C. UNE GOUVERNANCE RÉNOVÉE, PLUS DÉMOCRATIQUE ET COLLÉGIALE

1. Un fonctionnement plus démocratique et collégial de l'université
a) La mise en place d'un conseil académique

Il est essentiel que les membres du conseil d'administration de l'université se comportent en véritables administrateurs, chargés des choix stratégiques, du pilotage et du budget de l'établissement, et non en représentants de telle composante ou discipline, accaparés par des questions techniques, de gestion quotidienne de l'établissement ou catégorielle. Afin de répondre à cette exigence de recentrage du conseil d'administration sur ses fonctions de stratège, le projet de loi prévoit la mise en place d'un conseil académique, composé d'une commission de la recherche et d'une commission de la formation qui reprendraient respectivement les compétences consultatives du conseil scientifique et du conseil des études et de la vie universitaire (articles 24, 27 et 28).

Chacune de ces deux commissions disposerait, en outre, de compétences décisionnelles propres, afin de décharger le conseil d'administration de l'examen de certaines questions techniques (qui peuvent être abordées plus efficacement au sein de commissions de spécialistes) ou liées à la gestion quotidienne de l'établissement, non directement stratégiques : adoption des règles relatives aux examens, examen des questions individuelles relatives à la carrière des enseignants-chercheurs...

L'attribution au conseil académique, dans sa formation plénière, d'un rôle consultatif dans la définition des orientations des politiques de formation et de recherche vise également à mettre un terme à la tension existant au sein de nombre d'établissements entre les besoins de la recherche et ceux de la formation, que ce soit au niveau de la répartition des moyens, des profilages de postes et des recrutements. En revanche, à la différence des deux commissions qui le composent, le conseil académique ne détient de pouvoirs décisionnels qu'en formation restreinte aux enseignants-chercheurs pour examiner les questions individuelles relatives au recrutement, à l'affectation et à la carrière des enseignants-chercheurs.

b) La révision des règles électorales
(1) Une prime majoritaire atténuée

Dans nombre d'établissements, il est apparu que la prime majoritaire, prévue par les dispositions de l'article L. 719-1 du code de l'éducation, attribuée dans chacun des collèges de représentants d'enseignants-chercheurs (collèges A pour les professeurs d'université et B pour les maîtres de conférences) au conseil d'administration à la liste arrivée en tête aux élections pouvait être à l'origine de situations de blocage lorsque des listes concurrentes recueillaient une majorité de suffrages dans le collège correspondant. Du fait de cette neutralisation, ce sont finalement les voix des représentants des personnels ingénieurs, administratifs, techniques, ouvriers et de services (BIATSS) et des étudiants qui ont permis au président élu de recueillir la majorité absolue des suffrages.

En outre, la liste arrivée en tête dans un collège participe à la répartition des sièges restants à la représentation proportionnelle au plus fort reste, ce qui renforce encore sa représentation au conseil d'administration au détriment des autres listes. Il est parfois arrivé que cette liste ne disposait en réalité que quelques voix d'avance sur les autres listes, voire une seule, situation qui a été à l'origine de nombreux recours.

Dans ces conditions, l'article 37 du projet de loi, outre le fait qu'il introduit une obligation de parité entre les femmes et les hommes dans la constitution des listes de candidats pour chaque collège, prévoit une atténuation de la prime majoritaire pour l'élection des représentants des personnels enseignants. L'instauration d'un scrutin de liste à deux tours pour l'élection des représentants des personnels enseignants et BIATSS (contre un scrutin de liste à un tour pour l'ensemble des collèges de représentants élus auparavant) devrait conduire à l'attribution d'un siège à la liste arrivée en tête au premier tour, le restant des sièges devant être réparti entre toutes les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés à la représentation proportionnelle au plus fort reste. En cas de second tour (c'est-à-dire si aucune liste n'a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour), la répartition des sièges s'opère entre toutes les listes ayant obtenu au moins 10 % des suffrages exprimés à la représentation proportionnelle au plus fort reste.

(2) La suppression de la sectorisation dans la constitution des listes de candidats

En définissant quatre grands secteurs de formation et en imposant aux listes de candidats dans les collèges A et B la représentation de tous les grands secteurs de formation enseignés dans l'université (dans le collège des étudiants, au moins deux des grands secteurs doivent être représentés sur les listes de candidats), le législateur a cherché à éviter le risque d'un monopole disciplinaire au conseil d'administration. Ce faisant, ce dispositif, très contraignant pour la constitution des listes de candidats dans les collèges A et B n'a, dans certaines situations, pas permis la réunion d'enseignants autour d'un projet.

Dans certains établissements, des listes de candidats n'ont pas réussi à se constituer de manière conforme aux dispositions de la loi, faute, par exemple, de candidat issu du secteur représentant les disciplines de santé. Ceci a pu conduire à organiser une élection avec une seule liste recevable dans un collège donné, ce qui porte atteinte au pluralisme. D'une manière générale, il est arrivé que le faible nombre de professeurs des universités relevant d'un grand secteur de formation pourtant bien présent dans l'université a posé des difficultés pour la constitution des listes. Au demeurant, un élu du conseil d'administration doit, à ce titre, défendre un projet pour l'intérêt de l'établissement. Il ne représente pas les intérêts particuliers de sa discipline ou de son grand secteur de formation. Le projet de loi initial du Gouvernement proposait, dans ces conditions, de supprimer le principe de sectorisation dans la constitution des listes de candidats au conseil d'administration.

2. Le renforcement du principe de subsidiarité au sein de l'université

Dans le cadre de la mise en application de la loi LRU, le passage des universités aux « responsabilités et compétences élargies » en matière budgétaire et de gestion des ressources humaines telles que définies à l'article L. 712-8 du code de l'éducation, a conduit à un renforcement des compétences des services centraux. Le développement des services centraux administratifs était indispensable à la mise en oeuvre d'une véritable politique d'établissement et à la mise en place de dispositifs de surveillance permanents destinés à prévenir les dérives financières.

Les audits conduits par l'IGAENR au cours des trois dernières années, qu'ils portent sur la « fonction formation », sur la répartition des moyens au sein des universités ou, plus particulièrement, sur les universités en difficulté financière, ont démontré que les établissements dans lesquels la culture facultaire était demeurée forte rencontraient des difficultés notables dans la régulation de leur offre de formation, dans l'adaptation de la répartition interne des moyens à l'évolution des besoins et dans la concrétisation d'un projet d'établissement qui dépasse les divergences d'intérêt des différentes composantes.

Néanmoins, l'exemple d'universités étrangères performantes montre qu'il est indispensable de définir un point d'équilibre entre la nécessaire centralisation de certains processus et la non moins nécessaire responsabilisation des acteurs à tous les niveaux.

Dans cette logique, l'article 30 du projet de loi prévoit l'institution, au sein de chaque université, d'un conseil des directeurs de composantes associé à la préparation et à la mise en oeuvre des décisions du conseil d'administration. Il consacre également la nécessité pour le président de l'université et son équipe de conduire un dialogue de gestion permettant d'arrêter avec les composantes leurs objectifs et leurs moyens, conformes au projet de l'établissement.

3. De nouvelles modalités de coopération et de regroupements universitaires
a) Les modalités de regroupement

Afin de résoudre le problème posé par le millefeuille d'instruments de coopération universitaire et scientifique hérité de la « loi Goulard » de 2006 et le foisonnement de structures temporaires servant de support à des projets financés par le programme des investissements d'avenir (idex, labex, equipex, idefi...), l'article 38 du projet de loi entend procéder à une rationalisation des modalités de regroupement possibles.

Dans le cadre d'un projet partagé, les établissements d'enseignement supérieur et de recherche ont vocation à se regrouper selon trois modalités :

- soit la création d'un nouvel établissement résultant de la fusion de plusieurs établissements. Le nouvel établissement ainsi créé pourra avoir le statut soit d'EPSCP, soit de grand établissement ;

- soit la constitution d'une communauté d'universités et établissements ayant le statut d'EPSCP ;

- soit la mise en place d'un réseau associatif d'établissements, publics ou privés, autour d'un EPSCP chef de file.

Les établissements ainsi regroupés devront coordonner leur offre de formation et de recherche sur un territoire donné, qui peut être académique ou inter-académique. Les modalités et les moyens de cette coordination territoriale seront précisés par un seul contrat de site liant l'État à l'établissement issu du regroupement ou exerçant le rôle de chef de file de la coordination.

b) Le contrat de site unique

Un rapport de l'IGAENR de décembre 2011 21 ( * ) posait la question de la pertinence du maintien de la politique contractuelle au niveau du seul établissement, dans la mesure où, d'une part, le bonus contractuel demeure significativement faible, et où, d'autre part, se sont développés des appels à projets au niveau national, européen ou local. La communauté universitaire restant très attachée au contrat d'établissement avec l'État et les politiques de site étant devenues une réalité partout où elles étaient possibles, le rapport préconisait de mettre en place des contrats de sites.

Il convient, néanmoins, de garder à l'esprit que la situation des universités est aujourd'hui fortement contrastée. Des fusions réalisées créant une unité de site, des pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) n'ont commencé à fonctionner que tardivement. Un certain nombre de PRES restent balbutiants, soit en raison de l'éloignement géographique des universités qui le composent et/ou de leur appartenance à des régions différentes, soit en raison de la complexité de la situation locale, ce qui est, en règle générale, le cas très particulier de l'Île-de-France. La question de la réalité d'une vision partagée entre les différents acteurs (État, collectivités territoriales, universités, établissements publics relevant d'autres ministères, établissements ou organismes privés concourant au service public de l'enseignement supérieur et de la recherche, organismes de recherche, pôles de compétitivité...) des schémas régionaux de l'enseignement supérieur et de la recherche devait donc être examinée de façon prioritaire.

L'hétérogénéité de notre tissu universitaire, renforcée par la succession des réformes récentes et la multiplication des structures ad hoc créées pour les appels à projet, doit être compensée par un meilleur travail en réseau et une conciliation indispensable entre la spécialisation de certains établissements et le maintien de l'égal accès des étudiants du territoire de l'académie au service public de l'enseignement supérieur. Il s'agit de tirer les leçons de l'échec relatif des PRES et de la nouvelle carte universitaire issue de la mise en oeuvre du programme des investissements d'avenir qui a contribué à un renforcement des disparités régionales.

Au lieu de la nier, il est possible d'organiser la différenciation entre les établissements, dans le cadre d'un territoire donné, par la constitution de réseaux cohérents et forts d'une identité commune, et de garantir, dans le même temps, l'intégrité du service public de l'enseignement supérieur sur ce même territoire. Chaque projet partagé porté par un regroupement universitaire et scientifique, dans le cadre d'une coordination territoriale, permettra ainsi d'affirmer l'ambition d'un territoire en matière de développement universitaire, scientifique et technologique. La mise en oeuvre de ce projet s'effectuera selon les modalités définies par un contrat de site unique par territoire, entre l'État et l'établissement chargé de conduire la coordination territoriale. Les collectivités territoriales et les autres établissements partenaires pourront être associés à l'élaboration de ce contrat de site.


* 21 Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche, Pôles de proximité et réseaux territoriaux d'enseignement supérieur , rapport n° 2011-123 de décembre 2011.

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