II. POUR UNE ANALYSE LUCIDE DE LA RÉINTRODUCTION DES FARINES ANIMALES

Le travail d'expertise de la proposition de résolution initiale ayant été remarquablement conduit par la commission européenne, votre rapporteur a décidé de soumettre à la commission des affaires économiques une approche complémentaire à celle de l'excellent rapport de Mme Catherine Morin-Desailly.

Le problème posé se caractérise par sa dimension transversale : à la fois juridique, technique, scientifique, agricole, mais aussi médiatique et sociétal. Il a paru utile et souhaitable d'y apporter un éclairage conforme aux traditions de notre commission, c'est-à-dire en insistant sur l'angle pragmatique et réaliste.

Au moment où les appels à une meilleure information des citoyens et les dénonciations médiatiques du « retour des farines animales » se multiplient, il convient de réintroduire dans le débat des éléments objectifs, en particulier sur l'essentiel, c'est-à-dire la nature des protéines animales, la technique d'alimentation animale et la mondialisation des échanges de produits ou de matières premières agricoles.

Votre rapporteur souligne que combattre les mystifications alimentaires correspond aussi à une exigence sociale : en effet, la liberté de choix des ménages ayant peu de ressources est avant tout contrainte par leur pouvoir d'achat. Dans ce contexte, la mise en doute infondée de la qualité et de la sécurité des produits qui leur sont proposés à un prix abordable suscite l'anxiété des plus modestes.

A. MISE EN PERSPECTIVE DE L'INTERDICTION DES FARINES ANIMALES

Les constatations de l'Académie d'Agriculture de France 3 ( * ) permettent de mieux situer dans son contexte historique, géographique et scientifique l'interdiction des farines animales qui est intervenue en décembre 2000 pour toutes les espèces d'élevage de l'Union Européenne.

1. Une parenthèse dans l'histoire agricole

Dès 1830, Anselme PAYEN, chimiste agricole français dans un ouvrage couronné par la Société Royale d'Agriculture 4 ( * ) a présenté un plaidoyer pour « l'animalisation de la nourriture des animaux » en soulignant son intérêt économique : « En provoquant l'emploi des matières premières délaissées on peut accroître la richesse nationale ». Cette idée a été prolongée, de 1880 à 1910, par l'essor en Allemagne des sciences de la Nutrition qui préconisent l'utilisation des FFV pour l'alimentation raisonnée des animaux en fonction de leurs besoins. A partir de 1945, l'expansion de l'industrie des aliments pour animaux repose sur les mêmes concepts; et intègre systématique des farines animales.

L'Académie d'Agriculture de France résume l'évolution jusqu'à nos jours par un raccourci saisissant : « 180 ans d'utilisation des « farines animales » dans toutes les espèces et dix ans de végétarisme imposé y compris aux omnivores, avec, comme conséquences une dépendance aux importations de soja parfois transgénique et un renforcement de la spéculation sur les cours des matières premières alimentaires. »

Elle ajoute, rejoignant ainsi les observations formulées au cours de l'examen en commission des affaires économiques de la présente proposition de résolution, que parmi les bénéficiaires des co-produits de l'élevage on peut citer :

- l'industrie cimentière qui tire avantage à la fois de subventions pour la destruction des poudres C1 et C2 et d'un combustible gratuit à fort pouvoir calorique ;

- ainsi que la filière des co-produits animaux, les graisses de catégorie C3 étant utilisées dans les lactoremplaceurs et en oléochimie.

2. Une singularité européenne.

De manière générale, l'interdiction de l'utilisation de certaines substances dans l'Union européenne (produits phyto-pharmaceutiques ou médicaments vétérinaires, par exemple), même scientifiquement fondée, ne fait pas toujours partie des exigences de production pour les produits importés. Il en va de même aujourd'hui pour l'utilisation des PAT dans l'alimentation des animaux d'élevage, en particulier des porcs, volailles et poissons, interdite pour les producteurs européens, mais autorisée dans l'ensemble des pays tiers.

Le Conseil national de l'alimentation 5 ( * ) rappelle qu'en conséquence, les consommateurs peuvent trouver, sur un même étal, de la viande ou du poisson d'origine Union européenne nourris sans addition de PAT et a fortiori de farines, et des produits comparables, originaires de pays tiers, pour lesquels ces interdictions ne s'appliquent pas. Dans la mesure où il n'existe pas de réglementation obligeant à délivrer une information spécifique sur l'utilisation de ces matières premières, les consommateurs ignorent ces différences.


* 3 « Des Farines Animales aux Protéines Animales Transformées : Les capacités adaptatives des filières utilisatrices » - Séance du 9 mars 2011.

* 4 « Notice sur les moyens d'utiliser toutes les parties des animaux morts dans les campagnes ».

* 5 Conseil national de l'alimentation : Quelle place pour les protéines animales transformées (PAT) dans l'alimentation des porcs, des volailles et des poissons ? - Avis n° 70 adopté le 1 er décembre 2011.

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