Rapport n° 534 (2012-2013) de M. Jean-Jacques LASSERRE , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 23 avril 2013

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N° 534

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013

• Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 avril 2013

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur la proposition de résolution européenne, présentée par M. François ZOCCHETTO et plusieurs de ses collègues, en application de l'article 73 quinquies du Règlement, tendant à la création d'un droit européen pour le consommateur à la maîtrise et à la parfaite connaissance de son alimentation ,

Par M. Jean-Jacques LASSERRE,

Sénateur

et TEXTE DE LA COMMISSION

(1) Cette commission est composée de : M. Daniel Raoul , président ; MM. Martial Bourquin, Claude Bérit-Débat, Gérard César, Alain Chatillon, Daniel Dubois, Pierre Hérisson, Joël Labbé, Mme Élisabeth Lamure, M. Gérard Le Cam, Mme Renée Nicoux, M. Robert Tropeano , vice-présidents ; MM. Jean-Jacques Mirassou, Bruno Retailleau, Bruno Sido , secrétaires ; M. Gérard Bailly, Mme Delphine Bataille, MM. Michel Bécot, Alain Bertrand, Mme Bernadette Bourzai, MM. François Calvet, Roland Courteau, Marc Daunis, Claude Dilain, Alain Fauconnier, Didier Guillaume, Michel Houel, Serge Larcher, Jean-Jacques Lasserre, Jean-Claude Lenoir, Philippe Leroy, Mmes Valérie Létard, Marie-Noëlle Lienemann, MM. Michel Magras, Jean-Claude Merceron, Jackie Pierre, Ladislas Poniatowski, Mme Mireille Schurch, M. Yannick Vaugrenard .

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

413 , 461 (2012-2013)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La proposition de résolution dont est saisie votre commission des affaires économiques est issue d'une initiative lancée par M. François Zocchetto et les membres du groupe UDI-UC 1 ( * ) . Conformément à l'article 73 quinquies du Règlement du Sénat, ce texte a fait l'objet d'un examen préalable par la commission des affaires européennes qui a conclu à l'unanimité à l'adoption de la proposition amendée.

L'un des principaux enjeux sous jacent à cette initiative est l'avenir de l'élevage français et de l'ensemble de la filière viande. Une mission commune d'information (MCI) a été créée sur ce thème à la demande du groupe Union centriste (UDI-UC) du Sénat : constituée le 27 mars 2013, elle a débuté ses travaux par une série d'audition qui se résument à un cri d'alarme sur la situation des éleveurs et à la nécessité de soutenir l'ensemble des filières.

Au-delà de l'aspect techniquement et économiquement complexe de la question soulevée par cette proposition de résolution, il convient d'en rappeler les principales données sous-jacentes qui se résument à :

- un rejet sociétal de l'utilisation des protéines animales aiguillonné par des réticences exprimées au plus haut niveau de l'État ;

- et un manque d'information du grand public sur les réalités agricoles scientifiques, économiques, commerciales, et environnementales.

Parfaitement compréhensibles, ces appréhensions se manifestent toutefois à une période où l'alimentation n'a jamais été aussi sûre : les témoignages de terrain recueillis par votre rapporteur confirment d'ailleurs que l'ensemble des acteurs est focalisé sur la garantie sanitaire des produits alimentaires qui détermine leur réputation et leur survie économique.

En même temps, un certain nombre de nations européennes, tout particulièrement celles du Nord, ne partagent ni la défiance ni la culture alimentaire spécifique de la France. Leur appareil de production et de consommation est, en conséquence, prêt à bénéficier de techniques d'alimentation animale susceptibles de leur assurer un avantage de compétitivité.

Parce que le passé enseigne que les experts ne sont pas infaillibles, les craintes de la société française doivent être entendues et prises en compte dans toutes leurs implications pratiques. Cela appelle, de la part des pouvoirs publics, deux séries d'actions :

- diffuser une information objective, au moment où on constate un décalage entre le discours sur l'information du consommateur et le niveau de prise de conscience des réalités objectives ;

- préserver la viabilité de notre appareil productif du secteur agricole et alimentaire en anticipant l'impact des réactions sociétales sur la demande de produits.

On peut se demander si l'annonce de la réintroduction de la « partie noble » des farines animales aurait suscité les mêmes réserves si elle n'était pas intervenue au moment de la découverte de la fraude relative à la viande de cheval. Cette affaire a directement concerné 700 tonnes de viande de cheval de France. On estime cependant que cette fraude a porté sur environ 50 000 tonnes de viande depuis le début de l'année 2012 et que les produits ne provenaient pas seulement d'Europe de l'Est, mais également du Canada,

En tout état de cause, on déplore souvent le manque d'information du consommateur et la confusion qui peut en résulter. Le présent rapport s'efforce d'apporter une réponse concrète à cette lacune en rappelant les principales données objectives relatives à l'alimentation animale et en faisant ressortir le lien entre l'évolution de la réglementation et celle des évolutions techniques, scientifiques, commerciales et culturelles dans le domaine alimentaire.

I. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION DANS SON CONTEXTE JURIDIQUE

A. LES NORMES EUROPÉENNES APPLICABLES À L'ÉTIQUETAGE ET À L'UTILISATION DES PROTÉINES ANIMALES

Ces normes sont dominées par un principe de base de la construction européenne : la circulation de denrées alimentaires sûres et saines.

De façon générale, l'article 169 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne prévoit que l'Union contribue à la réalisation d'un niveau élevé de protection des consommateurs par des mesures qu'elle adopte en application de l'article 114 dudit traité.

Plus spécifiquement, le droit européen rattache à cette préoccupation la fourniture d'informations appropriées sur les denrées alimentaires en rappelant que les choix des consommateurs peuvent être influencés, entre autres, par des considérations d'ordre sanitaire, économique, environnemental, social ou éthique.

1. L'information du consommateur par l'étiquetage des produits alimentaires, en particulier des viandes

Depuis la crise de la vache folle, elle résulte de deux principaux règlements européens.

a) Le règlement (CE) n° 1760/2000 du 17 juillet 2000, établissant un système d'identification et d'enregistrement des bovins et concernant l'étiquetage de la viande bovine et des produits à base de viande bovine.

Ce texte comporte deux volets.

(1) L'identification et l'enregistrement des bovins

Tout d'abord, il oblige tout État membre à établir un système d'identification et d'enregistrement des bovins qui comprend des marques auriculaires pour l'identification individuelle des animaux, des bases de données informatisées, des passeports pour les animaux et des registres individuels tenus dans chaque exploitation.

Pour les bovins en provenance de l'Union européenne , tous les animaux d'une exploitation, nés après le 31 décembre 1997, ou destinés après cette date aux échanges intra-européens, sont identifiés par une marque apposée à chaque oreille dans les vingt jours suivant la naissance de l'animal et, en tout cas, avant qu'il ne quitte l'exploitation où il est né.

En ce qui concerne les bovins en provenance des pays tiers , tout bovin importé et ayant passé les contrôles vétérinaires doit également être identifié par une marque auriculaire apposée dans les vingt jours ou avant son départ de l'exploitation. Cette obligation n'est pas requise lorsque l'exploitation de destination est un abattoir de l'État où les contrôles ont été réalisés, ni lorsque l'animal est abattu dans les vingt jours suivant ces contrôles.

Tout détenteur d'animaux, à l'exception des transporteurs, tient à jour, manuellement ou sous forme informatique, un registre individuel sur les animaux de l'exploitation. Les informations relatives à l'origine, l'identification et la destination des animaux sont accessibles, sur demande, à l'autorité compétente pendant une période minimale de trois ans.

(2) L'étiquetage de la viande bovine et des produits dérivés

Le système d'étiquetage obligatoire - les opérateurs ou organisations qui commercialisent de la viande bovine, européenne ou importée, étant tenus d'étiqueter la viande à tous les stades de la commercialisation. Lorsque le produit n'est pas préemballé, ils doivent fournir les informations pertinentes au consommateur, sous forme écrite et visible, sur le lieu de vente.

L'étiquetage obligatoire comporte les mentions suivantes :

- le numéro ou code de référence assurant la relation entre la viande et l'animal ou le groupe d'animaux dont la viande est issue ;

- le « Lieu d'abattage » (pays d'abattage et numéro d'agrément de l'abattoir) ;

- le « Lieu de découpage » (pays de découpage et numéro d'agrément de l'atelier de découpage) ;

En outre, depuis le premier janvier 2002, les opérateurs doivent également indiquer le pays de naissance, le pays d'engraissement/élevage et le pays d'abattage des animaux.

Lorsque la viande bovine provient d'un animal né, élevé et abattu dans un même pays, ces informations peuvent être regroupées sous la mention « Origine » suivie du nom du pays concerné. Par dérogation, la viande importée pour laquelle toutes les informations obligatoires ne sont pas disponibles est étiquetée avec la mention « Origine : non UE » suivie du nom du pays tiers d'abattage.

L'étiquetage de la viande hachée doit mentionner :

- le numéro ou code de référence assurant la relation entre la viande et l'animal (ou le groupe d'animaux) dont la viande est issue ;

- la mention « Élaboré » (suivie du nom du pays d'élaboration) et «Origine» lorsque le ou les États concernés ne sont pas les mêmes que l'État d'élaboration ;

- et le pays d'abattage.

Les opérateurs peuvent compléter ces informations avec des informations plus précises relatives au lieu d'abattage ou de découpage, à la date de hachage, au pays de naissance et au pays d'élevage.

Le dispositif d'étiquetage facultatif - les opérateurs commercialisant de la viande bovine peuvent inclure dans l'étiquetage des mentions complémentaires. À cette fin, ils adressent un cahier de charges à l'autorité compétente de l'État membre où la viande est produite ou commercialisée pour agrément. Le cahier de charges comprend les informations à mentionner sur l'étiquette, les mesures à prendre pour garantir la véracité des informations ainsi que les contrôles et les sanctions à appliquer aux membres qui ne respecteraient pas le cahier des charges.

Sont rejetés les cahiers des charges qui ne garantissent pas la relation entre l'identification du produit et le bovin, ainsi que ceux qui prévoient des étiquettes contenant des informations trompeuses ou insuffisamment claires.

Pour l'étiquetage facultatif de la viande bovine importée, le cahier des charges doit obtenir au préalable l'agrément de l'autorité compétente du pays tiers de production. Par la suite, ce pays notifie à la Commission l'identité de l'autorité compétente chargée de l'agrément, les critères et procédures utilisés pour l'examen du cahier des charges et la liste des opérateurs concernés par celui-ci.

Les États membres communiquent à la Commission les mentions d'étiquetage facultatif qu'elles approuvent afin que celle-ci puisse en informer les autres États membres.

L'exécution et le contrôle des systèmes d'identification, d'enregistrement et d'étiquetage - les experts de la Commission, conjointement avec les autorités compétentes, vérifient sur place si les contrôles réalisés par les États membres sont conformes au règlement. Les résultats des contrôles des experts sont examinés avec l'autorité compétente et font l'objet d'un rapport. Sur cette base, la Commission peut décider d'examiner la situation au sein du comité vétérinaire permanent et d'arrêter les décisions nécessaires selon la procédure de réglementation.

b) Le règlement (UE) n° 1169/2011 dit INCO du 25 octobre 2011 concernant l'information des consommateurs sur les denrées alimentaires

Ce texte fusionne les directives 2000/13/CE relative à l'étiquetage des denrées alimentaires et 90/496/CEE relative à l'étiquetage nutritionnel afin d'améliorer les niveaux d'information et de protection des consommateurs européens.

SYNTHÈSE DU RÈGLEMENT (UE) N° 1169/2011 DIT INCO

Champ d'application - Le présent règlement s'applique aux exploitants du secteur alimentaire à tous les stades de la chaîne alimentaire. Il s'applique à toutes les denrées alimentaires destinées au consommateur final, y compris celles servies par les collectivités, ou destinées à être livrées à des collectivités. Le présent règlement s'applique sans préjudice des exigences d'étiquetage prévues par des dispositions particulières de l'Union européenne (UE) applicables à certaines denrées alimentaires.

Exigences générales - Ni l'étiquetage ni la présentation des denrées alimentaires, ni la publicité faite à leur égard n'est de nature à :

- induire l'acheteur en erreur sur les caractéristiques, les propriétés ou les effets ;

- attribuer à une denrée alimentaire des propriétés de prévention, de traitement et de guérison d'une maladie humaine (à l'exception des eaux minérales naturelles et des denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière pour lesquelles existent des dispositions spécifiques).

Les informations sur les denrées alimentaires doivent être précises, claires et facilement compréhensibles par le consommateur.

Responsabilités de l'exploitant - L'exploitant sous le nom ou la raison sociale duquel la denrée alimentaire est commercialisée ou l'importateur (si ledit exploitant n'est pas établi dans l'UE) est responsable des informations relatives aux denrées alimentaires. Il doit veiller à ce que ces informations soient fournies et exactes conformément à la législation européenne concernant les denrées alimentaires et aux exigences nationales pertinentes.

Lorsque les denrées alimentaires sont préemballées, les informations obligatoires doivent apparaître sur le préemballage ou sur une étiquette attachée à celui-ci.

Lorsque les denrées alimentaires ne sont pas préemballées, les informations alimentaires doivent être transmises à l'exploitant recevant ces denrées afin que ce dernier soit en mesure de les fournir au consommateur final, si nécessaire.

Mentions obligatoires - Les mentions obligatoires doivent être facilement compréhensibles et visibles, clairement lisibles et, le cas échéant, indélébiles. La hauteur des caractères doit être de 1,2 mm au moins (sauf pour des emballages ou des récipients de petite dimension).

Les mentions obligatoires concernent :

- la dénomination ;

- la liste des ingrédients ;

- les substances provoquant des allergies ou des intolérances (arachides, lait, moutarde, poisson, céréales contenant du gluten, etc.) ;

- la quantité de certains ingrédients ou catégories d'ingrédients ;

- la quantité nette de denrée alimentaire ;

- la date de durabilité minimale ou la date limite de consommation ;

- les conditions particulières de conservation et/ou d'utilisation ;

- le nom ou la raison sociale et l'adresse de l'exploitant ou de l'importateur ;

- le pays d'origine ou le lieu de provenance pour certains types de viandes, le lait ou lorsque son omission est susceptible d'induire le consommateur en erreur ;

- un mode d'emploi, lorsque son absence rendrait difficile un usage approprié de la denrée alimentaire ;

- pour les boissons titrant plus de 1,2 % d'alcool en volume, le titre alcoométrique volumique acquis ;

- une déclaration nutritionnelle.

Les mentions obligatoires concernant la dénomination, la quantité nette et le titre alcoométrique volumique acquis apparaissent dans le même champ visuel. Elles doivent apparaître dans une langue facilement compréhensible par le consommateur et, au besoin, dans plusieurs langues.

Omission de certaines mentions obligatoires - Des dispositions particulières sont prévues pour :

- les bouteilles en verre réutilisables ;

- les emballages de petite dimension ;

- l'étiquetage nutritionnel des denrées alimentaires énumérées à l'annexe V ;

- les boissons titrant plus de 1,2 % d'alcool en volume.

Informations facultatives - Les informations fournies à titre volontaire doivent satisfaire aux exigences suivantes :

- elles n'induisent pas le consommateur en erreur ;

- elles ne sont pas ambiguës ou déroutantes ;

- elles se fondent, le cas échéant, sur des données scientifiques pertinentes.

Par ailleurs, les mentions facultatives ne doivent pas, par leur présentation, prendre le pas sur les informations dont la mention est obligatoire.

La Commission devra adopter ultérieurement des mesures pour s'assurer que les informations facultatives servant à indiquer a) la présence accidentelle de substances provoquant des allergies ou des intolérances, b) l'acceptabilité d'une denrée pour les végétariens ou les végétaliens c) l'apport de référence pour des catégories particulières de population, etc. répondent aux exigences susmentionnées.

Date d'application - Le présent règlement est applicable à partir du 13 décembre 2014, à l'exception des dispositions concernant l'obligation de faire une déclaration nutritionnelle qui seront applicables à partir du 13 décembre 2016. La date d'application de l'annexe VI concernant la dénomination de la denrée alimentaire et les mentions particulières dont elle est assortie est fixées au 1 er janvier 2014.

Votre rapporteur, qui a centré une partie de ses investigations sur l'application concrète de ce texte, en retient trois mesures phares.

En matière de lisibilité de l'étiquetage, qui est un impératif essentiel, la taille minimale des caractères est fixée à 1,2 mm, alors qu'elle se limitait à 1 mm jusqu'à présent. La présence de produits allergènes doit être mise en relief. Une exception est prévue pour les petits emballages - y compris nutritionnels.

S'agissant de l'indication d'origine , les obligations existantes pour le boeuf - détaillées ci-dessus - sont étendues aux autres types de viande. Pour les indications complémentaires, le droit existant, qui se résume à la lutte contre les risques de tromperie, est maintenu.

L'étiquetage nutritionnel qui va devenir obligatoire constitue, pour les opérateurs, l'avancée la plus importante et celle qui suscite les questions sont les plus nombreuses. La commission travaille à des actes d'exécution pour préciser les modalités d'application du règlement INCO. La présente proposition de résolution a pour objet d'avancer la date de publication de ces actes, initialement prévue vers le mois de décembre 2013.

Enfin, il convient de souligner que le champ d'application du règlement INCO se limite aux seules denrées emballées avant leur présentation à la vente et non pas à celles qui sont emballées sur le lieu de vente ou préemballées pour une vente immédiate.

2. L'autorisation d'utiliser des protéines animales transformées (PAT) dans l'alimentation des poissons
a) Les principes posés par le règlement 1069/2009 du 21 octobre 2009 établissant des règles sanitaires applicables aux sous-produits animaux et produits dérivés non destinés à la consommation humaine

Le rôle suspecté des sous-produits animaux dans la transmission de la « maladie de la vache folle » a conduit les autorités européennes à encadrer strictement les normes sanitaires relatives à ces produits par le règlement n° 1774/2002, lequel a été abrogé et remplacé par le règlement 1069/2009.

Ce dernier classe les sous-produits d'origine animale en fonction du risque. À partir de cette classification, on détermine si les sous-produits peuvent être utilisés comme aliments pour animaux, dans la fabrication de produits techniques ou s'ils doivent être détruits.

- La catégorie 1 regroupe les matières d'animaux considérées comme à risque.

- La catégorie 3 regroupe les sous-produits d' animaux sains non destinés à la consommation humaine pour des raisons commerciales (morceaux non nobles) ainsi que les sous-produits non consommables (plumes, cornes...).

- Les matières de catégorie 2 sont celles qui échappent aux deux autres catégories (lisier...)

L'article 11 du chapitre II de ce règlement, consacré à l'élimination et de l'utilisation des sous-produits animaux, pose le principe de « l'interdiction de réutilisation au sein de l'espèce » . Cette mesure a pour but d'éviter une forme de « cannibalisme » comme cela avait été le cas pour certains ruminants lors de la crise ESB. Ce même article étend cette interdiction à la nourriture de poissons d'élevage qui ne peut comporter de PAT issues de la même espèce.

b) La réintroduction partielle des PAT pour l'aquaculture à partir du 1er juin 2013 : le règlement n° 56/2013 du 16 janvier 2013 modifiant les annexes I et IV du règlement n° 999/2001 fixant les règles pour la prévention, le contrôle et l'éradication de certaines encéphalopathies spongiformes transmissibles.

Ce nouveau texte remplace l'intégralité de l'annexe IV du règlement n° 999/2001. Il élargit la dérogation prévue à l'article 7.1 de ce dernier et autorise l'utilisation de PAT de non-ruminants (autre que les farines de sang) pour l'alimentation des animaux en aquaculture.

Le chapitre IV du règlement n° 56/2013 définit les conditions strictes de collecte, de transport et de transformation des PAT qui doivent s'appliquer, de manière à éviter tout risque de contamination croisée avec des protéines provenant de ruminants.

L'une de ces conditions est que les farines doivent exclusivement provenir d'abattoirs qui n'abattent pas de ruminants. Une dérogation est prévue dans le cas où une inspection prouve que les conditions minimales de prévention de tout risque de contamination sont respectées par l'abattoir. Il en va ainsi lorsque l'abattage des non-ruminants et des ruminants est effectué sur des lignes physiquement séparées.

B. LE CHEMINEMENT DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION

1. Le texte initial : éclairer les choix du consommateur

M. François Zocchetto et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - Union Centriste ont présenté le 28 février 2013 une proposition de résolution européenne tendant à la création d'un droit européen pour le consommateur à la maîtrise et à la parfaite connaissance de son alimentation.

Dans son exposé des motifs, cette proposition de résolution souligne deux événements susceptibles de provoquer l'inquiétude des consommateurs :

- d'une part, le récent scandale autour de la viande de cheval retrouvée dans des produits alimentaires surgelés en lieu et place de la viande de boeuf, qui soulève le problème de l'étiquetage et de la traçabilité de la chaîne de fabrication des produits alimentaires ;

- et, d'autre part, l'autorisation par la Commission européenne des farines animales (ou protéines animales transformées) pour les poissons d'élevage et autres animaux d'aquaculture qui pourrait raviver le spectre du scandale de la vache folle.

Face à l'internationalisation du marché des produits alimentaires et à la multiplication des intermédiaires dans le processus de fabrication des plats cuisinés, la proposition de résolution estime indispensable :

- de fixer un cadre normatif européen strict afin d'assurer la pleine information des consommateurs sur le contenu et la provenance de l'ensemble des aliments qu'ils consomment ;

- et de réformer les missions des autorités en charge de la sécurité sanitaire des denrées alimentaires au niveau européen pour que ces dernières puissent mener des contrôles renforcés et harmonisés.

Ce texte place donc au centre de ses préoccupations l'information et le bien-être du consommateur pour lui permettre d'effectuer un choix éclairé d'aliments bien identifiés dans leur provenance exacte et leurs éléments constitutifs. Il suggère, à cette fin, un étiquetage obligatoire qui indiquerait en outre si la viande ou le poisson contenu dans l'aliment a été nourri avec ou sans farines animales. Cette obligation nouvelle bénéficierait aux éleveurs qui pourraient ainsi garantir aux consommateurs que les aliments qu'ils proposent ne contiennent pas de farines animales.

En second lieu, les auteurs de la proposition rappellent l'opposition exprimée par la France lors du vote favorable du comité permanent de la chaine alimentaire et de la santé animale du 18 juillet 2012 d'autoriser l'utilisation dès juin 2013 de protéines animales transformées pour l'alimentation des poissons d'élevage. Ils souhaitent qu'un moratoire soit décrété sur l'application de cette décision afin que la France porte, au niveau européen, un nouveau débat sur l'opportunité d'une telle autorisation. Enfin, ils estiment que l'éventuelle réintroduction des farines de porcs afin de nourrir les volailles, et inversement, doit être absolument proscrite par les autorités européennes.

Réduite à l'essentiel, cette initiative vise donc :

- d'une part, à accélérer la mise en oeuvre de la nouvelle réglementation européenne sur l'étiquetage ;

- et de l'autre, à ralentir ou interrompre le processus de réintroduction des protéines animales dans l'alimentation des poissons.

2. Le texte adopté par la commission des affaires européennes

La commission des affaires européennes a statué sur cette proposition de résolution le 28 mars dernier. Notre collègue Catherine Morin-Desailly y a consacré un rapport 2 ( * ) qui fait le point de façon très précise, en particulier sur le plan juridique.

A l'unanimité des membres présents, la commission des affaires européennes a adopté un texte qui apporte plusieurs précisions rédactionnelles et une modification plus substantielle. Cette dernière se résume de la façon suivante : alors que la proposition de résolution initiale insiste, de façon assez générale, sur la nécessité de créer un nouveau droit européen de la parfaite connaissance par le consommateur de son alimentation, le texte adopté par la commission des affaires européennes est plus ciblé. Il suggère d'accélérer la mise en oeuvre des nouvelles règles d'étiquetage, et également d'articuler cette avancée avec une généralisation des exigences de traçabilité aujourd'hui limitées, pour l'essentiel, à la viande bovine. Conformément à la suggestion de votre rapporteur, la commission des affaires économique s'est ralliée à cette modification de bon sens.

En ce qui concerne le volet relatif aux protéines animales, la commission des affaires européennes a maintenu l'idée de réprobation de l'initiative européenne et la suggestion d'un moratoire.

Elle a cependant souligné les obstacles juridiques auxquels peuvent se heurter une telle démarche. En effet, l'adoption de dispositions plus rigoureuses que la règlementation européenne comporte un risque de contentieux. L'interdiction de la consommation de thymus de jeunes bovins (ris de veau) décidée unilatéralement en 2000 fut sanctionnée par le juge administratif, qui condamna la France à indemniser les sociétés spécialisées dans ce commerce à hauteur de 450 000 euros. De plus, la suspension temporaire de l'application d'un règlement européen doit être fondée sur des motifs d'ordre public ou de santé publique. Tant la Commission européenne que le juge européen veillent strictement à ce que ces conditions soient réunies. Ce fut le cas, à deux reprises, lors de la crise de la vache folle, en 1987 et 2000.

II. POUR UNE ANALYSE LUCIDE DE LA RÉINTRODUCTION DES FARINES ANIMALES

Le travail d'expertise de la proposition de résolution initiale ayant été remarquablement conduit par la commission européenne, votre rapporteur a décidé de soumettre à la commission des affaires économiques une approche complémentaire à celle de l'excellent rapport de Mme Catherine Morin-Desailly.

Le problème posé se caractérise par sa dimension transversale : à la fois juridique, technique, scientifique, agricole, mais aussi médiatique et sociétal. Il a paru utile et souhaitable d'y apporter un éclairage conforme aux traditions de notre commission, c'est-à-dire en insistant sur l'angle pragmatique et réaliste.

Au moment où les appels à une meilleure information des citoyens et les dénonciations médiatiques du « retour des farines animales » se multiplient, il convient de réintroduire dans le débat des éléments objectifs, en particulier sur l'essentiel, c'est-à-dire la nature des protéines animales, la technique d'alimentation animale et la mondialisation des échanges de produits ou de matières premières agricoles.

Votre rapporteur souligne que combattre les mystifications alimentaires correspond aussi à une exigence sociale : en effet, la liberté de choix des ménages ayant peu de ressources est avant tout contrainte par leur pouvoir d'achat. Dans ce contexte, la mise en doute infondée de la qualité et de la sécurité des produits qui leur sont proposés à un prix abordable suscite l'anxiété des plus modestes.

A. MISE EN PERSPECTIVE DE L'INTERDICTION DES FARINES ANIMALES

Les constatations de l'Académie d'Agriculture de France 3 ( * ) permettent de mieux situer dans son contexte historique, géographique et scientifique l'interdiction des farines animales qui est intervenue en décembre 2000 pour toutes les espèces d'élevage de l'Union Européenne.

1. Une parenthèse dans l'histoire agricole

Dès 1830, Anselme PAYEN, chimiste agricole français dans un ouvrage couronné par la Société Royale d'Agriculture 4 ( * ) a présenté un plaidoyer pour « l'animalisation de la nourriture des animaux » en soulignant son intérêt économique : « En provoquant l'emploi des matières premières délaissées on peut accroître la richesse nationale ». Cette idée a été prolongée, de 1880 à 1910, par l'essor en Allemagne des sciences de la Nutrition qui préconisent l'utilisation des FFV pour l'alimentation raisonnée des animaux en fonction de leurs besoins. A partir de 1945, l'expansion de l'industrie des aliments pour animaux repose sur les mêmes concepts; et intègre systématique des farines animales.

L'Académie d'Agriculture de France résume l'évolution jusqu'à nos jours par un raccourci saisissant : « 180 ans d'utilisation des « farines animales » dans toutes les espèces et dix ans de végétarisme imposé y compris aux omnivores, avec, comme conséquences une dépendance aux importations de soja parfois transgénique et un renforcement de la spéculation sur les cours des matières premières alimentaires. »

Elle ajoute, rejoignant ainsi les observations formulées au cours de l'examen en commission des affaires économiques de la présente proposition de résolution, que parmi les bénéficiaires des co-produits de l'élevage on peut citer :

- l'industrie cimentière qui tire avantage à la fois de subventions pour la destruction des poudres C1 et C2 et d'un combustible gratuit à fort pouvoir calorique ;

- ainsi que la filière des co-produits animaux, les graisses de catégorie C3 étant utilisées dans les lactoremplaceurs et en oléochimie.

2. Une singularité européenne.

De manière générale, l'interdiction de l'utilisation de certaines substances dans l'Union européenne (produits phyto-pharmaceutiques ou médicaments vétérinaires, par exemple), même scientifiquement fondée, ne fait pas toujours partie des exigences de production pour les produits importés. Il en va de même aujourd'hui pour l'utilisation des PAT dans l'alimentation des animaux d'élevage, en particulier des porcs, volailles et poissons, interdite pour les producteurs européens, mais autorisée dans l'ensemble des pays tiers.

Le Conseil national de l'alimentation 5 ( * ) rappelle qu'en conséquence, les consommateurs peuvent trouver, sur un même étal, de la viande ou du poisson d'origine Union européenne nourris sans addition de PAT et a fortiori de farines, et des produits comparables, originaires de pays tiers, pour lesquels ces interdictions ne s'appliquent pas. Dans la mesure où il n'existe pas de réglementation obligeant à délivrer une information spécifique sur l'utilisation de ces matières premières, les consommateurs ignorent ces différences.

B. DISSIPER LA CONFUSION ENTRE LES PROTÉINES ANIMALES TRANSFORMÉES (PAT) VISÉES PAR LA NOUVELLE RÉGLEMENTATION EUROPÉENNE ET LES FARINES ANIMALES DU PASSÉ

1. La mémoire des farines animales et de la maladie de la vache folle
a) Les farines animales britanniques sont soupçonnées d'être à l'origine de la maladie de la vache folle en Europe

Avant son identification au Royaume-Uni (RU) au cours des années 1985 à 1986, l'Encéphalopathie Spongiforme Bovine (ESB) n'avait jamais été décrite dans aucun pays.

ENCÉPHALOPATHIE SPONGIFORME BOVINE (ESB) OU MALADIE DE LA VACHE FOLLE

L'ESB est une infection dégénérative du système nerveux central des bovins liée à la propagation ou multiplication de prions. Le délai d'incubation de cette maladie mortelle est d'environ cinq ans chez l'animal. Les premiers symptômes de l'ESB consistent en une modification du comportement avec apparition de troubles locomoteurs. Le diagnostic de certitude de la maladie ne peut s'effectuer qu'après la mort de l'animal, par un examen histo-pathologique ou un test de type Western Blot effectué à partir d'un prélèvement de tronc cérébral (base du cerveau). Cette maladie animale, transmissible par l'alimentation, a pris une tournure dramatique lorsque la possibilité de transmission de la maladie à l'homme a été mise en évidence, en liaison avec la consommation de produits carnés « contaminés ». A ce jour, il n'existe aucun traitement curatif de l'ESB. Seules des mesures de prévention constamment renforcées de 1989 à 2001 ont permis d'enrayer l'extension de la maladie puis de la contrôler.

Prion : PRoteinaceous Infectious Only particle (particule protéique infectieuse), agent pathogène vecteur des encéphalopathies spongiformes transmissibles (EST) qui provoque une dégénérescence de la cellule hôte. La protéine concernée existe sous une forme non pathologique, dite PrC, dont le rôle dans le fonctionnement des cellules reste mal connu. La forme pathologique, le prion ou PrSC, résulte d'une conformation ou d'un repliement anormal(e) de la protéine initiale.

Source : avis n°70 du Conseil national de l'alimentation du 1 er décembre 2011

Pour mémoire, et comme le rappelle le Conseil national de l'alimentation, en ce qui concerne les espèces contaminées, il convient de signaler que dès la fin des années 1980, des bovidés sauvages (Nyala, grand Kudu, gazelle, Oryx), nourries avec des farines de viandes et d'os (FVO) dans des zoos ont été atteints d'ESB. Au début des années 1990, au Royaume Uni, des félidés sauvages (guépard) ou domestiques (chats) ont également été infectés. Cependant, des travaux expérimentaux ont montré l'impossibilité d'infection du porc par voie orale. D'autres vertébrés comme les oiseaux ou les poissons se montrent également non réceptifs.

S'agissant de la nature des tissus contaminants - c'est-à-dire capables de transmettre l'ESB à la suite de leur ingestion - chez les bovins infectés, les recherches ont permis d'identifier l'agent de l'ESB dans un nombre très limité d'organes et de tissus comprenant :

- d'une part, le système nerveux central (cerveau, oeil, moelle épinière et ganglions nerveux associés),

- d'autre part, certains organes riches en tissus lymphoïdes comme les amygdales, une partie médiale de l'intestin (parois de l'iléon et de la valvule iléo-caecale) et la rate.

L'agent de l'ESB ne se retrouve ni dans le muscle (viande) ni dans la plupart des organes internes (foie, rein, thymus, poumons...) ou la graisse. La diffusion de l'agent de l'ESB dans l'organisme d'un bovin infecté est donc limitée, beaucoup plus que celle de l'agent de la tremblante dans celui d'un ovin.

b) L'interdiction des farines animales a favorisé l'éradication de l'ESB en Europe

Tout au long des années 1990, des travaux ont été menés dans l'Union européenne pour comprendre et contrôler l'infectivité des farines de viandes et d'os (FVO). L'interdiction en 2001 d'utiliser des farines animales dans l'alimentation des animaux d'élevage a constitué l'une des mesures de police sanitaire les plus contraignantes et efficaces pour maîtriser l'épizootie d'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) en interrompant le circuit de transmission entre bovins.

Calendrier des mesures d'interdiction progressive des FVO dans l'alimentation des animaux

Bovins

Tous ruminants

Tous animaux

Royaume-Uni

juillet 1988

juillet 1990

1996

France

juillet 1990

décembre 1994

novembre 2000

Union européenne

Juin 1994

Juin 1994

décembre 2000

Références des mesures :

? Royaume-Uni : The bovine Spongiform Encephalopathy Order 1988, (SI 1988/1039), 14 et 21 juin 1988, prolongé par The Bovin Encephalopathy (n°2) Amendment Order (SI 1989/2326) ; The Bovine Spongiform Encephalopathy (Amemdment) Order 1996 (SI 1996/962).

? France : 24/07/1990: Arrêté ; 20/12/94: Arrêté : extension de l'interdiction de l'emploi des FVO, y compris les farines de sang, à tous les ruminants ; les seules protéines animales pouvant être incorporées à l'alimentation des ruminants sont celles du lait et des produits laitiers ; 8/07/96 : interdiction des protéines animales dans l'alimentation des ruminants (retrait de la dérogation relative aux ovoproduits et poissons)

? Union européenne : 27/06/94 : Décision 94/381/CE de la Commission du 27 juin 1994 (abrogée par le Règlement CE 1326/2001 de la Commission du 29 juin 2001) ; décisions 2000/766/CE et 2001/9/CE : extension de la suspension des farines animales pour l'ensemble des espèces non ruminantes.

L'apparition des tests rapides a permis de mettre en oeuvre une surveillance épidémiologique exhaustive dès 2001, dont on a tiré des données particulièrement fiables sur l'évolution de l'ESB en France et dans l'Union européenne.

Aujourd'hui, la prévalence de la maladie a considérablement diminué : de 36 000 cas identifiés en 1992 au Royaume-Uni au pic de l'épidémie, le chiffre est descendu à moins de 30 en 2011 dans toute l'Union européenne.

NOMBRE DE CAS D'ESB IDENTIFIÉS EN FRANCE ET DANS L'UNION EUROPÉENNE

France

Union européenne

2001

274

2 167

2002

239

2 124

2003

137

1 376

2004

54

865

2005

31

561

2006

8

320

2007

9

175

2008

8

125

2009

10

67

2010

5

43

2011

3

28

2012

1

n.c

En ce qui concerne la contamination humaine, on a recensé, au 1 er septembre 2011, quelques 222 cas de variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (V-MCJ) dans le monde, dont 175 au Royaume-Uni et 25 en France, le dernier cas ayant été constaté en 2009. Le nombre de personnes infectées au Royaume-Uni décroit régulièrement depuis 2000, ce qui apparait comme un bon indicateur de l'efficacité des mesures mises en place. Le CNA estime cependant probable qu'un petit nombre de cas pourra y être constaté pendant encore quelques années et qu'il sera peut-être possible d'observer quelques cas sporadiques dans les autres États membres de l'Union européenne. Cette décroissance asymptotique est une caractéristique des maladies à longue incubation, elle ne fait que traduire l'existence de cas à incubation très supérieure à la moyenne, infectés avant la mise en oeuvre d'un contrôle efficace.

2. L'évocation du « retour des farines animales » à propos des PAT: une désinformation anxiogène

Partant du constat que l'interdiction des farines animales a permis l'éradication de l'ESB, la perspective de leur « réintroduction », évoquée de manière simplificatrice par la presse, soulève des craintes parfaitement compréhensibles.

Or le devoir d'objectivité  à l'égard du consommateur exige avant tout de ne pas escamoter la différence de nature entre les protéines animales transformées et les farines animales du passé.

S'agissant de ces dernières, qui ne sont pas concernées par le règlement européen, le Conseil de l'alimentation animale fait observer que la considérable diminution du taux d'infection des bovins réduit nécessairement celui des « matériels à risque spécifiés » (MRS) associées aux anciennes farines de viandes et d'os (FVO).

Il convient avant tout de souligner que la différence entre les Protéines Animales Transformées (PAT) et les farines animales d'autrefois est à peu près comparable à celle qui distingue l'eau de source des eaux usées, selon une formule imagée utilisée dans les délibérations de scientifiques de renom.

Votre rapporteur estime fondamental, pour éviter de s'égarer dans de fausses croyances, de préciser en détail les caractéristiques des PAT , en s'appuyant sur les constatations du CNA qui a synthétisé l'ensemble des analyses disponibles :

- les PAT sont issues de sous-produits d' animaux sains qui ne sont pas destinés à la consommation humaine pour des raisons commerciales, culturelles ou technologiques (parties osseuses, viscères, gras, sang...) et collectés notamment dans les abattoirs et les ateliers de découpe ;

- elles proviennent de porcs, volailles et poissons, espèces monogastriques (c'est-à-dire non ruminants) chez lesquelles aucune EST n'a été mise en évidence dans des conditions naturelles ;

- elles sont destinées à l'alimentation des poissons, puis, selon le schéma qui est envisagé au niveau européen, aux porcs et volailles qui sont des espèces naturellement omnivores ou carnivores - tout en excluant le recyclage intra-espèce .

Il ne s'agit donc en aucun cas :

- ni de « farines animales » utilisées avant 1994, lesquelles étaient issues en particulier de l'activité d'équarrissage et étaient élaborées notamment à partir d'animaux morts avant l'abattoir, de matériels à risque spécifiés (MRS3), de saisies sanitaires...

- ni de ruminants, que ce soit comme espèces d'origine des protéines ou comme espèces destinataires des aliments incorporant des PAT.

Certes, dans les années 1990, les choses étaient moins claires. D'une part, farines et PAT étaient généralement mélangées dans les filières de valorisation des sous-produits ; d'autre part, l'ESB était une maladie émergente, totalement inconnue. Des mesures de gestion drastiques et larges ont donc été prises, notamment dans le domaine des aliments pour animaux, qui s'avéraient la principale voie de diffusion du prion.

Mais, depuis lors les filières de traitement des sous-produits et de l'alimentation animale se sont réorganisées et peuvent assurer la séparation des produits (PAT/déchets) et des espèces (ruminants/porcs/volailles...). C'est précisément cette étanchéité que la Feuille de route européenne pose comme socle d'une nouvelle évolution réglementaire, la filière de transformation des sous-produits animaux s'étant d'ores et déjà organisée en productions dédiées. En second lieu, les EST ont fait l'objet de nombreuses recherches au niveau mondial et sont beaucoup mieux connues. Enfin des mesures de gestion coûteuses, appliquées avec rigueur depuis plus de 15 ans dans l'Union européenne, permettent de considérer l'ESB classique comme quasi éradiquée chez les bovins en Europe, et donc de garantir la sécurité sanitaire des PAT issues de cette espèce en cas de croisement fortuit entre les PAT de ruminants, qui sont valorisées dans la fabrication d'aliments pour animaux de compagnie, et celles issues d'autres espèces.

RÉCAPITULATIF : SOUS-PRODUITS, FARINES, PROTÉINES ANIMALES TRANSFORMÉES : DE QUOI PARLE-T-ON ?

Les sous-produits animaux sont des matières animales ou d'origine animale qui ne sont pas destinées à la consommation humaine. Les sous-produits animaux recouvrent des matières qui sont écartées de l'alimentation humaine :

- de par leur nature intrinsèque (cadavres d'animaux, viandes saisies en abattoir, cuirs, plumes...),

- ou du fait du choix d'un opérateur (orientation d'abats propres à la consommation humaine vers la production d'aliments pour animaux de compagnie par exemple).

Les sous-produits animaux sont classés en trois catégories, définies aux articles 8, 9 et 10 du règlement européen n°1069/2009, selon le niveau de risque sanitaire qui leur est attribué.

La catégorie 1 (dite C1) est la catégorie à plus haut risque (risque « prion », risque lié à des contaminants de l'environnement...).

La catégorie 2 (C2) représente un risque moindre, souvent d'ordre microbiologique.

La catégorie 3 (C3) ne présente aucun risque spécifique ; elle regroupe des matières issues d'animaux sains.

Les sous-produits animaux sont, sauf cas particulier, collectés à l'état « cru » sur les sites où ils sont générés : exploitations d'élevage, abattoirs, industries agro-alimentaires au sens large (atelier de découpe, laiterie...), points de vente au détail (grande et moyenne distribution, petits commerces...).

Ils sont acheminés vers des établissements de transformation spécialisés et agréés où ils sont soumis à des traitements spécifiques très encadrés. La transformation des sous-produits génère deux grandes familles de produits : les protéines (farines de viandes et d'os - C1 et C2- et PAT -C3) et les graisses (issues de la cuisson - C1 et C2/C3 - ou de la fonte des sous-produits animaux - C3 ou alimentaires).

Les farines de viandes et d'os (FVO) , communément appelées « farines animales », proviennent de la transformation de sous-produits animaux des catégories C1 et C2. Elles sont réglementairement interdites d'usage en alimentation animale, comme le sont les graisses issues de ces mêmes catégories de sous-produits.

Les protéines animales transformées (PAT) sont produites exclusivement à partir de sous-produits de catégorie C3. Elles peuvent aussi incorporer, de façon marginale, des « produits alimentaires » issus de l'alimentation humaine mais non utilisés par celle-ci. Elles sont actuellement interdites pour les animaux d'élevage, sauf quelques exceptions présentées dans le tableau 2 ; elles peuvent entrer dans la composition des aliments pour animaux de compagnie (chiens, chats). Ce sont bien les PAT qui font l'objet de la présente réflexion.

Rappel : l'herbivore se nourrit de végétaux, herbes, feuilles ; le carnivore se nourrit de chair ; le carnassier se nourrit de proies animales vivantes ou, dans un sens plus large, de chair crue. L'omnivore, lui, mange de tout et se nourrit d'aliments d'origine animale et végétale : l'homme est omnivore. Le porc, les volailles et de nombreux poissons le sont également.

Source : Conseil national de l'alimentation.

C. UN RAPPEL : LA PRODUCTION ET LA CIRCULATION DES PRODUITS D'ALIMENTATION S'EST MONDIALISÉE

Au plan géographique, l'interdiction des farines animales se limite aux seuls pays de l'Union Européenne. Or les échanges de produits agricoles se sont mondialisés.

1. 85 % du poisson consommé en France est importé

En ce qui concerne la production de poisson, qui entre seule dans le champ de la nouvelle réglementation européenne, il convient de rappeler que, selon les indications de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) 6 ( * ) plus de la moitié du poisson consommé dans le monde proviendra, en 2015, de l'élevage. L'Asie assure près de 90 % de la production mondiale de poisson.

De façon générale, selon la FAO, la France a produit en 2010 environ 651 000 tonnes de poissons, crustacés et mollusques (dont 224 000 en aquaculture), soit un peu moins de cinq millièmes de la production mondiale. Pour mémoire, la Chine en assure plus de 35 %, contre 7 % en 1961, avec environ 50 millions de tonnes dont près de 70 % proviennent de l'aquaculture.

En se limitant aux seuls poissons d'élevage, le CNA rappelle que la production française représentait, en 2010, un volume de 48 000 tonnes, pour un chiffre d'affaires d'environ 250 millions d'euros :

- la salmoniculture représente 34 000 tonnes ;

- la pisciculture d'étang, 8 000 tonnes, la pisciculture d'étang n'utilisant pas d'aliment composé ;

- et la pisciculture marine 6 000 tonnes.

La production française est donc très limitée et on estime que 85 % du poisson consommé en France est importé . Dans notre pays, la filière des produits aquatiques est ainsi fortement dépendante de l'approvisionnement extérieur et enregistre un déficit commercial de l'ordre de 3,2 milliards d'euros.

Ces importations sont issues pour 40 % de l'Union européenne, 15 % de l'Association Européenne de Libre Échange (AELE) - Norvège, Islande, Suisse - et 45 % des autres pays tiers. En moyenne, les marchés français et européen de poissons pour la consommation sont approvisionnés à plus de 80 % par des produits de la pêche et à moins de 20 % par des produits d'élevage.

Or le CNA signale qu'au niveau mondial, la grande majorité des poissons et crevettes d'élevage consomme des aliments contenant des PAT ou des farines de plumes, de viande et de sang qui sont autorisées et utilisées en dehors de l'Europe. En ce qui concerne les crevettes, les chiffres publiés par FranceAgrimer indiquent que la quasi-totalité de la consommation française est importée et que près des deux tiers de cette dernière provient de l'élevage.

La France est aussi l'un des principaux importateurs de saumon (environ 130 000 tonnes) et représente le premier marché pour le saumon norvégien : 7 saumons sur 10 consommés en France proviennent de l'aquaculture norvégienne. Dans ce pays, trois ans sont nécessaires pour élever un saumon dans une ferme et, contrairement aux idées reçues, la production d'un kg de saumon d'élevage ne nécessite qu'environ 1,5 kg d'aliments alors qu'il en faut dix fois plus en milieu sauvage. Les farines qui alimentent les saumons de Norvège sont essentiellement constituées, selon le premier fabricant de ce pays, de 54 % de farines de poisson, dont un quart provient de restes non commercialisés, de 30 % d'huile végétale non transgénique, 11 % de pigment naturel et notamment d'astaxanthine - un antioxydant riche en vitamine A, disponible à l'état sauvage via la consommation de crustacés qui donne leur couleur rosée aux saumons.

LES DONNÉES DE BASE SUR L'OFFRE ET LA DEMANDE MONDIALE DE PRODUCTIONS HALIEUTIQUES

La production mondiale totale de poissons, de crustacés et de mollusques atteint 148,5 millions de tonnes en 2010. Si la production issue des captures est demeurée à un niveau d'environ 90 millions de tonnes depuis 2001, la production de l'aquaculture a continué à croître fortement à un taux annuel moyen de 6,3 pour cent, passant de 34,6 millions de tonnes en 2001 à 59,9 millions de tonnes en 2010. La valeur de la production aquacole était estimée à 119,4 milliards de dollars en 2010.

La production mondiale de l'aquaculture en 2010 consistait en 56,4 % de poissons d'eau douce (33,7 millions de tonnes), 23,6 % de mollusques (14,2 millions de tonnes), 9,6 % de crustacés (5,7 millions de tonnes), 6 % de poissons diadromes (3,6 millions de tonnes), 3,1 % de poissons marins (1,8 million de tonnes) et 1,4 % d'animaux aquatiques divers (814 300 tonnes). Les carpes représentent 40,5 % de la production totale en termes de quantité. tandis que la crevette à pattes blanches a généré la plus forte valeur (11,3 milliards de dollars) en 2010.

Cette production aquacole a connu un taux moyen d'accroissement annuel élevé pendant les années 1980 et 1990, respectivement 10,8 % et 9,5 %, qui s'est ralenti dans les années 2000, atteignant une moyenne de 6,3 %. La Norvège est devenue le septième pays producteur avec plus d'un million de tonnes en 2010.

Environ 86 % de la production totale du secteur des pêches (128,3 millions de tonnes en 2010) ont été utilisés pour la consommation humaine directe. Les 14 % restants, soit 20,2 millions de tonnes, ont été destinés à des produits non alimentaires, principalement farine et huile de poisson.

38 % de la production halieutique mondiale ont alimenté les circuits de commercialisation internationaux en 2010. Au cours de la même année, l'ensemble des 111,3 milliards de dollars, en progression de 11,7 % par rapport à 2009, après une baisse d'environ 8 % depuis 2008.Principaux pays importateurs - En 2010, les pays développés ont absorbé en valeur environ 76 % du volume total des importations mondiales de poisson. Les États-Unis et le Japon représentent à eux seuls 27 % des importations mondiales et l'Union européenne 40 %. Toutefois, si l'on exclut le commerce intracommunautaire, cette proportion s'établit à 26 % de la valeur des importations mondiales : l'UE est donc le principal marché du monde. Principaux pays exportateurs - la Chine est, de loin, le plus grand pays exportateur, suivie par la Norvège, la Thaïlande et le Viet Nam. La part des pays en développement dans les exportations mondiales est considérable, les dix premiers pays exportateurs représentant 75 % du total des exportations des pays en développement, en valeur.

La crevette reste, en valeur, le produit le plus demandé, avec environ 15 % de la valeur totale des produits de la pêche échangés au niveau international en 2010. Les autres principaux groupes d'espèces exportés étaient le saumon et la truite avec environ 14 % du total suivis des poissons de fond (10 % : merlu, morue, églefin et lieu de l'Alaska, par exemple) et le thon (8 %).

En 2010, la farine de poisson représentait environ 4 % de la valeur des exportations et l'huile de poisson, 1 %.

En 2009, la consommation mondiale de poisson par habitant était estimée à 18,4 kg, le poisson représentant 16,5 % des apports en protéines animales de la population mondiale et 6,4 % de l'ensemble des protéines consommées. À l'échelle mondiale, le poisson fournit à environ 2,9 milliards de personnes, près de 20 % des apports moyens de protéines animales et, pour 4,2 milliards d'entre elles, 15 % de ces apports. Selon les estimations, il faut s'attendre à une nouvelle augmentation, qui portera la consommation jusqu'à 18,6 kg, avec des produits obtenus de l'aquaculture représentant la moitié de l'offre totale de poisson destiné à l'alimentation.)

Source : FAO

2. En revanche, la France reste aujourd'hui globalement autosuffisante en viande

Les productions animales constituent une activité économique majeure dans notre pays avec, en 2010, un cheptel évalué à 19,3 millions de bovins, 1,3 million de caprins, 7,5 millions d'ovins, 14,1 millions de porcs et 251 millions de volailles . A ce cheptel correspond une production de 1,6 million de tonnes de viandes bovine, ovine et caprine, 2,3 millions de tonnes de viande de porc, 1,8 million de tonnes de viande de volailles, 22,8 milliards de litres de lait et 14 milliards d'oeufs.

Globalement, pour 2010, d'après les chiffres de l'INSEE, les productions animales ont représenté 34,9 % de la valeur de la production agricole française, soit 22,9 milliards d'euros.

Le degré de dépendance commerciale française, pour les productions qui pourraient faire l'objet d'une utilisation de PAT (porcs, volailles et poissons) peut être évalué sur la base des chiffres suivants :

- pour le porc, en 2010, le bilan était positif en volume mais négatif en valeur (- 70 millions d'euros). La France importe en effet les morceaux de premier choix (jambons, filets) tandis qu'elle exporte les bas-morceaux et les carcasses entières. Les importations sont issues pour la quasi-totalité des pays de l'Union européenne et, pour moitié, de l'Espagne. Quant aux exportations, 81 % sont à destination de l'Union européenne et 19 % des pays tiers.

- la filière volailles demeure dynamique et excédentaire, avec un solde positif de 269 millions d'euros en 2010 ; mais cet excédent est fortement dépendant des restitutions européennes, c'est-à-dire des subventions à l'exportation vers les pays tiers, dont la disparition est envisagée.

3. Le régime applicables aux importations en provenance des pays tiers à l'Union européenne

Sans entrer dans le détail du dispositif européen de contrôle des importations alimentaires en provenance des pays tiers, il convient de rappeler en ce qui concerne l'objet du présent rapport, que la principale protection est la possibilité d'exiger un certificat sanitaire justifiant que le bovin importé n'a pas été nourri avec des PAT de bovins.

IMPORTATIONS ET PROTÉINES ANIMALES :
QUELQUES RAPPELS RÉGLEMENTAIRES

Lors de l'importation dans l'Union européenne en provenance de pays tiers :

- d' animaux vivants : il n'y a pas de restriction quant à l'alimentation que ces animaux ont reçue avant leur entrée sur le territoire de l'Union (ce cas est assez virtuel pour la France, qui en importe peu) ;

- d' aliments pour animaux : il y a des restrictions, l'aliment devant être conforme aux exigences européennes ; aux points d'entrée sur le territoire de l'Union européenne, la présence de PAT va être recherchée dans les aliments importés, qu'il s'agisse d'aliments composés finis ou de matières premières ;

- de carcasses et de pièces de viande de porcs et de volailles : il n'y a pas de contrôles sur la nature des aliments ayant servi à nourrir les animaux, sachant que l'utilisation de protéines animales (hormis celles issues de ruminants) n'est pas interdite.

Seule exception , pour les viandes de boeuf, selon les normes internationales de l'Organisation Mondiale de la Santé Animale (OIE), un pays importateur est en droit d'exiger un certificat sanitaire justifiant que le bovin n'a pas été nourri avec des PAT de bovins . C'est l'une des rares règles, certes à portée limitée, qui existe.

L'importation de sous-produits de catégorie 1 est interdite par réglementation sur les sous-produits eux-mêmes.

D. LES MÉCANISMES ET LES ENJEUX DE LA NUTRITION ANIMALE : LES INCONVÉNIENTS DU STATU QUO

1. L'élevage est devenu techniquement dépendant des produits d'alimentation animale

Comme la plupart des activités agricoles, l'élevage constitue une technologie multi-produits : c'est ainsi que la viande peut être co-produite avec le lait ou la laine. Des sous-produits sont également issus des filières viandes - gras, os, pattes, sang, viscères, coquilles - qui représentent un volume annuel global d'environ 3 millions de tonnes. L'agriculture prise dans son ensemble est ainsi à la fois productrice, transformatrice et consommatrice d'aliments pour animaux .

Jusqu'au milieu du 20 e siècle, l'agriculture produisait ses propres intrants et, en particulier, les aliments pour animaux. Progressivement, une mutation s'est opérée et elle est devenue de plus en plus dépendante d'autres secteurs d'activité, en amont et en aval de l'exploitation agricole. La nutrition animale, externalisée de la sphère agricole stricto sensu, est aujourd'hui soumise à des systèmes d'échanges désormais largement mondialisés . Sur le terrain, votre rapporteur constate ainsi que la survie économique de l'éleveur dépend parfois aujourd'hui tout autant de sa compétence technique que de sa capacité à gérer la volatilité des prix internationaux de l'alimentation animale.

Or, comme le rappelle le CNA, la sélection génétique des animaux d'élevage implique, pour exprimer son potentiel et permettre des durées d'élevage très courtes, des formulations alimentaires très exigeantes en termes de densité protéique, sans quoi les capacités d'ingestion de l'animal sont dépassées. D'où l'intérêt des végétaux (graines, tourteaux) à forte densité protéique (soja, protéagineux) ou des PAT.

En France, la production d'aliments composés pour animaux d'élevage qui atteignait 21 millions de tonnes en 2010, a baissé de 10 % depuis le début des années 2000. Globalement, les volailles absorbent 40 % des aliments composés produits, les porcins 27 %, et les bovins 21 %. En 2011, on dénombrait 289 sites de production et 198 entreprises fabricants d'aliments composés pour animaux, dégageant un chiffre d'affaires de près de 7 milliards d'euros par an.

Tous aliments confondus, les céréales et co-produits céréaliers constituent 60 % des matières premières utilisées, les tourteaux 24 % - dont plus de la moitié sont importés sous forme de tourteau de soja, les graines oléo-protéagineuses 4 %, et enfin d'autres matières premières, pour la plupart sous-produits d'autres industries agro-alimentaires, 12 %.

La formulation des aliments doit permettre de couvrir au mieux les besoins nutritionnels des animaux en fonction des matières premières disponibles. Pour ce faire, les fabricants utilisent le fait que les matières premières sont plus ou moins substituables et complémentaires les unes des autres, en fonction de leurs profils respectifs, protéique (tourteau de soja, PAT...), énergétique (maïs, blé...) ou mixtes (protéagineux).

Cependant, comme le soulignent les fabricants entendus par votre rapporteur, le choix des matières premières intègre d' autres paramètres déterminants : la disponibilité sur le marché mondial, la gestion de risques d'approvisionnement, la réglementation environnementale, ainsi que l'optimisation économique de la formulation, qui s'avère d'autant plus décisive que le poste alimentaire constitue, par exemple, 60 % du prix de revient d'un porc charcutier et 65 % de celui d'un poulet .

Dans ce contexte, l'intérêt des PAT dans l'alimentation animale tient à leur teneur élevée en protéines qui oscille entre 50 et 60 %. Ce rapport atteint même 65 à 70 % pour les farines de poisson, contre 45 à 50 % pour le tourteau de soja, c'est-à-dire le plus riche en matière azotée totale (MAT) des tourteaux utilisés, mais aussi le plus largement importé.

2. Le déficit commercial en aliments à forte densité protéique

En l'absence de protéines animales, les apports protéiques des animaux d'élevage sont, aujourd'hui essentiellement couverts par l'incorporation de tourteaux dans les formulations. Mais, comme l'ont souligné à plusieurs reprises l'exposé des motifs et les travaux préparatoires du règlement (UE) 56/2013 l'Union européenne est largement déficitaire en tourteaux : en 2008-2009, le déficit de l'Union en protéines végétales était de 73 % et celui de la France de 53 %. La France importe ainsi chaque année, entre 3,7 et 4,5 millions de tonnes de tourteau de soja pour nourrir ses animaux. Derrière les Pays-Bas, notre pays est le second plus gros importateur de l'Union européenne de tourteau, principalement en provenance du Brésil (17 % du tourteau de soja exporté par le Brésil lui sont destinés) et le second consommateur européen de l'ensemble des tourteaux après l'Allemagne. Le CNA note, de façon incidente, que le tourteau de soja d'Amérique du Sud est souvent issu de variétés génétiquement modifiées, dont la culture n'est pas autorisée en Europe mais dont l'usage en alimentation animale est admis.

Les fabricants d'aliments entendus par votre rapporteur ont également souligné la valeur alimentaire des PAT : leur concentration en protéines n'est pas spectaculairement plus élevée que celle des tourteaux de soja mais elles se caractérisent par un meilleur équilibre des acides aminés, qui sont les « briques de construction des protéines ». Les PAT constituent également un apport important en phosphore assimilable pour les animaux, phosphore dont les réserves mondiales sont limitées.

Outre leur valeur intrinsèque, la réintégration de PAT dans les aliments destinés à certains animaux d'élevage permettrait, du fait de leur teneur en protéines, en énergie et en minéraux (phosphore), une substituabilité plus importante des autres matières premières entre elles, notamment les coproduits céréaliers. A l'heure où le prix des matières premières est soumis à des fluctuations rapides et importantes sur le marché mondial, cette marge de manoeuvre permettrait aux fabricants d'aliments d'amortir en partie l'impact financier pour les éleveurs et de réduire leur niveau de dépendance à certaines matières premières importées.

III. LE SENS DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION ADOPTÉE PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNE

Du point de vue économique et sociétal, l'initiative du groupe UDI-UC en faveur d'un moratoire sur la réintroduction des PAT dans l'alimentation animale et le texte adopté par la commission européenne qui en est issu se justifient pour trois raisons principales. Tout d'abord, la société française ne semble pas prête à l'accepter. Ensuite, des doutes se sont manifestés sur l'effectivité et la répartition des gains entre les maillons des filières au cas où la France utiliserait les PAT. Enfin, les opérateurs ont souligné le risque d'accentuation d'un différentiel de compétitivité dans l'hypothèse où notre pays ne les utiliserait pas tandis que nos concurrents directs s'élanceraient dans ce nouveau « créneau ».

Le second volet de la proposition de résolution qui vise à accélérer la mise en oeuvre d'un étiquetage plus complet des produits alimentaires est, pour sa part, consensuel : l'analyse de sa nécessité et de son impact relève également de considérations à la fois sociologiques et économiques.

A. LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE NE SEMBLE PAS PRÊTE À ACCEPTER LA RÉINTRODUCTION DES PROTÉINES ANIMALES

« L'acceptabilité sociétale » des protéines animales étant l'une des composantes essentielles du débat, il semble utile de faire brièvement état des analyses de l'évolution de notre culture alimentaire et des identités alimentaires qui se manifestent dans notre pays. Votre rapporteur souligne cependant que l'acceptabilité sociale n'est pas seulement un concept sociologique : elle a aussi un impact décisif - et parfois dévastateur - sur la demande de produits alimentaires et la santé économique de nos filières agricole.

1. Les nouvelles attentes des consommateurs et la problématique de l'identité alimentaire dans un contexte de mondialisation

En France, l'évolution des modes de vie et de pensée est à l'origine de nouvelles attentes des consommateurs. Au plan alimentaire, une des transformations les plus significatives est la multiplication par plus de cinq depuis les années 1990 de la consommation de produits élaborés dits « traiteurs ». Cette croissance s'explique par des facteurs convergents comme la contrainte de temps disponible, qui réduit celle des activités alimentaires domestiques, et l'augmentation du nombre de personnes vivant seules, liée notamment au vieillissement de la population et à la réduction de la taille des familles. On constate, en même temps, que les jeunes des centres urbains sont de plus en plus nombreux à prendre leur repas non plus à domicile ou au restaurant mais à déambuler en mangeant. Ceux qui analysent ces évolutions 7 ( * ) soulignent, en parallèle, le développement de la méfiance et de la médiatisation alimentaires liées à l'éloignement des consommateurs du système de production et de distribution.

De plus, incontestablement, la mondialisation des échanges économiques a étendu le répertoire des aliments disponibles. Mais les cultures alimentaires, qui se constituent en grande partie lors des apprentissages premiers de l'enfance, évoluent moins vite que le système de production L'alimentation étant un « marqueur culturel » aussi important que la langue, cette internationalisation croissante des gastronomies est devenue une source d'interrogation culturelle. Aujourd'hui les individus et les groupes sociaux ont tendance à défendre de plus en plus fermement leur identité et les modèles alimentaires associés. Ils sont alors parfois tentés de rejeter les symboles des autres cultures alimentaires et à s'attacher aux « produits de terroir » ou aux prescriptions religieuses. A cet égard, l'introduction de protéines issues de porcs dans l'alimentation des poissons soulève un certain nombre d'interrogations et de difficultés qui ne sont pas encore clairement résolues.

Ces évolutions, concomitantes au développement de l'urbanisation (85 % des français vivent en zone urbaine), ont entraîné un accroissement de la distance entre la chaîne alimentaire et les consommateurs. La majorité de ces derniers ne perçoivent plus que la partie finale de la chaîne dans les lieux de distribution, le reste devenant une « boîte noire ». La réduction de la production domestique entraîne également une réduction des transmissions du savoir-faire culinaires, et plus généralement d'éducation alimentaire, même si cette évolution est contrecarrée par un récent engouement pour les publications consacrées aux recettes de cuisine.

Votre rapporteur fait observer que même si une certaine méfiance alimentaire est largement perceptible, les consommateurs restent cependant parfaitement réceptifs aux informations de bon sens. L'augmentation toute récente des ventes de viande de cheval dont témoignent les représentants de la grande distribution consécutive à l'épisode de fraude démontre l'importance et l'efficacité d'un effort de pédagogie et d'information fondé sur des données objectives .

2. Le rejet médiatique et sociétal comporte des risques de répercussion économiques bien réels

Tout d'abord, un certain emballement médiatique sur un sujet tel que la réintroduction de matières premières antérieurement interdites dans l'alimentation humaine est quasiment inéluctable. En effet, la forte concurrence entre les médias implique une rapidité et, surtout, une dramatisation qui peuvent nuire à l'analyse objective. En même temps, il convient de tenir compte du paradoxe de l'importance des médias dans la construction de l'opinion publique : les consommateurs exprimant une forte défiance vis-à-vis des journalistes et de leurs liens supposés avec les sphères financières ou politiques il est particulièrement difficile pour un journaliste d'être crédible en expliquant qu'il n'y a pas de situation alarmante là où les autres crient au feu.

En second lieu, comme cela a été souligné à maintes reprises, l'annonce de la levée de l'interdiction des PAT dans l'alimentation des poissons qui repose sur l'étanchéité des filières de production est intervenue au moment précis de l'épisode de la fraude impliquant la viande de cheval et de boeuf.

Les plus hautes autorités de l'État ayant également marqué leur distance à l'égard de la décision européenne, il est parfaitement logique que les acteurs de la filière agricole et agro-alimentaire aient massivement pris position dans le même sens afin de préserver l'image des produits français auprès de nos concitoyens.

Économiquement, l'agriculture et la distribution de produits alimentaires sont, en effet, soumises au phénomène de « réflexivité » par lequel un jugement négatif, même infondé, peut faire plonger les ventes avec autant de vigueur que s'il était justifié par des raisons objectives.

B. LES DOUTES SUR L'AMPLEUR ET LA RÉPARTITION DES GAINS AU CAS OÙ LA FRANCE UTILISERAIT LES PAT

1. La répartition des éventuels gains entre les maillons des filières

Le Centre d'Étude et de Recherche sur l'Économie et l'Organisation des Productions Animales (CEREOPA) a réalisé des simulations pour tenter d'évaluer l'impact économique d'une éventuelle utilisation des PAT en France, avec toutes les réserves d'usage liées à ce type d'exercice 8 ( * ) .

Par exemple, dans la filière volaille, en supposant la baisse des coûts de l'alimentation animale intégralement répercutée au niveau des éleveurs, la marge brute de ces derniers pourrait augmenter de près de 25 %, ce qui pourrait permettre, dans un contexte mondial de plus en plus concurrentiel, de rester compétitif et d'éviter la délocalisation des productions.

Si, à l'inverse, la baisse du coût de production était intégralement répercutée aux consommateurs, le prix moyen de vente des poulets entiers ne baisserait que de quelques centimes, avec une diminution de moins de 1% du prix de vente du poulet standard entier.

Cet exemple montre que le « rejet sociétal » des PAT correspond également à ce que la théorie économique qualifie d' « attitude rationnelle du consommateur » : refuser l'utilisation des PAT et le risque associé - même minime - si aucune baisse des prix n'en résulte.

Dans la pratique, le gain résultant de l'utilisation des PAT risque de faire l'objet de conflits de répartition entre l'ensemble des maillons de la filière alimentaire et les éleveurs craignent que cette plus-value ne soit capturée par les industriels ou la grande distribution.

Les fabricants d'alimentation animale ont également indiqué à votre rapporteur qu'il convenait de retenir les leçon de l'application, par la France, de l'autorisation intervenue en 2006 de réintroduire les produits dérivés du sang et des protéines hydrolysées de plumes dans l'alimentation animale. Plusieurs années après la décision européenne, ces matières premières sont très peu utilisées (15% seulement des formules d'aliments produits en France en contiennent) du fait des restrictions imposées par les cahiers des charges des enseignes de la grande distribution, ce qui démontre les réticences bien réelles qui existent sur ce sujet, en dépit des garanties totales qui ont été apportées préalablement à la réintroduction de ces matières premières dans la règlementation.

Jusqu'à l'été 2006, le seul débouché des graisses animales multi espèces (c'est-à-dire contenant du ruminant) de catégorie 3 était l'oléo-chimie. Ces graisses peuvent maintenant être utilisées en pet food , mais également pour la fabrication de biocarburants. Les graisses de bovins prélevées avant la fente de la carcasse peuvent être valorisées en alimentation humaine et animale . Les graisses d'après fente de bovins de plus de 24 mois ne peuvent être valorisées en alimentation humaine ou animale en France alors qu'elles le sont dans tous les autres États du monde, y compris de l'Union européenne. En absence de débouché, les entreprises de transformation peuvent être amenées à utiliser ces graisses multi espèces comme combustible dans leurs propres chaudières.

Aujourd'hui, bien que toutes les graisses de porcs et de volailles, qu'elles soient de fonte ou de cuisson, soient autorisées dans l'alimentation de toutes les espèces animales, sans contrainte réglementaire de purification, l'immense majorité des cahiers des charges continue d'exclure ou de restreindre fortement les graisses animales.

2. La tendance française supposée à « laver plus blanc que blanc » : les risques de surenchère normative et de surcoût dans l'application du droit européen

Les simulations disponibles (réalisées « toutes choses égales par ailleurs autres que les prix des PAT ») ne prennent pas en compte les éventuels surcoûts liés au fait que cette utilisation nécessiterait une segmentation accrue des circuits de production, pour des raisons sanitaires mais aussi, pour certains marchés confessionnels. Dans l'hypothèse d'une autorisation des PAT pour les porcs et les volailles, les professionnels devront, en effet, mettre en place des procédures garantissant l'étanchéité des filières depuis le stade de la production des aliments jusqu'à celui des élevages.

Les pouvoirs publics devront de leur côté diligenter des contrôles pour s'assurer que la séparation entre PAT de diverses origines est effective. Ici encore, la tendance française à « laver plus blanc que blanc » évoquée de façon récurrente et générale par une grande majorité des acteurs des filières alimentaires, risque, selon ces derniers, de se traduire par des exigences disproportionnées susceptibles d'annuler en grande partie le bénéfice potentiellement apporté par l'utilisation des PAT.

C. LE RISQUE D'ACCENTUATION DU DIFFÉRENTIEL DE COMPÉTITIVITÉ SI LA FRANCE NE LES UTILISE PAS

D'après les indications recueillies par votre rapporteur, l'utilisation des PAT dans d'autres pays de l'Union Européenne mais pas en France se traduirait par un écart de compétitivité qui pourrait s'avérer particulièrement dommageable pour certaines filières françaises d'ores et déjà en grande difficulté.

LES MATIÈRES PREMIÈRES UTILISÉES POUR LA NUTRITION ANIMALE EN FRANCE

L'industrie de l'alimentation animale utilise une grande variété de matières premières. Les céréales - blé et maïs principalement - représentent un peu plus de la moitié des ingrédients des aliments composés. Les tourteaux, coproduits issus principalement du soja et du colza, dépassent le quart des utilisations.

Même si les matières premières utilisées par l'industrie de la nutrition animale proviennent à 77 % du territoire français, les importations, en provenance de l'Union Européenne (6 % des importations) et des pays tiers (17 %) demeurent nécessaires. Tel est le cas par exemple des tourteaux de soja qui proviennent essentiellement d'Amérique du Sud : le Brésil et l'Argentine représentent respectivement 68 % et 10 % des importations françaises des tourteaux.

Il convient de rappeler que dans l'alimentation animale, les protéines viennent principalement de l'utilisation de tourteaux issus de soja même si l'utilisation des tourteaux de colza et de tournesol progresse. En France, 40 % des matières premières riches en protéines utilisées en alimentation animale sont importés , essentiellement des pays tiers à l'Union européenne.

Dans ce contexte, l'utilisation des PAT par les concurrents européens de l'agriculture française leur procurerait un double avantage en termes de prix et de qualité nutritionnelle de l'alimentation animale. En effet, d'une part, le prix de la tonne de tourteaux de soja avoisine 440 euros et celui des PAT peut être estimé à 250 euros ; d'autre part, alors même que la concentration en protéines des deux aliments est assez proche - 48 % pour les tourteaux de soja contre 52 % pour les PAT - l'équilibre des acides aminés est jugé incontestablement meilleur pour les secondes.

Pour quantifier ce risque de distorsion, les représentants du Syndicat national de l'industrie de la nutrition animale (SNIA) ont indiqué à votre rapporteur que l'utilisation de PAT dans la filière porcine française permettrait de réduire d'un tiers l'écart existant avec la concurrence allemande, ce qui correspond :

- à près de 10 euros par porc ;

- et, par exemple, à l'écart de traitement social de la main d'oeuvre entre les deux pays, l'Allemagne faisant appel à de la main d'oeuvre étrangère rémunérée selon les conditions de son pays d'origine.

Les représentants du SNIA, ont insisté sur ce risque en rappelant que le précédent (mentionné ci-dessus) de la réintroduction des graisses d'origine animale peut être considéré comme instructif de ce risque d'accentuation du différentiel de compétitivité.

En outre, soulignant la priorité à accorder au renforcement de la compétitivité de nos filières pour enrayer le déclin de l'élevage français, et la primauté du critère des prix pour les consommateurs, ils ont jugé illusoire de s'en remettre exclusivement à l'idée qu'un nouvel étiquetage des produits pourrait entraîner une réorientation massive vers des achats de produits alimentaires français (les « achats citoyens »).

Dans le même sens, l'idée du moratoire et du réexamen de l'autorisation des PAT contenue dans la proposition de résolution visait aussi, économiquement, à éviter de créer de nouvelles distorsions de compétitivité au sein de l'Union Européenne .

D. L'ÉTIQUETAGE ET LA VOLONTÉ DE « SAVOIR CE QU'ON MANGE »

1. Une attente des consommateurs

Des sociologues comme M. Claude Fischler (CNRS) entendu au Sénat par l'Office parlementaire d'évaluation des choix technologiques et scientifiques indiquent que les citoyens, s'inquiètent -« le problème de l'alimentation moderne est qu'on ne sait plus ce que l'on mange »- et font observer que, sur un plan symbolique et culturel, « savoir ce que l'on mange est très important car c'est un peu savoir ce que l'on est » . Peu informés des techniques d'alimentation animale un certain nombre de consommateurs semblent penser que, pour minimiser les risques, la solution est de se tourner vers des produits de qualité plus coûteux, labellisés. Cependant, « seule une minorité peut se le permettre occasionnellement ; les autres se sentent enfermés dans une espèce de ghetto, d'où une véhémence qui est comme vous l'imaginez encore plus forte. ».

L'indication de l'origine n'est actuellement obligatoire que pour la viande bovine et les produits à base de viande bovine dans l'Union européenne et, comme le soulignent les considérants du règlement INCO, cela a créé une attente de la part des consommateurs. L'analyse d'impact effectuée par la Commission européenne a confirmé que l'origine de la viande semble être la préoccupation première des consommateurs.

D'autres viandes étant largement consommées dans l'Union, comme la viande porcine, ovine, caprine et la viande de volaille, il a donc semblé approprié à l'Union européenne d'imposer une obligation de déclaration d'origine pour ces produits, tout en prenant en considération que les exigences particulières relatives à l'origine pourraient différer d'un type de viande à un autre en fonction des caractéristiques de l'espèce animale.

Les associations de consommateurs entendues par la mission commune d'information sur la filière viande en France et en Europe ont présenté des exemples concrets d'étiquetage qui font apparaitre le contraste saisissant entre les multiples informations portées sur l'emballage d'un produit brut de viande bovine et, à l'inverse, le dénuement de l'étiquetage d'un produit composé de tranches de viande agrémenté de quelques olives.

Votre rapporteur estime nécessaire, pour ces produits transformés - souvent consommés par des personnes isolées ou contraintes par le manque de temps - d'apporter des indications relatives à l'ingrédient principal. Bien entendu, il semble, en pratique, impossible de consigner sur l'emballage toutes les informations relatives aux plats composés d'une vingtaine d'ingrédients.

2. L'application de la nouvelle réglementation devrait être accélérée par rapport au calendrier initial

La proposition de résolution, avant tout soucieuse de transparence, vise à accélérer la mise en oeuvre du règlement relatif à l'étiquetage des produits alimentaires.

Le règlement INCO n° 1169/2011 concernant l'information du consommateur sur les denrées alimentaires doit entrer progressivement en vigueur et l'essentiel de ses dispositions devrait être applicable à la fin de l'année 2014. Ce règlement prévoit qu'un certain nombre de rapports soient établis par la commission, en particulier pour préciser les modalités d'étiquetage de l'ingrédient « viande » dans les produits transformés. Un tel étiquetage peut, en effet, se révéler très complexe et très coûteux à mettre en oeuvre, notamment lorsque les ingrédients ont des origines différentes. Dans le contexte d'une exigence très forte de transparence de la part des consommateurs, les ministres se sont montrés très exigeants vis-à-vis de la commission et ont demandé que la publication de ce rapport, prévue pour décembre 2013, soit avancée au mois de septembre de manière à ce qu'un texte puisse ensuite être adopté et soit applicable rapidement.

3. Trouver un équilibre entre l'insuffisance et le trop plein d'informations sur les étiquetages

Votre rapporteur a recueilli le point de vue des praticiens de l'étiquetage qui attendent des réponses opérationnelles à leurs interrogations.

Coop de France a fait connaître, lors de son audition, ses hypothèses sur l'interprétation des dispositions essentielles du nouveau règlement européen INCO.

L'article 26.2. de ce texte prévoit que l'indication du pays d'origine ou du lieu de provenance d'une denrée alimentaire est obligatoire :

- pour les viandes fraîches, réfrigérées ou congelées, non seulement des espèces bovines, comme l'exige le droit en vigueur, mais aussi porcines, ovines, caprines et de volailles.

- et dans les cas où son omission serait susceptible d'induire en erreur les consommateurs sur le pays d'origine ou le lieu de provenance réel de la denrée alimentaire, en particulier si les informations jointes à la denrée ou l'étiquette dans son ensemble peuvent laisser penser que la denrée a un pays d'origine ou un lieu de provenance différent.

En ce qui concerne les viandes fraîches, réfrigérées ou congelées , cette organisation professionnelle estime essentiel que la notion de pays d'origine ou de lieu de provenance intègre avant tout la notion de lieu de production agricole. Ainsi, pour toutes les espèces concernées par la mesure (bovines, porcines, ovines, caprines et de volailles), elle est d'avis que l'information doit être obligatoirement définie au niveau du pays, y compris pour les importations. Il serait possible de fournir également des informations concernant la région/province/zone, et ce, sur base volontaire, en tant qu'information complémentaire. Les trois étapes de vie de l'animal (naissance/élevage ou engraissement/abattage) devraient être étiquetées si elles sont différentes. Si au contraire il n'y a pas de différence, le pays d'origine devrait suffire.

En pratique, l'information devrait apparaître comme suit :

- en/au [nom de l'État membre/du pays tiers]

- élevé/engraissé en/au [nom de l'État membre/du pays tiers]

- abattu en/au [nom de l'État membre/du pays tiers]

ou

- origine : [nom de l'État membre/du pays tiers]

Par ailleurs, selon l'article 26.3 du règlement INCO, lorsque le pays d'origine ou le lieu de provenance de la denrée alimentaire est indiqué et qu'il n'est pas celui de son ingrédient primaire,

- le pays d'origine ou le lieu de provenance de l'ingrédient primaire en question est également indiqué ou,

- le pays d'origine ou le lieu de provenance de l'ingrédient primaire est indiqué comme étant autre que celui de la denrée alimentaire.

Interrogé sur son interprétation de la notion d'origine de l'ingrédient primaire, Coop de France a d'abord rappelé que l'ingrédient primaire d'une denrée alimentaire, tel que défini dans le règlement européen, est celui qui constitue plus de 50 % de la denrée alimentaire ou qui est habituellement associé à la dénomination de vente de cette denrée par les consommateurs.

L'organisation estime que le pays d'origine ou lieu de provenance de cet ingrédient doit correspondre, dans la mesure du possible, au lieu de production agricole. En effet, cette notion correspond à la représentation que se fait le consommateur de l'origine d'une denrée alimentaire : le lieu de transformation associé au lieu de production des matières premières agricoles.

Enfin, Coop de France fait observer que le règlement INCO ne tranche pas sur le niveau géographique à mentionner sur l'étiquetage et suggère de se baser en priorité sur le niveau national, tout en assurant une certaine cohérence avec l'information portée sur la denrée. Cette position conduirait, par exemple, à mentionner :

-  « Fromage fabriqué en France avec du lait de pays X (si le lait n'est pas français) ou lait d'origine UE (s'ils sont issus de différents pays de l'UE) » ;

- « Fromage fabriqué dans l'UE avec du lait de pays X (si le lait n'est pas originaire de l'UE) ».

Votre rapporteur observe cependant qu'il conviendra de concilier des points de vue et des exigences contradictoires.

Ainsi, par exemple, la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FDC) a apporté, par voie de contribution écrite, trois séries d'indications.

Elle estime d'abord que l'application concrète de la nouvelle réglementation européenne sur l'étiquetage de l'origine de la viande est de nature à engendrer des coûts supplémentaires . Elle précise que des obligations trop strictes pourraient notamment avoir comme conséquence une refonte des méthodes de production et d'approvisionnement.

Elle signale que toute contrainte supplémentaire par rapport à celles qui sont déjà définies dans le règlement 1169/2011, serait de nature à réduire la lisibilité de l'étiquetage, dont la surface reste limitée et à entrainer une certaine confusion pour le consommateur.

La FDC fait également observer que la majorité des consommateurs ne lit qu'une infime partie de l'étiquetage. Ce dernier ainsi que le packaging ne représentent qu'une surface d'information physiquement limitée : y apposer de nombreuses informations complexes telles que l'indication des trois pays d'origine de la viande bovine (naissance/élevage/abattage) et les codes sanitaires, ne lui parait pas lisible pour le consommateur.

S'agissant des produits importés, la FDC précise que ses adhérents vendent en grande majorité de la viande brute française et presque exclusivement de la viande d'origine européenne pour lesquelles les protéines animales sont, pour l'instant, interdites.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Votre commission en accord avec l'esprit de la proposition de résolution européenne en a adopté le volet étiquetage. Cependant, en ce qui concerne l'autorisation de réintroduire les protéines animales dans l'alimentation des poissons, elle a écarté l'idée de demander au Gouvernement d'instaurer un moratoire tout en préservant, sur la proposition de votre rapporteur, la possibilité de solliciter un réexamen au niveau européen de cette autorisation, sur la base de rapports d'études.

Neuf amendements cosignés par M. Alain Fauconnier et le Président Daniel Raoul ont été adoptés par votre commission, dont huit de nature principalement rédactionnelle.

Le premier amendement , à l'alinéa 10, précise que la confiance des consommateurs n'est pas « rompue » mais simplement « entamée » par la réintroduction des PAT dans l'alimentation animale et qu'il en résulte un climat de suspicion à l'égard, non pas, de « l'ensemble des éleveurs » mais de la seule filière aquacole ».

Le deuxième amendement , à l'alinéa 11, affirme que les circuits-courts entre les producteurs et le consommateur final permettent de limiter les risques liés à la « traçabilité » et non pas à la « sécurité sanitaire » des aliments.

Le troisième amendement , à l'alinéa 12, supprime parmi les causes du climat de défiance à l'égard de l'ensemble des acteurs de l'agro-alimentaire « l'autorisation des protéines animales transformées pour l'alimentation des poissons d'élevage à compter de 2013 » mais maintient la mention des récents scandales autour de la viande de cheval retrouvée dans des aliments censés contenir du boeuf.

Le quatrième amendement , à l'alinéa 13, supprime la mention du contrôle dans l'énumération des insuffisances de la législation européenne.

Le cinquième amendement , à l'alinéa 15, de nature rédactionnelle concerne l'accélération de la mise en oeuvre de l'étiquetage : il met en exergue l'action du Gouvernement dans ce domaine.

Le sixième amendement , après l'alinéa 18, vise à demander le renforcement des obligations imposées aux entreprises de courtage de viande s'agissant, en particulier, de la traçabilité complète des produits qu'ils achètent et revendent.

Le septième amendement , à l'alinéa 19, remplace la suggestion de réforme des autorités européennes en charge de la sécurité sanitaire des denrées alimentaires par une demande de mobilisation des moyens nécessaires à une coordination des contrôles et une harmonisation des mesures lorsqu'une fraude alimentaire ou un problème de sécurité sanitaire est détecté simultanément dans plusieurs États-membres.

Le huitième amendement , à l'alinéa 22, substitue à la demande de moratoire une demande d'études d'évaluation :

- l'une sur les pratiques effectives de la filière de production des protéines et graisses animales dans l'ensemble des pays européens ;

- et l'autre sur les impacts économiques et environnementaux de l'utilisation des protéines animales pour les poissons d'élevage au regard de l'utilisation d'autres sources de protéines notamment végétales.

Il précise qu'au vu des résultats de ces études et en tant que de besoin, le Gouvernement est invité à demander le réexamen, par la Commission européenne, de l'autorisation des protéines animales transformées. Votre rapporteur observe que cette formulation préserve partiellement l'intention de la proposition de résolution initiale et du texte adopté par la commission des affaires européennes.

Le neuvième amendement , après l'alinéa 22, invite le Gouvernement à créer un label « 100 % végétal et poisson » et à promouvoir ce label au niveau européen.

*

* *

Réunie le mardi 23 avril 2013, la commission des affaires économiques a examiné le rapport de M. Jean-Jacques Lasserre sur la proposition de résolution européenne tendant à la création d'un droit européen pour le consommateur à la maîtrise et à la parfaite connaissance de son alimentation.

Après avoir adopté les neuf amendements co-signés par M. Alain Fauconnier et le président Daniel Raoul ainsi qu'un sous-amendement du rapporteur, elle a adopté à l'unanimité la proposition de résolution dans la rédaction issue de ses travaux et dont le texte figure ci-après.

PROPOSITION DE RESOLUTION

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu les articles 168, 169 et 191 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,

Vu le règlement (UE) n° 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l'information des consommateurs sur les denrées alimentaires,

Vu le règlement (CE) n° 178/2002 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l'Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires,

Vu la directive 2000/13/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 mars 2000 relative au rapprochement des législations des États membres concernant l'étiquetage et la présentation des denrées alimentaires ainsi que la publicité faite à leur égard,

Vu le règlement (UE) n° 56/2013 de la Commission du 16 janvier 2013 modifiant les annexes I et IV du règlement (CE) n° 999/2001 du Parlement européen et du Conseil fixant les règles pour la prévention, le contrôle et l'éradication de certaines encéphalopathies spongiformes transmissibles,

Vu la communication de la Commission européenne du 22 mai 2012 (COM (2012) 225 final) : Un agenda du consommateur européen - Favoriser la confiance et la croissance,

Considérant que la parfaite information du consommateur est indispensable à la maîtrise de son alimentation,

Considérant que la réintroduction de protéines animales transformées pour l'alimentation d'animaux destinés eux-mêmes à l'alimentation humaine peut entamer la confiance des consommateurs et créer un climat de suspicion à l'égard de l'ensemble de la filière aquacole,

Considérant que les circuits courts entre les producteurs et le consommateur final permettent de limiter les risques liés à la traçabilité des aliments,

Constate que les récents scandales autour de la viande de cheval retrouvée dans des aliments censés contenir du boeuf font peser un climat de défiance à l'égard de l'ensemble des acteurs de l'agro-alimentaire ;

Constate que ces épisodes ont mis en exergue l'insuffisance de la législation européenne dans le domaine de la traçabilité et de l'information des consommateurs ;

Demande que le droit relatif à l'information des consommateurs prévu dans le règlement 1169/2011 soit amélioré afin de créer un droit européen du consommateur à la maîtrise et à la parfaite connaissance de son alimentation ;

Soutient l'action du Gouvernement en direction de la Commission européenne afin que celle-ci présente dans les meilleurs délais, comme elle s'y est engagée, au Parlement européen et au Conseil, les deux rapports prévus aux articles 26.5 et 26.6 du règlement 1169/2011 relatifs à l'indication des pays d'origine de la viande utilisée en tant qu'ingrédient ainsi que l'indication d'origine de tous les types de viande ;

Demande que l'indication de la provenance de tous les aliments, en particulier s'agissant de la viande, entrant dans la composition des plats préparés soit rendue obligatoire par le biais d'un étiquetage ;

Estime que la législation européenne doit privilégier les circuits courts entre les producteurs de denrées alimentaires et le consommateur final ;

Souhaite que les règles actuelles relatives à la traçabilité telles qu'elles sont prévues notamment par l'article 18 du règlement n° 178/2002, soient complétées afin que les opérateurs soient tenus de mettre en place une procédure de traçabilité interne permettant de garantir la véracité des informations qu'ils communiquent ;

Demande que les obligations imposées aux entreprises de courtage de viande soient renforcées, notamment s'agissant de la traçabilité complète des produits qu'elles achètent et revendent ;

Demande que les autorités européennes puissent mobiliser les moyens nécessaires à une coordination des contrôles et une harmonisation des mesures lorsqu'une fraude alimentaire ou un problème de sécurité sanitaire sur les aliments survient simultanément dans plusieurs États-membres ;

Souligne la nécessité d'oeuvrer pour une réelle harmonisation des politiques européennes de sécurité alimentaire ;

Déplore le règlement (UE) n° 56/2013 de la Commission du 16 janvier 2013 visant à autoriser l'utilisation dès juin 2013 de protéines animales transformées pour l'alimentation des poissons d'élevage et salue l'opposition de la France lors du vote en comité de réglementation de cette décision ;

Demande que des études soient menées au plan national et européen en vue :

- d'évaluer les pratiques effectives de la filière de production des protéines et graisses animales dans l'ensemble des pays européens ;

- d'évaluer les impacts économiques et environnementaux de l'utilisation des protéines animales pour les poissons d'élevage au regard de l'utilisation d'autres sources de protéines notamment végétales ;

Au vu des résultats de ces études et en tant que de besoin, invite le Gouvernement à demander le réexamen, par la Commission européenne, de l'autorisation des protéines animales transformées ;

Invite le Gouvernement à créer un label « 100 % végétal et poisson » et à promouvoir ce label au niveau européen ;

Demande aux autorités européennes de ne prendre aucune nouvelle décision d'autorisation d'utilisation de protéines animales transformées dans l'alimentation des animaux d'élevage.

EXAMEN EN COMMISSION

(Mardi 23 avril 2013)

Réunie le mardi 23 avril 2013, la commission, sous la présidence de M. Daniel Raoul, président, a procédé à l'examen du rapport et du texte de la commission sur la proposition de résolution européenne contenue dans le rapport n° 461 (2012-2013), adoptée par la commission des affaires européennes en application de l'article 73 quinquies du Règlement, tendant à la création d'un droit européen pour le consommateur à la maîtrise et à la parfaite connaissance de son alimentation.

M. Daniel Raoul , président . - Cette proposition de résolution se télescope un peu avec les travaux de la mission commune d'information (MCI) sur la viande. Elle donnera toutefois lieu à un débat en séance publique...

M. Jean-Jacques Lasserre , rapporteur . - ...le 15 mai.

La proposition de résolution n°461 tendant à la création d'un droit européen pour le consommateur à la maîtrise et à la parfaite connaissance de son alimentation a pour objectif vise à éclairer ce dernier sur la nature des produits alimentaire qui lui sont proposés. A cette fin, elle prévoit d'accélérer la mise en oeuvre de la nouvelle réglementation européenne sur l'étiquetage et de ralentir ou d'interrompre le processus de réintroduction des protéines -toujours dénommées à tort farines - animales dans l'alimentation des poissons. Adoptée par la commission des affaires européennes à l'unanimité des membres présents sur le rapport de Catherine Morin-Desailly, cette proposition de résolution tend à apporter plusieurs précisions rédactionnelles au texte initial et une modification plus substantielle, consistant à remplacer la mention assez générale de la nécessité de créer un nouveau droit européen de la parfaite connaissance par le consommateur de son alimentation par un appel à une accélération de la mise en oeuvre des nouvelles règles d'étiquetage s'accompagnant d'une généralisation des exigences de traçabilité, aujourd'hui limitées pour l'essentiel à la viande bovine. Je vous suggère de vous rallier à cette modification de bon sens. En outre, la commission des affaires européennes a confirmé dans le texte sa réprobation de l'initiative européenne en matière de protéines animales et suggéré un moratoire.

Ce travail d'expertise ayant été remarquablement conduit, je me propose de vous soumettre une approche complémentaire, conformément aux traditions de notre commission, centrée sur les questions techniques et économiques et empreinte de pragmatisme.

La réglementation européenne prévoit la levée de l'interdiction de certaines protéines animales pour l'alimentation des poissons, première étape vers une réintroduction plus générale qui ne concernerait pas les ruminants mais les porcs et volailles - espèces naturellement omnivores ou carnivores - et exclurait tout recyclage intra-espèce.

Alors que certains voient l'interdiction des farines animales comme une règle intangible et universelle, rappelons avec l'Académie d'agriculture de France, que ces farines ont été données pendant 180 ans à toutes les espèces avant que dix années de végétarisme ne soient imposées en Europe y compris aux omnivores. La conséquence en est une dépendance aux importations de soja - parfois transgénique - ainsi que le renforcement de la spéculation sur les matières premières alimentaires. En outre, l'interdiction des farines animales se limite aux seuls pays de l'Union européenne alors que 85 % du poisson consommé en France est importé et que presque la moitié de la production mondiale proviendra bientôt de l'aquaculture qui, hors d'Europe, utilise les farines animales. Aujourd'hui, notre principale protection n'est que la possibilité d'exiger un certificat sanitaire justifiant qu'un bovin importé n'a pas été nourri avec des protéines animales de bovins.

La crise de la vache folle étant resté gravée dans toutes les mémoires, la presse qui titre sur « le retour des farines animales » a toutes les chances d'inquiéter les populations, surtout si les plus hautes autorités de l'Etat expriment simultanément et unanimement des réticences à l'égard de la réintroduction des protéines animales. Une démystification est absolument nécessaire, l'assimilation des protéines animales transformées (PAT) actuelles aux farines animales du passé relevant de la désinformation du consommateur. En effet, les premières sont aux secondes ce que l'eau de source est aux eaux usées. Elles proviennent exclusivement d'animaux sains et destinés à la consommation humaine - porcs, volailles et poissons - c'est-à-dire issues d'espèces monogastriques chez lesquelles aucune contamination n'a été mise en évidence en conditions naturelles.

Alors que jusqu'au milieu du XX e siècle, l'agriculture produisait ses propres intrants, la nutrition animale dépend désormais de systèmes d'échanges désormais largement mondialisés. La survie économique de l'éleveur dépend parfois tout autant de sa compétence technique que de sa capacité à gérer la volatilité des prix internationaux de l'alimentation animale. La sélection génétique des animaux d'élevage implique, pour répondre à leurs besoins en nourriture, des formulations alimentaires très exigeantes en termes de densité protéique, sans quoi les capacités d'ingestion de l'animal sont dépassées ; or, l'intérêt des PAT tient précisément à leur teneur élevée en protéines - entre 50 et 60 % voire de 65 à 70 % pour les farines de poisons - contre 45 à 50 % pour le tourteau de soja. L'Union européenne importe ce dernier pour plus de 70 % et de 53 % pour la France. Deuxième importateur après les Pays-Bas, nous en achetons chaque année entre 3,7 et 4,5 millions de tonnes principalement en provenance du Brésil où il est souvent issu de variétés génétiquement modifiées dont la culture n'est pas autorisée en Europe.

Selon le Conseil national de l'alimentation, - du fait de leur teneur en protéines, en énergie et en phosphore - la réintégration de PAT dans les aliments destinés à certains animaux d'élevage permettrait une substituabilité plus importante entre les autres matières premières, notamment les coproduits céréaliers.

Ma position initiale eut été d'adopter conforme la proposition de résolution qui nous est transmise après avoir été très substantiellement modifiée par la commission des affaires européennes. A la différence des pays du nord de l'Europe qui ont une conception beaucoup plus utilitariste de leur alimentation, la société française ne semble en effet pas prête à accepter la réintroduction des protéines animales. En conséquence, si nos producteurs venaient à utiliser les PAT, les invendus s'accumuleraient dans les rayons et nous irions tout droit dans le mur. Les évènements récents ne font que conforter cette thèse et il n'est pas étonnant que les filières aquacole et viande se soient, pour l'essentiel, déclarées opposées à l'utilisation de ces protéines animales. Une telle réintroduction affecterait un appareil de production déjà fragilisé, les travaux de la MCI sur la viande révélant par exemple que, dans la filière porcine, le différentiel de coût d'abattage d'une carcasse avec l'Allemagne atteint déjà dix euros du fait de l'emploi de main d'oeuvre étrangère et de plus grandes exploitations. Qu'en serait-il si l'utilisation des farines animales venait s'y ajouter ?

L'idée selon laquelle la France se spécialiserait dans le « sans PAT » est séduisante mais elle ne tient peut-être pas assez compte des réalités, à commencer par la baisse de pouvoir d'achat des ménages.

En tout état de cause, il semble opportun de tenter de retarder la réintroduction des PAT en s'engageant dans la voie du moratoire, même si elle est semée d'embûches juridiques,

Neuf amendements ont étés déposés, co-signés par notre collègue Alain Fauconnier et par le Président Daniel Raoul. Le principal remplace la demande de moratoire de la décision européenne par celle de rapports ou d'études mais, comme je le regrette, cet amendement ne prévoit nulle possibilité d'inviter le gouvernement à demander un réexamen de l'autorisation des PAT.

Comme en témoigne la croissance vertigineuse des ventes de plats transformés, les habitudes alimentaires ont changé et il faut mieux renseigner le consommateur sur l'origine de l'ingrédient principal en insistant sur la lisibilité de l'emballage. Pour sa part, le règlement européen sur l'information du consommateur (Inco) prévoit de porter la taille des caractères de un à 1,2 millimètre.

M. Gérard César . - Ca change tout !

M. Jean-Jacques Lasserre , rapporteur . - Toutefois, trop d'informations tue l'information ; les praticiens mettent en avant non seulement un risque de surcoût des produits mais aussi une série de difficultés techniques et d'incertitudes auxquelles il convient de répondre au plus vite, en attendant les « étiquettes intelligentes » qui délivreront beaucoup d'informations sans qu'on soit obligé de les lire : programmé à cette fin, le téléphone portable scannera les emballages de manière à privilégier certains produits ou à en éviter d'autres.

M. Martial Bourquin . - Ce dossier semble technique alors qu'il est extrêmement politique. Les farines animales ont donné lieu au plus grand scandale sanitaire de la fin du siècle dernier. Elles ont causé des morts et l'on apprend que la Commission européenne s'apprête à les réintroduire en catimini et sans aucune étude d'impact. Elle a imposé la fin de leur interdiction pour les poissons dont on sait pourtant que tous ne sont pas carnivores et ce, malgré l'opposition de l'Allemagne et de la France. Le rapporteur nous dit que nous n'avons pas le choix. Face à cette situation, il nous faut mettre en place un label «  produit sans farines animales » faute de quoi, si une nouvelle épidémie liée à ces farines survenait dans quelques années, ceux qui nous accuseraient auraient raison. Il semble que la ministre de l'environnement travaille à l'instauration d'un tel label ; il faudrait qu'il entre en vigueur en même temps que la décision européenne relative aux PAT, soit le 1 er juin.

Il n'y a plus de listeria mais on nous dit que certaines infections nosocomiales ne sont pas liées aux antibiotiques administrés mais à ceux contenus dans la viande ingérée par le patient ! Ce n'est pas une mince affaire.

M. Jean-Claude Lenoir . - Nos avons tous en mémoire les évènements de 1995-1996. Pour le consommateur, les farines animales sont un poison. La proposition européenne, même limitée au poisson, serait très difficile à comprendre chez nous, mais n'oublions pas que certains pays n'ont pas connu l'ESB. Je comprends bien l'argument lié à l'équilibre de nos échanges voire au fait que les animaux nourris avec ces farines ont une chair plus abondante ou plus tendre. La décision de réintroduire les farines animales n'en serait pas moins lourde de conséquences.

Je suis surpris que l'on puisse comparer la viande et le poisson car pour ce dernier, l'origine des produits me semble ne pas être toujours clairement indiquée.

M. Daniel Raoul , président . - Vous faites sans doute assez peu le marché...

Chers collègues, n'assimilez pas les PAT aux farines animales. L'ESB est survenue car l'on n'avait pas respecté toutes les étapes - notamment le réchauffement - dans la fabrication de ces produits.

M. Yannick Vaugrenard . - Si le consommateur est bien mieux informé qu'il ne l'était il y a 10 ou 15 ans, les précisions utiles qui nous on été apportées aujourd'hui mériteraient de lui être communiquées.

On attribue la décision à la Commission de Bruxelles, mais c'est faux. Elle est chargée de proposer des textes pour appliquer des décisions politiques ; en l'occurrence, il s'agit bien d'une décision prise par des Etats politiquement responsables avec seuls deux refus, celui de l'Allemagne et de la France.

M. Alain Chatillon . - A Bruxelles, il faut quatre refus pour qu'un texte ne soit pas adopté.

Dans l'affaire Spanghero - qui constitue une fraude et non un scandale - les pertes se sont élevées à 200 000 euros par mois au point d'en arriver à la liquidation de biens de cette entreprise de 384 salariés ; les médias y ont leur part de responsabilité. Le poids des mots, le choc des idées.

Près de 90 % des 1,5 million de tonnes de protéines végétales utilisées en France sont importés du Brésil, d'Argentine et d'Amérique du Nord et contiennent des OGM interdits en France ; il y a là quelque chose d'hypocrite. Quant aux saumons d'élevage écossais ou norvégiens, ils ont souvent été nourris avec des matières animales incontrôlées, d'où l'intérêt de veiller à la mention « saumon sauvage ». Un effort devrait être fait pour que les fonctionnaires qui défendent nos positions à Bruxelles soient plus au fait des réalités de l'industrie agroalimentaire comme c'est le cas en Allemagne ou en Italie où les services sont en relation permanente avec les syndicats professionnels.

Ce texte européen est un ukase que l'on ne peut accepter ! Il faut monter au feu en informant les journalistes, ce qui ne sera pas sans effet sur l'attitude des consommateurs vis-à-vis des produits importés. Des moyens sont à notre disposition ; à nous de les employer.

M. Daniel Raoul , président . - On trouve aussi des élevages de saumon au sud de l'Irlande.

M. Gérard Bailly . - Afin d'assurer affectivement la transparence de l'étiquetage, ne pourrait-on pas disposer d'un document de la Commission indiquant ce qui peut et ce qui ne peut pas figurer sur les étiquettes ? Nous avons appris dans le cadre de la MCI que 90 % des poulets de nos cantines scolaires étaient importés et avaient sans doute été nourris eux OGM. Ne peut-on pas mettre en place un étiquetage lisible ?

M. Alain Fauconnier . - Merci au rapporteur de ses précisions bien utiles dans la période actuelle.

Il me semble préférable d'employer le mot d'aquaculture plutôt que celui d'élevage qui est générique. Rappelons enfin, que la France dispose déjà du label « Aquaculture de nos régions » qui concerne 75 % des produits et interdit l'utilisation de farines animales.

M. Joël Labbé . - Peut-être pourrait-on aboutir à des produits acceptables du point de vue sanitaire si l'ensemble des étapes de la chaîne de transformation étaient respectées, mais tel n'est pas toujours le cas et quoiqu'il en soit, le doute a été semé dans l'opinion publique. Il est vrai que, renoncer aux PTA aboutit aujourd'hui à importer des protéines végétales contenant souvent des OGM, mais l'on peut espérer que d'autres solutions seront trouvées dans la cadre de la loi sur l'avenir de l'agriculture, telles que la nouvelle agronomie ou la rotation des cultures. En Europe, comme en Amérique du Sud, nous devrons en effet tous faire face au défi de la souveraineté alimentaire.

Je partage les plus grandes réserves déjà exprimées sur les PAT car nous ne sommes jamais à l'abri d'un scandale. Quant aux antibiotiques administrés dans les élevages à titre préventif, ils présentent eux aussi des dangers pour la santé humaine.

M. Gérard César . - Dommage que la MCI n'ai pas terminé ses travaux car ils se télescopent avec les nôtres. Il faudra revenir sur le rôle des traders ; ils font n'importe quoi et, dans l'affaire Spanghero, j'espère qu'ils seront lourdement sanctionnés.

Nous demandons que la Commission européenne mène des études qui permettront un réexamen complet de la question des protéines animales données au poisson.

M. Daniel Raoul , président . - Un amendement a été déposé à leur sujet.

M. Gérard Le Cam . - La crise de la vache folle a coûté très cher, notamment aux éleveurs et nous n'avons aucune envie de la revivre.

Il serait bon de faire un point sur notre dépendance protéinique et les accords passés avec l'Amérique du Nord et du Sud en la matière.

Le refus par la Commission européenne des rejets sur les bateaux va nous laisser des milliers voire des millions de tonnes de poissons qui pourraient peut-être être utilisés dans la fabrication de farines puisqu'il est en tous cas certain que les poissons mangent des poissons.

Ce sujet est lié à l'évolution de la PAC dont on peut attendre la mise en oeuvre de nouvelles techniques agronomiques venant réduire notre dépendance aux importations.

M. Jean-Jacques Lasserre , rapporteur . - Tout ne se réglera pas à coup de règlements et de directives. Ce que nous pouvons, c'est initier un double mouvement de pédagogie en direction des consommateurs et d'orientation de l'agriculture. Il est commode de faire des amalgames et de jouer sur les frayeurs mais nous avons tout de même le devoir de rappeler la différence qui existe entre les PAT et les farines animales ainsi qu'entre un moratoire et le fait de dire que tel produit est sans protéine animale, ce qui peut effectivement être un bon argument commercial. Qui d'autre le fera, si ce n'est le Sénat ? La France ne peut s'imposer seule une discipline au sein d'un marché européen concurrentiel.

Je suis agriculteur, nous caressons depuis 30 ou 40 ans le rêve fou de produire de la matière azotée mais la recherche ne s'en est jamais occupé. Même si l'on décidait enfin de s'y mettre, cela prendra 15 ans et entre temps, il faudra bien que nos producteurs et l'industrie vivent et pour cela, qu'elles importent.

Un amendement a effectivement été déposé sur les traders , ces spécialistes du trafic et du commerce que l'on retrouve dans tous les secteurs.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Alinéa 10

L'amendement n°Com-1 rédactionnel et de précision est adopté.

Alinéa 11

M. Jean-Jacques Lasserre , rapporteur . - Lorsqu'on sait que 35 à 40 % des acheteurs de produits Spanghero ont été retrouvés on prend la mesure des dégâts d'une surinformation et de l'exploitation des frayeurs.

M. Jean-Jacques Mirassou . - Cela ne se maîtrise pas, d'où la nécessité de faire de la prophylaxie. Il était question de 500 tonnes de minerai de cheval, ce n'est pas une paille !

M. Martial Bourquin . - Les médias ne sont pas responsables de l'affaire Spanghero. Si ce scandale a pris une dimension internationale, c'est du fait des incertitudes existant en matière d'alimentation et de traçabilité.

La France et l'Allemagne qui se sont opposées au texte avaient des raisons pour le faire et faute de moratoire, l'on doit se contenter d'un label indiquant l'absence de protéines animales.

M. Jean-Jacques Lasserre , rapporteur . - C'est la liberté !

M. Martial Bourquin . - Oui, c'est la liberté.

M. Daniel Raoul , président . - La panique a créé des dégâts considérables dans la filière viande mais il faut veiller à ne pas alimenter des frayeurs infondées. Il n'a y pas eu de scandale sanitaire ; il y a eu une faute. L'alinéa n° Com-2 propose de remplacer le mot « sécurité sanitaire » par celui de « traçabilité ».

M. Gérard César . - C'est plus fort !

L'amendement n° Com-2 est adopté.

Alinéa 12

M. Daniel Raoul , président . - L'amendement n° Com-3 supprime une répétition inutile, qui risque de créer une confusion.

L'amendement n°Com-3 est adopté.

Aliéna 13

M. Jean-Jacques Lasserre , rapporteur . - L'amendement n° Com-4 s'explique par le fait que nous ne sommes pas face à un problème de contrôle mais de traçabilité.

M. Gérard César . - Heureusement toutefois qu'il y aussi les contrôles.

L'amendement n° Com-4 est adopté.

Alinéa 15

M. Daniel Raoul , président . - L'amendement n° Com-5 modifie la rédaction de l'alinéa 15 qui, là où le texte initial prévoyait que la Commission rende un rapport pour septembre, lui demande de le faire dans les meilleurs délais.

L'amendement n° Com-5 est adopté.

Alinéa 18

M. Daniel Raoul , président . - L'amendement n° Com-6 concerne la responsabilité des entreprises de trading et demande le renforcement de leurs obligations en matière de transparence et de traçabilité.

M. Alain Fauconnier . - Le terme de courtage ne serait-il pas plus français ?

M. Jean-Jacques Lasserre , rapporteur . - Ce serait trop noble ! Cela dit, j'accepte cette modification.

L'amendement n° Com-6 ainsi rectifié est adopté.

Alinéa 19

M. Alain Fauconnier . - L'amendement n° Com-7 demande que les autorités européennes puissent mobiliser les moyens nécessaires à une coordination des contrôles et une harmonisation des mesures en cas de fraude. Cette réécriture de l'alinéa 19 s'inscrit dans le sens des préconisations du rapporteur et les rend plus explicites.

M. Daniel Raoul , président . - Le gouvernement pourra s'appuyer sur cette rédaction pour réclamer la mise en place de ces mesures.

M. Gérard César . - En adoptant au fond cette résolution déjà approuvée par la Commission des affaires européennes nous renforcerons la position du gouvernement français dans les négociations à Bruxelles.

L'amendement n° Com-7 est adopté.

Alinéa 22

M. Daniel Raoul , président . - L'instauration d'un moratoire se heurtant à des obstacles juridiques, l'amendement n° Com-8 prévoit la réalisation d'études afin d'évaluer l'utilisation des protéines animales pour les poissons d'élevage.

M. Jean-Jacques Lasserre , rapporteur . - Le sous-amendement n° Com-10 que je propose complète ce dispositif et invite le gouvernement à demander à la Commission de réexaminer, au vu des ces études, sa position.

M. Martial Bourquin . - N'oublions pas le manque de protéines. Des élevages piscicoles de qualité le surmontent grâce à l'élevage d'insectes comme des mouches noires ou des vers de farines.

M. Gérard César . - Le terme « est invité » est trop faible, prévoyons que le gouvernement « devra » demander à la Commission de réexaminer sa position.

M. Daniel Raoul , président . - Le parlement ne peut adresser d'injonctions au Gouvernement.

Le sous-amendement n° Com-10 est adopté.

L'amendement n° Com-8, ainsi amendé, est adopté.

Alinéa additionnel après l'alinéa 22

M. Daniel Raoul , président . - L'amendement n° Com-9, qui satisfera tous les groupes politiques, invite le gouvernement à créer un label « 100 % végétal et poisson » et à le promouvoir au niveau européen.

L'amendement n° Com-9 est adopté.

M. Gérard Bailly . - Le droit européen encadre l'étiquetage et interdit de faire figurer certaines informations. Précisons à l'alinéa 16 que la parfaite information du consommateur est indispensable à la maîtrise de son alimentation, « notamment par son étiquetage ». Les professionnels que nous auditionnons dans le cadre de la mission commune d'information sur la filière viande en France et en Europe s'en plaignent.

M. Jean-Jacques Lasserre , rapporteur . - Le rapport propose d'indiquer pour les viandes fraîches réfrigérées et congelées la date et le lieu de naissance de l'animal, le lieu d'élevage, le lieu d'abattage et le pays d'origine.

M. Gérard Bailly . - Quid de la nourriture ? Un animal nourri à l'ensilage n'est pas un animal nourri à l'herbe.

M. Jackie Pierre . - La législation prévoit certaines mentions minimales sur les étiquettes, mais elle n'interdit pas de faire figurer d'autres informations. La liberté d'informer existe.

M. Jean-Jacques Lasserre , rapporteur . - Certains professionnels portent déjà d'autres mentions sur leurs étiquettes, notamment à des fins promotionnelles.

M. Daniel Raoul , président . - Les travaux de la MCI sur la filière viande seront l'occasion d'approfondir cette question de l'étiquetage.

La proposition de résolution est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

M. Daniel Raoul , président . - A l'unanimité ! Le texte sera examiné en séance le 15 mai.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Mardi 16 avril 2013

- Syndicat national de l'industrie de la nutrition animale (SNIA) : MM. Alain Guillaume , président et Stéphane Radet , directeur ;

- Coop de France : MM. Bruno Colin , président de la filière bovine au pôle animal, Jacques Poulet , directeur du pôle animal et Mme Irène de Bretteville , responsable des relations avec le Parlement ;

- Secrétariat général des affaires européennes (SGAE) : MM. Sylvain Maestracci , chef du secteur « agriculture, alimentation et pêche » et Florian Simonneau , adjoint en charge des sujets alimentaires.


* 1 Il s'agit de la proposition de résolution n° 413 (2012-2013) de M. François Zocchetto et les membres du groupe UDI-UC, déposée au Sénat le 28 février 2013. Son dispositif est identique à celui de la proposition de résolution européenne de M. Jean-Louis BORLOO et plusieurs de ses collègues n° 769 (AN), déposée le même jour à l'Assemblée nationale.

* 2 Rapport n° 461 (2012-2013) de Mme Catherine MORIN-DESAILLY, fait au nom de la commission des affaires européennes, déposé le 28 mars 2013

* 3 « Des Farines Animales aux Protéines Animales Transformées : Les capacités adaptatives des filières utilisatrices » - Séance du 9 mars 2011.

* 4 « Notice sur les moyens d'utiliser toutes les parties des animaux morts dans les campagnes ».

* 5 Conseil national de l'alimentation : Quelle place pour les protéines animales transformées (PAT) dans l'alimentation des porcs, des volailles et des poissons ? - Avis n° 70 adopté le 1 er décembre 2011.

* 6 La situation mondiale des pêches et de l'aquaculture - Rapport 2012 du département des pêches et de l'aquaculture de la FAO - Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture.

* 7 Cf. les interventions au Colloque tenu à Nantes en décembre 2007 sur « La gouvernance de l'alimentation » pour célébrer le vingtième anniversaire du Conseil national de l'alimentation.

* 8 Comme le fait observer le CNA, une grande prudence s'impose dans l'utilisation de ces simulations en raison de la volatilité récurrente du prix des matières premières, toujours à même d'inverser les tendances escomptées.

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