QUELLES PERSPECTIVES ?

Le retour des farines animales, aujourd'hui limité aux PAT pour l'alimentation des poissons, est sans doute le préambule à leur utilisation pour l'alimentation des non ruminants. Cette décision suscite une très vive inquiétude en France.

LA SPÉCIFICITÉ FRANÇAISE

Certes, la décision de la Commission est soutenue par une très grande majorité d'États membres ainsi que par le Parlement européen, qui, par deux fois, s'est prononcé en ce sens. Et, techniquement parlant, l'utilisation des PAT aux non ruminants ne présente pas les mêmes risques que dans le cas des ruminants.

Mais l'évocation des « farines animales » est emblématique d'une dérive scandaleuse où la recherche de profit maximum a créé des monstruosités. Il y eut une succession de décisions inadmissibles : l'interdiction d'utilisation de farines au Royaume-Uni qui maintenait leur exportation, la transformation d'herbivores en « vaches cannibales », les passages en fraude de carcasses contaminées dans des lots d'animaux destinés à la consommation. Les farines animales évoquent trop de dérives pour ne pas provoquer de réactions de rejet à leur simple évocation.

Par ailleurs, sur le plan technique, l'idée de réserver l'utilisation des PAT aux seuls non ruminants et d'exclure le recyclage intra espèce est suspecte. Comment contrôler des filières différenciées quand un exploitant élève des volailles et des bovins ? La coexistence de deux circuits parallèles supposés étanches, est toujours problématique. (C'est la raison pour laquelle l'idée, a priori d'évidence, de disposer de deux circuits d'alimentation en eau dans une habitation, l'un réservé à la consommation, et l'autre aux sanitaires, a toujours été rejetée, tant les risques de mélanges sont élevés !). Le risque d'erreur est très grand.

On comprend, dans ces conditions, que la décision de permettre le retour des farines animales ou aux seules PAT suscite une inquiétude légitime.

QUELLES SOLUTIONS RESTRICTIVES ?

Il faut certes prendre garde aux réactions précipitées. La France en fait l'expérience lorsque, en novembre 2010, le Gouvernement adopta le principe d'une interdiction générale de l'utilisation des farines animales aux animaux d'élevage ainsi qu'aux animaux de compagnie. Interdire l'utilisation des sous-produits à l'industrie du pet-food est évidemment une aberration puisque les aliments pour animaux sont très majoritairement composés desdits sous-produits. L'arrêté a dû être modifié en conséquence aussitôt qu'il fut possible.

De même, l'adoption de dispositions plus rigoureuses que la seule règlementation européenne ouvre de possibles contentieux. L'interdiction de la consommation de thymus de jeunes bovins (ris de veau) décidée unilatéralement en 2000 fut sanctionnée par le juge administratif, qui condamna la France à indemniser les sociétés spécialisées dans ce commerce à hauteur de 450 000 euros. L'affaire est aujourd'hui pendante devant la Cour de cassation.

- Un moratoire doit être envisagé

La suspension temporaire de l'application d'un règlement européen doit être fondée pour des motifs d'ordre public ou de de santé publique. Tant la Commission européenne que le juge européen sont très stricts à veiller à ce que ces conditions soient réunies. Ce fut le cas, à deux reprises, lors de la crise de la vache folle, en 1987 et 2000. Envisager un moratoire reste cependant le seul moyen de faire vivre le débat, en France et en Europe. Le gouvernement ne doit pas renoncer à demander un réexamen de cette autorisation.

- L'étiquetage

Certes, les règles d'étiquetage sont européennes, mais ce n'est pas le cas des étiquetages commerciaux de type « label de qualité ». Un étiquetage commercial volontaire peut donc être imaginé. La filière française de l'aquaculture a d'ores et déjà indiqué qu'en dépit de l'ouverture possible offerte par la Commission, elle renoncerait à utiliser les PAT de non ruminants dans l'alimentation des poissons. Cette initiative doit être saluée et devra se traduire par un message adapté que la profession saura trouver.

- Les limites de l'exception nationale

En l'absence d'un réexamen de la réglementation européenne, d'éventuelles mesures restrictives ne concerneront que les productions françaises. Rien n'empêche un industriel, un pays, d'adopter un mode d'alimentation qui exclut le recours aux farines animales. Mais il sera impossible d'empêcher que les importations de poissons soient le fait d'élevages qui aient recours aux pratiques que l'on réprouve en France. Un pays ne peut empêcher des flux entrants de produits européens fabriqués dans des conditions différentes de celles pratiquées chez lui, mais dûment autorisées par la réglementation européenne.

Sur un plan commercial, la combinaison de deux offres - une offre nationale sans farines et une offre européenne avec farines - entraînera quelques difficultés. Dans un rapport d'octobre 2010 sur la compétitivité de la filière française de volailles, le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux relevait que, en cas de retour des protéines animales, « la question de l'acceptabilité par le consommateur peut se poser ; cependant on note que cela n'est pas un frein à l'acte de consommation de produits équivalents importés ».

Le problème est particulièrement aigu concernant les poissons puisque la France importe 85 % de sa consommation.

On conviendra que les solutions techniques sont limitées. Néanmoins, l'hostilité à la réintroduction des PAT doit être considérée comme pleinement légitime. Les attentes justifiées des consommateurs doivent être écoutées. En tout état de cause, l'utilisation des farines animales n'est encore ouverte qu'à l'alimentation des poissons. La France doit afficher sa ferme opposition à l'idée - au projet ? - de passer à l'étape suivante qui serait l'utilisation des PAT pour l'alimentation des non ruminants . C'est pourquoi il vous est proposé, sous réserve de quelques modifications, d'adopter la proposition de résolution européenne de notre collègue François Zocchetto.

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