EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Introduite par la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la V ème République, la procédure du « référendum d'initiative partagée » consiste en une nouvelle forme d'initiative parlementaire pouvant déboucher sur l'organisation d'un référendum. Les troisième à sixième alinéas de l'article 11 de la Constitution prévoient ainsi qu'à l'initiative d'un cinquième des membres du Parlement une proposition de loi peut être proposée au soutien d'un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales en vue de son examen par le Parlement ou, à défaut, de sa soumission au référendum.

La procédure ainsi inscrite dans la Constitution a pu être présentée comme un « référendum d'initiative populaire ». Tel n'est pas le cas puisqu'il s'agit d'un référendum d'initiative partagée qui ne peut être mis en oeuvre qu'avec l'assentiment explicite d'un cinquième des parlementaires et d'un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. Il a aussi pu être compris que dès lors que ces conditions étaient remplies, l'organisation d'un référendum s'imposait. Tel n'est pas non plus le cas, car dès lors que ces conditions sont remplies, le Président de la République ne peut soumettre la proposition de loi au référendum que si, selon les termes de la Constitution, celle-ci n'est pas examinée par l'une et l'autre des assemblées du Parlement. Or, comme il existe six groupes politiques dans chaque assemblée disposant chacun des moyens d'obtenir l'inscription du texte à l'ordre du jour, comme le Gouvernement dispose, en outre, d'un même droit, il est très peu probable qu'une proposition de loi qui aurait suscité l'assentiment du dixième du corps électoral ne soit pas inscrite à l'ordre du jour des deux assemblées. Comme, de surcroît, la Constitution ne requiert que l'examen de la proposition de loi et non qu'elle soit votée, ni même soumise au vote, le Président de la République ne se trouvera qu'exceptionnellement en situation de procéder au référendum. Aussi s'agit-il d'un dispositif en trompe-l'oeil qui crée formellement le référendum d'initiative partagée sans pour autant - c'est le moins qu'on puisse dire - favoriser sa mise en oeuvre.

Pour que s'engage le processus, le Conseil constitutionnel doit au préalable déclarer cette proposition recevable au regard de conditions formelles - nombre de soutiens parlementaires et de citoyens requis, respect de certains délais - et matérielles. À ce titre, le Conseil constitutionnel doit en premier lieu s'assurer que la proposition de loi intervient dans le champ du référendum défini au premier alinéa de l'article 11 de la Constitution, qui comprend : l'organisation des pouvoirs publics, les réformes relatives à la politique économique, sociale ou - depuis la révision constitutionnelle de 2008 - environnementale de la Nation et aux services publics qui y concourent, enfin la ratification d'un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions. Le Conseil constitutionnel procède en second lieu à un contrôle de la conformité à la Constitution de la proposition de loi, en vertu du premier alinéa de l'article 61 de la Constitution.

En application de l'article 46 de la même loi constitutionnelle, la mise en oeuvre de cette nouvelle procédure est subordonnée à l'entrée en vigueur de la loi organique à laquelle le constituant a renvoyé à plusieurs reprises. Afin de rendre ce dispositif effectif, il n'a ainsi pas donné habilitation générale au législateur organique mais a prévu son intervention pour déterminer les « conditions de présentation » de l'initiative et les conditions du contrôle opéré par le Conseil constitutionnel, ainsi que pour fixer le délai dont disposent les deux assemblées pour examiner la proposition de loi, à l'expiration duquel le Président de la République la soumet à référendum. En outre, l'article 63 de la Constitution prévoit que la loi organique détermine la procédure qui est suivie devant le Conseil constitutionnel.

Tel est l'objet du projet de loi organique et du projet de loi dont le Sénat est saisi en deuxième lecture. Il permettra que, près de cinq ans après l'adoption de la révision constitutionnelle de 2008, elle puisse enfin être effective dans chacune de ses dispositions.

I. LES PRINCIPALES DISPOSITIONS DES PROJETS DE LOI À L'ISSUE DE LA PREMIÈRE LECTURE À L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En première lecture, l'Assemblée nationale n'avait apporté que des modifications marginales aux projets de loi, conservant l'économie générale du dispositif proposé par le Gouvernement.

A. LA DISTINCTION ENTRE PROPOSITION DE LOI ET INITIATIVE RÉFÉRENDAIRE

Afin de répondre aux dispositions du troisième alinéa de l'article 11 de la Constitution selon lesquelles la nouvelle procédure est mise en oeuvre « à l'initiative d'un cinquième des membres du Parlement » et « prend la forme d'une proposition de loi », le projet de loi organique proposait de distinguer entre, d'une part, une proposition de loi et, d'autre part, l'initiative proprement dite qui consistait en la saisine du Conseil constitutionnel en vue du contrôle de recevabilité prévu au quatrième alinéa de l'article 11. Cette initiative pouvait, contrairement à la proposition de loi, être cosignée par des membres des deux assemblées (article 1 er du projet de loi organique).

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