salariés, ces derniers participent bien à l'effort de solidarité nationale en acceptant de travailler une journée supplémentaire sans rémunération. Il n'est donc pas illégitime de penser qu'un prélèvement modéré de 0,3 % sur les revenus des travailleurs indépendants et des retraités permettrait de partager plus équitablement l'effort de solidarité envers les personnes âgées dépendantes.

Votre rapporteur tient à ce titre à souligner que, lors de son audition, le président du régime social des indépendants a officiellement apporté son soutien à l'élargissement de l'assiette de la CSA aux travailleurs indépendants . Il s'agit là d'une prise de position courageuse qui traduit bien la prise de conscience de la nécessité d'une participation équilibrée de tous au financement de la dépendance.

Si le président de la Confédération française des retraités s'est opposé à la mesure prévue par la proposition de loi, il a en revanche signalé que son organisation pourrait être favorable à un alignement du taux plein de CSG des retraités sur celui des actifs, à la condition que celui-ci soit progressif et que les recettes générées soient entièrement fléchées vers le financement de la dépendance. Cette prise de position peut être considérée comme un signe positif dans la perspective des débats qui devraient s'engager prochainement sur le financement de la dépendance.

3. Une portée sensiblement différente de celle de l'article 16 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013

L'article 16 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 crée une contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie sur les pensions de retraite et d'invalidité. Son taux serait de 0,15 % en 2013 puis 0,30 % à partir de 2014.

Votre rapporteur aurait toutes les raisons de se féliciter du fait que l'élargissement de l'assiette de la CSA envisagé par la proposition de loi soit en partie repris dans le PLFSS. Une telle mesure aurait pu éventuellement le conduire à amender sa proposition de loi de façon à limiter la portée de celle-ci aux travailleurs indépendants. Ce n'est pourtant pas la solution qu'il envisage en raison de divergences sur la façon dont sera utilisée la ressource nouvellement créée.

En effet, l'article 16 du PLFSS prévoit d'affecter la première année la ressource au FSV. Cette mesure apparaît difficilement justifiable.

En outre, si la ressource collectée sera bien destinée à la CNSA à partir de 2014, il n'est aucunement prévu qu'elle vienne abonder, ne serait-ce qu'en partie, la section II destinée au financement de l'Apa. Les sommes collectées seront en effet mises en réserve au sein d'une nouvelle section « au profit de l'amélioration de la prise en charge de la perte d'autonomie ».

Dans l'attente d'une définition plus précise des contours de la future réforme de la dépendance, le Gouvernement estime que cette mesure constitue un premier pas vers la mobilisation de ressources nouvelles. La démarche est louable mais ne serait-il pas plus pragmatique et lisible d'affecter dès maintenant ces recettes aux acteurs qui en ont le plus besoin ?

Le dispositif de la présente proposition de loi apparaît en conséquence plus cohérent à votre rapporteur. Son ambition est bien évidemment limitée et il ne s'agit en aucun cas d'empiéter sur les mesures qui pourraient être envisagées dans le cadre de la future réforme de la dépendance.

Il s'agit simplement d'apporter une réponse urgente, pragmatique et pérenne au financement de l'Apa tout en corrigeant l'iniquité qu'avait, selon votre rapporteur, créée la loi du 30 juin 2010 en ne faisant peser le paiement de la CSA que sur les travailleurs salariés.

*

* *

Conformément à l'accord politique passé entre les présidents de groupe pour ce qui concerne l'examen des textes inscrits à l'ordre du jour du Sénat sur proposition d'un groupe d'opposition ou minoritaire, votre commission des affaires sociales a décidé de ne pas se prononcer sur l'adoption d'un texte afin que cette proposition de loi soit débattue, en séance publique, dans la rédaction initiale voulue par ses auteurs.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er (art. L. 14-10-4 du code de l'action sociale et des familles) - Elargissement de l'assiette de la contribution de solidarité pour l'autonomie

Objet : Cet article a pour objet d'élargir l'assiette de la contribution de solidarité pour l'autonomie aux travailleurs non salariés ainsi qu'aux retraités.

I - Le dispositif de la proposition de loi

Jusqu'en 2004, la participation de l'Etat au financement de l'allocation personnalisée d'autonomie (Apa) était assurée via le fonds de financement de l'Apa (Ffapa). Deux recettes étaient affectées à ce fonds :

- une participation des régimes obligatoires de base d'assurance vieillesse égale à une fraction comprise entre 50 % et 75 % des dépenses d'aide ménagère à domicile consacrées en 2000 par ces régimes aux personnes âgées dépendantes ;

- une fraction de 0,1 point de CSG précédemment affectée au fonds de solidarité vieillesse (FSV).

L'article 11 de la loi du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées 18 ( * ) est venu compléter ces ressources en créant la contribution de solidarité pour l'autonomie (CSA).

L'ensemble des produits affectés à la CNSA est aujourd'hui codifié à l'article L. 14-10-4 du code de l'action sociale et des familles.

Deux types de ressources composent la CSA :

- une contribution de 0,3 % assise sur les revenus des travailleurs salariés due par les employeurs privés et publics, correspondant à la « journée de solidarité » ; son assiette est identique à celle des cotisations patronales d'assurance maladie ;

- une contribution additionnelle de 0,3 % au prélèvement social de 2 % qui s'applique aux revenus du patrimoine et aux produits de placement.

La CSG et la CSA constituent aujourd'hui les deux ressources propres de la CNSA.

La circulaire n° 2004-113 du 8 juillet 2004 est venue préciser le champ d'application de la CSA. Y sont notamment assujetties :

- les sommes versées aux stagiaires en entreprise pour lesquels l'entreprise d'accueil est redevable de la cotisation patronale d'assurance maladie ;

- les rémunérations versées aux personnes affiliées au régime général en application de l'article L. 311-3 du code de la sécurité sociale 19 ( * ) ;

- les rémunérations versées par les particuliers employeurs ;

- les rémunérations versées aux salariés exclus du champ d'application de la mensualisation tels que les salariés titulaires d'un contrat de travail temporaire, les travailleurs saisonniers, les travailleurs intermittents ou les travailleurs à domicile, l'employeur étant redevable de la cotisation patronale d'assurance maladie.

Sont concernées les rémunérations versées à des salariés affiliés à tout régime français d'assurance maladie : régime général ; régime salarié agricole ; un des régimes spéciaux relevant de l'article L. 711-1 du code de la sécurité sociale 20 ( * ) ; un des régimes de sécurité sociale des deux assemblées parlementaires. En revanche, les travailleurs expatriés relevant de la Caisse des Français de l'étranger ne sont pas soumis à la CSA.

Le rendement de la CSA s'est élevé en 2011 à 2,3 milliards d'euros.

Evolution du rendement de la CSA depuis 2006

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

CSA sur les revenus d'activité

1 777

1 844

1 887

1 887

1 918

1 973

2 020

2 063

CSA sur les revenus du patrimoine

161

202

215

151

138

145

152

156

CSA sur les revenus de placement

148

174

194

169

183

216

229

230

Total

2 085

2 220

2 296

2 206

2 239

2 334

2 401

2 448

Source : CNSA

Le présent article a pour objet d'élargir l'assiette de la CSA en instituant un prélèvement de 0,3 %, d'une part sur les travailleurs non salariés, d'autre part sur les pensions de retraite.

Par parallélisme avec les dispositions de l'article L. 14-10-4 du code de l'action sociale et des familles relatives à la cotisation payée par les employeurs privés et publics, il est prévu de définir l'assiette et les modalités de recouvrement des deux prélèvements nouvellement créés sur la base des règles applicables aux cotisations d'assurance maladie.

Selon les informations fournies à votre rapporteur, l'élargissement de la CSA aux travailleurs indépendants non agricoles générerait une recette comprise entre 166 et 180 millions d'euros. 1,8 million de cotisants seraient concernés. Ce chiffrage n'inclut pas les auto-entrepreneurs, pour lesquels un dispositif spécifique devrait être envisagé compte tenu des règles de calcul de leurs cotisations sociales. Celles-ci ne sont en effet pas calculées à partir de leur revenu mais par l'application d'un taux unique à leur chiffre d'affaires.

Le produit de la contribution serait de 18 à 30 millions d'euros pour les travailleurs indépendants agricoles.

L'article 16 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2013 crée une contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (Casa) qui s'apparente exactement au dispositif envisagé par la proposition de loi pour les retraités. Il est donc possible de se fonder sur l'étude d'impact annexée au PLFSS pour chiffrer le rendement que générerait l'extension de la CSA aux retraités.

Le projet du Gouvernement prévoit une montée en charge progressive de la CSA : son taux serait de 0,15 % en 2013 puis de 0,30 % à partir de 2014, les recettes attendues étant respectivement estimées à 350 millions d'euros et 700 millions d'euros. Il est donc légitime de considérer que l'application dès 2013 d'un taux de 0,3 %, comme le prévoit la proposition de loi, procurerait 700 millions d'euros cette année-là.

Ces prévisions se fondent sur une assiette dont sont exclus les retraités touchant les pensions les plus modestes. Ne seront en effet pas incluses dans le champ de la CSA, aux termes de l'article 16 du PLFSS, les rentes perçues par les invalides de guerre et les anciens combattants, les personnes bénéficiant de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ex « minimum vieillesse ») ainsi que celles dont le revenu fiscal de référence est inférieur au seuil d'assujettissement à la taxe d'habitation.

Au final, il est possible d'estimer que l'élargissement de l'assiette de la CSA aux travailleurs indépendants, agricoles et non agricoles, ainsi qu'aux retraités, rapporterait entre 884 et 910 millions d'euros en 2013.

II - La position de votre rapporteur

Pour le moment, la proposition de loi ne s'applique pas aux travailleurs indépendants agricoles. Votre rapporteur estime souhaitable de corriger cet oubli afin que le champ de la proposition de loi s'étende bien à l'ensemble des travailleurs indépendants.

Des améliorations rédactionnelles pourraient également être apportées à l'article 1 er .

En premier lieu, l'alinéa 2 relatif aux travailleurs indépendants non agricoles renvoie à l'article L. 612-4 du code de la sécurité sociale pour la définition de l'assiette et des modalités de recouvrement de la contribution. C'est en effet cet article qui définit les règles applicables aux cotisations d'assurance maladie des travailleurs indépendants. C'est cependant l'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale qui, depuis la LFSS pour 2012, définit l'assiette de l'ensemble des cotisations obligatoires pour toutes les catégories de travailleurs indépendants non agricoles. Une même assiette s'applique ainsi pour l'ensemble des cotisations d'assurance maladie et maternité, d'allocations familiales et d'assurance vieillesse de cette catégorie de travailleurs. Renvoyer aux règles fixées par ce dernier article apparaît plus adapté à votre rapporteur.

Les cotisations d'assurance maladie sont recouvrées à la fois par le réseau des Urssaf et par le RSI, ce qui risque de complexifier le recouvrement de la CSA. Il conviendrait donc de faire référence aux modalités de recouvrement applicables pour les cotisations d'allocations familiales qui, elles, sont uniquement recouvrées par les Urssaf.

Concernant l'élargissement de l'assiette de la CSA aux pensions de retraite, la formulation adoptée et le renvoi à l'article L. 131-1 du code de la sécurité sociale apparaissent trop larges pour être suffisamment précis. Faire référence à l'assiette des cotisations d'assurance maladie pour les pensions de retraite sans autre précision pose en effet difficulté à partir du moment où les pensions versées par les régimes de base ne sont plus soumises à cotisations maladie depuis 1998 et leur basculement vers la CSG.

Outre le risque d'asseoir la cotisation sur une assiette n'existant plus, cette formulation trop générale ne permet pas d'exclure explicitement les pensions les plus modestes du paiement de la contribution. Votre rapporteur estime donc souhaitable de clarifier la rédaction de cet alinéa.

Toutefois, votre rapporteur a choisi de ne pas présenter d'amendements au stade de la commission et ce, afin de respecter l'accord politique relatif à l'examen des propositions de loi de groupes minoritaires ou d'opposition tendant à ce que la commission n'adopte pas de texte et que soit examinée en séance la proposition de loi dans sa rédaction initiale.

C'est donc au stade de la séance que votre rapporteur présentera les amendements à l'article 1 er .

Article 2 (art. L. 3133-7 du code du travail) - Coordination avec le code du travail

Objet : Cet article vise à effectuer une coordination dans le code du travail concernant la journée de solidarité.

I - Le dispositif de la proposition de loi

L'article L. 3133-7 du code du travail effectue le lien entre « journée de solidarité » et CSA. Il dispose en effet que la journée de solidarité créée par la loi du 30 juin 2004 précitée prend la forme, pour les salariés, d'une journée de travail non rémunérée, et pour les employeurs, de « la contribution prévue au 1° de l'article L. 14-10-4 du code de l'action sociale et des familles » , c'est-à-dire de la CSA.

Le présent article a pour but d'effectuer une coordination avec l'élargissement de l'assiette de la CSA prévu à l'article 1 er de la présente proposition de loi en renvoyant à la cotisation pesant sur les travailleurs indépendants et les pensions de retraite.

II - La position de votre rapporteur

L'article L. 3133-7 du code du travail est avant tout la traduction du lien initialement prévu entre la journée de solidarité et la CSA. La contribution envisagée par la présente proposition de loi pour les travailleurs et les retraités ne s'inscrit pas dans la même logique puisqu'elle peut difficilement être envisagée comme la contrepartie d'une journée de travail non rémunérée.

En conséquence, votre rapporteur estime nécessaire de supprimer cet article.

Par cohérence avec la position exprimée à l'article 1 er , il n'a cependant pas présenté d'amendement de suppression en commission et le fera au moment de l'examen du texte en séance.

Article 3 (art. L. 14-10-5 du code de l'action sociale et des familles) - Affectation de la recette nouvellement créée au sein du budget de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie

Objet : Cet article a pour objet de modifier les clés de répartition des différentes recettes au sein du budget de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie afin d'affecter entièrement la recette nouvellement créée au financement de l'allocation personnalisée d'autonomie.

I - Le dispositif de la proposition de loi

- L'article L. 14-10-5 du code de l'action sociale et des familles fixe les règles relatives à la structure du budget de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). Celui-ci est divisé en six sections.

L'origine des ressources de la CNSA et la destination de ses charges peuvent être schématisées de la façon suivante :

Produits

Section

Charges

I. Etablissements et services :

Etablissements ou services sociaux et médico-sociaux
Maisons pour l'autonomie et l'intégration des malades d'Alzheimer (Maia)

10 % à 14 % de la CSA
Ondam médico-social

1. Personnes handicapées

40 % de la CSA
Ondam médico-social

2. Personnes âgées

20 % de la CSA
88 % à 95 % de la CSG affectée à la CNSA
Contribution des régimes de base d'assurance vieillesse

II. Allocation personnalisée d'autonomie (Apa)

Concours aux départements pour le financement de l'Apa

26 % à 30 % de la CSA

III. Prestation de compensation du handicap (PCH)

Concours aux départements pour le financement de la PCH

5 % à 12 % de la CSG affectée à la CNSA
12 % au maximum de la CSA affectée à la section I. 2.

IV. Actions innovantes, formation, professionnalisation

Modernisation et professionnalisation des métiers d'assistance aux personnes âgées et handicapées

Formation des aidants et accueillants familiaux

2 % de la CSA affectée à la section I

V. Autres dépenses

Notamment plan d'aide à l'investissement depuis 2011

Contributions autres sections

VI. Frais de gestion

- L'objectif de la proposition de loi étant d'affecter entièrement à la section II, c'est-à-dire au financement de l'Apa, la recette nouvellement créée, le présent article a pour objet de modifier les clés de répartition des différentes ressources affectées au budget de la CNSA.

Les modifications introduites conduiraient donc à la répartition suivante au sein du budget de la CNSA :

Produits

Section

Charges

I. Etablissements et services :

Etablissements ou services sociaux et médico-sociaux
Maisons pour l'autonomie et l'intégration des malades d'Alzheimer (Maia)

7 % à 10 % de la CSA *
Ondam médico-social

1. Personnes handicapées

30 % de la CSA *
Ondam médico-social

2. Personnes âgées

40 % de la CSA *
88 % à 95 % de la CSG affectée à la CNSA
Contribution des régimes de base d'assurance vieillesse

II. Allocation personnalisée d'autonomie (APA)

Concours aux départements pour le financement de l'Apa

20 % à 23 % CSA *

III. Prestation de compensation du handicap (PCH)

Concours aux départements pour le financement de la PCH

5 % à 12 % de la CSG affectée à la CNSA
12 % au maximum de la CSA affectée à la section I. 2.

IV. Actions innovantes, formation, professionnalisation

Modernisation et professionnalisation des métiers d'assistance aux personnes âgées et handicapées

Formation des aidants et accueillants familiaux

2 % de la CSA affectée à la section I

V. Autres dépenses

Notamment plan d'aide à l'investissement depuis 2011

Contributions autres sections

VI. Frais de gestion

* Les pourcentages soulignés correspondent aux modifications que propose d'introduire l'article.

Cette modification des clés de répartition a été effectuée sur la base d'une estimation de recettes comprise entre 884 et 910 millions d'euros, de telle sorte qu'aucune section ne soit perdante à la réaffectation des produits au sein du budget de la CNSA.

II - La position de votre rapporteur

- L'article L. 14-10-5 du code de l'action sociale et des familles dispose que la part de CSA destinée aux personnes handicapées doit représenter 40 % de l'ensemble du produit de la contribution. La proposition de loi élargit l'assiette de la CSA en affectant entièrement la recette nouvellement créée aux personnes âgées. Il conviendrait donc de ramener cette part à 30 %.

En outre, l'article 3 nécessite plusieurs améliorations rédactionnelles. En particulier, il conviendrait de modifier les références qui sont effectuées dans l'article L. 14-10-5 à la CSA de façon à ce que soit pris en compte l'élargissement de l'assiette de la contribution.

- Par cohérence avec la position exprimée à l'article 1 er , votre rapporteur n'a pas présenté d'amendement au stade de la commission et le fera au moment de l'examen du texte en séance.

Article 4 - Gage

Objet : Cet article a pour objet de gager les charges pouvant résulter de la proposition de loi.

I - Le dispositif de la proposition de loi

Cet article a pour objet de compenser à due concurrence les conséquences financières qui pourraient résulter de la proposition de loi pour les collectivités territoriales.

Il s'agit d'un gage « en cascade ». La majoration de la dotation globale de fonctionnement (DGF) destinée aux collectivités territoriales est elle-même compensée pour l'Etat par la création d'une taxe additionnelle aux droits sur les tabacs prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

II - La position de votre rapporteur

La présente proposition de loi crée une recette nouvelle qu'elle affecte entièrement aux départements. Si seule la section II du budget de la CNSA bénéficie de ce surcroît de recettes, les modifications introduites à l'article 3 concernant la répartition du produit de la CSA au sein des différentes sections ont justement été prévues afin qu'aucune de ces sections n'ait à souffrir d'une baisse de ses recettes.

Votre rapporteur s'interroge donc sur l'opportunité d'avoir introduit un tel gage dans la proposition de loi.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Réunie le mercredi 17 octobre 2012 , sous la présidence de Mme Annie David, présidente , puis de M. Jacky Le Menn, vice-président, la commission procède à l' examen du rapport de M. Gérard Roche relatif à la proposition de loi n° 391 (2011-2012 ) tendant à élargir la contribution de solidarité pour l'autonomie aux travailleurs non salariés et aux retraités et à compenser aux départements la moitié de leurs dépenses d'allocation personnalisée d'autonomie.

M. Gérard Roche , rapporteur . - Madame la Présidente, mes chers collègues, le texte que je rapporte devant vous aujourd'hui et dont j'ai été le premier signataire il y a maintenant plusieurs mois avec les membres du groupe Union centriste et républicaine (UCR) ainsi qu'avec plusieurs de mes collègues du groupe Union pour un mouvement populaire (UMP) a un objet simple : apporter une ressource pérenne au financement de l'allocation personnalisée d'autonomie (Apa) afin d'alléger la charge croissante que fait aujourd'hui peser le financement de cette prestation sur les budgets départementaux.

Avant de vous présenter plus en détail le dispositif de la proposition de loi, je vous rappellerai quelques éléments de contexte.

L'Apa a été créée par la loi du 20 juillet 2001 relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie en remplacement de la prestation spécifique dépendance qui avait été introduite en 1997 à l'initiative de notre Haute Assemblée. Au 31 décembre 2011, 1 199 267 personnes bénéficiaient de l'Apa pour un coût total de près de 5,3 milliards d'euros, soit près de 20 % de l'ensemble des dépenses d'aide sociale des départements.

Destinée aux personnes âgées de soixante ans et plus en situation de perte d'autonomie, l'Apa est une prestation en nature attribuée sans conditions de ressources même si son montant varie en fonction du revenu du bénéficiaire ainsi que de son degré de dépendance défini à l'aide de la grille Aggir (autonomie gérontologie groupe iso-ressources).

Environ 60 % des bénéficiaires de l'Apa perçoivent l'aide à domicile, après définition d'un plan d'aide par une équipe médico-sociale du conseil général, les 40 % restants percevant l'aide en établissement. Les plans d'aide notifiés aux bénéficiaires de l'aide à domicile sont définis dans la limite de plafonds fixés au niveau national par voie réglementaire. Cela signifie en pratique que les départements ont en charge la gestion d'une prestation dont ils ne maîtrisent pas pleinement la définition des paramètres.

Contrairement à la prestation spécifique dépendance, l'Apa ne peut faire l'objet d'une récupération sur succession. Elle est en outre ouverte aux personnes relevant des Gir 1 à 4, le Gir 1 correspondant, je le rappelle, au degré le plus sévère de dépendance, tandis que la PSD n'était versée qu'aux demandeurs classés dans les Gir 1 à 3.

Depuis sa création, le financement de l'Apa est mixte, assuré à la fois par les départements et par une contribution dite de « solidarité nationale » versée jusqu'en 2004 par le fonds de financement de l'Apa (Ffapa) et depuis cette date par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA).

Le Ffapa était alimenté par deux types de ressources : une participation des régimes obligatoires de base d'assurance vieillesse égale à une fraction des dépenses d'aide ménagère que ces régimes consacraient aux personnes âgées dépendantes en 2000 ; une part de 0,1 point de CSG, précédemment affectée au fonds de solidarité vieillesse (FSV).

La loi du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées est venue apporter une ressource supplémentaire au financement de l'Apa, la contribution de solidarité pour l'autonomie (CSA), en même temps qu'elle créait une nouvelle structure, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), chargée de centraliser l'ensemble des financements destinés au secteur médico-social.

La CSA est elle-même composée de deux types de prélèvements au taux identique de 0,3 % : le premier est acquitté par les employeurs publics et privés sur les revenus salariaux, en contrepartie de la « journée de solidarité » ; le second prend la forme d'une contribution additionnelle de 0,3 % au prélèvement social de 2 % sur les revenus du patrimoine et les produits de placement. En 2011, le rendement de la CSA s'est élevé à 2,3 milliards d'euros.

Notons cependant que la loi encadre très fortement l'utilisation de cette ressource au sein du budget de la CNSA. Seule une fraction, limitée à 20 %, est allouée spécifiquement au financement de l'Apa. Une autre partie, 26 %, est destinée au financement de la prestation de compensation du handicap (PCH) tandis que plus de la moitié du produit de la CSA est allouée aux établissements et services accueillant des personnes âgées ou handicapées. L'année dernière, notre collègue Ronan Kerdraon, rapporteur du secteur médico-social pour le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2012 n'a d'ailleurs pas manqué de s'interroger dans son rapport sur l'opportunité de détourner ainsi le produit de la CSA pour le financement des soins dans les établissements médico-sociaux alors que ce type de dépense relève naturellement des régimes d'assurance maladie.

La loi prévoit également un dispositif de péréquation pour la répartition du concours de la CNSA entre les départements, fonction de quatre critères : le nombre de personnes âgées de soixante-quinze ans et plus ; le montant des dépenses d'Apa ; le potentiel fiscal ; les nombre de foyers bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) « socle » non majoré. Ce dispositif est complété par un mécanisme de correction visant à ce que le rapport entre les dépenses des départements au titre de l'Apa et leur potentiel fiscal ne puisse excéder un taux fixé par voie réglementaire, actuellement de 30 %.

En tout état de cause, l'évolution des concours du Ffapa puis de la CNSA n'a pas permis de garantir une participation équilibrée et équitable de l'Etat au financement de l'Apa. La montée en charge du dispositif a en effet été à la fois plus rapide et plus forte qu'elle n'avait été anticipée au moment du vote de la loi du 20 juillet 2001.

Pourtant, dès cette époque, notre collègue Alain Vasselle, rapporteur du projet de loi au nom de la commission des affaires sociales, pointait dans son rapport la fragilité des estimations de progression des dépenses et du dispositif de financement envisagé, estimant ce dernier « source de graves menaces pour les finances locales et les finances sociales ».

Or sur la période 2003-2009, les dépenses brutes d'Apa ont augmenté de 5,9 % en moyenne annuelle tandis que la participation du Ffapa puis de la CNSA à partir de 2004 ne progressait que de 0,9 % en moyenne par an. De ce fait, les dépenses restant à la charge des départements ont augmenté en moyenne de 8,8 % par an entre 2003 et 2009.

Dès lors, le taux de couverture des dépenses d'Apa par le Ffapa puis par la CNSA, qui était de 43 % en 2002, est descendu sous la barre des 30 % en 2010, avant de remonter très légèrement à 30,8 % en 2011. Les départements supportaient cette même année une charge nette de 3,7 milliards d'euros, un chiffre en augmentation continue depuis 2002.

Comment expliquer cette dégradation de la participation de l'Etat au financement de l'Apa ? Avant tout par le fait qu'aucune disposition législative ne permet aujourd'hui de répartir de façon satisfaisante le financement de l'Apa entre l'Etat et les départements.

Notre Haute Assemblée avait bien conscience des risques liés à une montée en charge insuffisamment contrôlée de l'Apa lorsqu'elle examinait le projet de loi créant cette prestation puisqu'elle avait adopté en première lecture un amendement du rapporteur pour avis de la commission des finances Michel Mercier, prévoyant explicitement un financement à parité de la prestation par l'Etat et les départements. Cette disposition a cependant été supprimée par l'Assemblée nationale en cours de lecture et l'idée d'un financement 50/50 est restée à l'état d'engagement informel, rapidement contredit par les faits.

Or la situation financière des départements exige aujourd'hui de parvenir à un nouvel équilibre dans le financement de l'Apa. Un premier cri d'alarme a été lancé en décembre 2010 lorsque trois propositions de loi identiques déposées par les groupes Socialiste, du Rassemblement démocratique et social européen (RDSE) et Communiste, républicain et citoyen (CRC), relatives à la compensation des allocations individuelles de solidarité versées par les départements, ont été examinées au Sénat. Ces textes, qui visaient à ce que l'Etat compense intégralement le coût supporté par les départements au titre du RSA et de la PCH et à 90 % celui résultant de l'Apa, a cependant été rejeté par la Haute Assemblée. En juin 2011, le Conseil constitutionnel, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité par les départements de Seine-Saint-Denis et de l'Hérault, a jugé que le mécanisme de compensation financière prévu pour le financement de l'Apa ne portait pas atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales. Il a cependant émis deux réserves d'interprétation appelant les pouvoirs publics à prendre leurs responsabilités dans le cas où les concours apportés par la CNSA et les mécanismes de péréquation entre départements ne permettraient plus d'assurer le respect du ratio de 30 % entre leurs charges nettes et leur potentiel fiscal. Cette décision du Conseil constitutionnel ouvre à mon sens la voie à une évolution législative destinée à sécuriser le financement de l'Apa telle que celle que je vous propose aujourd'hui.

J'en viens donc maintenant au dispositif de la proposition de loi.

Son article 1 er étend l'assiette de la CSA aux revenus des travailleurs indépendants ainsi qu'aux pensions de retraite afin de les soumettre, tout comme les revenus salariaux, à une contribution de 0,3 %. Certains m'objecteront que le prélèvement pesant actuellement sur les revenus salariaux ne vient pas obérer le pouvoir d'achat des salariés dans la mesure où il est acquitté par les employeurs en contrepartie d'une journée de travail supplémentaire non rémunérée effectuée par les salariés. Mais s'il n'y a pas perte de pouvoir d'achat pour les salariés, ces derniers participent bien à l'effort de solidarité nationale en acceptant de travailler gratuitement une journée supplémentaire.

Obliger les travailleurs indépendants et les retraités à effectuer une journée de travail non rémunérée n'aurait bien évidemment aucun sens. Est-ce une raison pour les dispenser de toute forme de participation à l'effort de solidarité nationale envers les personnes âgées dépendantes ? Je ne le crois pas et mon avis rejoint celui d'une personne concernée au premier chef par l'article 1 er de la proposition de loi puisqu'il s'agit du président du Régime social des indépendants (RSI). Lors de son audition, ce dernier m'a en effet officiellement déclaré qu'il soutenait le dispositif de la proposition de loi, nonobstant l'effort substantiel de près d'un milliard d'euros qui est déjà demandé aux travailleurs indépendants sur leurs cotisations maladie dans le PLFSS pour 2013. Je tiens à saluer avec force cette position responsable et courageuse, traduction d'une prise de conscience de l'effort de solidarité que nous devons tous consentir envers nos aînés.

Il est vrai que le président de la Confédération française des retraités, avec qui j'ai également souhaité échanger sur le texte, s'est montré moins enthousiaste sur la proposition de loi. Selon lui, une telle contribution ferait peser une charge discriminatoire sur les retraités, alors même que ces personnes ne sont pas les nantis ou les privilégiés en matière de cotisations sociales que l'on se plairait parfois trop facilement à décrire. C'est oublier que, dans l'esprit du texte, les pensions les plus modestes ne seront pas soumises à la contribution.

C'est également refuser d'effectuer un calcul très simple. Prenons l'exemple d'un retraité gagnant 1 000 euros par mois, sachant que le montant moyen des pensions de retraite s'établit aujourd'hui à 1 216 euros par personne. Acquitter la CSA représentera pour lui un effort de 36 euros par an. S'il a un niveau de dépendance Gir 4, le montant de l'Apa mensuelle, une fois acquitté le ticket modérateur, s'élève au maximum à environ 550 euros par mois. Cela signifie que le paiement de la CSA représentera pour lui chaque année un peu plus de 6 % de l'aide mensuelle dont il bénéficie au titre de l'Apa. S'agit-il réellement d'un effort démesuré alors même que l'enjeu essentiel est de maintenir la capacité des départements à continuer de verser cette prestation dont nous savons qu'elle a permis de reculer considérablement l'âge moyen d'entrée en établissement pour les personnes âgées dépendantes ?

L'article 3 de la proposition de loi affecte l'ensemble de la contribution nouvellement créée à la section II du budget de la CNSA, c'est-à-dire au financement de l'Apa. D'après les chiffrages que nous avons pu recueillir, le produit de cette ressource supplémentaire serait compris entre 884 et 910 millions d'euros : 700 millions d'euros seraient recueillis auprès des personnes retraitées, entre 166 et 180 millions d'euros auprès des travailleurs indépendants non agricoles et de 18 à 30 millions d'euros auprès des travailleurs indépendants agricoles. Un tel montant permettra de rapprocher fortement de la barre des 50 % le taux de couverture des dépenses d'Apa par la CNSA.

La proposition de loi que je vous présente aujourd'hui est bien évidemment imparfaite. Outre la nécessité de lui apporter des améliorations rédactionnelles, il serait souhaitable, dans un souci d'équité, d'étendre son article 1 er aux travailleurs indépendants agricoles, ce qui n'est pas prévu pour le moment.

La rédaction adoptée à l'article 1 er pour élargir l'assiette de la CSA aux retraités est en outre trop imprécise. Il conviendrait de l'améliorer en excluant explicitement les retraités les plus modestes du paiement de la contribution.

L'article 2 effectue une coordination avec les dispositions du code du travail relatives à la journée de solidarité qui n'est pas nécessaire. Il faudrait donc le supprimer.

D'autres améliorations rédactionnelles doivent être apportées à l'article 3. En particulier l'article L. 14-10-5 du code de l'action sociale et des familles, que modifie l'article 3, dispose jusqu'à présent que la part de CSA destinée aux personnes handicapées doit représenter 40 % de l'ensemble du produit de la contribution. La proposition de loi élargit l'assiette de la CSA en affectant entièrement la recette nouvellement créée aux personnes âgées. Il conviendrait donc de ramener cette part à 30 %.

Je vous l'ai dit au début de mon intervention, la proposition de loi que je présente devant vous aujourd'hui a été enregistrée à la présidence du Sénat il y a maintenant plusieurs mois, le 21 février 2012. Le hasard du calendrier parlementaire veut qu'elle soit inscrite à l'ordre du jour quelques semaines à peine avant l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013.

Or, l'article 16 de ce texte crée une contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie sur les pensions de retraite, c'est-à-dire un dispositif exactement équivalent à ce que propose le texte que nous examinons aujourd'hui pour les retraités. Sans doute faudrait-il se réjouir de cette convergence de vue. Il convient cependant de noter que la ressource nouvellement créée connaîtra une montée en charge progressive avec un taux de 0,15 % en 2013 et de 0,30 % les années suivantes et sera affectée dans un premier temps au fonds de solidarité vieillesse (FSV) avant d'être mise en réserve à partir de 2014 au sein d'une nouvelle section du budget de la CNSA « au profit de l'amélioration de la prise en charge de la perte d'autonomie ».

Le Gouvernement y voit là une façon de prouver dès à présent sa volonté de mobiliser les ressources nécessaires au financement de la réforme de la dépendance, certes promise et attendue, mais dont le calendrier demeure encore incertain. Je reste personnellement perplexe quant à l'option choisie. Pourquoi mettre ces recettes nouvelles en réserve alors même qu'elles pourraient trouver une utilité évidente dès à présent ? Les départements ne peuvent pas attendre 2014 ou 2015 pour obtenir un hypothétique rééquilibrage du financement de l'Apa. Ils ont besoin dès à présent que l'Etat s'engage à leurs côtés et de façon équitable dans le financement de la perte d'autonomie.

Je suis cependant conscient que ce « télescopage » entre la proposition de loi et l'article 16 du PLFSS pour 2013 risque de singulièrement compliquer l'examen du texte. Il me semble malgré tout important de vous le présenter dans sa forme initiale et non réduite aux seuls travailleurs indépendants.

L'ambition de cette proposition de loi est nécessairement limitée et il ne s'agit en aucun cas d'empiéter sur les mesures qui pourraient être envisagées dans le cadre de la future réforme de la dépendance dont nous savons tous qu'elle nécessitera une réflexion bien plus large et approfondie. Mais ce texte forme un tout cohérent, qui présente à mon sens trois avantages principaux.

Il apporte une réponse pragmatique et immédiate à un problème simple et précis : la difficulté dans laquelle se trouvent un nombre croissant de départements pour assurer le financement de l'Apa.

Il permet de dépasser les mesures d'urgence mises en oeuvre depuis 2010 pour soutenir les départements les plus en difficulté en leur allouant une ressource pérenne.

Enfin, il contribue à faire participer de façon plus équitable les Français à l'effort de solidarité nationale envers nos aînés dépendants.

Sans anticiper sur notre débat et compte tenu des échos que j'ai pu recueillir auprès des différents groupes, je pense qu'il serait sage de ne pas adopter aujourd'hui un texte de la commission.

Conformément à l'accord politique passé entre les présidents de groupe du Sénat pour l'examen des propositions de loi émanant des groupes d'opposition ou minoritaires, je propose que la commission laisse aller en séance la proposition de loi initiale. C'est à ce moment-là que je vous soumettrai les amendements permettant d'apporter au texte les améliorations que j'ai brièvement évoquées dans mon intervention.

Cela ne doit cependant pas nous empêcher de débattre sur la proposition de loi et je m'empresse de laisser la parole à tous les commissaires qui souhaiteront s'exprimer.

Je vous remercie.

Mme Annie David , présidente. - Merci. Rien ne s'oppose à ce qu'un texte émanant d'un groupe politique de l'opposition, examiné en commission, arrive en séance publique. Ceci permet aux auteurs de la proposition de loi de s'exprimer, le texte subissant ensuite le sort qui doit être le sien.

M. Alain Néri . - Je salue l'initiative de Gérard Roche, qui soulève un vrai problème et nécessite une véritable réflexion. Nous avons été nombreux, dans nos conseils généraux, à attirer l'attention sur ce point.

Je voudrais rendre hommage à Paulette Guinchard-Kunstler, créatrice de l'Apa. Elle a vraiment mis en place un dispositif qui a apporté beaucoup d'améliorations à la situation des personnes âgées en perte d'autonomie. Depuis la mise en place de l'Apa, on s'est d'ailleurs aperçu que le maintien à domicile a connu des progrès remarquables. Il y a pratiquement, depuis la mise en place de l'Apa, une dizaine d'années de maintien à domicile supplémentaires. Les gens qui entraient autrefois en maison de retraite à 75-76 ans y entrent aujourd'hui à 85-86 ans, ce qui me paraît un progrès significatif !

Ce texte doit nous permettre d'affiner notre réflexion sur le problème fondamental de la prise en charge de la dépendance.

Durant la précédente législature, le Président de la République et le Gouvernement s'étaient engagés à tenir un large débat sur la dépendance qui n'a pas eu lieu. Pour ma part, je le regrette !

La dépendance est un véritable problème de société qui frappe toute la population à des degrés divers et qui impose un devoir de solidarité nationale ; on ne doit en aucun cas recourir à des sociétés d'assurance privées, qui mettraient en cause la solidarité nationale. Il en va donc de l'égalité de traitement entre ceux qui peuvent subvenir à leurs besoins et ceux qui ne sont pas en mesure de le faire.

Cette solidarité nationale doit être assurée par l'Etat, ainsi que cela figure au Journal officiel des débats, qui fait jurisprudence et qui précise bien que cette prise en charge doit atteindre 50 %. Il faut donc partir de cette réflexion.

Le fait que la proposition de loi de Gérard Roche risque de se télescoper avec le PLFSS pose question. Il serait intéressant que le texte dont nous allons débattre débouche sur la présentation d'amendements en séance publique, lors du débat sur le PLFSS. Je soutiens en particulier la proposition d'affecter dès cette année le montant de 0,15 % directement à la CNSA, dans un souci de clarté et de compréhension.

Sans vouloir contredire la pratique de notre assemblée, notre collègue Gérard Roche pourrait peut-être retirer sa proposition de loi afin que nous nous recentrions tous sur les amendements en séance publique !

Mme Annie David , présidente. - Hier, à une question posée par Christiane Demontès, rapporteur de la branche vieillesse, qui lui faisait remarquer qu'en 2013, la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (Casa) alimenterait le FSV et non la CNSA, Mme Marisol Touraine a répondu qu'elle considérerait avec bienveillance tout amendement parlementaire visant à modifier cette situation. Peut-être y aura-t-il des amendements parlementaires en ce sens. Je pense qu'il y en aura au moins un de M. Roche...

M. Alain Néri . - J'en déposerai également un !

M. Jean-Noël Cardoux . - Je partage l'analyse de notre collègue quant à l'efficacité de l'Apa et à son impact sur le maintien à domicile des personnes les plus âgées mais je ne suis, en revanche, pas d'accord sur certains autres points.

Le cri d'alarme du président du conseil général de la Haute-Loire est, je le pense, partagé par tous les présidents de conseils généraux. Je suis moi-même président de la commission des affaires sociales du conseil général du Loiret. N'oublions pas non plus que, même si la montée en charge de la PCH est moins rapide qu'envisagée à une certaine époque, le fossé se comble, les attributaires ayant préféré conserver l'allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP). Dans quelque temps, toutefois, on aura des taux de couverture de la PCH comparables à ceux de l'Apa. Le problème reste donc entier.

A l'origine - et je pense que cela a été l'erreur de ce texte -, la philosophie de cette journée de solidarité visait à considérer le lundi de Pentecôte comme un jour férié travaillé en faveur des plus anciens, suite à la vague de chaleur qui a entraîné beaucoup de morts dans notre pays. Face à la réticence des syndicats et des salariés, on a transformé peu à peu cette journée de solidarité en une cotisation supplémentaire de 0,3 % à la charge des employeurs qui, dans leur grande majorité, s'en acquittent.

Etendre cette mesure aux travailleurs indépendants, aux professions libérales ou aux agriculteurs me paraît constituer une simple justice sociale. Il n'y a pas de raison qu'une seule catégorie d'employeurs soit concernée ! Rappelons toutefois que cette proposition ne rapportera que 120 ou 130 millions - d'après le rapporteur -, l'essentiel provenant de la contribution sur les retraites également prévue par l'article 16 du PLFSS.

Contrairement à ce qu'a dit M. Néri, un débat extrêmement approfondi a bien eu lieu. A l'époque, Mme Montchamp s'était rendue dans la plupart des régions de France. J'avais moi-même participé à un débat à Blois. Un certain nombre de propositions avaient été faites ; elles devraient sinon être suivies, du moins être exploitées.

Je sais bien que nous ne serons jamais d'accord sur un éventuel financement privé mais il faut néanmoins mener une réflexion en ce sens, en assortissant cette mesure d'un recours sur succession, par exemple, qui n'existe pas actuellement. Si on laisse tout à la solidarité nationale, les personnes les plus aisées arriveront à se prémunir volontairement et à trouver une place dans des établissements haut de gamme lorsqu'elles seront dépendantes, les moins aisées bénéficiant d'un accueil de pauvres - pardonnez le terme. Contrairement à ce que chacun souhaite, on aura alors des hébergements à deux vitesses ! Il faut en être conscient et y réfléchir...

D'autres pistes avaient été envisagées, comme l'extension de la CSA aux professions non salariées. Cette suggestion a été reprise par le rapporteur. On avait également évoqué une seconde journée de solidarité, réelle celle-là, alors que les salariés peuvent aujourd'hui abandonner une journée au titre de la réduction du temps de travail (RTT), ce qui rapporterait environ 3 milliards d'euros supplémentaires.

La proposition de Gérard Roche va dans le bon sens mais, hier, Mme Marisol Touraine nous a affirmé qu'un texte sur le financement de la dépendance n'interviendrait pas avant la première moitié du quinquennat, soit dans deux ans et demi. Les conseils généraux vont donc continuer à souffrir et devront peut-être même totalement arrêter d'investir. M. Jeannerot a traduit hier ces charges supplémentaires en collèges.

Je souhaite que le débat qui suivra cette proposition de loi, au Sénat, contribue à accélérer la cadence afin de trouver, comme l'a dit le rapporteur, des solutions pérennes en faveur des personnes âgées. Ceci rassurera également les conseils généraux et les encouragera à poursuivre leur politique d'investissements qui, rappelons-le, dans la période de crise actuelle, constitue un moteur essentiel pour l'économie de chaque département, en particulier dans le domaine du bâtiment !

M. Dominique Watrin . - Le fait que l'on discute de cette proposition de loi offre au moins un intérêt, celui de poursuivre le débat. Je pense que celui-ci a bien été ouvert mais qu'il a été trop vite refermé. Il est urgent de le reprendre globalement.

On a fait l'éloge de l'Apa. Je partage l'idée que celle-ci constitue un progrès considérable mais qu'elle atteint aujourd'hui un certain nombre de limites. Dans mon département, par exemple, le montant de l'Apa diminue du fait des plafonds et des restes à charge des bénéficiaires, qui ont été considérablement augmentés par le décret Raffarin de 2003 - sans parler des restes à charge des personnes hébergées dans des établissements médicalisés, insupportables pour le citoyen lambda.

La proposition de loi a aussi le mérite de pointer les problèmes financiers spécifiques des départements. Parmi les collectivités territoriales, ce sont en effet les départements qui souffrent le plus des politiques menées ces dernières années et notamment de la suppression de la taxe professionnelle.

Le groupe CRC n'a pas changé de position depuis 2004. Nous étions déjà contre la mise en place de cette contribution dite de solidarité car nous pensons que les besoins de santé, y compris ceux liés à la perte d'autonomie, doivent être pris en charge par la sécurité sociale !

Le fait qu'on propose ici d'étendre cette contribution aux retraités et à certaines professions indépendantes, toutes ne semblant pas concernées par ce texte, ne rend pas le dispositif plus juste. Le mécanisme d'une journée de travail gratuite nous paraît injuste en soi car il élude la question du financement solidaire mettant tous les revenus à contribution, y compris les revenus financiers des entreprises. Le financement solidaire doit inciter au développement d'une politique favorable en matière d'emploi, de salaires et de formation au sein des entreprises, facteurs créateurs de richesses et de ressources pour la sécurité sociale.

J'ai bien noté qu'un amendement - qui n'était initialement pas prévu - serait présenté en séance au sujet des exploitants agricoles mais qu'en est-il des auto-entrepreneurs et des professions libérales non inscrites au RSI pour la branche maladie ? Nous pensons particulièrement aux médecins non conventionnés qui ne semblent pas assujettis à cette contribution...

Concernant la mesure prévue par l'article 16 du PLFSS, mon groupe ne considère pas que les retraités soient des nantis. Un débat doit véritablement avoir lieu sur ce sujet. La taxation à 0,15 % puis à 0,30 % va toucher 8 millions de retraités, qui gagnent en moyenne entre 1 100 et 1 200 euros par mois.

J'ai bien entendu le Premier président de la Cour des comptes dire ici même que les retraités étaient plus favorisés que les actifs. Je crois qu'il n'est pas allé au bout des comparaisons. Par exemple, le coût des mutuelles n'est pas au même niveau pour un retraité et pour un salarié ! Quant à l'affirmation selon laquelle il existe plus de propriétaires parmi les retraités que parmi les autres catégories de la population, tout le monde connaît les difficultés de nombre d'entre eux pour financer le chauffage, les impôts locaux et l'entretien de leur patrimoine. Cette cible ne me paraît donc pas devoir être privilégiée pour assurer le financement de la dépendance. Ce débat doit être traité globalement, en tenant compte de toutes les dimensions du problème.

Cela étant, je ne veux pas sous-estimer les difficultés financières des départements ni les besoins de financement des collectivités territoriales. Un chiffre pour illustrer ma proposition de mettre à contribution les actifs financiers des entreprises : taxer à 0,15 % les 5 000 milliards d'euros d'actifs financiers des entreprises rapporteraient 7,5 milliards d'euros, soit un peu plus que la part des trois allocations de solidarité à la charge des départements, ceux-ci ayant dépensé 6,4 milliards d'euros en 2011 pour le RSA, la PCH et l'Apa ! Voici donc une autre piste...

M. Marc Laménie . - Je m'associe à tout ce qui a été dit et félicite Gérard Roche. Je suis également conseiller général des Ardennes, département parmi les plus sinistrés. Mes collègues ont mis en évidence les charges importantes qui augmentent pour nos collectivités locales.

Ce texte a le mérite d'avancer des solutions mais quelle sera la position du Conseil constitutionnel à l'égard de cette proposition de loi ? La dépendance représente pour les départements des coûts de fonctionnement non négligeables mais aussi des emplois de service dans le maintien à domicile ou les établissements sociaux. D'un autre côté, les capacités d'investissement des conseils généraux sont de plus en plus limitées en matière de bâtiments et de travaux publics, secteur dont le marché connaît de fortes tensions. Il faut donc essayer de trouver un compromis - mais c'est fort difficile...

M. Georges Labazée . - J'apprends beaucoup depuis un an que je siège au Sénat. Le fait que ce dossier revienne devant la commission est une excellente chose.

Le Président de la République recevant les présidents de conseils généraux lundi prochain, l'Association des départements de France (ADF) a convoqué, hier après-midi, un bureau exceptionnel. Il convenait d'arriver à se mettre d'accord sur un texte. Chacun a estimé que les préoccupations devaient prioritairement porter sur le problème de la dépendance et des finances des départements, en particulier la dépense sociale. Les approches peuvent être différentes selon les sensibilités mais le but reste le même.

La question centrale évoquée par mes collègues ce matin a été de savoir si ces allocations de solidarité relèvent de l'effort départemental ou de la solidarité nationale. Cela représente des sommes telles qu'on n'est pas prêt de résoudre la situation ! Il n'empêche que c'est sans doute la question de fond...

Le problème évoqué ici depuis des mois sera très officiellement repris lors de la rencontre de lundi prochain. Le premier point qui sera abordé concernera la manière d'assumer les solidarités sociales et territoriales. Un des engagements consiste à mettre en place un fonds spécifique de 170 millions d'euros, reprenant les 150 millions d'euros accordés l'année dernière, majorés de 20 %, afin de soutenir le financement des missions de solidarité. Le second point porte sur la définition du cadre dans lequel l'Etat et les départements doivent travailler pour mettre en place un dispositif pérenne à partir de 2013, de façon à régler ce problème.

Les présidents de conseils généraux ont eu hier une réaction de recul lorsqu'a été évoquée la possibilité de transférer l'allocation adulte handicapé (AAH) aux départements, ne voulant pas renouveler l'expérience de l'Apa. Je l'ai fait savoir en aparté à la ministre, qui m'a dit avoir envoyé un ballon d'essai : le ballon est vite redescendu !

Les amendements au PLFSS déposés par Gérard Bapt, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général à l'Assemblée nationale, visent à porter le taux de la Casa de 0,15 % à 0,30 %, dès 2013, avec un départ au 1 er avril afin de lisser le dispositif. Un autre amendement vise à affecter à la CNSA le produit de la contribution additionnelle dès 2013. Beaucoup de choses vont donc se passer d'ici notre séance plénière de la semaine prochaine.

M. René-Paul Savary . - Selon l'ADF, ce sont 6 milliards d'euros de compensation qui manquent aux départements pour la PCH, l'Apa et le RSA. Cela devient insupportable ! En cumul, ce sont 22 milliards d'euros qui manquent au budget des départements ! Ceux-ci n'en peuvent plus ! Nos amis politiques, en leur temps, n'ont pas compris qu'il fallait s'appuyer sur les départements pour jouer la carte de la solidarité nationale à travers ces prestations, mais également la carte de la solidarité territoriale.

Pour parer à cet état de fait, nous prélevons sur nos capacités d'autofinancement et nous n'investissons plus. Si l'on veut de la relance, il existe un levier très simple : il suffit de donner un signe aux départements, même si ce n'est qu'un milliard sur les 6. Ce milliard, qui correspond à des subventions, va générer au moins 5 à 10 milliards d'investissements.

En affectant la Casa à la compensation de l'Apa, nous améliorerions le financement de la dépendance tout en soutenant la relance ! Qu'on le fasse grâce à la proposition de loi de Gérard Roche ou par le biais du PLFSS importe peu. Sans un signe aux départements - c'est ce que nous allons dire lundi prochain au Président de la République - les collectivités vont sombrer. Ma collectivité, qui est gérée au plus près et qui n'est pas pauvre, sans signe fort, sera en faillite dans deux ans - et ce n'est pas un cas unique !

M. Claude Jeannerot . - Je partage l'essentiel des interventions de mes collègues. En outre, Georges Labazée nous a apporté des informations importantes que certains d'entre nous ignoraient.

Je voudrais néanmoins saluer ici l'initiative de notre collègue Gérard Roche, qui tente d'apporter une solution et dont le discours, quels que soient les régimes en place, n'a jamais varié de ce point de vue. Cela mérite d'être souligné.

Je voudrais également m'associer à l'hommage rendu à l'initiatrice de cette disposition, Paulette Guinchard-Kunstler, élue de mon département dont je connais l'engagement sur ce terrain.

Le grand mérite de l'initiative de Gérard Roche est d'attirer l'attention du Gouvernement sur la situation dramatique et urgente des départements. Il qualifie lui-même sa réponse de pragmatique. Je la crois quelque peu empirique et d'une certaine manière partielle. Je pense qu'il convient aujourd'hui de demander au Gouvernement une réponse sur le champ de la dépendance, sous l'angle de l'Apa, qui soit pérenne pour les départements mais aussi globale et qui apparaît urgente.

Je partage également ce qu'a dit hier Mme Delaunay. Il faut donc trouver la bonne ressource. Il me semble que nos concitoyens, malgré la difficulté des temps, comprennent qu'il y a lieu de financer la prise en charge de la dépendance, reconnue comme une priorité et une nécessité. C'est pourquoi j'appelle de mes voeux cette réponse pérenne, globale et urgente.

M. Jean-François Husson . - Je me joins à toutes les observations qui ont été faites et remercie Gérard Roche pour son initiative.

Je pense que nous sommes là dans un débat de société. J'ai entendu prononcer les mots de « solidarité nationale » et de « solidarité sociale ». On parle souvent, dans la perspective de l'acte III de la décentralisation, d'évaluation et d'expérimentation. Il faut avoir la lucidité de dire qu'en matière d'Apa ou de PCH, la décentralisation n'apporte rien de plus, si ce n'est qu'elle a mis en exergue une problématique qui n'avait pas été prise en compte lors de la création de la sécurité sociale en 1946. Le véritable enjeu, me semble-t-il, est de se demander si l'Etat est prêt à créer une cinquième branche de la sécurité sociale.

Dans cette hypothèse, une part reviendra au privé et aux complémentaires, comme en matière d'assurance maladie. C'est sur cet aspect que nous devons travailler. La décentralisation n'apporte rien. Il faut dire à l'Etat que nous nous sommes trompés et rediscuter. On nous donne dix-huit mois ; le débat a déjà eu lieu et nos concitoyens sont aujourd'hui dans cet état d'esprit. A l'Etat de jouer son rôle ! Je pense que le nôtre est plutôt de porter ce débat et non de nous abriter derrière un dispositif où ni la droite, ni la gauche, depuis 2001, n'ont jamais rien gagné, favorisant en outre le jeu des extrêmes.

Mme Catherine Procaccia . - Je remercie M. Labazée de nous avoir apporté des informations, d'autant que la proposition de loi va tomber de façon très opportune.

Ce texte m'a laissée très dubitative - mes collègues le savent - quant au fait d'accroître encore les charges de populations qui ne roulent déjà pas sur l'or, mais le rapporteur nous apprend que le président du RSI a déclaré qu'il soutenait la proposition de loi. Cela m'amène à modifier ma position, d'autant que je suis aussi conseiller général et que dans mon département, les dépenses d'aide sociale explosent. Il faut donc faire quelque chose sans attendre, un certain nombre de départements risquant à terme de ne plus être en mesure de financer l'Apa.

Notre collègue Gérard Roche va présenter des amendements. Il serait dommage de ne pas aller plus loin.

Par ailleurs, je trouve choquant de soutenir l'idée qu'un salarié ne serait pas capable de donner sept heures de travail à la solidarité nationale !

Je suivrai donc l'avis de Gérard Roche, nos débats m'amenant à une vision beaucoup plus positive de cette proposition de loi.

M. Guy Fischer . - J'ai entendu les présidents de conseils généraux ; le problème est évident. Dominique Watrin a fort bien formulé nos positions sur le fonds.

Pour ma part, ce qui me préoccupe avant tout - je l'ai constaté au cours de ma vie de conseiller général -, reste la montée des restes à charge et ce dans beaucoup de domaines. On sollicite de plus en plus les familles ; certes, il est naturel que l'on fasse des efforts pour ses parents, mais la réforme de l'Apa doit nous faire réfléchir. D'une manière générale, les restes à charge sont de plus en plus importants.

M. Jacky Le Menn . - Je remercie Gérard Roche de son excellent travail. Suite à ce qu'a dit notre collègue Alain Néri, je rappelle que beaucoup de choses ont été écrites sur la question de la dépendance. Quatre grandes commissions ont abondamment alimenté le débat national. Le Conseil économique, social et environnemental (Cese) a également rédigé un rapport, sans compter les rapports parlementaires, comme le rapport Rosso-Debord, qui préconisait de faire disparaître le groupe de ressources Gir 4, solution qui n'avait pas été retenue par le rapport d'Alain Vasselle, ancien rapporteur général. Le Gir 4 comporte 70 % des bénéficiaires de l'Apa.

Toutes les solutions ont été étudiées. Tout est sur la table. Il suffisait, en fonction des sensibilités politiques, de présenter soit un projet de loi, soit une proposition de loi. C'est à ce moment que la proposition de loi de Gérard Roche aurait dû être déposée. On aurait eu le temps de la discuter. On se trouve aujourd'hui devant des départements en difficulté, dont on voyait bien monter la situation, et l'on voit également qu'au-delà des personnes âgées, la perte d'autonomie concerne aussi les personnes handicapées.

On comprend la réaction des départements lorsque l'Etat leur propose de prendre l'AAH à leur charge. Chat échaudé craignant l'eau froide, ceux-ci sont en effet quelque peu réticents...

Il faut donc, comme le disait notre collègue René-Paul Savary, ainsi que d'autres, donner des signes clairs. Cela peut se faire à travers cette proposition de loi ; elle arrive un peu tard et aurait dû être discutée lorsque vous étiez aux responsabilités, mes chers collègues. S'il doit y avoir des torts, ils seront partagés !

Cela peut aussi se faire dans le cadre du PLFSS. C'est la stratégie qui semble se dessiner, des amendements pouvant être présentés pour donner satisfaction à des départements qui en ont bien besoin, leur situation financière étant, pour des raisons multiples, fort difficile.

Comme le rappelait notre collègue Jean-François Husson, il s'agit d'un grand débat de société. Celui-ci a déjà eu lieu entre des partenaires multiples, syndicaux, patronaux, associatifs, départementaux. Il faut maintenant trancher. La nouvelle majorité prend, semble-t-il, une autre orientation mais avec la même volonté d'assurer un financement le plus équitable possible, afin de faire en sorte qu'aucune personne âgée dépendante ne soit laissée sur le bord du chemin pour des raisons financières.

Nous allons en rediscuter dans le cadre du PLFSS. Faut-il le faire un an avant ou un an après ? On a déjà perdu beaucoup de temps ! Nous insisterons donc pour qu'on aille le plus vite possible. On a déjà tous les éléments en mains. Il s'agit de faire des choix clairs. Peut-être va-t-on encore passer quelques mois à tergiverser - terme que je prends à mon compte - mais il va bien falloir trancher.

Nous le redirons en séance. Je pense que le Gouvernement en est parfaitement conscient. Des réponses vont être apportées, des signes seront donnés aux départements. Dans le cas contraire, je pense que des amendements, au Sénat comme à l'Assemblée nationale, tenteront d'accélérer le processus.

- Présidence de M. Jacky Le Menn, vice-président -

M. Louis Pinton . - Notre collègue Claude Jeannerot affirme que la proposition de loi de Gérard Roche a pour but d'attirer l'attention sur les difficultés des départements. Néanmoins, je crois savoir qu'au plus haut niveau de l'Etat et de l'exécutif national, certaines personnes ont exercé la fonction de président de conseil général et sont donc parfaitement au fait de la situation.

En second lieu, je me fais l'interprète de Gérard Longuet, qui votera cette proposition de loi et se déclare favorable au recours sur succession, tout comme moi. J'ai tenu cette ligne dans mon département depuis le début. La majorité des présidents d'associations, initialement d'accord, s'est ensuite, par faiblesse, montrée plus réticente mais je considère que l'on peut organiser sa moindre participation en cas d'exonération sur les droits de succession, suivant qu'il s'agit de retraites par capitalisation ou par répartition.

Enfin, notre commission serait bien inspirée d'élever Gérard Roche au titre de conseiller auprès du ministre, sa proposition de loi étant quasiment intégralement reprise par celui-ci dans le PLFSS ! Nous serons là pour aider le rapporteur, puisqu'il est notre porte-voix !

M. Gérard Roche , rapporteur . - Je suis heureux de constater le nombre de questions que cette proposition de loi a suscitées. Cela prouve que le sujet n'est pas anodin et qu'il méritait une tribune dans notre Haute Assemblée.

Tout d'abord, cette proposition est portée par le groupe de l'union centriste mais René-Paul Savary m'a accompagné dans toutes les auditions et a énormément travaillé sur l'élaboration de ce texte. Je voulais l'en remercier particulièrement.

Par ailleurs, M. Néri a souligné que la mise en place de l'Apa est une bonne mesure. En effet, la moyenne d'âge d'entrée en établissements est passée de soixante-quinze à quatre-vingt-cinq ans dans les départements ruraux où les gens sont isolés. Cependant, les établissements, dans l'avenir, ne seront plus des maisons de retraites classiques mais de véritables hôpitaux, destinés à accompagner dignement les derniers jours de la vie. Il faut donc les adapter à cette nouvelle mission. Or, le problème vient du reste à payer à la charge des familles. Là est le véritable défi. Actuellement, l'investissement pèse sur les résidents à travers le forfait d'hébergement. On réalise des piscines et des gymnases sur les fonds publics et on laisse les personnes âgées hébergées en maison de retraite payer seules le taudis dans lequel elles vivent. C'est insupportable !

Le forfait dépendance vient en déduction du reste à payer pour les familles soit, dans mon département, 45 % de l'Apa. C'est le second bénéfice de cette loi.

M. Néri considère qu'il faudrait retirer la proposition de loi. Non, car ce sera une tribune pour poser le problème !

Une enveloppe de 170 millions d'euros est proposée pour venir en aide aux départements. Si nous retirons les retraités du champ de la proposition de loi, les 200 millions d'euros par an provenant des travailleurs indépendants ne seront pas à négliger.

L'article 16 du PLFSS prévoit de créer une troisième section à la CNSA. Mais il n'y a aucune perméabilité entre les sections. Cette année, la CNSA dégage 300 millions d'euros d'excédents. Pourtant, elle a drastiquement réduit les aides à l'investissement allouées aux départements. Ce sont des choses qu'il conviendra de faire savoir !

Jean-Noël Cardoux et Catherine Procaccia ont évoqué leurs réticences à l'extension de la CSA. Je connais les arguments des travailleurs indépendants. Comment admettre que l'on demande un effort de solidarité aux salariés sans que le médecin, l'avocat, le notaire, le boucher ne soient assujettis ? C'est indéfendable ! Il faut que tout le monde participe ! Certains travailleurs indépendants connaissent, il est vrai, des difficultés mais une contribution de 0,3 % de leur revenu demeure toute symbolique.

Les syndicats se sont fortement opposés à la mise en place de la CSA, en particulier la CGT, estimant injuste que seuls les salariés acquittent cette contribution. Quel gouvernement reviendra sur la CSA, qui représente 2,5 milliards d'euros de recettes ? Aucun ! Je m'adresse ici aux membres du groupe CRC : en élargissant la CSA aux retraités et aux non-salariés, nous proposons de réparer cette injustice !

M. Guy Fischer . - Nous allons y réfléchir !

M. Gérard Roche , rapporteur. - En réponse à Jean-François Husson, j'estime que la décentralisation est une bonne chose. Toutefois, lorsque l'on décentralise les missions, il faut également décentraliser les moyens. Or, il y a toujours eu discordance entre les deux !

Conformément à l'accord politique passé entre les présidents de groupe pour ce qui concerne l'examen des textes inscrits à l'ordre du jour du Sénat sur proposition d'un groupe d'opposition ou minoritaire, la commission a décidé de ne pas adopter le texte de cette proposition de loi, afin qu'elle soit débattue, en séance publique, dans la rédaction initiale voulue par ses auteurs.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Mercredi 3 octobre 2012

M. Gérard Quévillon , président du Régime social des indépendants

Jeudi 4 octobre 2012

M. Claudy Lebreton , président de l'Assemblée des départements de France

Mardi 9 octobre 2012

M. François Bellanger , président de la Confédération française des retraités

M. Gérard Pelhate , président de la Mutualité sociale agricole

M. Thomas Fatome , directeur de la sécurité sociale


* 1 Loi n° 2001-647 du 20 juillet 2001 relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie.

* 2 Loi n° 97-60 du 24 janvier 1997 tendant, dans l'attente du vote de la loi instituant une prestation d'autonomie pour les personnes âgées dépendantes, à mieux répondre aux besoins des personnes âgées par l'institution d'une prestation spécifique dépendance.

* 3 Notamment à travers : la proposition de loi n° 210 (1989-1990) de Lucien Neuwirth visant à créer une allocation pour les situations de dépendance résultat d'un état de sénescence ; la proposition de loi n° 295 (1992-1993) de Jean-Pierre Fourcade et Philippe Marini tendant à instituer une allocation aux personnes âgées dépendantes ; l'amendement de la commission des affaires sociales du Sénat à la loi n° 94-629 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale, créant une prestation expérimentale dépendance.

* 4 Trois tarifs dépendance sont appliqués en établissement, correspondant aux Gir 1 et 2, aux Gir 3 et 4 et aux Gir 5 et 6. Le tarif dépendance est l'une des trois composantes de la tarification des établissements, les deux autres étant le tarif hébergement (payé par le résident ou l'aide sociale à l'hébergement) et le tarif soins (financé par l'assurance maladie).

* 5 Drees, « Les dépenses d'aide sociale départementale en 2010 », Etudes et résultats n° 792, mars 2012.

* 6 Drees, « Dépendance des personnes âgées et handicap : les opinions des Français entre 2000 et 2055 », Etudes et résultats n° 491, mai 2006.

* 7 Loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées.

* 8 L'ensemble de ces financements forme l'objectif global de dépenses (OGD), affecté aux dépenses de soins des établissements, dont le niveau correspond à la somme de l'Ondam médico-social et de la part de CSA affectée à la section I du budget de la CNSA.

* 9 Rapport n° 315 (2000-2001) fait au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi relatif à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie par M. Alain Vasselle, sénateur.

* 10 Cour des comptes, rapport thématique : « les personnes âgées dépendantes », novembre 2005.

* 11 Loi n° 2003-289 du 31 mars 2003 portant modification de la loi n° 2001-647 du 20 juillet 2001 relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie.

* 12 Cour des comptes, rapport thématique : « La conduite par l'Etat de la décentralisation », octobre 2009.

* 13 Rapport n° 138 (2010-2011) fait au nom de la commission des finances sur trois propositions de loi relatives à la compensation des allocations individuelles de solidarité versées par les départements, par M. Charles Guené, sénateur.

* 14 Pierre Jamet, rapport à M. le Premier ministre sur les finances départementales, 20 avril 2010.

* 15 Décision n° 2011-143 QPC du 30 juin 2011.

* 16 Rapport du groupe de travail n° 4 : « Stratégie pour la couverture de la dépendance des personnes âgées », juin 2011.

* 17 Loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative.

* 18 Loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées.

* 19 Cet article dresse une liste de professions pour lesquelles l'affiliation au régime général est obligatoire, quelles que soient les conditions de travail des personnes concernées ou la forme que prend leur rémunération (versement de pourboires ou non). Y figurent notamment les employés d'hôtels ou les vendeurs à domicile.

* 20 Le champ de cet article est précisé à l'article R. 711-1 du code de la sécurité sociale ; il s'agit : des administrations, services, offices, établissements publics de l'Etat, établissements industriels de l'Etat, de l'Imprimerie nationale, pour les fonctionnaires, les magistrats et les ouvriers de l'Etat ; des régions, départements et communes ; des établissements publics départementaux et communaux n'ayant pas le caractère industriel et commercial ; des activités qui entraînent l'affiliation au régime d'assurance des marins français ; des entreprises minières et assimilées, à l'exclusion des activités se rapportant à la recherche ou à l'exploitation des hydrocarbures liquides ou gazeux ; de la Société nationale des chemins de fer français ; des chemins de fer d'intérêt général secondaire et d'intérêt local et des tramways, des exploitations de production, de transport et de distribution d'énergie électrique et de gaz ; de la Banque de France ; du Théâtre national de l'Opéra de Paris et de la Comédie française.

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