Rapport n° 326 (2012-2013) de Mme Catherine TROENDLE , fait au nom de la commission des lois, déposé le 30 janvier 2013

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N° 326

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 30 janvier 2013

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de résolution européenne, présentée par Mme Catherine TROENDLE au nom de la commission des lois, en application de l'article 73 quinquies du Règlement, sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à un meilleur équilibre hommes-femmes parmi les administrateurs non exécutifs des sociétés cotées en bourse et à des mesures connexes (E 7881),

Par Mme Catherine TROENDLE,

Sénateur

et TEXTE DE LA COMMISSION

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Pierre Sueur , président ; MM. Jean-Pierre Michel, Patrice Gélard, Mme Catherine Tasca, M. Bernard Saugey, Mme Esther Benbassa, MM. François Pillet, Yves Détraigne, Mme Éliane Assassi, M. Nicolas Alfonsi, Mlle Sophie Joissains , vice-présidents ; Mme Nicole Bonnefoy, MM. Christian Cointat, Christophe-André Frassa, Mme Virginie Klès , secrétaires ; MM. Alain Anziani, Philippe Bas, Christophe Béchu, François-Noël Buffet, Gérard Collomb, Pierre-Yves Collombat, Jean-Patrick Courtois, Mme Cécile Cukierman, MM. Michel Delebarre, Félix Desplan, Christian Favier, Louis-Constant Fleming, René Garrec, Gaëtan Gorce, Mme Jacqueline Gourault, MM. Jean-Jacques Hyest, Philippe Kaltenbach, Jean-René Lecerf, Jean-Yves Leconte, Antoine Lefèvre, Mme Hélène Lipietz, MM. Roger Madec, Jean Louis Masson, Michel Mercier, Jacques Mézard, Thani Mohamed Soilihi, Hugues Portelli, André Reichardt, Alain Richard, Simon Sutour, Mme Catherine Troendle, MM. René Vandierendonck, Jean-Pierre Vial, François Zocchetto .

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

267 (2012-2013)

RAPPORT

Mesdames, Messieurs,

Réunie le 30 janvier 2013, sous la présidence de M. Jean-Pierre Sueur, président, la commission a examiné le rapport de Mme Catherine Troendle sur la proposition de résolution européenne n° 267 (2012-2013) sur la proposition de directive relative à un meilleur équilibre hommes-femmes parmi les administrateurs non exécutifs des sociétés cotées en bourse et à des mesures connexes (E 7881) 1 ( * ) .

La commission avait adopté la proposition de résolution européenne à l'initiative de Mme Catherine Troendle, le 16 janvier 2013.

Après que le président a constaté qu'aucun amendement n'avait été déposé, un débat s'est instauré sur les critiques portées par la proposition de résolution à l'encontre des dispositions de la proposition de directive destinées à encadrer le processus de nomination des administrateurs de sociétés. Au-delà de l'approbation de l'objectif de féminisation des instances dirigeantes des grandes entreprises, certains membres de la commission ont considéré en effet qu'il convenait, comme le proposait le rapporteur, de défendre la conception française du droit des sociétés, qui semblait quelque peu ignorée par la proposition de directive, tandis que d'autres membres de la commission déploraient ces critiques, estimant qu'elles risquaient d'affaiblir la portée de la résolution.

L'ensemble de la commission a néanmoins partagé les orientations de la proposition de résolution, dans la continuité du débat qui s'est tenu lors de sa présentation par Mme Catherine Troendle le 16 janvier 2013.

Par conséquent, en application de l'article 73 quinquies du règlement, la commission a adopté sans modification la proposition de résolution dont le texte est reproduit ci-après.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à un meilleur équilibre hommes-femmes parmi les administrateurs non exécutifs des sociétés cotées en bourse et à des mesures connexes (E 7881),

Vu la loi n° 2011-103 du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance et à l'égalité professionnelle,

Considérant que l'attribution d'une place plus importante aux femmes dans la direction et les conseils des sociétés est une exigence nécessaire économiquement comme socialement,

Considérant que, compte tenu de la lenteur des évolutions spontanées et des insuffisances de l'autorégulation des entreprises dans ce domaine, il est désormais pertinent d'intervenir par l'adoption de règles législatives contraignantes,

Considérant que, par la loi du 27 janvier 2011 précitée, la France s'est dotée d'une législation avancée et ambitieuse de nature à faire véritablement progresser la place des femmes au sein des conseils d'administration et de surveillance des sociétés, en prévoyant une obligation de représentation d'au moins 40 % pour chaque sexe sous peine de sanctions appropriées,

Considérant qu'une harmonisation des règles nationales en matière de composition équilibrée des conseils entre les hommes et les femmes permet de réduire les disparités réelles entre les États membres et d'égaliser les conditions économiques et les contraintes de composition des conseils pour les grandes sociétés européennes,

Souhaite l'adoption de règles européennes ambitieuses et contraignantes de nature à permettre d'accroître réellement la présence des femmes dans les conseils des sociétés,

Adhère pleinement aux objectifs énoncés par la proposition de directive précitée, notamment à l'obligation de représentation de chaque sexe dans les conseils à hauteur d'au moins 40 % et à l'instauration de règles contraignantes pour les entreprises,

Approuve le principe d'harmonisation minimale figurant dans la proposition de directive, qui permettra à la France de conserver sa législation plus ambitieuse, notamment du point de vue du périmètre des sociétés concernées par l'obligation légale de mixité,

Souhaite que la proposition de directive retienne, dans la définition de la société cotée posée à l'article 2, la notion de siège social et non de siège statutaire et la notion d'actions et non de valeurs mobilières, afin d'identifier de manière plus pertinente, fiable et pérenne l'ensemble des sociétés entrant dans le champ des obligations posées,

Désapprouve les mesures figurant à l'article 4, paragraphes 1, 3, 4 et 5, destinées à encadrer le processus de recrutement des administrateurs, inadaptées à la réalité, fortement intrusives dans l'organisation des sociétés privées et sans doute contraires au principe constitutionnel de la liberté d'entreprendre, même si la France pourrait en être exonérée en vertu de l'article 8, paragraphe 3, grâce à l'adoption de la loi du 27 janvier 2011 précitée,

Désapprouve également les facultés d'exonération totale ou partielle offertes par l'article 4, paragraphes 6 et 7, dont l'utilité réelle n'est pas avérée, mais qui affaiblissent la portée de la proposition de directive,

Souhaite le retrait des obligations d'engagements individuels des sociétés cotées concernant les administrateurs exécutifs, figurant à l'article 5, paragraphe 1, dans la mesure où leur portée juridique est incertaine et discutable et leur impact pratique vraisemblablement très modeste, alors qu'elles imposent des contraintes formelles supplémentaires inopérantes au regard de l'objectif de féminisation de la direction des entreprises,

Invite à une clarification de l'article 5, paragraphe 3, et de l'article 6, de façon à ce que toutes les sociétés qui ne respecteraient pas les objectifs contraignants de mixité dans leurs conseils soient effectivement concernées par les sanctions prévues et ne puissent pas s'y soustraire en avançant des motifs pour justifier qu'elles n'ont pas pu atteindre ces objectifs,

Demande l'intégration dans la proposition de directive de dispositions spécifiques concernant l'équilibre entre les hommes et les femmes pour les administrateurs représentant les salariés, compte tenu de leurs modalités particulières de désignation.

EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 30 JANVIER 2013

______

Mme Catherine Troendle, rapporteur . - Mon rapport a été présenté en commission il y a quinze jours. Aucun amendement n'a été déposé. Je propose donc l'adoption de la proposition de résolution, sous réserve d'une remarque : le texte de cette directive est a minima par rapport au droit français. Mais compte tenu des réticences de certains pays, il est sans doute préférable de procéder ainsi pour fédérer petit à petit les pays autour de cette question.

M. Simon Sutour . - Considérant que cette directive était un bon texte, la commission des affaires européennes n'a pas souhaité l'examiner. J'étais moi-même absent il y a quinze jours : maintenant, il est trop tard pour déposer un amendement ! Je voterai la proposition, mais je crains que son point 13 n'affaiblisse la proposition de résolution : [le Sénat] « désapprouve les mesures figurant à l'article 4, destinées à encadrer le processus de recrutement des administrateurs, inadaptées à la réalité, fortement intrusives dans l'organisation des sociétés privées et sans doute contraires au principe constitutionnel de la liberté d'entreprendre ».

M. Jean-Jacques Hyest . - Réjouissons-nous de ce que la législation française ait servi de modèle à cette proposition de directive.

La Commission européenne a une réelle difficulté à appréhender le droit des sociétés. Chaque pays a ses spécificités en la matière, et le risque de trop encadrer n'est pas négligeable. Quid , par exemple, de la notion de siège statutaire ? Quid des administrateurs salariés ? Quant aux sociétés à directoire ou conseil de surveillance, il est difficile de les mettre dans le même sac. Quid encore de la notion de valeur, des actions et obligations ? Sur tous ces points, la directive laisse à désirer... L'objectif de fond, c'est qu'il n'y ait pas plus de 60 % d'administrateurs d'un même sexe dans les conseils d'administration : il s'agit de favoriser la parité et l'émergence des responsabilités quel que soit le sexe : c'est une très bonne chose. De toute façon, si la directive est approuvée, nous sommes en règle : félicitons-nous en.

Cela dit, je demeure méfiant sur l'harmonisation du droit des sociétés. Avec des systèmes aussi différents, l'entreprise est très délicate. La désignation des administrateurs ne se passe pas de la même façon dans tous les pays.

Je pense qu'il faut laisser dans la résolution tout ce qui s'y trouve.

Mme Hélène Lipietz . - Nous avons pris comme objectif la parité, soit un homme pour une femme. Parler de « meilleur équilibre entre les hommes et les femmes » aurait constitué un meilleur objectif. Nous avons une vision extrêmement égalitariste de la parité, la vision de l'Europe est plus pragmatique et nous fait passer pour des passionarias ! Ce que nous voulons, c'est une amélioration de la situation. Mais nous y reviendrons...

M. Pierre-Yves Collombat . - Pour une fois que la commission est en retrait sur une question de libéralisme, je soutiendrai la position de M. Sutour : nous n'avons aucune raison de nous élever contre des mesures « fortement intrusives dans l'organisation des sociétés privées ». Ce point 13 mériterait en effet d'être supprimé.

M. Jean-Jacques Hyest . - Certainement pas.

M. Jean-Pierre Sueur, président . - Cette discussion est fort intéressante. J'observe cependant qu'aucun amendement n'a été déposé, et que le délai limite est dépassé.

M. François Zocchetto . - La proposition de directive est moins stricte que le texte français. A l'époque, nous avions eu une discussion sur les seuils. La proposition de directive ne retient que les sociétés cotées de plus de 250 salariés réalisant plus de 50 millions d'euros de chiffre d'affaires ou dont le bilan total atteint 43 millions d'euros. Considérant que de très nombreuses sociétés cotées ont moins de 250 salariés, compte tenu de leur structure en holding, nous avions retenu toutes les sociétés cotées.

Toutes les holdings seront-elles exclues de la proposition de directive ? J'ai l'impression que beaucoup de sociétés vont passer à travers les mailles du filet...

Mme Catherine Troendle, rapporteur . - Je me suis longuement expliquée il y a quinze jours. Je comprends les arguments de MM. Sutour et Collombat, mais il n'existe rien de tel dans le droit français. Ce qui me semblait difficile à appliquer, c'est le partage des candidats ayant exactement le même niveau de qualification. Il fallait établir des critères clairs, univoques, et si ce n'était pas possible, choisir au bénéfice du sexe sous-représenté. La personne qui n'aurait pas été retenue aurait eu la possibilité de demander au conseil d'administration de justifier son choix. Cela allait très loin, et c'est pourquoi je vous ai proposé une réserve.

La proposition de résolution est adoptée sans modification.

M. Jean-Pierre Sueur, président . - En application de l'article 73 quinquies du règlement, cette résolution deviendra résolution du Sénat dans un délai de trois jours francs, sauf s'il est demandé qu'elle soit soumise à l'assemblée plénière.

ANNEXE - LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Ministère de l'économie et des finances

M. Alexis Zajdenweber , conseiller chargé du secteur financier au cabinet du ministre de l'économie et des finances

M. Charles Sarrazin , chef du bureau de la stabilité financière, de la comptabilité et de la gouvernance des entreprises, service du financement de l'économie, direction générale du Trésor

Ministère de la justice

Mme Aude Ab-Der-Halden , sous-directrice du droit économique, direction des affaires civiles et du sceau

Mme Gersende Soler , rédactrice au bureau du droit commercial, sous-direction du droit économique, direction des affaires civiles et du sceau

Secrétariat général des affaires européennes (SGAE)

M. Jean-François Bourdais , chef du secteur TESC (travail, emploi, politique sociale, santé, éducation, culture, audiovisuel et sport)

Mme Danièle Rozenblum , adjointe au chef du secteur TESC

M. Guillaume Fuchs , adjoint au chef du secteur Parlements

Autorité des marchés financiers (AMF)

M. Benoît de Juvigny , secrétaire général

M. François-Régis Benois , division de la régulation des sociétés cotées, direction de la régulation et des affaires internationales

Mme Delphine Charrier-Blestel , direction des émetteurs

Mouvement des entreprises de France (MEDEF)

M. Frédéric Crépin , directeur juridique de Vivendi, membre du bureau de la commission du droit de l'entreprise

Mme Joëlle Simon , directrice des affaires juridiques

Association française des entreprises privées (AFEP)

Mme Stéphanie Robert , directeur

Mme Odile de Brosses , directrice du service juridique


* 1 Cette proposition de résolution est consultable avec son exposé des motifs à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/leg/ppr12-267.html

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