PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu l'article 349 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE),

Vu la décision n° 2007/659/CE du Conseil du 9 octobre 2007 autorisant la France à appliquer un taux d'accise réduit sur le rhum « traditionnel » produit dans ses départements d'outre-mer et abrogeant la décision 2002/166/CE,

Vu la décision n° 896/2011/Union européenne du Conseil du 19 décembre 2011 modifiant la décision 2007/659/CE en ce qui concerne sa période d'application et le contingent annuel pouvant bénéficier d'un taux d'accise réduit,

Vu la décision de la Commission européenne du 27 juin 2007 autorisant l'aide d'État n° 530/2006 « Taux d'accise réduit sur le rhum "traditionnel" produit dans les départements d'outre-mer » (C(2007) 647 final),

Vu le règlement (CE) n° 110/2008 du Parlement européen et du Conseil du 15 janvier 2008 concernant la définition, la désignation, la présentation, l'étiquetage et la protection des indications géographiques des boissons spiritueuses et abrogeant le règlement (CEE) n° 1576/89 du Conseil,

Vu la résolution du Parlement européen du 18 avril 2012 sur le rôle de la politique de cohésion dans les régions ultrapériphériques de l'Union européenne dans le contexte de la stratégie « Europe 2020 »,

Vu la communication de la Commission européenne « La promotion et l'information en faveur des produits agricoles : une stratégie à forte valeur ajoutée européenne pour promouvoir les saveurs de l'Europe » du 30 mars 2012 (COM (2012) 148 final),

Vu les articles 403 du code général des impôts et L. 245-9 du code de la sécurité sociale,

Vu le rapport d'information n° 519 (2008-2009) du 7 juillet 2009 de la mission commune d'information du Sénat sur la situation des départements d'outre-mer,

Vu la résolution européenne du Sénat n° 226 (2010-2011) du 3 mai 2011 tendant à obtenir compensation des effets, sur l'agriculture des départements d'outre-mer, des accords commerciaux conclus par l'Union européenne,

Vu la résolution européenne du Sénat n° 30 (2012-2013) du 19 novembre 2012 relative à la stratégie européenne pour les régions ultrapériphériques à l'horizon 2020,

Considérant, comme le rappelle l'article 349 du TFUE, que « la situation économique et sociale structurelle » des régions ultrapériphériques « est aggravée par leur éloignement, l'insularité, leur faible superficie, le relief et le climat difficiles » ;

Considérant que ce même article 349 souligne la « dépendance économique » de ces régions « vis-à-vis d'un petit nombre de produits » ;

Considérant que ledit article prévoit, en conséquence, la possibilité d'arrêter des mesures spécifiques aux régions ultrapériphériques portant, en particulier, sur la politique fiscale et les aides d'État, « en tenant compte des caractéristiques et contraintes particulières de ces territoires » ;

Considérant que l'application d'un taux d'accise réduit pour le rhum traditionnel produit dans les départements d'outre-mer (DOM) a été autorisée par les décisions du Conseil et de la Commission européenne susvisées ;

Considérant que cette aide d'État à finalité régionale vient à échéance le 31 décembre 2013, soit dans moins d'un an ;

Constate que ces territoires sont soumis à une situation économique particulièrement alarmante et connaissent un taux de chômage extrêmement élevé ;

Rappelle que la filière canne-sucre-rhum est un des piliers de l'économie des DOM et qu'elle occupe une place prépondérante dans leurs exportations, alors même que leur balance commerciale est largement déficitaire ;

Souligne que cette filière génère plusieurs dizaines de milliers d'emplois directs et indirects ;

Observe que ladite filière est l'exemple le plus significatif d'activité intégrée dans les DOM, que la production de rhum, indissociable de la production locale de canne et de sucre, en est le véritable moteur et qu'elle joue un rôle essentiel en matière d'aménagement du territoire ;

Fait valoir que cette filière contribue également à la préservation de l'environnement, en évitant l'érosion des sols, ainsi qu'à la lutte contre le changement climatique et à l'indépendance énergétique de ces territoires, à travers la production d'électricité à partir de la bagasse et le développement de bioénergies ;

Rappelle que cette production traditionnelle contribue à « la diversité et la qualité de la production agricole de l'Union européenne », saluée en ces termes par la Commission dans sa communication susvisée, et, au-delà de la filière, constitue un produit phare de ces territoires en termes d'image et de tourisme, illustrant le patrimoine économique et culturel ultramarin ;

Réaffirme que les accords commerciaux conclus par l'Union européenne avec les pays d'Amérique latine et d'Amérique centrale sont une véritable menace pour les DOM, qui s'illustre dans la hausse importante des ventes des rhums des pays tiers entre 2008 et 2011, plus de quatre fois supérieure à celle des rhums des DOM, et précise que les négociations commerciales menées par la Commission européenne avec l'Inde pourraient aggraver encore cette situation ;

Souligne les écarts considérables et croissants de coûts de production entre les DOM et les autres pays producteurs, avec un rapport de un à quatre ;

Relève que la définition communautaire du rhum traditionnel, gage de la qualité du produit, soumet les producteurs à des obligations particulièrement contraignantes qui creusent ce différentiel de compétitivité ;

Note que d'autres pays, à commencer par les États-Unis, subventionnent massivement leur propre filière, le plus souvent à travers des aides directes aux producteurs ;

En conséquence :

Considère que l'aide fiscale est indispensable au maintien de l'accès au marché national des rhums des DOM, et, corrélativement, à la survie d'une filière canne-sucre-rhum dans ces territoires ;

Observe que la Commission européenne partage ce jugement, considérant dans sa décision susvisée que « la fiscalité préférentielle bénéficie aux différents acteurs de la filière canne-sucre-rhum » et assure « le maintien de la culture cannière, la pérennisation des emplois qui lui sont liés, et contribue à l'aménagement du territoire des régions d'outre-mer » ;

Constate que cette aide n'a pas provoqué de distorsion de concurrence au détriment des autres pays producteurs, comme l'attestent la progression importante de leurs parts de marché et le fait qu'aucune entreprise de ces pays ne se soit installée dans les DOM pour bénéficier de l'aide fiscale ;

Estime que l'aide fiscale doit permettre de compenser l'ensemble des surcoûts subis par les producteurs de ces territoires, afin de garantir un débouché commercial au rhum des DOM, dans le respect des règles communautaires et notamment de l'article 349 susvisé ;

Considère que l'appréciation des caractéristiques et contraintes particulières des DOM doit notamment prendre en compte les coûts majorés des matières premières, de l'énergie, du transport et des intrants, ainsi que ceux résultant du respect des normes environnementales et sociales et de l'évolution de la masse salariale ;

Fait valoir qu'à côté des coûts de production, doivent également être pris en compte les surcoûts liés à l'accès au marché, comme le soulignait la Commission européenne dans sa décision susvisée mentionnant que les rhums traditionnels faisaient l'objet « d'un type de conditionnement (degré et contenance) augmentant le prix de vente en valeur absolue » ;

Constate que les coûts de production comme les coûts d'accès au marché ont considérablement augmenté depuis 2007 ;

Préconise le renouvellement à l'identique de la décision du Conseil susvisée, la procédure suivant son cours ;

Souligne l'urgence pour la Commission européenne à ouvrir les discussions sur le renouvellement du dispositif d'aide d'État au-delà du 31 décembre 2013 ;

Souhaite que le régime dérogatoire applicable aux rhums traditionnels des DOM puisse être renouvelé sur la base du dispositif, particulièrement équilibré, présenté par le Gouvernement français à la Commission européenne le 18 février 2013 ;

Salue la mesure spécifique que ce dispositif propose en faveur des petites distilleries, dans la mesure où celles-ci, particulièrement vulnérables, participent au maillage du territoire et à une production diversifiée et de qualité.

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