II. AUDITION DE M. BERNARD CAZENEUVE, MINISTRE DÉLÉGUÉ CHARGÉ DU BUDGET

Réunie le mercredi 12 juin 2013, la commission a procédé à l'audition de M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget, sur le projet de loi n° 1083 (AN - XIVème législature) de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2012.

M. Philippe Marini, président . - La loi de règlement des comptes doit être considérée comme un rapport de gestion. Elle ne bénéficie malheureusement pas d'une grande popularité et fait figure d'outil technique alors qu'elle devrait constituer un fondement pour préparer le budget de l'année suivante.

Je relève plusieurs spécificités du présent projet de loi de règlement. Tout d'abord, il correspond à un budget de transition qui reflète une gestion partagée de l'exercice 2012. Il a, en effet, été voté par l'ancienne majorité mais amendé dans le cadre de la loi de finances rectificative (LFR) d'août 2012 pour traduire les priorités de la nouvelle majorité.

Ensuite, il a été préparé postérieurement à la mise en place du Haut Conseil des finances publiques (HCFP). Conformément au traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire (TSCG), la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques dispose que le HCFP se prononce sur la trajectoire de solde structurel avant le dépôt du projet de loi de règlement.

Enfin, ce texte comporte pour la première fois un article liminaire qui présente le solde structurel et le solde effectif des administrations publiques.

Je vous laisse la parole, monsieur le ministre, pour un exposé liminaire, avant les questions du rapporteur général et des rapporteurs spéciaux.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget . - La loi de règlement permet un regard rétrospectif sur l'année 2012. Certaines questions ont déjà été abordées dans le cadre de l'audition relative au programme de stabilité qui s'est tenue au Sénat le 17 avril dernier. Cette audition avait, en effet, déjà été l'occasion d'aborder certains développements sur les principaux résultats de l'exécution 2012.

La présentation du présent projet de loi de règlement appelle deux motifs de satisfaction.

Le premier résulte de la transparence accrue que le projet de loi permet, à la faveur des procédures de certification et de contrôle. En effet, pour la septième année consécutive, les comptes de l'Etat ont été certifiés par la Cour des comptes, ce qui permet d'en garantir la sincérité et la régularité au Parlement et aux citoyens. Cette certification intervient dans le contexte de la mise en place complète du système « Chorus », qui permet de doter l'Etat d'un outil moderne de gestion budgétaire et comptable. Ce chantier, d'une ampleur exceptionnelle, a été mené à bien, en dépit de certaines difficultés, grâce à la mobilisation forte de l'administration. De même, une transparence accrue également a été permise grâce à l'insertion, dans le projet de loi de règlement, d'un nouvel article, dit « article liminaire », en application de la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques. Cet article liminaire présente ainsi un tableau de synthèse qui retrace le solde structurel et le solde effectif de l'ensemble des administrations publiques pour l'année 2012. Conformément à l'article 23 de la loi organique précitée, le HCFP s'est prononcé sur le respect des objectifs fixés pour l'année 2012 par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012-2017. Cette transparence nouvelle, avec l'avis public d'un organisme indépendant, a été voulue par le Gouvernement, avec un large soutien des parlementaires ;

Le second motif de satisfaction a pour origine le respect de l'objectif de réduction du déficit budgétaire, alors même qu'il était ambitieux et que la conjoncture et l'état des finances publiques que nous avons trouvés en arrivant aux responsabilités ne nous ont pas facilité la tâche. Ainsi, ce projet de loi de règlement confirme, contrairement à ce que j'ai pu entendre ici ou là, la réduction du déficit budgétaire de l'Etat, qui s'élève à 87,1 milliards d'euros - après 90,7 milliards d'euro en 2011 - malgré la stagnation de l'activité en 2012 conduisant à un moindre dynamisme que prévu des recettes. Je rappelle à cet égard que la loi de finance initiale (LFI) était construite sur une hypothèse de croissance du PIB de 1 % alors que la croissance a été nulle. Comme l'a dit le Premier président de la Cour des comptes, « les nouvelles recettes fiscales ont joué un rôle prépondérant dans l'amélioration du solde budgétaire ». Sans elles, le déficit public aurait été de l'ordre de 5 points et demi de PIB. De, même, la prise en compte de la dotation au Mécanisme européen de stabilité (MES) et de la recapitalisation de Dexia, qui n'étaient pas prévues en LFI, ont pesé sur le déficit budgétaire 2012. Il ne fait pas de doute qu'il était impossible de compenser en cours d'année ces dépenses exceptionnelles qui se sont élevées à 9,3 milliards d'euros.

La Cour a certifié les comptes de 2012 avec sept réserves, dont cinq réserves substantielles, en réduction par rapport aux sept réserves substantielles émises en 2011, résultat de meilleurs contrôles et des efforts du Gouvernement pour améliorer la transparence. Je me réjouis de progrès accomplis en 2012. Le Premier président de la Cour des comptes a lui-même souligné leur importance : après « l'essoufflement de la trajectoire d'amélioration de la qualité des comptes entamée en 2007 », il y a eu un « véritable redémarrage des chantiers » en 2012.

Par ailleurs, la Cour des comptes s'est interrogée sur le niveau des recettes de TVA, qui ont été inférieures de 3 milliards d'euros par rapport à nos prévisions faites à l'occasion de la présentation du collectif budgétaire d'automne, le 14 novembre 2012. Je tiens à expliquer cet écart, qui résulte notamment de trois éléments combinés.

D'abord, la croissance a finalement été nulle, alors que nous prévoyions une croissance de 0,3 %. Le ralentissement a été assez marqué en fin d'année, puisque la croissance du dernier trimestre a été négative. Cela a impacté à hauteur de 900 millions d'euros le rendement des recettes de TVA.

Ensuite, dans un contexte économique difficile, les Français ont privilégié les produits de première nécessité, taxés à taux réduits. Cet effet de structure a réduit de 600 millions d'euros les recettes de TVA.

Enfin, on a constaté un changement dans le comportement des entreprises. Alors que beaucoup d'entre elles demandaient de moins en moins systématiquement le remboursement de leurs crédits de TVA, elles l'ont fait de façon plus systématique en 2012 en raison d'une conjoncture plus délicate. Ce dernier facteur aurait produit une diminution de 400 millions d'euros du rendement de la TVA.

Au total, on voit que la conjoncture, particulièrement détériorée sur le dernier trimestre de 2012, explique 2 milliards d'euros de moindres recettes de TVA. Un milliard d'euros d'écart par rapport à notre prévision reste donc, à ce jour, inexpliqué.

Nous ne savons pas si cela reflète des changements de comportement, avec une évolution des pratiques de consommation, ou bien des phénomènes de fraude. Mais nous serons en mesure de préciser ce point d'ici la fin de l'année 2013.

Quoiqu'il en soit, je tiens à nuancer cet écart. Ce milliard d'euros représente en effet un montant faible par rapport au produit global de la TVA, puisqu'il en constitue moins de 1 %.

De manière plus générale, l'amélioration du solde budgétaire a été rendu possible par une stricte maîtrise de la dépense de l'Etat qui, y compris dette et pensions, a connu une baisse historique de 300 millions d'euros, alors même que des risques de dérapage avaient été identifiés par la Cour des comptes, pour 2 milliards d'euros à l'été 2012.

Pour ce faire, nous avons pris des dispositions pour que la gestion 2012 soit exemplaire : nous avons ainsi mis en place un surgel de 1,5 milliard d'euros dès le mois de juillet 2012 ; les crédits mis en réserve n'ont pas été dégelés en cours d'année, à l'exception des crédits nécessaires à la couverture des dépenses urgentes, comme les retraites et les bourses ; et nous avons donc pu anticiper les décisions de fin de gestion, avec une réserve de précaution qui s'élevait en effet à 5,9 milliards d'euros le 1 er novembre 2012.

Comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport, l'effort de la maîtrise de la dépense a été « significatif ».

La Cour des comptes a aussi indiqué, dans son rapport sur les résultats de la gestion budgétaire 2012, que les normes de dépenses ont été strictement respectées : les dépenses sous norme « zéro valeur » ont baissé cette année de 2,2 milliards d'euros ; et les dépenses de masse salariale ont, quant à elles, été quasiment stables.

De même, les schémas d'emplois ont été respectés et même au-delà, avec 27 182 équivalents temps plein (ETP) en moins, contre une baisse de 26 123 ETP prévus par la LFR de fin d'année. Ce résultat s'explique notamment grâce à des suppressions de postes supérieures aux prévisions dans le secteur de la Défense.

Nous avons également maîtrisé l'évolution des dépenses d'assurance maladie, car l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) exécuté a été finalement inférieur de près de un milliard d'euros à l'objectif voté par la précédente majorité.

Au final, les dépenses publiques ont, en 2012, progressé de 0,7 % en volume, contre 0,9 % en 2011 et plus de 1,7 % ces cinq dernières années.

Dans ce contexte, j'ai un peu de mal à comprendre les accusations de laxisme, qu'elles visent la dépense de l'Etat ou celles de la sécurité sociale. Ce Gouvernement a procédé à un pilotage rigoureux des finances publiques et ne mérite pas le procès d'une dérive des comptes publics puisqu'il a fait mieux que les objectifs que s'était fixés le Gouvernement précédent. Le Gouvernement a donc réussi à s'engager sur la voie du sérieux budgétaire.

L'ajustement structurel total est globalement en ligne avec les objectifs de la loi de programmation des finances publiques, qui prévoyait un ajustement de 1,2 point de PIB potentiel. En 2011, le déficit structurel était encore supérieur à 5 % du PIB, ce qui signifie qu'en 2012, nous avons ramené le solde structurel au niveau qu'il avait atteint de 2007. La Cour des comptes a qualifié un tel ajustement de « très significatif », et pour cause, le dernier précédent d'un tel effort remonte à 1996, pour la qualification à l'euro, soit il y a plus de 15 ans.

Cet effort a également été rendu possible par des mesures en recettes.

Le Gouvernement assume parfaitement d'avoir fait porter l'ajustement principalement sur les recettes, ce choix s'expliquant par l'urgence : comme vous le savez, les mesures de prélèvements sont d'effet immédiat, tandis que les économies appellent un travail en profondeur, marqué par un dialogue entre les administrations, un échange approfondi avec les collectivités territoriales et une modernisation de l'action publique.

Je me contenterai de rappeler que sur les 22 milliards d'euros de hausse d'impôt de 2012,7 milliards d'euros ont été votées par l'actuelle majorité et 15 milliards d'euros par la précédente.

Pour ce qui concerne l'année 2013, et afin de répondre à la question de savoir s'il faut ou non déposer un collectif budgétaire, je tiens à rappeler, avant d'entrer dans le débat, deux des finalités d'un collectif budgétaire : premièrement, informer le Parlement sur l'exécution budgétaire et sur les prévisions de recettes et de dépenses de l'Etat, en actualisant le solde de déficit des administrations publiques, à travers l'article liminaire qui ouvre désormais chaque loi de finances ; ensuite, faire adopter des mesures fiscales nouvelles.

Le premier point est satisfait puisque le Parlement reste pleinement informé de la situation budgétaire. Depuis le début de l'année, il y a eu trois auditions à l'Assemblée nationale et deux au Sénat, consacrées à l'exécution 2012 ou au programme de stabilité. Elles ont permis d'aborder la situation des finances publiques à de nombreuses reprises. Et je suis à nouveau auditionné ce jour.

À l'occasion de la transmission du programme de stabilité, les prévisions de recettes et de déficit ont été actualisées par rapport à la LFI. Ainsi, le niveau du déficit a été porté de 3 % à 3,7 %, les prévisions de recettes fiscales ont été revues de plus de 8 milliards d'euros, celles des administrations de sécurité sociale de plus de 3 milliards d'euros, les droits de mutations à titre onéreux ont également été revus à la baisse de près de 2 milliards d'euros compte tenu de la réduction des transactions immobilières. Au total, les recettes publiques ont été révisées à la baisse de 14 milliards d'euros, soit 0,7 point de PIB, ce qui explique le passage d'un déficit public de 3 % en LFI à 3,7 % dans le programme de stabilité. L'objectif de dépense est, en effet, resté inchangé.

En outre, toutes les demandes d'information émanant des commissions des finances des deux assemblées sont satisfaites. Le Gouvernement est donc totalement transparent et ne cache pas la réalité de la situation budgétaire au Parlement. De plus, nous allons nous revoir souvent, et le débat sur les orientations de finances publiques (DOFP) permettra de préciser nos prévisions. Nous nous reverrons encore en octobre prochain à l'occasion de la présentation du budget 2014.

Par ailleurs, le Gouvernement a fait le choix de ne pas ajouter l'austérité à la récession et donc de laisser jouer les stabilisateurs automatiques en recettes. Autrement dit, les moins-values constatées au premier semestre ne seront pas compensées par un tour de vis fiscal. Il convient de ne pas accroître le risque récessif.

Je peux d'ores et déjà vous donner des indications sur ce que devrait être le solde budgétaire de 2013, même si l'appréciation de la situation est encore difficile, le contexte étant instable. Alors que la LFI pour 2013 prévoyait un déficit budgétaire de 61,5 milliards d'euros, une fois financé l'impact du budget rectificatif de l'Union européenne pour 2012, contre 87,1 milliards d'euros en 2012, le déficit budgétaire a été revu à la hausse de près de 7 milliards d'euros à l'occasion du programme de stabilité, pour s'établir à 68,3 milliards d'euros.

Un aléa baissier - qui reste à confirmer et affiner - existe sur cette prévision, compte tenu des recouvrements de TVA. Je tiens néanmoins à porter à votre connaissance les résultats du mois de mai. La situation mensuelle budgétaire à fin avril, publiée le 7 juin dernier, faisait apparaître un rendement de la TVA très en-deçà des prévisions, avec une TVA en baisse de 2,3 % par rapport à la fin avril 2012. Néanmoins, les résultats de mai sont bien meilleurs, puisqu'à fin mai, les recettes de TVA sont en progression de 1,5 % par rapport à la fin mai 2012. Il existe donc un aléa baissier limité sur la TVA. Mais les recouvrements sont erratiques et, bien que suivant la situation de près, il est encore trop tôt pour tirer des conclusions : nous avons besoin de davantage de mois de recouvrements pour affiner notre prévision.

Voici le détail de notre prévision issue du programme de stabilité. Les recettes de l'Etat ont été revues à la baisse de 8 milliards d'euros, compte tenu du niveau de la croissance en 2012 - zéro pour cent, contre 0,3 % estimé en LFI - et de la révision à la baisse de la prévision de croissance pour 2013 - soit 0,1 %, contre 0,8 % escompté au moment du PLF. Les recettes d'impôt sur le revenu (IR), assises sur les revenus 2012, ont été revues à la baisse, à hauteur d'un milliard d'euros. Les recettes d'impôt sur les sociétés (IS) ont été revues à la baisse de 2 milliards d'euros pour prendre en compte à la fois l'impact de la croissance de 2012 et celle de 2013. Le résultat fiscal de 2012 sera, en effet, vraisemblablement moins élevé que notre prévision au moment du collectif de l'automne 2012, ce qui impactera les acomptes versés en 2013. La révision à la baisse de la croissance de 2013 impacte quant à elle le bénéfice fiscal 2013, et donc le rendement de l'acompte de décembre, appelé cinquième acompte. Les recettes de TVA ont quant à elles été revues à la baisse de 4,5 milliards d'euros, dont 3 milliards d'euros au titre de l'effet base 2012, et le reste au titre de la révision à la baisse de la prévision de croissance pour 2013. Les recettes provenant de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TIPCE) ont également été revues à la baisse de 400 millions d'euros, en prenant en compte les recouvrements constatés.

En sens inverse, nous prévoyons une charge de la dette moins importante que prévu, et ce pour près de un milliard d'euros, compte tenu des taux d'intérêt qui sont restés bas.

Enfin, la maîtrise de la dépense de l'Etat sera, comme pour l'exercice 2012, exemplaire. Nous voyons à cela deux raisons.

Tout d'abord, la qualité de notre budgétisation initiale puisque nous avons rebasé cette année, en présentant ainsi au Parlement une budgétisation plus sincère. Ainsi, à titre d'exemple, les crédits dédiés aux bourses ont été rebasés de 200 millions d'euros et ceux de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) de plus de 600 millions d'euros. Je rappelle que pour ces deux dotations, la Cour des comptes avait fait état, dans son audit indépendant des finances publiques, de risques de dépassement de 400 millions d'euros - à hauteur respectivement de 100 millions d'euros et 300 millions d'euros.

Ensuite, parce que nous avons mis en place en 2013 les conditions d'une gestion exemplaire de la dépense de l'Etat, tout comme nous l'avons fait avec succès en 2012. Ainsi, un surgel de 2 milliards d'euros a été mis en place dès le début de l'année. Il doit permettre d'absorber le surcoût de notre contribution au budget de l'UE, lié à l'adoption du budget rectificatif européen 2012 en fin d'année 2012, qui n'avait pas pu être intégré dans la budgétisation initiale. Il doit également permettre de financer en gestion les mesures supplémentaires décidées pour l'emploi, compte tenu de la priorité donnée à l'inversion de la courbe du chômage. Tout comme l'an dernier, seules les dépenses strictement nécessaires seront dégelées en cours de gestion, permettant ainsi de mobiliser pleinement la réserve de précaution pour assurer le respect de notre trajectoire en dépense.

En effet, nous serons exemplaires sur la maîtrise de la dépense publique. Et les résultats 2012 le prouvent puisque nous avons divisé par trois en 2012 le rythme de progression des dépenses publiques par rapport au rythme des dix dernières années.

En 2014, nous irons encore plus loin, avec une baisse de 1,5 milliard d'euros des dépenses de l'Etat hors dette et pensions. C'est la première fois qu'un budget sera construit sur la base d'une baisse de dépenses de 1,5 milliard d'euros. Mais nous avons choisi la stabilisation en 2013, car comme l'a indiqué le Premier président de la Cour des comptes « les logiques de rabot ont des limites ».

Avant d'approfondir la maîtrise de la dépense de l'Etat, nous avons préféré prendre le temps de l'analyse et de la concertation, avec la modernisation de l'action publique (MAP) notamment, mais également le processus budgétaire. La construction du budget 2014 est en cours et je serai en mesure de vous présenter les plafonds de crédits par mission et les perspectives pour les années qui viennent au moment du débat d'orientation des finances publiques.

M. François Marc , rapporteur général . - Je remercie le Ministre pour la qualité de cette présentation et notamment pour les précisions que vous nous avez apportées sur la situation en 2013, qui répondent à l'inquiétude née des chiffres publiés ces dernières semaines. En effet, les chiffres que vous avez donnés pour le mois mai sont rassurants par rapport aux impressions que nous avions jusqu'en avril, en particulier s'agissant de la TIPCE ou de la TVA. La commission des finances du Sénat ne demande d'ailleurs pas de loi de finances rectificative : nous faisons confiance au Gouvernement pour la conduite des affaires.

Je tiens également à rendre hommage à l'action que vous menez depuis quelques mois et qui nous permet d'envisager, dès la reprise, une correction de trajectoire dans l'esprit de la perspective pluriannuelle que vous avez rappelée. Néanmoins, je souhaiterais vous poser quelques questions relatives d'une part aux comptes de l'Etat et d'autre part à l'exécution budgétaire.

Mes premières questions rejoignent les auditions organisées ce matin par la commission des finances sur les normes comptables : le Premier président de la Cour des comptes a estimé récemment que « les autorités ne se préoccupent pas suffisamment des normes comptables applicables aux administrations publiques ». Il a rappelé qu'une reprise trop large et systématique des normes IPSAS ( International Public Sector Accouting Standards ) par l'Europe n'était pas souhaitable en raison de leur complexité, de leur instabilité et de leur inadaptation à certaines spécificités du secteur public. Pouvez-vous nous apporter quelques éclairages concernant la position du Gouvernement sur ce sujet ?

Par ailleurs, la commission des finances a, de longue date, émis des observations sur le recensement et l'évaluation des dépenses fiscales. Celles-ci sont stables à hauteur de plus de 70 milliards d'euros, mais sans que l'on puisse apprécier la fiabilité de cette mesure. Quelles initiatives sont envisagées afin de fiabiliser leur coût ? Quelles seraient, le cas échéant, les limites d'une telle démarche ? Avez-vous effectué des choix de hiérarchisation sur les niches sur lesquelles il faudrait travailler à l'avenir ? Envisagez-vous de réduire la portée de certaines d'entre elles ?

S'agissant de l'exécution budgétaire, l'Etat a fait le choix de percevoir, en 2012, une partie de ses dividendes sous forme d'actions. La Cour des comptes a considéré que « ce renoncement à une recette en numéraire de 1,4 milliard d'euros, qui augmente la dette de l'Etat à due concurrence, est critiquable dans un contexte où les recettes fiscales sont affectées par la baisse de la croissance économique ». Certes, il s'agit uniquement de 1,4 milliard d'euros, mais c'est une question de principe. Pouvez-vous exposer les critères qui ont conduit à effectuer ce choix, et s'ils relèvent d'une logique générale ou s'ils sont liés à l'analyse de circonstances particulières ?

Enfin, la Cour des comptes a souligné que le plafonnement des impôts et taxes affectés aux opérateurs n'a conduit à reverser au budget de l'Etat que 100 millions d'euros, alors que l'augmentation de ces ressources s'est élevée à 414 millions d'euros en 2012. Quel bilan le Gouvernement dresse-t-il des mesures de plafonnement des taxes affectées aux opérateurs ? Y aura-t-il des renforcements pour 2014 ?

M. Bernard Cazeneuve . - La première question qui m'a été posée concerne le travail mené au niveau de l'Union européenne (UE) sur les normes comptables applicables aux administrations publiques. La réflexion européenne sur les normes vise à harmoniser les différents dispositifs comptables des Etats membres. Le 6 mars 2013, la Commission européenne a remis au Conseil européen et au Parlement européen, un ensemble de documents en faveur de l'adoption de normes pour le secteur public fondées sur les droits constatés. Nous travaillons conjointement avec le Premier président de la Cour des comptes sur ce sujet, et je partage son sentiment : ces normes ne tiennent pas suffisamment compte des spécificités des administrations publiques. Nous nous investissons dans la poursuite de la discussion avec la Commission européenne sur ce point et nous plaiderons pour que les Etats membres adaptent leur comptabilité en droit constaté, pour qu'elle soit plus transparente et permette de recenser les passifs. Les normes doivent s'inspirer des pratiques déjà existantes dans les Etats membres, et la France a de l'avance : nous sommes, à ma connaissance, le seul pays de l'UE à procéder à une certification de nos comptes, et nous avons déjà l'expérience de sept années de certification.

S'agissant de l'inventaire des niches fiscales pour permettre de mieux les maîtriser, je reconnais que des progrès ont été réalisés par le précédent Gouvernement.

M. Philippe Marini, président . - Ah ! Au moins ça !

M. Bernard Cazeneuve . - Oui, et j'en attends un retour, un jour, monsieur le Président ! 50 % des dépenses fiscales font l'objet d'une évaluation qualifiée de bonne ou de très bonne. Il faut continuer le travail, examiner dépense fiscale par dépense fiscale et ministère par ministère. Dans le cadre de la préparation du PLF 2014, nous nous sommes engagés dans des travaux approfondis pour évaluer l'efficience de chacune de ces niches fiscales, afin de proposer des plafonnements ou des remises en cause. Je souhaite que ce travail soit présenté au Parlement, afin d'engager une démarche partenariale et de progresser sur ces questions.

Concernant les dividendes, je vous rappelle que la perception d'un dividende sous forme de titres en numéraires est totalement neutre pour le déficit public : la manière dont l'Etat perçoit le dividende n'est pas un sujet mais peut avoir un impact sur la dette. Elle peut entraîner un coût de trésorerie de court terme pour l'Etat, et c'est peut-être critiquable pour la Cour des comptes dans un contexte de faible rentrée des recettes fiscales. Mais il ne faut pas négliger le fait que certaines décisions de l'Etat à caractère patrimonial, de long terme, ne peuvent être analysées à travers le seul prisme de l'intérêt budgétaire de court terme, et doivent aussi tenir compte du caractère volatil de l'évolution des cours de bourse. Nous sommes sensibles à la politique patrimoniale de l'Etat, par exemple dans le cadre du Conseil de l'immobilier de l'Etat (CIE) qui s'intéresse particulièrement à la question de la valorisation à long terme des actifs immobiliers de l'Etat.

Le budget 2012 a été construit sur un rendement de 191,4 millions d'euros au titre du plafonnement des taxes affectées aux opérateurs. Le rendement a été très légèrement supérieur, à 198,7 millions d'euros. Cette évolution témoigne de l'efficacité de cet outil, renforcé en LFI 2013 car le champ des taxes affectées plafonnées a été élargi, et est passé de 3 milliards d'euros en LFI 2012 à 5 milliards d'euros en LFI 2013. La loi de programmation des finances publiques prévoit de réduire le plafond des taxes affectées de 165 millions d'euros en 2014 par rapport à 2012. Comme pour les dépenses fiscales, cette question sera détaillée à l'occasion du PLF 2014, et fera l'objet d'un débat au Parlement dans le cadre du débat d'orientation des finances publiques.

M. Jean Arthuis . - Les comptes 2012 mettent en évidence les réponses apportées à la crise des dettes publiques en Europe : lorsqu'un Etat membre de la zone euro est en difficulté, il faut apporter une contribution soit directement sous forme de prêts bilatéraux, soit en dotant en capital le Mécanisme européen de stabilité. Il va donc falloir que la situation soit parfaitement claire entre tous les membres de la zone euro, et c'est pourquoi nous vous encourageons à faire pression sur vos collègues s'agissant des normes comptables. Pensez-vous que des progrès significatifs pourront être accomplis ?

Vous avez souligné votre attachement à la sincérité des comptes, or EDF a constaté une créance sur l'Etat à hauteur de 4,9 milliards d'euros, en raison de l'insuffisance de la contribution au service public de l'électricité (CSPE). Ne pensez-vous pas qu'il serait judicieux de constater ces 4,9 milliards d'euros au bilan de l'Etat ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx . - Je souhaiterais aborder la question du collectif budgétaire : je pense qu'il devrait y en avoir un, car un collectif budgétaire est nécessaire pour assumer une politique nouvelle. La psychologie a aussi son importance en matière économique et budgétaire : votre politique n'est pas la nôtre. Par ailleurs, je n'observe pas de correction significative susceptible de me rassurer pour 2013. Le laxisme n'est pas au rendez-vous, avez-vous dit, mais les résultats ne le sont pas non plus ! Je crois que nos administrés pourraient accepter le matraquage fiscal si nous étions persuadés qu'il permet de rétablir l'équilibre budgétaire. Or, ce n'est pas le cas.

Ma question porte sur la situation patrimoniale, et par ailleurs je remarque une dégradation de celle-ci de 81 milliards d'euros par rapport à 2011. J'ai noté qu'il y avait eu une revalorisation des actifs routiers : comment a-t-elle été effectuée ?

M. Jean-Claude Frécon . - Je suis le rapporteur spécial chargé des engagements financiers de l'Etat. Le compte général de l'Etat annexé au projet de loi de règlement 2012 marque des progrès dans le recensement et l'évolution des engagements hors bilan de l'Etat. Ces travaux ont fait l'objet d'une enquête demandée par la commission des finances du Sénat à la Cour des comptes en application de l'article 58-2° de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), ayant donné lieu à une audition pour suite à donner, le mois dernier, en présence des magistrats de la Cour et des administrations concernées. Je souhaitais appeler votre attention sur cette question et savoir quelles suites vous entendez donner aux recommandations formulées par la Cour des comptes dans cette enquête et reprise par notre commission des finances. En particulier, la recommandation n° 4 prévoyait une information du Parlement dès lors qu'en cours d'exercice, un engagement hors bilan significatif connaît une croissance rapide de son encours, ou une hausse de sa probabilité de réalisation. Car nous n'en sommes informés qu'en fin d'année et je pense qu'à tout le moins, une lettre du ministre aux présidents et aux rapporteurs généraux des commissions des finances du Parlement serait la bienvenue.

M. Roland du Luart . - J'ai le privilège d'être entré au Parlement en 1977, et à cette époque, il n'y avait pas de déficit. Les temps ont changé. La situation actuelle est préoccupante. Ne pensez-vous pas que l'excès d'impôt tue l'impôt, et pèse sur les recettes fiscales ? Vous avez évoqué 14 milliards d'euros de recettes fiscales de moins que prévu. Le Gouvernement Fillon a augmenté les impôts de 31 milliards d'euros, le PLF 2013 prévoit une nouvelle hausse de 36 milliards d'euros, soit 67 milliards d'euros prélevés sur les entreprises et les ménages. Est-ce que cela ne cause pas l'étouffement de la croissance ? J'appartiens à cette commission depuis 27 ans, et je n'ai jamais vu une telle fiscalité pesant sur l'ensemble des contribuables ! D'où ma question : quelles sont les réductions de dépenses publiques que vous allez annoncer en 2014 ?

M. Vincent Delahaye . - Je me réjouis de constater que les réserves substantielles formulées par la Cour des comptes dans le cadre de la certification des comptes sont passées de sept à cinq. Quels chantiers sont en cours pour que ces réserves diminuent encore ?

Par ailleurs, quand verrons-nous les effets de la modernisation de l'action publique (MAP) ? Les dépenses salariales n'ont pas dérapé en 2012 grâce au non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, mais l'abandon de cette politique ne va-t-elle pas entraîner une hausse de ces dépenses ?

Qu'en est-il de la taxe à 75 % : est-elle abandonnée pour 2013 ? Et quand pourrait être mise en place la réduction du plafonnement du quotient familial ?

Je souhaiterais également avoir une précision sur les chiffres relatifs aux variations de recettes de TVA que vous avez donnés : correspondent-ils aux variations mensuelles ou aux variations cumulées sur l'année ?

Enfin, êtes-vous en mesure de respecter le seuil du déficit fixé à 3,7 % du produit intérieur brut (PIB) ? Car un dérapage serait particulièrement mal venu dans la mesure où deux ans de répit ont été accordés à la France.

M. Roger Karoutchi . - Vous avez dit que la diminution des recettes fiscales de 11 milliards d'euros aboutissait à un déficit à hauteur de 3,7 % du PIB. Selon les prévisionnistes, la situation ne sera pas meilleure au second semestre, d'où un risque de perte de recettes fiscales estimée à 17 voire 19 milliards d'euros, ce qui aboutirait plutôt à un déficit de l'ordre de 4,1 % du PIB. Dans ce contexte, n'envisagez-vous pas une remise en cause de certaines dépenses publiques ? Des membres du Gouvernement reconnaissent eux-mêmes que certains engagements ne sont pas réalistes ou pas efficaces, par exemple sur les contrats d'avenir. Et le printemps exécrable aurait coûté entre 700 millions et 800 millions d'euros à l'économie française ! Pourtant, à part grâce aux mesures de gel ou de surgel, vous ne remettez pas en cause certains éléments de dépenses publiques. Je n'entends pas non plus ajouter l'austérité à la récession, mais ne faudrait-il pas dire que fin 2013, il faudra augmenter les impôts si la situation ne s'améliore pas, sauf à diminuer la dépense publique dans des secteurs qui ne sont pas directement utiles à l'activité économique ?

De plus, on prévoit 3 milliards d'euros de droits de mutation à titre onéreux (DMTO) en moins pour les collectivités territoriales, auxquels s'ajoute la baisse des dotations de l'Etat. Certaines collectivités territoriales - le département de Seine-Saint-Denis, l'Île-de-France ou Paris - sont très dépendantes de ces recettes : il y a un risque qu'elles diminuent leurs activités, leurs interventions, les investissements et concourent finalement à cette récession que vous craignez tant.

Mme Michèle André . - Je voudrais intervenir en tant que rapporteure spéciale de la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat ». L'Etat a besoin d'une administration. Or, la révision générale des politiques publiques (RGPP) a consisté en une réduction des emplois. L'administration préfectorale a absorbé toute une série d'évolutions comme par exemple la dématérialisation des actes, la modernisation des titres d'identité et Chorus. S'agissant de Chorus justement, cet outil a été amélioré mais il ne paraît pas encore complètement au point et l'accroissement des délais de paiement reste à déplorer. Dans mon département par exemple, une entreprise chargée de la maintenance à l'atelier aéronautique attendait 500 millions d'euros que ne pouvait pas lui payer, pour des raisons techniques sans doute, le ministère référent. Le risque est double : le dépôt de bilan de l'entreprise concernée et la disparition de capacités de maintenance nécessaires pour le bon fonctionnement des appareils de l'Etat. Ma question est donc la suivante : le fonctionnement de Chorus vous paraît-il satisfaisant, cohérent ou peut-il être amélioré ?

Mme Marie-France Beaufils . - J'aimerais pour ma part savoir si vous avez pu faire une analyse de l'évolution de l'activité économique en fonction des modifications apportées à l'impôt sur les sociétés (IS) en fin d'année dernière. Ces modifications se sont-elles traduites par une baisse ou un maintien de l'activité ? On sait que certaines sociétés ont recours à des mécanismes d'optimisation fiscale et parfois même à la fraude. En agissant sur ces biais, on pourrait améliorer les recettes de l'Etat. Par ailleurs, est-on en capacité de mesurer l'impact des mesures prises ailleurs en Europe sur notre économie ? Enfin, pour revenir sur les propos de notre collègue Roger Karoutchi, les droits de mutation à titre onéreux ont baissé, mais faut-il s'en inquiéter ? Cette baisse traduit une baisse des prix de l'immobilier plutôt souhaitable, dans la mesure où ces prix correspondent désormais mieux à la valeur réelle des biens. Les ménages y trouvent un intérêt et le seul véritable problème réside dans le fait que les ressources des collectivités territoriales sont largement appuyées sur ces droits de mutation.

M. Aymeri de Montesquiou . - Monsieur le ministre, merci pour la clarté de vos propos mais ils me semblent néanmoins contenir une contradiction interne. Vous nous dites être conscient du caractère récessif d'une hausse trop forte des impôts et malgré tout vous les avez augmentés. De ce fait, ne doit-on pas craindre une baisse de nos recettes. Je veux rappeler que la dépense publique dans notre pays représente 57 % du PIB, soit un niveau supérieur à la moyenne en Europe. L'objectif majeur consiste à ramener notre niveau de dépense publique à la moyenne européenne. Quelle est votre philosophie en la matière ?

M. Dominique de Legge . - On augmente aujourd'hui les impôts pour réduire le déficit public. En 2014, certaines dépenses vont également être limitées et on voit bien que ce sera notamment le cas des dotations aux collectivités locales. Mais pouvez-vous nous indiquer quels autres postes feront l'objet d'économies ?

La RGPP est remplacée par la modernisation des actions publiques (MAP). Votre collègue Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée à la décentralisation, vient de nous indiquer en séance publique que la MAP n'avait pas pour finalité de régler des problèmes budgétaires. Alors pouvez-vous nous préciser quels sont vos objectifs en matière de rationalisation et de baisse de la dépense publique ?

M. Philippe Dallier . - Je voudrais en venir à la politique du logement. On constate une augmentation des engagements hors bilan mais comment s'explique cette progression. Par ailleurs, au regard de la doctrine établie par Bruxelles, les mécanismes français de défiscalisation réservés aux nationaux font courir un risque juridique et financier à notre pays. Pouvez-vous nous fournir une évaluation de ce risque communautaire ?

M. Jean-Vincent Placé . - Des retards au niveau de la fiscalité écologique sont à déplorer dans notre pays aujourd'hui. Comment comptez-vous avancer sur ce terrain ? A cet égard, je veux rappeler que le Premier ministre avait pris des engagements lors de l'annonce de la mise en place du crédit d'impôt « compétitivité emploi » (CICE). En outre, un protocole vient d'être signé aujourd'hui entre le parti d'Europe écologie-les Verts (EELV) et le parti socialiste. Notre arsenal fiscal est très développé, mais malheureusement la question de la fiscalité écologique est un peu en retard. Je pense par exemple à l'impôt sur le diesel, aux soixante engagements du Président de la République dont l'un portait sur la contribution climat-énergie, à la taxe sur les jets privés, à l'éco-contribution, à la production agricole... Il faut réfléchir à ces sujets à l'échelle du quinquennat, voire de la décennie.

M. Philippe Marini, président . - A la suite de ces nombreuses interventions, je voudrais à mon tour évoquer deux points. Le premier renvoie à la question suivante : faut-il un collectif ? Cette interrogation me paraît un peu prématurée, tout comme la réponse qui pourrait y être apportée. Répondre non, comme le fait aujourd'hui le Gouvernement, me semble aventureux car nul ne peut prévoir l'avenir.

Le second point correspond aux premières analyses livrées par le HCFP. Le Haut Conseil a noté que les dépenses publiques ont augmenté davantage que prévu en 2012 - 0,9 % en volume contre un objectif de 0,4 % - du fait notamment de dépenses exceptionnelles telles que la recapitalisation de « Dexia » ou l'évolution du prélèvement européen. Aussi, je souhaiterais savoir si des dépenses exceptionnelles ont déjà été identifiées par le Gouvernement pour l'année 2013. De même, le HCFP a recommandé, à mon avis de manière fort opportune, de définir de manière claire et précise le périmètre des mesures ponctuelles et temporaires devant être déduites du solde structurel. Quand le Gouvernement pourra-t-il nous apporter des précisions sur l'avancée de ces travaux méthodologiques ?

M. Bernard Cazeneuve . - Je vous remercie beaucoup pour l'ensemble de vos questions. Concernant les normes comptables et le projet sur lequel travaille l'Union européenne (UE), la France figure parmi les pays précurseurs et nous sommes soucieux de pouvoir nous appuyer sur des normes contribuant à la transparence et à la convergence budgétaire. Nous sommes favorables à la poursuite de ces travaux et je dois même vous dire que nous sommes très proactifs en la matière.

M. Jean Arthuis . - Monsieur le ministre, avant d'admettre un nouvel Etat au sein de l'UE, ne pourrait-on pas préciser les obligations incombant à un pays membre dans ce domaine ?

M. Bernard Cazeneuve . - Je crois me souvenir que, lors de l'adhésion de la Croatie, ces questions ont été traitées en même temps que celles concernant les critères purement économiques. Le dialogue autour de ces sujets est toujours très long et tous les thèmes sont abordés.

S'agissant d'EDF, il faut bien constater que le mécanisme de compensation des charges de service public initialement imaginé n'a pas fonctionné, d'où la dette de près de 5 milliards d'euros. L'Etat s'est engagé à résorber cette dette d'ici 2018. Le montant de cette dette figure dans les engagements hors bilan de l'Etat.

M. Jean Arthuis . - L'Etat ne constate pas sa dette ! Ce n'est pas seulement un engagement hors bilan... On fait là de la cosmétique !

M. Bernard Cazeneuve . - Du point de vue comptable il s'agit d'un engagement hors bilan. Il n'y a pas de la part de l'Etat de sorties de ressources. C'est la raison pour laquelle nous avons maintenu ce dispositif hors bilan et que nous avons décidé d'apurer la situation, ce qui n'avait pas été le cas jusqu'à présent. Vous l'avez reconnu vous-même, le système de compensation qui avait été mis en place ne fonctionnait pas. Nous pensons désormais que la situation sera assainie. Cette affaire ne nous est pas imputable mais je sens malgré tout quelques reproches...

M. Jean Arthuis . - Il ne s'agit pas de vous en faire le reproche. Cette dette ne vous est pas imputable, mais il faudra augmenter le prix de l'électricité.

M. Bernard Cazeneuve . - Non, ce n'est pas tout à fait le même sujet. La Commission de régulation de l'électricité (CRE) a indiqué que l'accumulation des dispositifs dans ce domaine n'a pas permis une évaluation du risque à sa juste mesure. Si on voulait répercuter sur les prix de l'électricité le montant restant à percevoir, il faudrait alors augmenter les tarifs de 17 %.

M. Philippe Marini, président . - Il ne s'agit pas d'une critique...

M. Jean Arthuis . - Non, il s'agit seulement de constater une dette dans les comptes de l'Etat.

M. Philippe Marini, président . - Comment comptez-vous régler la question de la nature juridique de la contribution au service public de l'électricité (CSPE) ? Est-ce un impôt... ou autre chose ? C'est là un sujet de méthode qui vaut pour aujourd'hui comme pour hier.

M. Bernard Cazeneuve . - La question est légitime et la réponse doit être la plus incontestable techniquement parlant. La créance d'EDF est réglée par la CSPE.

M. Philippe Marini, président . - Si la CSPE est un impôt, alors on parle bien d'une dette de l'Etat.

M. Bernard Cazeneuve . - Si vous estimez que Bercy est en train de faire de la cosmétique sur ce sujet, je suis ouvert à la discussion et nous pouvons retravailler cette question ensemble.

Pour répondre à Marie-Hélène Des Esgaulx et à Roland du Luart, il faut bien admettre une réalité : le précédent Gouvernement voulait baisser de 4 % la pression fiscale mais en réalité il l'a augmentée de 1,5 % en 2011 et 2012, soit un appel à contribution supplémentaire de 35 milliards d'euros. A notre arrivée au Gouvernement, nous avons décidé de tenir les engagements européens de la France et de commencer à agir sur le levier des prélèvements car le calendrier était très contraint. Toutefois, l'augmentation des taux ne rime pas nécessairement avec l'augmentation des recettes et le Gouvernement en est parfaitement conscient. Nous privilégions la modernisation de l'action de l'Etat et la maîtrise des dépenses.

Côté dépense, il faut bien reconnaître que la RGPP avait une « intelligence marketing » en s'appuyant sur l'objectif de non renouvellement d'un fonctionnaire sur deux...

M. Philippe Marini, président . - Le non renouvellement d'un fonctionnaire sur deux... partant en retraite !

M. Bernard Cazeneuve . - Quel a été l'impact budgétaire de la RGPP ? 12 milliards d'euros dont 2 milliards ont été rétrocédés sous forme de mesures catégorielles. Au total, la RGPP a permis de dégager 2 milliards d'euros par an.

En 2013, 10 milliards d'euros d'économie sont prévus et nous vérifierons si l'objectif est atteint. En 2014, ce sont 14 milliards d'euros d'économie qui sont envisagés. Nous sommes aujourd'hui dans le temps de la préparation du budget pour l'année prochaine et je préciserai le moment venu où seront réalisées ces économies.

Prétendre qu'il y aurait d'un côté les tenants du matraquage et de l'autre les partisans de la calinothérapie fiscale relève du raccourci. S'il y a bien une différence, elle réside dans le fait que nous n'avons pas adopté les mêmes méthodes, ni ciblé les mêmes acteurs. La MAP correspond à quatorze chantiers, couvrant 20 % de la dépense publique. On peut citer par exemple, dans le champ de cette réflexion, la branche famille de la sécurité sociale avec la baisse du quotient familial mais aussi des économies à hauteur de 780 millions d'euros. Je pourrai citer d'autres domaines comme la formation professionnelle.

Ce qui est vrai c'est que trop d'impôt tue l'impôt, surtout en période de récession, mais aussi que l'impôt doit être juste et ne pas relever d'une logique anti-économique.

S'agissant d'un collectif budgétaire, Marie-Hélène Des Esgaulx a dit quelque chose de très juste : notre désaccord est politique. Pour des raisons politiques, nous ne voulons pas faire de loi de finances rectificative, car nous ne menons pas la même politique économique. D'ailleurs, s'il y avait un lien entre le nombre de lois de finances rectificatives et la réduction des déficits, cela se saurait ! Lors du dernier quinquennat, quinze collectifs budgétaires n'ont pas permis de résorber le déficit. Ce matin, les députés nous ont reproché les dépenses nouvelles non gagées figurant dans la loi de finances rectificative en 2012 - et je pense notamment à la contribution de la France au Mécanisme européen de stabilité. Nous les avons constatées, car pour ce Gouvernement comme pour le précédent, elles avaient le caractère de dépenses exceptionnelles, et il aurait été très compliqué de chercher près 9,5 milliards d'euros d'économies dans les services en cours d'année.

Les routes sont valorisées à 130 milliards d'euros, et la revalorisation des actifs routiers est effectuée au coût de remplacement déprécié ; l'augmentation de la valeur en 2012 tient notamment compte des mises en sécurité et d'une indexation fiabilisée des coûts de reconstruction.

Un travail est mené avec la Cour des comptes s'agissant des engagements hors bilan. Nous faisons nôtre la recommandation n° 4, qui vise à mettre en place une information des commissions lorsqu'il y a des risques d'encours. Cette recommandation est de nature à permettre une bonne information du Parlement mais il faudra être prudent quant à ses modalités de mise en oeuvre en raison des risques que Jean-Claude Frécon a évoqués.

Sur les pistes de progrès en matière de qualité comptable, la Cour des comptes a noté en 2012 une impulsion nouvelle, alors que le rythme s'était ralenti depuis 2007. En 2012, les efforts ont repris notamment en matière de système d'informations. Nous allons poursuivre les efforts pour les sécuriser et optimiser l'utilisation de Chorus, ce qui répond également à une question de Michèle André : l'outil monte en puissance malgré les difficultés rencontrées en 2010 et 2011 - ce qui est fréquent s'agissant d'un outil informatique nouvellement mis en place.

Les chiffres donnés correspondant aux variations de TVA s'entendent cumulés sur le début de l'année, ce qui est plutôt encourageant.

S'agissant de l'analyse des effets de la crise sur le rendement de l'impôt sur les sociétés, nous avons encore besoin de temps, et notamment que soit versé le second acompte, le 15 juin. Je propose de revenir devant votre commission lorsque nous aurons ces éléments. Concernant les éléments qualitatifs, il nous faut analyser plus finement les bases fiscales, ce qui prend également du temps.

L'impact de la récession européenne sur notre économie n'est pas chiffré, mais il est réel.

À Aymeri de Montesquiou, je souhaiterais rappeler que la dépense publique a augmenté de 4 points de PIB au cours du précédent quinquennat. Notre objectif est de la diminuer de 3 points sur cinq ans.

Les aides au logement font l'objet d'un engagement hors bilan à hauteur de 106 milliards d'euros. L'évolution à la hausse est liée à la fiabilisation des données. Par ailleurs, nous avons apuré de nombreux contentieux fiscaux, et nous ne voulons pas en ouvrir de nouveaux. Deux ont été perdus : il s'agit du précompte mobilier, avec un enjeu de l'ordre de 2 milliards d'euros, et le contentieux relatif aux organismes de placement collectif en valeur mobilière (OPCVM), qui représente une charge pour le budget de l'Etat de 5 milliards d'euros. D'où un total de 7 milliards d'euros totalement intégrés dans la trajectoire de nos finances publiques.

Concernant le Haut Conseil des finances publiques qui a indiqué qu'il fallait bien définir les mesures ponctuelles et temporaires, j'ai lu avec attention les propos du Premier président de la Cour des comptes, qui considère qu'il est singulier que l'on mette les recettes gagées en recettes de droit commun, et en dépenses exceptionnelles ce qui peut relever par exemple de Dexia ou d'autres dépenses. Il faut que nous trouvions un accord consensuel avec le Parlement sur les normes et sur les méthodes. Avec les rapporteurs généraux et les présidents des commissions des finances, et en liaison avec le HCFP, nous devons travailler à définir une nomenclature et des normes, qui rendent les mesures incontestables et permettent de travailler dans des conditions de transparence accrue.

M. Philippe Marini, président . - Bien volontiers, monsieur le Ministre !

M. Bernard Cazeneuve . - Un quart du financement du CICE doit provenir de la fiscalité environnementale. Je suis favorable à l'ouverture de ce chantier dès 2014. Il y a des obstacles de nature constitutionnelle sur lesquels nous avons buté par le passé. Je suis favorable à la fiscalité écologique car nous sommes en retard par rapport aux autres pays de l'UE, et car des comportements vertueux peuvent résulter de la mise en place d'une telle fiscalité. Nous devons démontrer qu'elle n'est pas nécessairement anti-industrielle. Il faut que nous travaillions de façon moderne, en prenant en compte les avis et propositions de tous les groupes parlementaires.

Sur les contentieux liés à la défiscalisation en matière de logement, évoqués par Philippe Dallier, pourriez-vous préciser de quelle défiscalisation il s'agit ?

M. Philippe Dallier . - Il s'agit des mécanismes qui incitent les citoyens à acheter des logements neufs, et dont les ressortissants de l'UE non français ne bénéficient pas. Je crains que si la France était condamnée, le coût soit très important. A-t-on anticipé cette charge ?

M. Bernard Cazeneuve . - Une partie de ces contentieux est prise en compte dans la trajectoire. C'est d'ailleurs cette différenciation entre Français et ressortissants de l'UE qui est à l'origine de la condamnation dans le cadre du contentieux sur les OPCVM. Je ne dispose pas d'éléments précis sur cette question, je vous propose d'y répondre par écrit.

M. Philippe Dallier . - Très bien !

M. Jean Arthuis . - Je souhaiterais vous poser une question subsidiaire sur les cadres pluriannuels européens : ils ont été définis pour la période 2007-2014. Or, à la fin de l'année 2012, il y a une différence entre les crédits et les engagements pris, c'est-à-dire des restes à liquider d'environ 200 milliards d'euros. Un collectif budgétaire de 13 milliards d'euros a dû être adopté au plan européen, et qui n'était pas pris en compte dans le calcul de la contribution de la France au budget de l'UE : y aura-t-il des liquidations substantielles en fin d'année qui pèseront sur l'équilibre budgétaire ?

M. Philippe Marini, président . - C'était la question sur les dépenses exceptionnelles prévisibles de 2013, monsieur le Ministre.

M. Bernard Cazeneuve . - Nous ne sommes pas dans cette situation par hasard. Il y a près de sept ans, le précédent budget européen a prévu un niveau de crédits d'engagement à hauteur de 986 milliards. On a décidé que 940 milliards d'euros de crédits de paiement seraient mobilisés pour que les politiques européennes soient mises en oeuvre. Vous le savez, dans le cadre européen, le niveau de crédits de paiement correspond au niveau de crédits d'engagement moins 5 à 7 %.

Ce qui s'est produit et qui explique l'impasse dans laquelle nous sommes et les difficultés que nous avons rencontrées pour négocier le budget suivant, c'est qu'en novembre 2010, certains chefs d'Etat et de Gouvernement, dont le nôtre, ont dit qu'ils n'avaient pas les crédits nécessaires au financement des politiques de l'UE. Donc il y a eu un rabotage délibéré des crédits de paiement, si bien que 865 milliards d'euros ont été effectivement dépensés et non 980 milliards d'euros, et dans le prochain budget nous devons dépenser en réalité 910 milliards d'euros, soit environ 60 milliards d'euros de plus. C'est la raison pour laquelle je n'ai jamais compris pourquoi on présentait le nouveau budget comme étant en baisse par rapport au précédent. C'est totalement faux quand on regarde la réalité des équilibres budgétaires précédents.

Cette politique a des conséquences : en octobre 2012, on s'est demandé comment financer les politiques de l'Union alors qu'il n'y avait plus de crédits - et pour cause. Aussi, nous avons dû abonder de 2,8 milliards d'euros, la France ayant pris à sa charge 800 millions d'euros. Le président Schultz a considéré qu'il ne pouvait pas commencer le budget sans avoir apuré le solde de 13 milliards d'euros. La question est donc de savoir si nous devrons prendre ces 13 milliards d'euros à notre charge. Ils ne seront pas intégralement à notre charge, mais nous les avons déjà été intégrés dans notre trajectoire.

La continuité de l'Etat a ses vertus, elle a aussi ses contraintes. Ceux qui succèdent à ceux qui ont précédé doivent parfois rendre compte des modalités de règlement d'un certain nombre de problèmes qui ne leur sont pas imputables. Nous l'avons prévu, et nous le ferons en 2013, lorsque cet aléa sera acté.

M. Philippe Marini, président . - Monsieur le Ministre, merci beaucoup pour votre disponibilité et le caractère précis de vos réponses.

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