Rapport n° 370 (2012-2013) de M. Michel BILLOUT , fait au nom de la commission du développement durable, déposé le 20 février 2013

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N° 370

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 20 février 2013

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire (1) sur la proposition de loi de Mme Laurence COHEN et plusieurs de ses collègues permettant l' instauration effective d'un pass navigo unique au tarif des zones 1-2 ,

Par M. Michel BILLOUT,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Raymond Vall , président ; MM. Gérard Cornu, Ronan Dantec, Mme Évelyne Didier, MM. Philippe Esnol, Alain Houpert, Hervé Maurey, Rémy Pointereau, Mmes Laurence Rossignol, Esther Sittler, M. Michel Teston , vice-présidents ; MM. Pierre Camani, Jacques Cornano, Louis Nègre , secrétaires ; MM. Joël Billard, Michel Billout, Jean Bizet, Vincent Capo-Canellas, Yves Chastan, Philippe Darniche, Marcel Deneux, Michel Doublet, Jean-Luc Fichet, Jean-Jacques Filleul, Alain Fouché, Francis Grignon, Mme Odette Herviaux, MM. Benoît Huré, Daniel Laurent, Alain Le Vern, Mme Hélène Masson-Maret, MM. Jean-François Mayet, Stéphane Mazars, Robert Navarro, Charles Revet, Roland Ries, Yves Rome, Henri Tandonnet, André Vairetto .

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

560 (2011-2012) et 371 (2012-2013)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

L'engagement de la majorité au Conseil régional d'Île-de-France pour mettre en place un Pass Navigo au tarif unique de la zone 1 et 2 répond à la conjonction de deux crises particulièrement sévères et devenues chroniques dans la région capitale : la crise du logement, où la flambée des prix de l'immobilier contraint des ménages à habiter aux franges de l'espace régional, toujours plus loin des pôles d'emplois ; la saturation des réseaux de transports, aussi bien routiers que ferroviaires. Celle-ci se traduit par une détérioration de la qualité de service qui durera encore une dizaine d'années, quand bien même des investissements importants sont entrepris.

Le constat est unanimement partagé : les populations « éloignées » du centre de la métropole ne disposent pas d'une offre suffisante de transports collectifs, alors qu'ils paient leur transport plus cher que les populations du centre ; les investissements ont été si longtemps retardés dans le réseau francilien, que le rattrapage n'aura pas lieu avant une dizaine d'années, malgré les efforts très importants entrepris récemment. Dans ces conditions, l'unification tarifaire représente la meilleure façon d'agir au présent, dans le sens de l'équité et de la justice sociale. Cependant, et c'est également un engagement de la majorité régionale, cet effort tarifaire ne doit pas obérer l'amélioration de l'offre et de la qualité de service, qui sont la première priorité des Franciliens.

Il faut donc une ressource dédiée à la réforme tarifaire : c'est l'objet de cette proposition de loi, qui harmonise le plafond de versement transport sur l'ensemble du territoire régional.

Ce faisant, elle apporte une réponse concrète et solidaire aux Franciliens, dont la perspective n'est pas celle des gestionnaires, revigorés par les investissements en cours et légitimement inquiets de l'édification du « Grand Paris », mais bien celle d'usagers qui se demandent encore trop souvent pourquoi tel train est « retardé », tel autre « annulé pour avarie de matériel », ou encore pourquoi celui qui arrive sur le quai est si surchargé qu'il vaut mieux renoncer à y entrer. En effet, pour les usagers quotidiens des transports collectifs en Île-de-France, le Pass Navigo unique, valable sur l'intégralité du réseau et au tarif actuel des zones 1-2, - soit 65,10 euros au lieu de 113 euros en grande couronne - est une forme de compensation, en plus d'être, pour les gestionnaires, une solution simple, efficace et finalement économe des ressources. Pour parvenir à ce Pass Navigo unique, l'harmonisation du versement transport est la solution la plus crédible et équitable, compte tenu du « tour de table » financier des transports publics tel qu'il existe aujourd'hui.

Pour mieux tenir compte de la densité des réseaux de transports collectifs, votre rapporteur a souhaité limiter l'harmonisation du versement transport aux seules zones 1 et 2, c'est-à-dire aux 412 communes de « l'unité urbaine de Paris » au sens de l'INSEE, où habitent 85 % des Franciliens. La recette supplémentaire en serait d'environ 500 millions d'euros (à condition qu'en grande couronne le plafond soit porté à ce qu'il est dans les métropoles régionales), ce qui correspond au financement du Pass Navigo unique au tarif des zones 1-2. La charge pour les entreprises serait alors d'environ 380 à 400 millions, et progressive sur trois ans, compte tenu de l'allègement du remboursement par les employeurs aux salariés de la moitié du Pass Navigo.

Cette proposition de loi prévoit également, à son article 2, de réexaminer l'assiette du versement transport, pour faire face aux défis de l'investissement et de l'exploitation des transports collectifs en Île-de-France : ce sera nécessaire en tout état de cause.

Cependant, votre commission, lors de sa réunion du 20 février 2013, a repoussé cet aménagement, avant de rejeter les trois articles et l'ensemble de ce texte. En conséquence, cette proposition de loi sera examinée en séance publique dans sa rédaction initiale.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. UNE DOUBLE CRISE DU LOGEMENT ET DES TRANSPORTS EN ILE-DE-FRANCE

A. LA CRISE DU LOGEMENT SE TRADUIT PAR L'ÉVICTION D'UNE POPULATION, TOUJOURS PLUS NOMBREUSE AUX FRANGES DE L'AGGLOMÉRATION

Le fait est suffisamment connu pour qu'on se contente ici de l'évoquer : la crise du logement en Ile-de-France, ancienne et sévère, oblige de plus en plus de ménages à habiter loin du centre de l'agglomération où se concentrent pourtant les emplois.

La construction est insuffisante depuis des décennies en Île-de-France, plus encore que dans les métropoles régionales 1 ( * ) . Les causes en sont multiples, de la cherté du foncier jusqu'aux réticences à densifier, lesquelles sont parfois liées aux appréhensions des besoins de services consécutifs. Les villes nouvelles ont pu servir ici de contre exemple, où l'on a construit beaucoup sans que les emplois ne suivent, rendant illusoire le « rééquilibrage » de l'Île-de-France.

Le report des ménages vers les franges de la métropole est un phénomène massif et très marqué des trois dernières décennies . A mesure que les prix ont flambé en coeur d'agglomération 2 ( * ) et que la rotation dans le parc HLM diminuait, les ménages les classes moyennes ont dû aller habiter plus loin du centre, en particulier les familles nombreuses, et le « coeur d'agglomération » leur est devenu définitivement inaccessible.

L'éviction du centre de l'agglomération s'accompagne d'une spécialisation toujours plus forte des territoires franciliens : l'Île-de-France est une région riche où les inégalités territoriales se creusent 3 ( * ) . Plus encore que par sa richesse moyenne, la région capitale se distingue par ses écarts de richesse entre « les riches » et « les pauvres » : pour les populations comme pour les territoires, les écarts de revenus se creusent et mettent à mal la cohésion de l'espace francilien. En Ile-de-France, la concentration des emplois est bien plus élevée que celle des actifs : en moyenne, la région compte 105 emplois pour 100 actifs occupés, mais les écarts sont élevés entre Paris, avec 164 emplois pour 100 actifs occupés, les Hauts-de-Seine 125 et, de l'autre côté, l'Essonne et la Seine-et-Marne avec respectivement 78 et 74 emplois pour 100 actifs occupés 4 ( * ) . Dans les départements de la grande couronne, 40 % des actifs travaillent en dehors de leur département et 24 % passent une heure ou plus en déplacement domicile-travail.

De ce fait, les transports collectifs occupent une place centrale dans la vie des Franciliens : ils utilisent autant les transports en commun que leur voiture pour se rendre au travail 5 ( * ) , alors qu'en province, la voiture est utilisée dans 80 % des cas.

Ici encore, cet aspect de la métropolisation a été rapide : la comparaison des cartes montre un changement profond des déplacements domicile-travail sur les trois dernières décennies, le centre de l'agglomération, - et surtout Paris et le pôle de la Défense -, fonctionnant comme une véritable « pompe aspirante » pour l'emploi à l'échelle de la région et au-delà 6 ( * ) .

B. DES INVESTISSEMENTS IMPORTANTS DANS LES RÉSEAUX DE TRANSPORTS, QUI FONT ESPÉRER UN RATTRAPAGE... DANS LA DÉCENNIE 2020

1. Des réseaux franciliens saturés, qui accueillent toujours plus de voyageurs

L'Ile-de-France représente 2 % du territoire national, 20 % de la population, 30 % du PIB et 40 % des circulations ferroviaires : ces chiffres résument la densité de la région capitale ainsi que le rôle qu'y prennent les transports collectifs. Mais ils ne disent pas en eux-mêmes cette réalité vécue par les Franciliens : le réseau est de plus en plus saturé et il est bien souvent régulé par la contrainte, quand les retards et l'inconfort découragent les usagers.

Le constat est unanime : il faut agir d'urgence pour décongestionner les réseaux de transports collectifs franciliens . L'Assemblée nationale y a consacré l'an passé une commission d'enquête, et un rapport édifiant 7 ( * ) ; nos collègues y constatent les retards quotidiens, les défaillances de gestion, le nombre insuffisant de rames, les correspondances peu coordonnées, les défauts d'information des voyageurs, de propreté, de sécurité, aussi bien que les conséquences de ce RER « à bout de souffle » sur la vie quotidienne des Franciliens - le temps de transport qui s'accroît, le stress, ou encore des stratégies résidentielles contraintes. Fin 2010, la Cour des comptes avait établi des constats similaires et préconisé des réformes d'ensemble, en particulier sur le financement des infrastructures et du fonctionnement 8 ( * ) .

Ici encore, les chiffres montrent que la pression de la demande n'est pas prête à s'atténuer, mais qu'elle va plutôt continuer de s'accroitre dans les années à venir . On comptait 6 millions de déplacements quotidiens en transports publics en 1976, 6,2 en 1983, 6,7 en 1991, 6,8 en 2001 et 8,3 millions en 2010 : entre 2001 et 2010, la progression a donc été de 20 % 9 ( * ) , après une décennie 1990 de quasi-stagnation . L'Observatoire de la mobilité en Ile-de-France y voit « une rupture de tendance majeure », qui a concerné tous les modes de transports collectifs, et tout particulièrement les modes ferrés. Ce dynamisme de la croissance tient bien sûr au développement de l'offre, qui a été accéléré depuis la régionalisation de 2005. Cependant, comme l'atteste le tableau ci-après, l'offre a progressé moins vite, d'où l'effet accru de saturation 10 ( * ) .

OFFRE ET DEMANDE EN TRANSPORTS COLLECTIFS

(en millions)

Nombre de déplacements utilisant...

2001

2010

Évolution

Évolution 2001-2010 de l'offre

...le RER

2,2

2,4

9 %

8 %

...le train de banlieue

0,75

0,93

23 %

9 %

...le métro

3,3

4,1

25 %

14 %

...le tramway

N.S

0,32

N.S

242 %

...le bus Paris

0,91

0,98

7 %

4 %

...le bus banlieue RATP

1,5

1,7

16 %

8 %

...le bus banlieue Optile

0,67

0,85

27 %

36 %

Nota : un déplacement en transports collectifs peut utiliser plusieurs modes, le total est donc supérieur à 8,3 millions en 2010.

Source : Omnil

Ensuite, outre que les déplacements sont devenus massifs pour d'autres motifs que le travail et les études - en particulier les loisirs et les achats -, et que l'usage des transports collectifs a gagné beaucoup d'importance en dehors des heures de pointe en semaine 11 ( * ) , la pression de la demande a toutes chances de s'accentuer dans les années à venir . Le plan de déplacement urbain (PDU) régional table sur une nouvelle hausse de 20 % dans la décennie 2010 , mais il se pourrait bien que cette perspective ne tienne pas suffisamment compte de l'effet attractif de l'offre nouvelle, autant que des facteurs économiques et sociaux.

La régularité horaire des transports collectifs franciliens a « décroché » ces dernières années : sur le RER A, seuls 85,6 % des voyageurs arrivent à leur gare de destination à l'heure ou avec un retard de moins de 5 minutes, ce qui a valu un « malus » de plusieurs millions d'euros à la RATP, conformément au contrat signé avec le Stif où l'objectif est de 94 % pour ce niveau de ponctualité. Sur les RER C et D, qui ont gagné 22 % de voyageurs entre 2003 et 2011, cette ponctualité est pareillement insatisfaisante (84,2 % pour le D). Si la ponctualité s'améliore cependant sur certaines lignes (elle était par exemple de 78 % sur le RER B en 2009), ces moyennes recouvrent des disparités très fortes entre segments d'une même ligne et, surtout, entre les moments du service : il suffit d'un incident pour que des retards importants pénalisent des milliers de personnes et pour que l'emporte l'impression générale que « les transports sont toujours en retard », quoiqu'en dise la communication des opérateurs.

La difficulté d'obtenir des résultats probants malgré les efforts importants déployés par les opérateurs révèle, par elle-même, l'ampleur de la saturation du réseau.

2. Des investissements importants, pour un rattrapage dans une dizaine d'années

Le président de la RATP l'a reconnu devant les députés : malgré la relance des investissements, le retard accumulé est tel que « pendant les dix ans à venir, la situation restera tendue » 12 ( * ) .

La régionalisation de 2005 s'est traduite par une relance des investissement s. Ainsi, entre 2006 et 2011, la RATP a consacré 8 milliards d'euros d'investissements, la SNCF a doublé son rythme annuel d'investissements (le faisant passer de 300 à 600 millions d'euros) et RFF a initié des programmes de rénovation sans précédent. Le rythme s'est encore accéléré : le RATP a contractualisé avec le Stif pour 6,5 milliards d'euros d'investissements entre 2012 et 2015, soit 1,65 milliard par an, et la SNCF atteindra en 2015 un rythme de 1,2 milliard d'euros annuels.

Les étapes de cette mobilisation illustrent la convergence des acteurs publics sur les projets - « Grand Paris » porté par l'État et « Plan de mobilisation » porté par la région -, processus certes trop lent mais qui paraît désormais irréversible.

En 2007, l'État et la Région concluent un contrat de projets dont le volet « transports » comprend 3,6 milliards d'euros consacrés : pour 2,2 milliards, à poursuivre les opérations du précédent contrat de plan État-Région 13 ( * ) ; pour 500 millions, à moderniser le réseau existant, en particulier les RER ; pour 460 millions, à un programme de fret fluvial ou ferroviaire ; pour 400 millions à un programme de développement de nouveaux projets.

En 2008, le Plan Espoir Banlieues, pour désenclaver les « quartiers sensibles », abonde de 440 millions supplémentaires les travaux du T4, du tram-train-Massy-Evry (TTME), la Tangentielle Nord et le Barreau de Gonesse.

En 2009, la Région approuve le Plan de mobilisation des transports , document cadre qui priorise les projets et leurs financements pour mettre en oeuvre le Plan de déplacement urbain réalisé à l'échelle de la région. Ce plan vise un investissement global de 19 milliards d'euros avant 2020, dont près de 7 milliards pour la mise en accessibilité du réseau et le renouvellement du matériel roulant. A ces dépenses s'ajoutent 5,5 milliards pour le renouvellement et la rénovation du matériel roulant et 2 milliards d'investissements dans les transports en commun en site propre (TCSP) dans le cadre de contrats associant la région et les départements.

Le tableau suivant illustre bien l'ampleur des projets du Plan de mobilisation, l'implication des différents échelons territoriaux, mais également son caractère partiel par rapport aux priorités mêmes qui ont été identifiées par la région : le Plan de mobilisation ne couvre pas l'ensemble des actions inscrite au plan de déplacements urbains - en particulier pour la rénovation du matériel roulant et pour des raccordements aux réseau ferré.

LES ACTIONS DU PLAN DÉPLACEMENT URBAIN EN ÎLE-DE-FRANCE

Source : Stif

Fin 2010, les débats publics relatifs aux projets « Arc Express » et « Réseau du Grand Paris », conduits depuis l'automne sous l'égide de la commission nationale du débat public (CNDP), mettent l'accent sur la nécessité de conduire de front les deux projets qui avaient pu passer pour concurrents, voire alternatifs : les pouvoirs publics s'accordent sur la fusion des deux projets au sein du Grand Paris Express, « supermétro automatique régional » de 200 kilomètres réalisé conjointement par la Société du Grand Paris (SGP) et par le Stif, mais également sur l'amélioration urgente des infrastructures existantes, en particulier le réseau RER.

Début 2011, l'État et la région signent un protocole relatif aux transports publics en Île-de-France , qui consacre cette convergence de vues et qui tâche d'ordonner les projets d'investissements dans la région capitale.

D'un montant global de 22,7 milliards d'euros entre 2011 et 2025 , ce protocole constitue une « base large » où les deux signataires s'accordent sur le principe de liaisons nouvelles (un « Arc » pour chacune des directions cardinales) avec une quarantaine de gares nouvelles, constatent leur désaccord sur la desserte du plateau de Saclay 14 ( * ) et décident d'unir leurs efforts sur des projets dont la liste est annexée au protocole et dont le montant, de 32,4 milliards d'euros en quinze ans, dépasse même ce protocole. L'État et la région décident d'infléchir en conséquence leurs programmes respectifs d'investissements pour la période 2011-2013, correspondant à l'achèvement du contrat de projet en cours.

La perspective de l'endettement pour le Stif, indispensable pour financer l'amélioration de l'offre et de la qualité de service

Le Stif souligne l'importance que pourrait prendre l'endettement 15 ( * ) : alors qu'il n'est pas endetté aujourd'hui, sa dette pourrait atteindre 3 milliards d'euros en 2020, entraînant des annuités de 210 millions.

En effet, les investissements déjà programmés s'élèvent à 2,843 milliards d'euros d'ici 2020 et se répartissent selon l'échéancier suivant :

Source : Stif

D'autres dépenses viendront s'y ajouter, en particulier :

- l'acquisition de rames nouvelles RER, dont 71 rames liées au prolongement du RER E à l'ouest ;

- l'acquisition de nouvelles rames de métro pneu, conformément au Schéma Directeur des matériels de Métro Pneu, dont 35 rames à 8 voitures pour l'augmentation de capacité sur la ligne 14 ;

- l'acquisition des rames nécessaires à la mise en service de la Tangentielle nord.

Au total, le coût estimé pour le Stif des nouveaux projets de matériel roulant à venir l'élèverait à près de 2 milliards d'euros. Dans ces estimations, le Stif ne prend pas en compte les lignes nouvelles du Grand Paris, faute de savoir lesquelles seraient en service à l'horizon 2020.

Face à ces besoins d'investissement, le Stif estime qu'il pourra en autofinancer 1,357 milliard d'euros, ce qui l'obligerait à emprunter 3,447 milliards d'euros. En faisant l'hypothèse que le Stif emprunte à un taux de 4,5 % sur 30 ans (amortissement du capital constant), les charges seraient les suivantes :

Source : Stif

Ces différents éléments démontrent qu'un véritable tournant a bien eu lieu : les pouvoirs publics se mobilisent pour le réseau des transports collectifs en Ile-de-France, pour rattraper plusieurs décennies d'insuffisances et alors que le trafic augmente.

Cependant, devant la rareté des moyens, des difficultés d'arbitrage ne manquent pas de se produire entre les « grands projets » et les améliorations immédiates . La SNCF met en avant sa priorité pour « les trains du quotidien » et même son projet d'un « Grand Paris d'aujourd'hui », programme d'un montant de 600 millions d'euros pour améliorer le fonctionnement des trains de banlieue en douze mois. Cependant, les incertitudes sur le financement des projets ravivent les tensions entre le développement du réseau et l'amélioration de celui d'aujourd'hui, alors même que les deux sont nécessaires et se complètent en bien des points.

Quoiqu'il en soit, les opérateurs reconnaissent que l'amélioration effective du service , surtout quand elle est liée à des travaux d'envergure - comme le doublement du tunnel entre Châtelet et la Gare du Nord, estimé à plus d'un milliard d'euros et envisageable seulement à l'horizon 2018 à 2020 -, n'aura pas lieu avant la fin de la décennie . La concertation a du reste fait apparaître un débat entre les partisans d'une fermeture complète mais courte de certaines lignes, pour que la gêne ne dure pas longtemps, et ceux qui prônent des travaux plus longs mais sans fermeture, quitte à ce que la gêne dure quelques années...

II. UNE RÉFORME TARIFAIRE INCOMPLÈTE ET DES RESSOURCES À TROUVER POUR LE RATTRAPAGE

A. UNE RÉFORME TARIFAIRE ENGAGÉE MAIS ENCORE INCOMPLÈTE

1. Une réforme nécessaire et déjà engagée

Elément central pour l'exploitation du réseau, la politique tarifaire souffre en Ile-de-France d'une complexité certaine, liée aux diverses strates de sa constitution. De nombreuses mesures sont intervenues ces dernières années, mais elles sont loin d'épuiser le sujet de la réforme tarifaire, qui a fait l'objet d'un protocole fin 2011 dont le Pass Navigo unique est l'un des points.

Depuis 2006, le Stif a pris de nombreuses mesures tarifaires pour « dézoner » et mettre en place une tarification sociale :

- en octobre 2006, la réduction des « forfaits solidarité transport » passe de 50 % à 75 % (coût annuel : 56 millions d'euros) ;

- en avril 2007, mise en place du « forfait gratuité transport » pour les RMIstes (coût annuel : 28 millions d'euros) ;

- en juillet 2007, la correspondance devient gratuite de bus à bus, et de bus à tram, sans « paliers tarifaires », grâce au ticket t+ (coût annuel : 25 millions d'euros) ;

- en juillet 2007, les zones 6 à 8 sont fusionnées (coût annuel 5 millions d'euros) ;

- en décembre 2008, le « forfait gratuité transport » est étendu aux foyers des titulaires de l'allocation parent isolé (API) et aux personnes bénéficiant simultanément de l'allocation de solidarité spécifique (chômeurs de longue durée) et de la couverture maladie universelle (coût annuel 4 millions d'euros)

- en juillet 2011, les zones 5 et 6 du Pass Navigo sont fusionnées (coût annuel 20 millions d'euros) ;

- en octobre 2011, les jeunes déscolarisés suivant certains cursus d'insertion sociale et professionnelle bénéficient de la gratuité pendant la durée de leur cursus (coût annuel 6 millions d'euros) ;

- en septembre 2012, « dézonage les week end et jours fériés » : les utilisateurs de certains forfaits (Navigo mois et annuel, forfait solidarité transport) peuvent circuler dans toute la région pendant les week-ends et jours fériés (coût annuel 26 millions d'euros) ;

- en janvier 2013, les compléments de parcours sont initiés : lorsqu'ils sortent de leur zone d'abonnement, les utilisateurs de forfaits ne paient que le supplément pour la partie hors des zones de leur forfait (coût évalué à 11 millions d'euros annuels)

Au total, le coût annuel de ces mesures est passé de 114 millions d'euros en 2008 à 181 millions en 2013.

L'analyse de la structure tarifaire montre de fortes disparités dans la couverture des coûts par les usagers, mais également l'importance de l'usage hors abonnement.

- quatre millions d'usagers utilisent un « forfait long » comme titre principal de transport 16 ( * ) . L'ensemble de ces forfaits représente 80 % du trafic et 65 % des recettes 17 ( * ) .

- cinq millions d'usagers utilisent des billets ou des forfaits courts, qui représentent 20 % du trafic et 35 % des recettes.

Dans une analyse communiquée à votre rapporteur, le Stif souligne que la tarification francilienne est plus favorable :

- aux clients réguliers abonnés ;

- aux bénéficiaires de minima sociaux (Forfait gratuit) ;

- aux personnes âgées et handicapées ayant peu de ressources (Améthyste) ;

- aux jeunes scolarisés à partir du collège (forfait ImagineR) ;

- aux actifs salariés (remboursement du forfait par l'employeur) ;

- aux familles nombreuses et aux enfants de moins de 10 ans (bénéficiaires du demi-tarif sur les billets au voyage).

En revanche, la tarification francilienne est assez peu favorable aux chômeurs, aux personnes âgées, aux inactifs ayant des revenus moyens ou élevés et aux visiteurs non franciliens .

La couverture du coût de transport par le tarif connaît de fortes variations comme le montre le tableau ci-dessous :

PARTICIPATION DU VOYAGEUR AU COÛT DU TRANSPORT
(mars 2011)

Moyenne sur l'ensemble des titres

39 %

Ticket t+ unité (et ticket d'accès à bord)

77 %

Billets

Ticket t+ carnet plein tarif

55 %

Billet banlieue unité plein tarif

67 %

Billet banlieue carnet plein tarif

59 %

Forfaits courts

Mobilis

48 %

Navigo

36 %

- dont Navigo année 1-6

20 %

Forfaits longs

- dont Navigo semaine 1-2

63 %

Imagine'R

19 %

- dont ImR Etudiants 1-2

26 %

- dont ImR Etudiants 1-6

14 %

Source :Stif.

2. L'engagement pour un Pass Navigo unique, élément d'une réforme tarifaire plus large

Enoncé lors de la campagne pour les régionales de 2004, l'objectif d'une tarification unique du Pass Navigo est devenu un engagement de la liste victorieuse en 2010, pour une application à compter de 2013.

Aussi, fin 2011, le conseil d'administration du Stif a-t-il voté un voeu pour la mise en oeuvre d'une réforme tarifaire comprenant les éléments suivants :

- une réforme tarifaire globale qui préserve les équilibres financiers du Stif pour ne pas compromettre le développement de l'offre de transport et de la qualité de service, premières priorités des usagers des transports en Île-de-France ;

- la mise en oeuvre d'une tarification unique du Pass Navigo, par la suppression des zones tarifaires. Le voeu précise que le financement devra être assuré par des ressources supplémentaires à celles prévues pour renforcer l'offre et améliorer la qualité de service, et il cite « l'harmonisation du versement transport » ;

- la mise en place de forfaits de proximité pour se déplacer sur de courtes distances ou à moindre fréquence sur l'ensemble du réseau ;

- la mise en place d' un nouveau système tarifaire régi par des unités transports , pour moduler le coût du transport en fonction de différents critères (qualité de service, qualité de l'offre, tarification sociale, etc.) ;

- enfin, le développement de l'inter-opératibilité des titres de transport avec les autres modes de déplacement (vélos en libre service, parking relais, etc...).

La mise en place d'une tarification par unités de transports

Lors de son conseil d'administration du 13 février 2013, le Stif a adopté le dossier d'orientation relatif à « la modernisation de l'infrastructure billettique en Ile-de-France par la mise en place des unités de transports », première étape vers la mise en place d'unités de transports.

La tarification par unités de transports, inscrite au protocole du 7 décembre 2011 sur la réforme tarifaire, vise deux objectifs complémentaires, mais bien différents :

- la modernisation de la billettique : le système de ticket apparaît obsolète, le « porte monnaie électronique », rechargeable sur internet, est plus pratique pour la plupart des usagers et moins coûteux pour le gestionnaire ;

- une plus grande coïncidence, voire une adéquation entre le service consommé et le tarif payé par l'usager : soulignant que ce système existe déjà à Londres, à Tokyo, à Hong-Kong, aux Pays-Bas et au Danemark, le rapport Carrez souligne les avantages d'un tel système pour « mettre un terme à l'érosion du niveau de couverture [des coûts d'exploitation] par la politique de tarification ». En effet, les unités de transports pourront varier en fonction de nombreux critères, y compris le coût de l'infrastructure, de même que leur tarification, qui pourra être fonction de critères sociaux, aussi bien que de critères d'usage (heure, fréquence...).

La mise en place d'un système complet d'unités de transports représente un coût évalué à 120 millions, à quoi s'ajoutent 240 millions pour la rénovation des équipements actuels. Cette rénovation est présentée comme indispensable indépendamment des unités de transports, ce qui fait s'interroger sur les choix réalisés ces dernières années.

En fait, la tarification par unités de transports, qui nécessite des arbitrages importants sur le plan technique, n'est pas nécessairement synonyme de la disparition des tickets, qui pourront continuer de rendre des services utiles aux usagers. Le Stif paraît s'orienter vers le « tout électronique », en abandonnant le magnétique dont le coût de maintenance est important. Ce basculement est important et doit améliorer le service, aussi bien pour la souplesse d'usage que pour l'efficacité (à cet égard, les machines de vente de billets et de rechargement de Pass Navigo paraissent particulièrement peu efficaces, par comparaison à ce qui se fait dans les grandes métropoles étrangères, à Londres et à Tokyo en particulier).

D'après les informations recueillies par votre rapporteur, la mise en place du système complet demanderait cinq ans et le calendrier prévisionnel serait confirmé après une phase d'étude de 18 mois, incluse dans les cinq années et qui commence avec l'adoption du dossier d'orientation : la décision interviendrait donc à l'été 2014, pour une mise en place au début 2018 au plus tôt.

Le coût d'un Pass Navigo unique au tarif des zones 1-2 est évalué par le Stif à environ 500 millions d'euros . Ce chiffrage est sujet à caution, dès lors qu'il faut tenir compte d'inconnues, comme les ventes supplémentaires de Pass, mais aussi le basculement vers cette formule d'abonnement de la part d'usagers qui utilisent aujourd'hui des tickets.

Cependant, ce chiffrage a été établi en considérant les données disponibles de 2009, où l'on voit l'importance des Pass de Paris et de petite couronne sur l'ensemble des recettes (les Pass 1-2 et 1-3 représentent ensemble la moitié des recettes).

RÉPARTITION DES UTILISATEURS ET DES RECETTES D'ABONNEMENTS

Source : Stif

B. FINANCEMENT DES TRANSPORTS COLLECTIFS EN ILE-DE-FRANCE : LA QUADRATURE DU CERCLE

1. Des tensions sur toutes les lignes budgétaires

EXPLOITATION DES TRANSPORTS COLLECTIFS EN ÎLE-DE-FRANCE
RÉPARTITION DES CHARGES

Source : Stif

Ce tableau résume l'ensemble des coûts du réseau des transports collectifs en Ile-de-France et la répartition entre les différents contributeurs du « tour de table ».

Entre 2000 et 2011, le coût global a augmenté de 53,4 % passant de 5,43 à 8,33 milliards d'euros annuels .

Les évolutions sont très marquées entre 2004 et 2011, où le coût d'exploitation a augmenté de 24,8 %.

Qui a pris en charge l'augmentation de 2,06 milliards annuels entre 2004 et 2011 ?

- d'abord les contributions publiques (principalement la région), pour 792 millions : leur participation a quasiment doublé (+ 88 %) et leur part est passée de 14,3 % à 20,2 % ;

- ensuite les usagers, pour 744 millions : leur participation a progressé de 22,5 % ce qui est très proche de la progression d'ensemble (en conséquence, leur part est stable, à 39 %) ;

- enfin, les entreprises, le versement transport augmentant de 654 millions : leur participation a progressé de 20,9 %, légèrement en dessous de l'enveloppe globale, ce qui explique un léger recul de leur part, de 39,3 % à 37,4 %.

Ce niveau d'augmentation des coûts tient, bien entendu, à la « reprise en mains » du réseau et aux améliorations de l'offre de service. Mais il ne prend pas en compte les projets d'investissements tels qu'ils figurent dans le protocole d'accord.

On comprend, devant ces chiffres, la tension généralisée sur les ressources : comme cela se passe à l'échelle nationale avec le schéma national des infrastructures de transports (SNIT), les projets sont nombreux et les ressources sont si rares, que la compétition est ouverte entre eux, sans garantie de cohérence. Dans ce type de situation, le risque est grand que des dossiers l'emportent non pas parce qu'ils servent mieux le projet d'ensemble, mais pour des motifs de convenance (calendrier, coïncidence avec le « portage » par un élu, etc.). Autre risque : celui de privilégier des « grands projets » sur des actions qui, parce qu'elles sont moins chères, ont moins de « poids » dans les circuits de décision publique, quand bien même elles seraient plus utiles à la vie quotidienne des usagers.

2. Une réforme limitée du versement transport

La loi de finances rectificative pour 2010 18 ( * ) a réformé le découpage du versement transport, taxe créée en 1971 pour financer les transports collectifs en Ile-de-France et assise sur la masse salariale des entreprises privées et des administrations publiques employant au moins dix salariés. Depuis 1971, trois zones coïncidaient avec les limites départementales : Paris et les Hauts-de-Seine composaient la zone 1, avec un taux plafond à 2,6 %, les départements de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne formaient la zone 2, avec un taux plafond de 1,7 %, tandis que les trois départements de « grande couronne » constituaient la zone 3, avec un taux plafond de 1,4 %.

Le « redécoupage » intervenu en 2010, effectif seulement à compter de juillet 2013, a élargi la zone 2 au périmètre de l'unité urbaine de Paris 19 ( * ) (hors la zone 1) pour mieux tenir compte de l'accessibilité des lieux de travail, dont le versement représente la contrepartie. Le supplément de recette a été évalué à 100 millions d'euros .

La loi de finances pour 2013, ensuite, a relevé les trois plafonds de 0,1 point , les portant respectivement 2,7 %, 1,8 % et 1,5 %.

Ces deux modifications sont fidèles à « la modernisation » du versement transport proposée par Gilles Carrez dans le rapport qu'il a consacré en 2009 au financement du projet de transports en commun du Grand Paris.

Extrait du rapport de Gilles Carrez
sur le financement du projet de transports collectifs du Grand Paris (page 14)

L'évolution du VT sur la période 2010-2025 permet de dégager des ressources pour financer les besoins de fonctionnement.

Tout d'abord, le VT augmentera tendanciellement à taux constants, du fait de la croissance de la masse salariale accompagnant le développement économique régional : croissance du nombre d'emplois, croissance des salaires plus rapide que l'inflation. Ainsi, sur la période 2000-2008, ce phénomène s'est traduit par un rythme de + 1,1 point au-dessus de l'inflation.

La mission propose de tenir compte de l'impact du projet sur l'économie francilienne en revoyant ce rythme à la hausse, dans des proportions raisonnables : elle fait l'hypothèse d'une évolution tendancielle à taux constant du VT de +1,5 point au-dessus de l'inflation.

Parallèlement, la modernisation du VT paraît légitime pour deux raisons :

- la pertinence du zonage, conçu initialement pour prendre en compte la différence de niveau de service offert, n'est plus avérée face à la structure actuelle du réseau ; plus encore, il apparaît périmé dans la perspective de la mise en oeuvre du projet, prévoyant la réalisation de barreaux structurants en proche et moyenne couronnes ;

- le taux du VT appliqué dans les agglomérations de province est de 1,8  % : il est donc supérieur à celui s'appliquant en petite et grande couronnes franciliennes (hors Hauts-de- Seine), pour une part modale des transports collectifs comparable, voire inférieure.

Pour ces raisons, la mission propose :

- d'actualiser le zonage du VT, en intégrant en zone 2 l'ensemble de l'agglomération au sens de l'INSEE : sa morphologie est en bonne adéquation avec celle du réseau de transports ; à structure d'emplois et de salaires constante, cette mesure conduit à une augmentation du VT de 105 millions d'euros ;

- d'augmenter deux fois les taux de 0,1 point : une première fois en début de période avec stabilisation pendant 10 ans, puis une seconde fois en fin de période (2020) ; à structure d'emplois et de salaires constante, cette mesure conduit à un gain de VT de 135 millions d'euros entre 2010 et 2020, puis de 305 millions d'euros à partir de 2020.

Au bilan, la ressource dégagée sur la période 2010-2025 est de 11,9 milliards d'euros.

Source : rapport de la mission « Grand Paris - Financement du projet de transports » par Gilles Carrez, député, 30 septembre 2009.

La réforme, cependant, est-elle allée jusqu'à harmoniser le versement transport à l'ensemble de l'agglomération , comme le proposait le rapport Carrez ?

Le débat n'a pas été véritablement conduit, dès lors que le législateur, dans le cadre du collectif budgétaire 2010, s'est contenté de demander au Gouvernement de « tenir compte de l'unité urbaine de Paris ».

Techniquement, l'INSEE définit l'unité urbaine comme « une commune ou un ensemble de communes présentant une zone de bâti continu (pas de coupure de plus de 200 mètres entre deux constructions) qui compte au moins 2 000 habitants. » 20 ( * ) . Celle de Paris compte 412 communes 21 ( * ) et compte 10,46 millions habitants selon le recensement de 2008.

Cette notion est plus étroite que l'aire urbaine, définie par l'INSEE comme « un ensemble de communes, d'un seul tenant et sans enclave, constitué par un pôle urbain (unité urbaine) de plus de 10 000 emplois, et par des communes rurales ou unités urbaines (commune périurbaine) dont au moins 40 % de la population résidente ayant un emploi travaille dans le pôle ou dans des communes attirées par celui-ci . ». L'aire urbaine de Paris déborde de la région Île-de-France 22 ( * ) et compte, selon le recensement de 2008, quelque 12,08 millions d'habitants . L'aire urbaine traduit bien le double phénomène de métropolisation et de périurbanisation constaté au fil des recensements de la population. L'INSEE constate que « les emplois se concentrent davantage dans les grands pôles urbains, alors que de nombreux ménages font le choix de s'en éloigner. Résultat de ces deux effets conjugués, un grand nombre de communes entrent dans l'espace d'influence des grandes aires urbaines. La croissance des grands pôles urbains est forte, mais celle de leurs couronnes est encore plus marquée. » 23 ( * )

Dans le décret du 6 avril 2012 , le Gouvernement a finalement choisi de faire coïncider la zone 2 avec l'unité urbaine de Paris , hors la zone 1 elle-même : pour cette zone 2, qui compte 375 communes, le taux de versement transport est plafonné à 1,8 %, comme pour les métropoles en régions. Enfin, les quelque 960 autres communes franciliennes de grande couronne forment la « zone 3 », avec un plafond à 1,5 %.

3. Des pistes complémentaires souvent évoquées mais peu empruntées

La relance de l'investissement dans les transports collectifs franciliens nécessite de nouvelles sources de financement, pour les infrastructures aussi bien que pour l'exploitation elle-même. Après la Cour des comptes en 2010, le rapport Carrez multiplie les pistes de financement supplémentaires, sinon complémentaires.

Côté fonctionnement, les pistes consistent principalement à faire payer davantage les entreprises et les usagers, tout en demandant un effort supplémentaire de productivité aux opérateurs, avec l'idée « d'un parallélisme de l'effort demandé aux usagers, au monde économique, et aux contribuables - ainsi qu'aux opérateurs par le biais de la productivité » 24 ( * ) . Le rapport Carrez y ajoute le recours à l'emprunt, en particulier pour l'acquisition de matériels roulants et la mise en accessibilité du réseau.

Côté investissement, hors la poursuite de l'autofinancement, les pistes sont plus nombreuses, mais elles sont également plus lointaines :

- un élargissement de la taxe sur les locaux à usage de bureaux, de commerce et de stockage et une redevance sur la création de bureaux (RCB) ;

- une contribution des usagers de la route, via l'écotaxe poids lourds et des ressources nouvelles liées à la politique de stationnement, voire - pour la Cour des comptes - la création d'un péage urbain ;

- une taxe spéciale d'équipement additionnelle ;

- une augmentation de la taxe de séjour ;

- enfin, un prélèvement sur la valorisation foncière autour des gares.

Le rapport Carrez chiffre ces ressources d'investissement à 17,6 milliards sur 15 ans, ce qui est très optimiste compte tenu des modifications législatives nécessaires, et qui ne sont pas encore intervenues.

Dans son protocole pour une réforme de la tarification des transports en Ile-de-France de décembre 2011, le Stif reconnaît pour sa part que le développement de l'offre représente « un effort exigeant » 25 ( * ) . Il prévoit une clause de rendez-vous courant 2013, entre l'État et la région pour examiner la mobilisation des ressources suivantes :

- des ressources fiscales, pour un montant évalué à 5,53 milliards en provenance de la taxe annuelle sur les bureaux et de la taxe spéciale d'équipement instituée par le collectif budgétaire de 2010, ainsi que de ressources liées au foncier ou à la location de locaux commerciaux en gares ;

- la faculté pour la région de moduler la TIPP, conformément à la loi Grenelle II ;

- la possibilité pour la SGP de consentir des avances remboursables ;

- enfin, la possibilité « d'élargir les limites de la zone 1 du versement transport aux communes de petite couronne les mieux desservies par des moyens de transport public urbains de voyageurs. » 26 ( * )

III. L'OBJECTIF DE CETTE PROPOSITION DE LOI : MIEUX RÉPARTIR LE VERSEMENT TRANSPORT, POUR UNIFIER LA TARIFICATION SUR LE RÉSEAU

Le dispositif de cette proposition de loi est simple et à « double détente » : pour l'immédiat, elle harmonise le versement transport (VT) en Île-de-France, pour donner à la région les moyens d'un Pass Navigo unique au tarif des zones 1-2 ; pour la suite, elle prévoit de réexaminer l'assiette du versement transport, pour faire face aux défis de l'investissement et de l'exploitation des transports collectifs en Île-de-France.

A. UN VERSEMENT TRANSPORT UNIQUE, POUR UN PASS NAVIGO UNIQUE

L'article 1 er harmonise le plafond du VT sur l'ensemble de la région, en le portant au plafond de la zone 1, soit 2,6 % (pour mémoire, ce taux était le plafond lors du dépôt de la proposition de loi le 25 mai 2012 ; il a été relevé à 2,7% par la loi de finances pour 2013).

Compte tenu des changements de zonage réalisés par la loi de finances rectificative pour 2010, qui seront effectifs seulement à compter du 1 er juillet prochain (voir analyse de l'article 1 er ) cet article 1 er augmente de 0,9 point le plafond de la zone 2, et de 1,2 point celui de la zone 3.

En tenant compte de l'augmentation de 0,1 point votée en décembre dernier, l'article apporterait 668 millions d'euros de recette supplémentaire du versement transport - en prenant pour référence l'assiette constatée en 2012. Le surplus de charges, pour les entreprises, serait cependant atténué par le fait qu'elles rembourseraient à leurs salariés des Pass Navigo moins chers : d'après les estimations communiquées à votre rapporteur par le Medef et par la Chambre de commerce et d'industrie de Paris, le « moindre remboursement » se situerait dans une fourchette de 120 à 130 millions d'euros. Les entreprises situées à Paris et dans les Hauts-de-Seine profiteraient même de l'opportunité, puisqu'elles rembourseraient moins, sans voir augmenter leur versement transport.

Le surplus de charges pour les entreprises se situerait donc plutôt autour de 540 millions d'euros, et non 800 millions comme l'ont rapporté les représentants des entreprises lors des auditions, en se fondant sur des estimations excessives.

Ces charges supplémentaires paraissent tout à fait proportionnées à l'effort fourni ces dernières années par les collectivités publiques et par les usagers face à l'augmentation des charges d'exploitation du réseau francilien. La part du versement transport prendrait alors la première place, autour de 41 % contre 39 % aujourd'hui : cela représenterait un effort certain, mais qui resterait dans les limites du raisonnable.

Cependant, pour mieux tenir compte de la densité des transports collectifs, il serait possible de limiter l'harmonisation du versement transport aux seules zones 1 et 2, c'est-à-dire aux 412 communes de « l'unité urbaine de Paris » au sens de l'INSEE, où habitent 85 % des Franciliens. D'après les chiffres communiqués à votre rapporteur, la recette supplémentaire de versement transport s'établirait alors autour de 500 millions d'euros (à condition de faire passer le taux de la zone 3 à 1,8 %, voir infra examen de l'article 1 er ), donc une charge globale pour les entreprises autour de 400 millions d'euros .

Au-delà de l'inévitable querelle et de l'indispensable expertise sur les chiffres, il faut prendre en compte les avantages de la tarification unique pour l'ensemble régional francilien : comme cela s'est passé pour le métro parisien, où la tarification unique existe depuis des décennies et où le tarif unique vaut au-delà du périphérique, de Créteil à Bobigny, l'unicité du zonage est plus simple, plus claire pour les usagers et elle efface les effets de frontière - sauf, cependant, aux limites de l'espace régional, ce qui demande alors la mise en place de politiques communes avec les régions limitrophes.

B. UN DÉBAT NÉCESSAIRE SUR L'ASSIETTE DU VERSEMENT TRANSPORT

L'article 2 dispose que, dans les six mois suivant la promulgation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l'élargissement de l'assiette du versement transport en Île-de-France , notamment aux revenus financiers.

L'assiette du versement transport n'a pas bougé depuis sa création : il s'agit de la masse salariale des entreprises de plus de neuf salariés. L'objectif initial était bien que les entreprises soutiennent les transports collectifs, d'abord pour les investissements, puis pour l'exploitation (actuellement, le versement transport finance les deux-tiers du fonctionnement des transports collectifs franciliens). La participation des entreprises aux déplacements de leurs salariés ne s'arrête pas là, puisqu'elles leur remboursent également la moitié de l'abonnement Navigo, pour un montant évalué à 700 millions d'euros 27 ( * ) . Le motif de la participation des entreprises est bien sûr lié aux déplacements domicile-travail : des réseaux de transports collectifs de qualité sont un facteur de la compétitivité des entreprises et de l'attractivité des territoires.

Cependant, alors que les formes du travail ont considérablement évolué depuis quarante ans, l'assiette du versement transport est restée ciblée sur la masse salariale. Cette assiette joue contre les activités où la main d'oeuvre est la plus importante, indépendamment de la valeur créée et, a fortiori, de la plus-value réalisée. Au-delà même de la tarification unique, et puisque les pistes envisagées par la Cour des comptes et par le rapport Carrez ne suffiront pas à couvrir les besoins d'investissement et d'exploitation, il sera utile de tester les avantages et les inconvénients d'un élargissement de l'assiette du versement transport. Plusieurs options pourraient être examinées :

- un élargissement au chiffre d'affaires des entreprises, voire des professions libérales, ce qui serait un changement de perspective ;

- une taxation des actifs financiers ;

- un élargissement aux entreprises de moins de dix salariés, étant donné que leurs salariés utilisent les transports collectifs ; la masse salariale de ces entreprises représentant 17 % de l'ensemble de la masse salariale francilienne, la recette du versement transport correspondant pourrait voisiner un milliard d'euros annuels .

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er (article L. 2531-4 du code des collectivités territoriales) - Harmonisation du plafond du versement transport à l'ensemble de la région Ile-de-France

Objet : cet article applique à l'ensemble de l'Ile-de-France le plafond en vigueur pour la zone 1, c'est-à-dire à Paris et dans les Hauts-de-Seine.

I. Le droit existant

Instauré pour Île-de-France en 1971 28 ( * ) et étendu dès 1973 pour les principales autorités organisatrices de transports urbains en province, le versement transport (VT) est une taxe assise sur la masse salariale des établissements des entreprises privées et des administrations publiques employant au moins dix salariés. .

Pour l'Ile-de-France le VT est régi par les articles L. 2531-2 à L. 2531-10 du code général des collectivités territoriales, et son produit est intégralement affecté au financement du Syndicat des transports d'Ile-de-France (Stif).

Créée initialement pour assurer le financement des dépenses d'investissement et de fonctionnement des « transports publics réguliers de personnes effectués dans la région des transports parisiens », cette taxe sert désormais à financer essentiellement le déficit d'exploitation du réseau. Elle est recouvrée par les URSSAF, qui en prélèvent 1 % du produit au titre des frais de recouvrement.

Son produit en 2011 a atteint 3,12 milliards d'euros (+ 3,4 % par rapport à 2010), soit 62,2 % des ressources du Stif.

Aux termes de l'article L. 2531-4 du code général des collectivités territoriales, modifié par la loi de finances pour 2013, le taux du versement transport en Île-de-France est fixé par le Stif et différencié selon un zonage dans les limites de :

- 2,7 % à Paris et dans le département des Hauts-de-Seine (zone 1) ;

- 1,8 % dans les communes, autres que Paris et les communes du département des Hauts-de-Seine, dont la liste est arrêtée par décret en Conseil d'État pris après avis du Syndicat des transports d'Ile-de-France, en tenant compte notamment du périmètre de l'unité urbaine de Paris telle que définie par l'Institut national de la statistique et des études économiques ;

- enfin, dans les autres communes de « grande couronne », c'est-à-dire celles qui ne figurent pas dans la liste de la zone 2, le plafond est fixé à 1,5 % de la masse salariale (zone 3).

Les taux effectifs atteignent les plafonds depuis le 1 er janvier 2004. Le produit du versement transport provient, à hauteur de plus de 70 %, de la zone 1 , qui cumule le taux le plus élevé et la masse salariale la plus importante, quand la zone 3 rapporte le quart et la zone 2 environ 5 %.

Le décret n° 2012-463 du 6 avril 2012 a fixé à l'article R. 2531-6, la liste des communes prévue à l'article L. 2531-4. Cette liste coïncide avec l'unité urbaine de Paris, hors Paris et les Hauts-de-Seine. Elle comprend ainsi 375 communes : celles du Val-de-Marne et de Seine-Saint-Denis ainsi que les 288 communes des Yvelines, de Seine-et-Marne et de l'Essonne qui font partie de l'unité urbaine de Paris.

II. Le dispositif de cet article

Cet article fixe à 2,6 % le plafond du VT pour l'ensemble de la région Ile-de-France , en supprimant conséquemment les alinéas de l'article L. 2531-4 précité relatifs aux zones 2 et 3.

Lorsque cette proposition de loi a été enregistrée à la présidence du Sénat, le 25 mai 2012, ce taux de 2,6 % constituait le plafond pour la zone 1. Depuis lors, ce plafond a été rehaussé de 0,1 point par la loi de finances pour 2013 .

III. La position de votre commission

Votre rapporteur se félicite de cette harmonisation du taux du versement transport, solution la plus directe pour mobiliser les moyens nécessaires au financement du Pass Navigo unique au tarif actuel des zones 1-2, c'est-à-dire à 65,10 euros, alors que le tarif pour les zones 1-5 est aujourd'hui de 113,10 euros. En effet, les 500 millions nécessaires à la mesure (voir « Exposé général ») ne doivent pas, conformément à l'engagement de la majorité régionale, obérer les capacités d'investissement pour l'amélioration de l'offre et de la qualité de service des transports en Île-de-France.

Pour s'assurer que ces ressources supplémentaires suffisent à financer le Pass Navigo unique au tarif des zones 1-2, votre rapporteur a évalué l'incidence de l'augmentation du versement transport.

A cette fin, la caisse nationale des URSSAF a bien voulu lui transmettre l'incidence de l'augmentation de 0,1 point de versement transport sur chacune des trois zones, en prenant en compte l'assiette de 2012, c'est-à-dire les salaires versés par les entreprises de plus de 9 salariés.

Zones

Assiette VT 2012 (euros)

Impact hausse
0,1 point (euros)

Zone 1 (départements 75 et 92)

81 829 705 629

81 829 705

Zone 2 (départements 93, 94 et 237 communes des départements 78, 91 et 95)

48 283 350 162

48 283 350

Zone 3 (reste des départements 78, 91 et 95)

19 527 023 300

19 527 023

Source : ACOSS, février 2013

Sur la base de ces données, l'augmentation de 0,1 point de versement transport sur les trois zones représente près de 150 millions d'euros. Dès lors, l'harmonisation du plafond à 2,7 % pour la région tout entière, représenterait une ressource supplémentaire de 668,7 millions d'euros 29 ( * ) .

Pour mieux tenir compte du fonctionnement de l'agglomération parisienne, votre rapporteur a proposé un amendement pour limiter l'harmonisation aux seules zones 1 et 2, et faire passer le plafond de la zone 3 à 1,8 % , qui est aujourd'hui celui des métropoles régionales.

L'évaluation des ressources supplémentaires, avec les mêmes chiffres, s'établit comme suit :

- le passage de la zone 2 à 2,7 % représente 434,52 millions d'euros ;

- le passage de la zone 3 à 1,8 % représente 58,56 millions d'euros.

Au total, la recette supplémentaire s'établirait donc à 493 millions d'euros.

Cependant, après en avoir débattu, votre commission a rejeté cet amendement, ainsi que cet article.

Article 2 - Rapport au Parlement sur l'élargissement de l'assiette du versement transport

Objet : cet article prévoit un rapport du Gouvernement au Parlement, six mois après la promulgation de la loi, sur l'élargissement de l'assiette du versement transport, notamment aux revenus financiers.

I. Le dispositif de cet article

Cet article dispose que, dans les six mois suivant la promulgation de la loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l'élargissement de l'assiette du versement transport en Île-de-France, notamment aux revenus financiers.

II. La position de votre commission

Votre rapporteur déplore l'absence de débat sur l'assiette du versement transport, et sur le financement des transports collectifs plus généralement. L'assiette actuelle, c'est-à-dire la masse salariale des entreprises de plus de neuf salariés, joue contre les activités où la main d'oeuvre est la plus importante, donc contre l'emploi. Si l'objectif premier de ce versement transport est de soutenir les transports collectifs qu'utilisent les salariés des entreprises pour se rendre à leur travail, il faut bien prendre en compte les évolutions des formes de travail, mais également les priorités que la société définit, comme la transition écologique ; dans ces conditions, la participation des entreprises à l'effort collectif pourrait ne pas se limiter au seul déplacement de leurs salariés (les entreprises remboursent également la moitié du Pass Navigo).

Votre rapporteur approuve pleinement cette perspective d'un débat large sur le financement des transports collectifs et sur le versement transport en particulier. Deux options au moins pourraient être examinées :

- un élargissement au chiffre d'affaires des entreprises, voire des professions libérales, ce qui serait un changement de perspective ;

- une taxation des actifs financiers ;

- un élargissement aux entreprises de moins de dix salariés, étant donné que leurs salariés utilisent les transports collectifs (la masse salariale de ces entreprises représentant 17 % de l'ensemble de la masse salariale francilienne, la recette du versement transport correspondant pourrait voisiner un milliard d'euros annuels ).

Cependant, votre commission a rejeté cet article.

Article 3 - Gage financier

Objet : cet article prévoit un gage financier.

I. Le dispositif de cet article

Cet article constitue le gage financier de la proposition de loi, dès lors que le versement transport compte dans plusieurs déductions d'impôts sur les sociétés.

II. La position de votre commission

Par cohérence avec sa position sur les articles précédents, votre commission a rejeté cet article.

EXAMEN EN COMMISSION

Mercredi 20 février 2013

La commission procède à l'examen du rapport et du texte sur la proposition de loi n° 560 (2012-2013), présentée par Laurence Cohen et plusieurs de ses collègues, permettant l'instauration effective d'un Pass Navigo unique au tarif des zones 1-2.

EXAMEN DU RAPPORT

M. Michel Teston , président . - En l'absence de Raymond Vall, retenu dans son département, il me revient d'accueillir Hélène Masson-Maret, qui nous rejoint après le décès de René Vestri survenu il y a deux semaines. Bienvenue, chère collègue, dans notre commission.

M. Michel Billout , rapporteur . - Présenter un texte déposé par son groupe est toujours une tâche difficile...

M. Charles Revet . - Pas quand on y croit...

M. Michel Billout , rapporteur . - Je sens que c'est vous convaincre qui sera difficile... Avec la proposition d'établir un versement transport unique pour financer le Pass Nagivo unique ainsi que des travaux indispensables, la représentation nationale est amenée à se pencher sur le cas d'une seule région - la plus riche - mais toutes sont concernées par le versement transport, et plusieurs ont demandé un versement interstitiel entre les communautés urbaines de plus de 100 000 habitants.

Le Pass Navigo est la formule d'abonnement aux transports en commun d'Île-de-France qui a remplacé la carte orange il y a quelques années. Le projet de Pass Navigo unique au tarif aujourd'hui applicable à Paris et dans ses communes limitrophes répond aux problèmes quotidiens auxquels sont confrontés les Franciliens de petite et grande couronnes. En effet, la flambée des prix interdit aux classes moyennes et aux ménages pauvres d'accéder au centre de l'agglomération - en dehors du logement social - et relègue des ménages toujours plus nombreux loin des principaux pôles d'emplois. Pour ces déplacements imposés, ces ménages subissent les mauvaises conditions de circulation dans les transports publics, conséquence d'un manque d'investissement dans les infrastructures depuis des décennies.

Nos collègues députés y ont consacré l'an passé une commission d'enquête. Leur diagnostic édifiant confirme ce que n'ont cessé de dire les associations d'usagers : les effets de retards et de congestion sont si importants qu'ils nuisent aux conditions de vie des Franciliens et à l'attractivité de la région. En l'espace de quelques années, la distance moyenne du domicile au lieu de travail, ainsi que la difficulté de se loger au centre de l'agglomération ont considérablement augmenté. C'est pour que ceux qui sont contraints d'habiter loin ne soient pas pénalisés par la tarification que la majorité régionale veut mettre en place le Pass Navigo unique pour l'ensemble de la région au tarif des zones 1 et 2, soit 65,10 euros, alors qu'aujourd'hui le Pass vaut 113 euros pour les zones 1 à 5. La revendication était d'ailleurs portée par d'autres candidats aux élections régionales, notamment Jean-François Copé.

Actuellement, la région est découpée en cinq zones concentriques autour de la capitale, et l'abonné circule autant de fois qu'il le souhaite dans les zones de son abonnement. Le zonage paraît de bon sens : l'usager paie plus cher parce qu'il circule sur des itinéraires a priori plus longs. Les choses sont en réalité plus complexes. Des itinéraires en zone 1 et 2 peuvent être plus longs qu'entre les zones 1 et 3. De plus, ce système s'accommode mal des déplacements de banlieue à banlieue, plus fréquents et dont la part ne cessera d'augmenter grâce au tramway et, demain, avec les lignes transversales du Grand Paris.

Dans ces conditions, sauf à établir une tarification au réel, en fonction des kilomètres effectivement parcourus et des segments empruntés, le plus simple revient à adopter le système utilisé dans le métro depuis des décennies : la tarification unique sur tout le réseau, que l'on voyage pour une station ou pour cent. Les trajets à l'unité s'y prêteront peut-être moins que les abonnements, car ce sont les usagers fréquents que l'on vise, ceux qui subissent l'éloignement du travail ou de l'école.

Pourquoi vouloir étendre à tout le réseau francilien cette tarification unique de l'abonnement ? Mais par simple reconnaissance de ce fait majeur : la région capitale fonctionne comme une métropole, non pas dans les paysages, puisqu'il y a encore des paysages « campagnards » en Ile-de-France, mais dans les réalités économiques et sociales. L'INSEE le constate à chaque recensement : l'aire urbaine de Paris déborde la région. Et si les habitants de Seine-et-Marne ne se vivent évidemment pas tous comme des banlieusards, ils le sont majoritairement devenus en matière d'accès au logement et à l'emploi. Dès lors, pourquoi faire payer plus cher leur transport à ceux qui doivent vivre loin du centre, loin de leur pôle d'emploi où le logement leur est inaccessible ? C'est pour ces raisons d'équité sociale et d'identité régionale que la majorité régionale a inscrit dans son programme le Pass Navigo unique au tarif des zones 1 et 2.

Cette mesure ferait perdre à la RATP et la SNCF entre 400 millions et 600  millions d'euros, retenons le chiffre médian de 500 millions. Elle ne doit pas se faire au détriment des investissements indispensables à l'amélioration de la qualité du service : c'est l'engagement de la majorité régionale. Au-delà, comment donner une chance à cette mesure de justice sociale lorsque les gestionnaires sont légitimement focalisés sur les 27 milliards d'investissements que l'Etat et la région ont jugé prioritaires, sans, bien entendu, s'engager concrètement sur leur financement ?

Pour trouver de nouvelles ressources, cette proposition de loi instaure un versement transport unique sur la région destiné à aider celle-ci à financer le Pass Navigo unique et à améliorer le service rendu aux usagers. Son article 1 er étend à l'ensemble de l'Île-de-France le plafond du versement transport fixé à 2,6 % - le taux applicable lorsque la PPL a été déposée sur le bureau du Sénat, avant que la loi de finances pour 2013 ne le porte à 2,7 %. Cette harmonisation est le principal levier financier à court terme si l'on ne veut pas alourdir la facture des usagers ni celle des collectivités locales. Les niveaux du versement transport sont encore bien en deçà de ce qui serait nécessaire pour faire face à la crise des transports collectifs dans la région, bien en-deçà également du bénéfice que les entreprises trouvent dans le réseau de transports collectifs.

Le taux de versement transport payé par les entreprises franciliennes, hors Paris et les Hauts-de-Seine, est inférieur ou égal à celui que les entreprises paient dans les métropoles régionales, comme si les transports collectifs n'étaient pas plus nécessaires en Île-de-France à la vie même des entreprises, et comme si, pour l'attractivité même de la région, il ne fallait pas résoudre les problèmes criants des transports collectifs ! L'investissement en Île-de-France, en zone très dense, est plus coûteux que dans certaines métropoles régionales.

Le zonage du versement transport, instauré en 1971, n'avait presque pas changé avant la loi de finances rectificative pour 2010 : il était départemental, avec un plafond de 2,6 % pour Paris et les Hauts-de-Seine, de 1,7 % pour les deux autres départements de la petite couronne, de 1,4 % pour les trois de la grande couronne. A la suite du rapport Carrez sur le financement du Grand Paris, adopté à l'unanimité par la commission des finances de l'Assemblée nationale, le collectif budgétaire pour 2010 avait enfin modifié ce zonage pour mieux tenir compte de l'agglomération francilienne.

La zone 1, formée par Paris et les Hauts de Seine, est restée inchangée, mais la zone 2 s'est élargie à d'autres communes, en tenant compte de l'unité urbaine définie par l'Insee comme la continuité bâtie de la ville : elle regroupe les communes où les constructions ne sont pas interrompues sur plus de 200 mètres. En 2010, l'unité urbaine de Paris regroupe 10 millions d'habitants dans 412 communes sur les 1 301 communes franciliennes, soit moins d'un tiers des communes, mais 85 % de la population de l'Île-de-France.

Le gouvernement a établi une liste des communes précédemment de zone 3 du versement transport qui, parce qu'elles relèvent de l'unité urbaine de Paris, sont désormais intégrées à la zone 2, avec un plafond de 1,8 % au lieu de 1,5 %. Malgré l'urgence de la situation, cela a pris dix-huit mois : il a fallu attendre le décret du 6 avril 2012 pour apprendre que 288 communes seraient basculées en zone 2, avec un effet étalé sur trois ans. Enfin, les 900 autres communes franciliennes qui ne sont pas en continuité de bâti avec Paris et qui forment la zone 3 du versement transport continueront à bénéficier d'un plafond de 1,5 %, inférieur de 0,3 point à celui des métropoles provinciales.

Le compte n'y est pas. A force d'édulcorer les mesures de bon sens et de solidarité qui s'imposent, on se condamne à une gestion en retard d'un train ou deux...

Lors des auditions que j'ai effectuées, l'idée de relever le versement transport a provoqué une levée de boucliers, au-delà même des représentants des entreprises. Ramenons les choses à leur juste proportion : depuis quarante ans, les entreprises franciliennes participent effectivement au financement des transports collectifs. C'est bien là leur intérêt : des services de transports collectifs performants sont des éléments de la compétitivité des entreprises et de l'attractivité du territoire. Le système est à bout de souffle, il faut le réformer vigoureusement. Des programmes très importants sont enfin définis, et le STIF, la RATP et la SNCF font un travail remarquable. L'heure est à la mobilisation générale : pourquoi s'interdire d'impliquer davantage les entreprises, qui bénéficieront d'une amélioration des réseaux ?

Nous entrons là dans une querelle de chiffres, qu'il faut démêler pour y voir clair. En dix ans, la fréquentation des réseaux a progressé de 20 % - le STIF prévoyant une nouvelle augmentation de 20 % dans les dix prochaines années - et leur coût d'exploitation a augmenté de 25 %, passant de 6 à 8 milliards d'euros. Les entreprises ont beau jeu de dire qu'elles paient plus qu'avant, mais elles oublient que ce sont les collectivités publiques qui ont le plus contribué pour rénover le réseau : suivant le fil de l'eau, la part de leur propre effort dans le total diminue. En ces temps de crise, les entreprises agitent facilement le chiffon rouge de la compétitivité. Le rapport Gallois montre pourtant que celle-ci dépend moins d'une réduction des charges que d'un ensemble d'éléments dont, au premier chef, la qualité des investissements. Frédéric Lefebvre l'a lui-même reconnu, qui n'est pourtant pas un dangereux gauchiste. Les responsables de la chambre régionale de commerce et d'industrie et du Medef, s'inquiètent surtout d'un retard du plan transports du Grand Paris. Le taux de versement transport n'est pas un critère déterminant de localisation pour le centre de l'agglomération : pour preuve, les entreprises se concentrent aujourd'hui là où il est le plus élevé... Qu'on ne nous fasse pas un mauvais procès.

Ce texte présente une solution claire, consistant à appliquer le taux de 2,6 % à l'ensemble de l'Île-de-France. Je vous proposerai de l'amender pour mieux tenir compte du fonctionnement effectif de l'agglomération francilienne. Lors de mes auditions, j'ai pu confirmer un point que je connaissais comme élu de grande couronne : lorsqu'on dépasse la continuité bâtie et que les réseaux de transports perdent en densité, la relation entre le versement transport et sa contrepartie se fait plus lâche. Les entreprises comprennent alors mal qu'elles doivent payer pour des transports peu présents et que leurs salariés n'utilisent pas ou très peu : dans mon département, la Snecma a dû organiser son propre réseau de rapatriement de son personnel.

Dans ces conditions, je vous proposerai de limiter l'harmonisation du versement transport aux zones 1 et 2, en leur appliquant le même taux de 2,7 %. Pour la zone 3, je vous inviterai à porter le plafond à ce qu'il est aujourd'hui pour la zone 2, c'est-à-dire 1,8 % - Vincent Eblé en est d'accord. De la sorte, le taux urbain de 2,7 % serait appliqué à l'unité urbaine de Paris, c'est-à-dire aux 412 communes qui représentent 85 % des Franciliens, au coeur de l'agglomération, là où les réseaux de transports collectifs sont assez denses. Quant aux 900 autres communes franciliennes de la zone 3, le plafond serait porté à 1,8 %, au même niveau que dans les métropoles en région. Avec un versement transport unique à 2,7 %, le supplément atteindrait 668 millions d'euros, selon les chiffres de 2012. Avec la modulation que je vous propose, la recette supplémentaire approcherait 500 millions, ce qui est suffisant pour que l'augmentation décidée par le dernier budget aille intégralement à la modernisation des transports.

Ce sera un signe important de solidarité avec ceux qui connaissent la galère des transports et qui, de l'aveu même des gestionnaires, vont continuer à subir des conditions très tendues pendant au moins dix ans, tant notre retard est criant. Importante, la somme en jeu est à comparer aux 27 milliards que l'État et la région disent vouloir investir dans le réseau. Ces 500 millions que l'on demande aux entreprises serviront à faire patienter les usagers : c'est important pour la vie quotidienne des Franciliens !

Nous aurons à suivre de près la poursuite du financement des réseaux de transports collectifs, en examinant si le temps n'est pas venu d'élargir l'assiette du versement transport : c'est l'article 2 de cette proposition de loi, que je vous demanderai d'adopter sans modification. Ne faut-il l'asseoir que sur la masse salariale et écarter ainsi des pans entiers d'activité de la contribution aux transports ? Comme la CGT, le Medef s'est interrogé sur l'opportunité d'y assujettir les entreprises de moins de dix salariés, dont certaines réalisent d'importants profits. Asseoir une partie du versement transports sur la valeur ajoutée ou sur les actifs financiers serait une autre piste de réflexion.

Les entreprises franciliennes remboursent aujourd'hui à leurs salariés la moitié du coût du Pass Navigo. Réduire cette part du fait du Pass Navigo unique représenterait pour elles des économies évaluées entre 100 et 130 millions.

M. Michel Teston , président . - Je vous remercie de cet exposé clair et précis, nourri par un important travail.

M. Hervé Maurey . - Je tiens à féliciter le rapporteur pour la clarté de son exposé, ainsi que pour les bonnes intentions et la générosité dont il fait preuve. Toutefois, il s'agit d'un problème franciliano-francilien. Nous, élus des autres territoires, nous demandons franchement ce que nous faisons ici.

De plus, s'engager sur la voie proposée par le rapporteur aggraverait les inégalités. Il est un phénomène que tait le rapport : le mur tarifaire, pourtant bien connu des usagers des régions limitrophes, parfois haut de 1 à 3 : en Normandie, selon que vous descendez à Bueil ou à Bréval, distantes de 7 kilomètres, vous paierez 113 ou 335 euros. C'est, au-delà des problèmes franciliens, une question d'aménagement du territoire dont notre commission devrait se saisir. Certaines régions ont entrepris d'abaisser ce mur tarifaire. En 2009, le ministre des transports m'avait répondu que le sujet était purement régional, ce dont je ne suis pas convaincu.

En outre, ce n'est clairement pas le moment d'alourdir de 600 millions d'euros la fiscalité des entreprises. Je croyais que tout le monde, élus de gauche compris, avait pris conscience de nos problèmes de compétitivité... Ce n'est pas d'ajouter une charge sur le baudet qui l'aidera à courir plus vite dans la course internationale.

M. Philippe Esnol . - Malgré ce rapport très clair, nous ne serons pas favorables à la proposition de loi. Celle-ci va d'abord à l'encontre de la politique économique du gouvernement, puisqu'elle augmente la contribution des entreprises de la région Île-de-France d'environ 600 millions d'euros. Ce serait difficile à expliquer au moment où nous venons d'adopter le pacte national de croissance et de compétitivité.

En outre, elle est de nature à favoriser l'étalement urbain, alors que la logique voudrait que l'on promeuve la concentration de l'habitat autour des gares, notamment celles du Grand Paris, comme le gouvernement et la région s'y efforcent.

L'argument social est de plus discutable : dans les Yvelines ou en Seine-et-Marne, l'éloignement de certaines personnes est un choix de vie plus qu'une contrainte économique. Lier la tarification au revenu, comme la région strasbourgeoise l'a expérimenté, serait plus conforme à un principe d'équité.

S'il n'est pas irrecevable, l'argument de l'éloignement des travailleurs questionne davantage la politique d'aménagement du territoire. Celle-ci commanderait de rapprocher les entreprises des habitants, pour leur éviter des temps de transport trop importants, plutôt que d'élaborer un tarif unique pour tous, propice à l'étalement.

Enfin, la priorité doit être donnée à l'investissement, et non au fonctionnement. Vous l'avez dit : nous avons accumulé un retard considérable. Attendons de voir les arbitrages qui seront rendus dans les semaines à venir sur le Grand Paris.

M. Vincent Capo-Canellas . - Le rapporteur a prévenu de la difficulté qu'il y aurait à convaincre. Tout en saluant son travail, je confirme que sa crainte s'est réalisée.

Nous sommes les arbitres d'un débat interne à la région Île-de-France, qui porte sur une promesse de la majorité régionale d'abord portée par les écologistes, et que les communistes essaient de faire vivre à leur façon. Dans la mesure où le versement transport en subit les effets, cela relève du domaine législatif, mais nous ne sommes pas au STIF... Celui-ci avait d'ailleurs franchi une première étape avec le dézonage du Navigo le week-end et les jours fériés.

La question centrale demeure celle du retard d'investissement en Île-de-France. Combien de temps cela va-t-il encore durer ? Les usagers - dont les sénateurs qui prennent le RER B ou n'importe quelle autre ligne pour se rendre au Sénat - attendent davantage une meilleure qualité et régularité des transports que des baisses de prix. Le rapporteur a souligné que les premiers résultats ne seraient pas attendus avant dix ans : il fallait agir avant ! Baisser les prix faute de faire cesser la galère, c'est prendre le débat à l'envers.

En outre, nous devons éviter l'étalement urbain. Il est permis de penser que les gens se logent en périphérie, car tout y est moins cher. Si l'on pratique les mêmes tarifs en tout point de la région, ils iront s'installer plus loin encore dans la verdure... L'argument du coût se retourne.

Élargir l'assiette du versement transport aux entreprises de moins de dix salariés, évoquer un déplafonnement de la taxe sur les bureaux, tout cela participe d'un alourdissement de la fiscalité sur les entreprises destiné à financer les infrastructures du Grand Paris.

Ce débat postélectoral vient à contretemps. En un mot : ne prenons pas les problèmes isolément, et concentrons-nous sur la qualité du service rendu aux usagers et sur l'indispensable effort d'investissement à fournir. La proposition de loi appelle un vote négatif.

M. Alain Houpert . - Je salue le rapporteur pour la qualité de son travail, et pour les bonnes intentions dont il fait montre. Mais l'enfer en est souvent pavé. Cette proposition me semble en effet démagogique et contre-productive. Entre 500 et 800 millions d'euros supplémentaires pour les entreprises, ce n'est pas rien. De surcroît, l'urgence est à la compétitivité, comme le rapport Gallois l'a très bien démontré.

Pour financer le tramway, le versement transport de ma ville a été augmenté. Elle est désormais parmi les plus chères de France à cet égard. Résultat : une dizaine d'entreprises, représentant 4 000 emplois, s'interrogent sur leur développement. Elles délocalisent désormais une partie de leur activité dans des pays qui pratiquent le dumping social, comme la République tchèque. Le tissu industriel de nos territoires est précieux, nous devons en prendre soin. C'est une question d'emploi et de pouvoir d'achat.

Les Franciliens veulent avant tout des trains qui arrivent à l'heure, un niveau de sécurité et de confort décents. Nous avons l'une des plus belles capitales du monde, et la plus visitée. La modernisation du réseau doit être la seule priorité.

M. Charles Revet . - Je remercie le rapporteur de son exposé fort clair, même si je ne partage pas ses convictions.

Dans mon département, des communes pourraient, en se regroupant, atteindre le seuil qui ouvre droit à l'établissement d'un versement transport : en auraient-elles pour autant des infrastructures de transports correspondantes ? Rien de moins sûr...

Je souhaiterais obtenir des détails sur la contribution que les Français apportent annuellement au financement des transports franciliens, qu'ils utilisent quelquefois. Il en va de même pour les autoroutes : le produit du péage finance aussi les kilomètres en amont. Notre commission pourrait opportunément se saisir de ce phénomène de frontières, et réaliser un rapport comparatif sur l'ensemble du territoire.

M. Hervé Maurey . - Excellente idée !

M. Charles Revet . - Les entreprises se délocalisent pour échapper à des charges de plus en plus lourdes : c'est pour elle une question de survie. Élargir le champ du versement transport aux entreprises de moins de dix salariés provoquerait de nouvelles pertes d'emplois. Il faudrait revoir en profondeur cette proposition de loi pour que j'y sois favorable.

M. Ronan Dantec . - Le rapporteur aura au moins un soutien. Cette proposition de loi, défendue par la majorité régionale, était soutenue dès le premier tour des élections par le groupe Europe Ecologie Les Verts ; elle fait partie du contrat avec les électeurs. La situation est complexe pour les habitants d'Île-de-France, et c'est un enjeu d'égalité et de justice sociale. La région n'est en effet pas homogène, et les territoires chers ne doivent pas apparaître comme la norme : nous parlons d'une situation globalement subie. Certes, les entreprises font face à d'importantes difficultés, personne ne le nie. Mais les ménages aussi ! Cette proposition de loi est assortie d'un amendement de bon sens, que je voterai, une différence de taille sépare les zones 2 et 3.

Tout le monde entend l'argument de compétitivité des entreprises. Cependant, tourner toujours le débat de la même façon nous empêche d'agir face aux difficultés. Accélérer l'offre de mobilité, comme le présent dispositif est de nature à le faire, peut stimuler l'investissement et être profitable à nos entreprises.

M. Alain Fouché . - Cette proposition de loi est généreuse, mais coûteuse pour nos entreprises. Elles délocaliseront leur activité, non pas sur le territoire français, mais à l'étranger. Celles qui ont moins de dix salariés sont les plus fragiles

De surcroît, la proposition aggravera les inégalités entre Paris et la province. Nous souffrons du manque d'une véritable péréquation, pourquoi taxer davantage les entreprises ?

M. Gérard Cornu . - Bien que je sois en désaccord avec lui, je salue le travail du rapporteur. Ces propositions sont un affront à la compétitivité des entreprises, à l'aménagement du territoire et à la ruralité. Concrètement, on va diminuer la fiscalité sur Paris et les Hauts-de-Seine et l'augmenter fortement partout ailleurs en Ile de France, où se trouvent de nombreuses communes rurales. Comme si nous ne peinions pas assez pour accueillir des implantations d'entreprises en territoire rural...

Charles Revet a raison : nous devons traiter les problèmes de l'ensemble du territoire français, pas uniquement ceux de Île-de-France. D'autant qu'il y a déjà un mur fiscal avec les départements voisins, dont les citoyens payent beaucoup plus cher que les Franciliens. N'aggravons pas la situation : ce n'est le moment ni d'instaurer une taxe supplémentaire sur les entreprises, ni d'alourdir la fiscalité sur la ruralité.

M. Michel Teston , président . - En réponse aux interrogations de Charles Revet et de Gérard Cornu, il me semble que le groupe de travail transports-mobilité, présidé par Louis Nègre et Roland Ries, pourrait se pencher sur le financement par les citoyens des services de transport sur les divers territoires. Si vous en êtes d'accord, je leur ferai part de cette demande.

Il en est ainsi décidé.

M. Michel Billout , rapporteur . - Hervé Maurey a ouvert le feu en posant des questions essentielles. Comme lui, je m'interroge sur le fait que la représentation nationale traite de questions qui devraient être résolues à l'échelon régional. Cependant, l'article 72 de la Constitution dispose que la loi doit fixer le plafond des taxes locales. L'Ile-de-France est la dernière région où la gestion des transports a été réellement décentralisée : auparavant, le préfet de région intervenait directement sur les choix, ce qui n'a pas été très efficace. Aussi recherchons-nous tous des solutions, mais s'attaquer aux infrastructures en milieu dense prend du temps. En Ile-de-France ou ailleurs, il faudra bien aborder cette contradiction. Et nous éviterions d'avoir à conduire un débat d'ordre régional si les collectivités territoriales disposaient vraiment de leur autonomie financière.

Le mur tarifaire est la conséquence de la régionalisation de la gestion des transports, et c'est encore un débat complexe : faut-il créer des autorités organisatrices des transports interrégionales ? Mettre en place un véritable aménagement du territoire pour éviter l'éviction des populations aux franges de l'agglomération ? La proposition de loi ne prétend pas répondre à toutes ces questions, qui nécessiteraient un cadre beaucoup plus large.

J'entends aussi ceux qui s'alarment : toute charge serait une atteinte à la compétitivité ? C'est un peu plus complexe que cela. Pour être compétitives, les entreprises doivent avoir accès à un certain nombre de services. Quand elles font le choix de s'installer en zone centrale, l'amélioration du réseau de transport constitue un facteur de leur compétitivité. Qu'elles le veuillent ou non, elles devront y contribuer : nous aurons besoin de 27 milliards en coût d'objectif. Où les trouverons-nous ? Les contribuables ? Sur l'ensemble du Grand Paris, les Franciliens sont déjà contributeurs, y compris les plus éloignés de l'offre de transport. Les collectivités territoriales ? Ce sont elles qui ont le plus augmenté leur participation aux transports franciliens, et on leur demande de réduire leur dépenses - c'est la quadrature du cercle ! Les usagers ? Leur part a également augmenté. Quant aux entreprises, leur part a crû  en valeur absolue, mais diminué en pourcentage. Quel levier utiliser pour trouver ces recettes indispensables ? Charles Revet a raison de rappeler qu'en Ile-de-France ne circulent pas que des Franciliens : quand les réseaux franciliens sont saturés, les compétences sont à l'échelle du pays tout entier. Ensuite, la compétitivité ne se résume pas à la question des charges : ne cédons pas à ce dogme ! La compétitivité passe aussi par des services de qualité pour les entreprises, leurs salariés et leurs clients, ainsi que par leur image de marque. Qui plus est, vu les besoins d'investissement et de fonctionnement, nous devrons toucher au versement transport.

L'aménagement du territoire est une vaste question. Le taux élevé du versement transport à Paris et dans les Hauts-de-Seine n'est pas un frein à l'installation des entreprises. M. Cornu, mon amendement renforce la compétitivité du territoire de la grande couronne. Je propose non pas de diminuer le versement transport de la zone 1, mais que le niveau de la zone 2 atteigne celui de la zone 1. En effet, rien ne justifie un taux plus faible à l'intérieur de la zone urbaine, avec des services à peu près équivalents. C'est beaucoup moins vrai dans la partie rurbaine de l'Ile-de-France, où la désindustrialisation a fait rage - je vous invite à visiter les friches industrielles du sud de la Seine-et-Marne... Est-on capable d'y réinstaller de l'activité économique ? Je conteste l'idée que la proposition de loi et mon amendement seraient un affront à la ruralité : c'est tout le contraire.

Certains paraissent me reprocher de la générosité : mais ce n'est pas un défaut d'être généreux ! La question est plutôt celle de la justice et de l'appartenance à un bloc régional. Nous touchons là aux débats sur les métropoles. Avec le Grand Paris, les efforts sont concentrés sur la petite couronne, laissant à l'écart des pans entiers du territoire régional. Dans ces conditions, améliorer la tarification pour ceux qui habitent en grande couronne, c'est une mesure de justice sociale.

Certains paraissent penser qu'on s'installe en Seine-et-Marne pour sa qualité de vie. Mais ce n'est malheureusement plus vrai dans bien des cas ! Très souvent, on accepte de partir à 70 kilomètres de Paris parce que c'est seulement là qu'on peut acheter un bien. La qualité de vie, ce n'est pas toujours garanti dans un lotissement resserré, loin des services.

Je crains fort de ne pas obtenir de majorité sur cette proposition de loi. Mais en la rejetant, vous ne ferez que différer la décision. Les débats sur le financement du Grand Paris Express arrivent : nous aurons à trouver des moyens supplémentaires pour les transports collectifs en Ile-de-France.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

M. Michel Billout , rapporteur . - L'amendement n° COM-1 reprend les taux adoptés en loi de finances pour 2013 et propose une harmonisation des zones 1 et 2, ainsi qu'un relèvement de 0,3 point en zone 3 afin de rester dans la moyenne des autres régions. Nous prévoyons également un lissage de l'augmentation sur trois années.

M. Charles Revet . - Étant défavorable au texte, je voterai contre cet amendement, bien qu'il aille plutôt dans le bon sens.

M. Philippe Esnol . - Nous allons nous abstenir sur le texte. L'amendement n'est pas illogique. J'ai du mal à entendre l'argument selon lequel les entreprises continueront à s'implanter là où les taux sont élevés. Si on souhaite inciter les entreprises à s'implanter ailleurs, n'augmentons pas les taux en grande couronne !

M. Vincent Capo-Canellas . - Il est difficile de séparer l'amendement du texte. Il adoucit certes la proposition de loi pour rechercher un consensus, mais celui-ci n'existe manifestement pas. Je suis défavorable au texte et à l'amendement.

L'amendement n° COM-1 est rejeté.

L'article 1 er n'est pas adopté.

Article 2

L'article 2 n'est pas adopté.

Article 3

L'article 3 n'est pas adopté.

La proposition de loi n'est pas adoptée.

M. Michel Billout , rapporteur . - Malgré ce vote négatif, je ne regrette pas les travaux réalisés sur cette question : ils serviront certainement très bientôt.

M. Michel Teston , président . - Compte-tenu de ce vote négatif, c'est le texte initial de la proposition de loi qui viendra en discussion en séance publique.

ANNEXE

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Mardi 5 février 2013 :

- M. Christian Favier , sénateur du Val-de-Marne ;

- Groupement des autorités responsables des transports (GART) : MM. Pierre Serne , vice-président « transport » de la région Île-de-France, Stéphane Beaudet , premier vice-président de la communauté d'agglomération Evry Centre Essonne et maire de Courcouronnes et Laurent Kestel , chargé des relations institutionnelles.

Jeudi 7 février 2013

- Chambre de commerce et d'industrie de Paris (CCIP) : M. Pierre-Antoine Gailly , président ;

- Mouvement des entreprises de France de la région Île-de-France (MEDEF-IDF) : M. Jérôme Dubus , délégué général ;

- Fédération nationale des associations d'usagers de transports (FNAUT) : MM. Marc Pelissier , secrétaire général, et Alain Fabre , membre du bureau.

Mercredi 13 février 2013

- Conseil régional d'Île-de-France : M. Jean-Paul Huchon , président ;

- Stif : Mmes Sophie Mougard , directrice générale, et Véronique Hamayon , secrétaire générale, et M. Olivier Nalin , directeur du développement des affaires économiques et tarifaires ;

- URIF-CGT : MM. Laurent Pagnier , secrétaire en charge du dossier Stif, et Dominique Launay , secrétaire général de l'Union interfédérale des transports.

Jeudi 14 février 2013

- M. Vincent Eblé , sénateur de Seine-et-Marne.


* 1 Sur ces données et celles des paragraphes suivants, voir « La gouvernance du logement en Île-de-France - Étude relative à la création d'une autorité organisatrice du logement », Institut d'aménagement et d'urbanisme d'Île-de-France, juin 2012.

* 2 En moyenne francilienne, le prix de la résidence principale est passé de 3,5 années de travail en 1990 à 5,5 années en 2009 : cette moyenne couvre des disparités bien plus creusées entre le centre et la périphérie de l'agglomération.

* 3 Voir Mariette Sagot : « Niveau de vie des Franciliens en 2008 : les disparités territoriales se creusent », Note rapide n°551, IAU IdF, juin 2011.

* 4 Voir Sandrine Beaufils et Jérémy Courel : « Un actif sur deux travaille à proximité de chez lui », Note rapide n°600, IAU IdF, juillet 2012.

* 5 Voir Yann Caenen, Jérémy Courel, Christelle Paulo et Denise Schmitt : « Les Franciliens utilisent autant les transports en commun que leur voiture pour se rendre au travail », Note rapide n°542, IAU IdF, avril 2011.

* 6 Sur 5,5 millions d'emplois en Ile-de-France, 300 000 sont occupés par des non Franciliens.

* 7 Commission d'enquête de l'Assemblée nationale consacrée à la situation du RER. Rapport n° 4458 de MM. Daniel Goldberg et Pierre Morange : « Le défi du RER : placer les usagers au coeur du système », mars 2012.

* 8 Cour des comptes « Les transports ferroviaires régionaux en Ile-de-France. Rapport public thématique . », novembre 2010.

* 9 Voir les publications de l'Observatoire de la mobilité en Ile-de-France, www.omnil.fr

* 10 Voir l'enquête globale transport réalisée en 2010 par l'Observatoire de la mobilité en Île-de-France, http://www.omnil.fr/IMG/pdf/egt2010_tc_bd-2.pdf

* 11 La tranche horaire 9h30-16h30 gagne 33 % de fréquentation entre 2001 et 2010 et celle d'après 19h30 fait un bond de 75 %, le samedi gagne 68 % et le dimanche 84 %.

* 12 Compte rendu de la table ronde sur les transports en Ile-de-France, Commission du développement durable de l'Assemblée nationale, 30 janvier 2013, page 20.

* 13 Tramways T1, T7, T2, T5, Tangentielle Nord, prolongement de la ligne 8

* 14 Pour l'Etat, la desserte du plateau de Saclay par la réalisation d'un métro automatique dès 2020 demeure une priorité, conformément à la loi relative au Grand Paris et pour un raccordement en 30 minutes à Paris et 50 minutes à Roissy ; pour la région, la desserte de ce plateau par des bus à haut niveau de service est suffisante, avec possibilité d'évoluer vers un tramway, pour un raccordement au réseau métropolitain des pôles de Versailles, Saint-Quentin-en-Yvelines, Massy et Orly.

* 15 Source : Stif. Discussion d'orientation budgétaire 2013.

* 16 Navigo annuel, mois et semaine, forfait solidarité transport mois et semaine, ImagineR Scolaire et Etudiant, Améthyste, forfait gratuité transport.

* 17 Les forfaits tous publics Navigo sont plus particulièrement vendus aux employés, cadres intermédiaires et supérieurs. Ils sont remboursés à 50 % par les employeurs. Les billets au voyage sont surtout vendus aux retraités et inactifs, à des cadres supérieurs et à des non franciliens.

* 18 Loi n°2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010, article 32.

* 19 Pour mémoire, le législateur a préféré ce critère à celui de la densité des transports collectifs qui aurait été appréciée par commune. En effet, cette solution est apparue trop complexe puisqu'il aurait fallu agréger plusieurs indicateurs comme la fréquence, le nombre de gares et le temps de trajet à la capitale (la pertinence de ce dernier critère étant du reste contestée, dès lors que les déplacements de banlieue à banlieue gagnent en importance).

* 20 http://www.insee.fr/fr/methodes/default.asp?page=definitions/unite-urbaine.htm

* 21 http://www.insee.fr/fr/methodes/nomenclatures/zonages/zone.asp?zonage=UU2010&zone=00851

* 22 Voir les cartes élaborées par l'INSEE en 2011 à l'issue du « nouveau zonage 2010 des aires urbaines », par exemple : http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?reg_id=20&ref_id=17915&page=alapage/alap374/alap374_carte.htm#carte1

* 23 Voir Jean-Michel Floch, et David Levy, « Le nouveau zonage en aires urbaines de 2010. Poursuite de la périurbanisation et croissance des grandes aires urbaines », INSEE Première n°1375, octobre 2011.

* 24 Rapport Carrez, p. 13

* 25 Protocole pour une réforme de la tarification des transports publics en Ile-de-France, Stif, 7 décembre 2011, annexe, p. 4

* 26 Protocole d'accord du 26 janvier 2011, p.8

* 27 Source : CCI Paris-Île-de-France, février 2013.

* 28 Loi n°71-559 du 12 juillet 1971 portant création d'un versement des employeurs destiné aux transports en commun de la région parisienne.

* 29 La zone 2 passant de 1,8 à 2,7 %, le surplus est de 9 fois 48,28 millions d'euros (soit 434,52 millions); pour la zone 3, qui passe de 1,5 à 2,7 %, la ressource supplémentaire est de 12 fois 19,52 millions.

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