SECTION 5 (supprimée) - Protection des lanceurs d'alerte

Article 17 (supprimé) - Dispositif de protection des personnes signalant un conflit d'intérêts contre toute sanction ou discrimination à leur égard

L'article 17 du projet de loi institue un dispositif dit de « protection des lanceurs d'alerte », consistant à interdire toute discrimination, toute sanction ou toute forme de sanction déguisée, dans le champ professionnel, à l'égard d'une personne ayant témoigné ou relaté, de bonne foi, d'une situation de conflit d'intérêts affectant un membre du Gouvernement ou un autre responsable public tenu à l'obligation de déclarer ses intérêts, à son employeur, à l'« autorité chargée de la déontologie de l'organisme »,  aux autorités administratives ou judiciaires ainsi qu'à des associations agréées de lutte contre la corruption, à charge pour elles dans ce cas de faire le meilleur usage des informations recueillies.

Sont ainsi cités, sans garantie d'exhaustivité et donc avec un fort risque de raisonnement a contrario , la mise à l'écart d'une procédure de recrutement, de l'accès à un stage ou d'une période de formation professionnelle, une sanction, un licenciement, une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de traitement, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat. Toute rupture du contrat de travail serait nulle de plein droit.

En dehors de la très récente loi n° 2013-316 du 16 avril 2013 relative à l'indépendance de l'expertise en matière de santé et d'environnement et à la protection des lanceurs d'alerte, adoptée à l'initiative de notre collègue Marie-Christine Blandin et circonscrite à des hypothèse de risque sanitaire, un pareil dispositif de « protection des lanceurs d'alerte » est inconnu en droit français.

En outre, votre rapporteur indique qu'un dispositif similaire, adopté par l'Assemblée nationale, figure à l'article 9 septies du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, selon une rédaction qui semble plus convaincante d'un point de vue juridique, d'autant qu'il est intégré dans le code du travail et dans le statut de la fonction publique. Votre commission considère que le dispositif envisagé dans le présent projet de loi devrait être articulé avec celui du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale, dans le cadre duquel, par cohérence, elle a jugé préférable de renvoyer l'examen de ce dispositif concernant les conflits d'intérêts 56 ( * ) .

Certains des cas de figure envisagés par le projet de loi apparaissent peu vraisemblables. Tel est le cas du gérant d'une SARL priverait un salarié d'une prime car il aurait signalé, à lui ou à une association agréée, un conflit d'intérêts concernant un ministre dont il aurait pu avoir connaissance dans l'exercice de ses fonctions... Sans doute serait plus plausible l'hypothèse selon laquelle le fonctionnaire d'un ministère pourrait avoir connaissance, à la suite d'indiscrétions ou en raison de la consultation de documents confidentiels, d'un conflit d'intérêts affectant le ministre, autorité hiérarchique du ministère...

Sur le fond, le dispositif ainsi envisagé par le présent projet de loi suscite la vive réprobation de nombreux membres de votre commission, craignant qu'il donne lieu à des pratiques de délation ou de malveillance qu'il serait difficile de poursuivre. En outre, le présent article pose également de sérieuses interrogations d'ordre juridique. Le dispositif prévu par le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale vise à protéger les personnes ayant témoigné de faits constitutifs d'une infraction pénale - ce qui n'est pas le cas ici - par exemple dans le cas d'une prise illégale d'intérêts de la part d'un élu. Ce dispositif paraît nettement moins justifié dès lors que ne sont pas en cause des infractions pénales. En effet, en dehors de ces cas réprimés pénalement, il peut paraître excessif d'étendre ce mécanisme à des faits qui ne constitueraient pas des infractions pénales, au risque de dérives et d'atteintes potentielles à la vie privée.

En revanche, dans le cas où un responsable public a produit une déclaration mensongère de sa situation patrimoniale ou de ses intérêts, il s'agirait bien d'une infraction pénale en vertu du présent projet de loi, de sorte qu'une personne signalant cette déclaration mensongère serait protégée par le dispositif envisagé dans le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale.

En outre, ce dispositif confie à des associations, certes agréées, la faculté de recueillir des témoignages en matière de conflit d'intérêts, leur conférant un rôle de « procureur privé », alors que le signalement des conflits d'intérêts devrait s'opérer auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, ce qui n'est pas prévu par la présent article, alors que sont visées les personnes tenues de déposer une déclaration d'intérêts.

De plus, le présent article inverse la charge de la preuve, en disposant qu'en cas de litige à propos d'une sanction ou d'un licenciement, il appartient à l'employeur de justifier de sa décision, dès lors que la personne sanctionnée ou licenciée a préalablement rendu compte de faits susceptibles de constituer un conflit d'intérêts. Votre rapporteur s'interroge sur les effets pervers susceptibles de résulter d'une telle inversion de la charge de la preuve, en particulier dans les litiges opposant des agents publics à leur administration.

Sans préjudice des difficultés juridiques qu'il soulève, votre commission a adopté, à l'initiative de son rapporteur, un amendement de suppression de ce dispositif, dans la perspective d'un examen conjoint dans le cadre du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale.

Votre commission a supprimé l'article 17.


* 56 L'article 13 du présent projet de loi prévoit que la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique peut agréer des associations de lutte contre la corruption, tandis que l'article 1 er du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière propose d'agréer des associations de lutte contre la corruption déclarées depuis au moins cinq ans pour exercer les droits reconnus à la partie civile pour certaines infractions en matière de manquement au devoir de probité (prise illégale d'intérêts...), de corruption et trafic d'influence et de blanchiment.

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