EXAMEN DES ARTICLES

PROJET DE LOI RELATIF À LA LUTTE CONTRE LA FRAUDE FISCALE ET LA GRANDE DÉLINQUANCE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

TITRE IER
DISPOSITIONS RENFORÇANT LA POURSUITE
ET LA RÉPRESSION DES INFRACTIONS
EN MATIÈRE DE DÉLINQUANCE ÉCONOMIQUE,
FINANCIÈRE ET FISCALE

CHAPITRE IER
ATTEINTES À LA PROBITÉ

Article 1er
(art. 2-22 [nouveau] du code de procédure pénale)
Possibilité reconnue aux associations de lutte contre les atteintes à la probité de se constituer partie civile devant les juridictions pénales

Le présent article tend à autoriser les associations engagées dans la lutte contre les atteintes à la probité à se constituer partie civile devant les juridictions pénales et à leur permettre, de cette façon, de mettre en mouvement l'action publique.

Progressivement affirmé par la chambre criminelle de la Cour de cassation à partir du début du XIX ème siècle, le droit reconnu à la victime d'obtenir réparation de son préjudice devant le juge pénal et de « corroborer » l'action publique, voire de la mettre en mouvement lorsque cela s'avère nécessaire, a été inscrit dans le code de procédure pénale 15 ( * ) . Il constitue la contrepartie du principe d'opportunité des poursuites.

L'action exercée par la partie civile n'a pas nécessairement pour seul but d'obtenir réparation du dommage causé par l'infraction : elle peut également tendre à faire reconnaître la culpabilité d'une personne par la juridiction pénale, ainsi que l'a admis la Cour de cassation 16 ( * ) .

Si la qualité de partie civile appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction (article 2 du code de procédure pénale), le législateur a progressivement élargi le champ des personnes morales (associations, syndicats, etc.) autorisées à exercer l'action civile afin d'obtenir réparation du dommage causé aux intérêts dont elles ont la charge.

Les articles 2-1 et suivants du code de procédure pénale définissent ainsi les conditions dans lesquelles des personnes morales peuvent se constituer partie civile devant les juridictions pénales. Ces articles proposent des rédactions qui ne sont pas toutes harmonisées :

- la plupart du temps, le législateur exige que l'association qui se constitue partie civile soit « régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits » et que l'affaire se rapporte à des faits entrant dans son objet statutaire, mais des conditions supplémentaires sont parfois exigées : inscription auprès du ministère de la justice (article 2-3 du code de procédure pénale) ou de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (article 2-11 du code de procédure pénale), ou encore justification d'un agrément (articles 2-14, 2-15 et 2-21 du code de procédure pénale) ;

- certains articles autorisent l'association à n'intervenir qu'au soutien d'une victime, lui refusant par là la possibilité de mettre elle-même en mouvement l'action publique, d'autres exigent un accord préalable de la victime, d'autres, enfin, autorisent l'association à se constituer partie civile sans restriction et ainsi à mettre en mouvement l'action publique en cas d'inertie ou de refus du parquet.

En tout état de cause, la constitution de partie civile est soumise à un certain nombre de conditions, destinées à prévenir l'engorgement des juridictions d'instruction et le dépôt de plaintes abusives : nécessité de déposer plainte devant le procureur de la République ou un service de police judiciaire avant de pouvoir saisir un juge d'instruction en matière délictuelle, obligation de consignation préalable afin de garantir une éventuelle amende civile en cas de plainte abusive ou dilatoire, notamment.

A l'heure actuelle, aucune disposition n'autorise expressément les associations engagées dans la lutte contre les atteintes à la probité à se constituer partie civile devant les juridictions pénales.

Cet état du droit est d'autant plus regrettable que, sauf exception, de telles infractions font rarement de victime directe : dans ces matières qui touchent pourtant aux fondements du contrat social et à l'égalité des citoyens devant la loi, il n'existe, en l'état, pas de possibilité de passer outre une éventuelle inertie du parquet ou un refus de donner suite à des faits qui lui auraient été signalés.

La Cour de cassation s'est efforcée d'atténuer la rigueur de cet état du droit : dans un arrêt daté du 9 novembre 2010, la chambre criminelle a reconnu que « les délits poursuivis, spécialement le recel et le blanchiment en France de biens financés par des détournements de fonds publics, eux-mêmes favorisés par des pratiques de corruption mais distincts de cette infraction, [étaient] de nature à causer à l'association Transparence International France un préjudice direct et personnel en raison de la spécificité du but et de l'objet de sa mission », et que, dès lors, la constitution de partie civile de cette association devait être reconnue comme recevable, sur le fondement de l'article 2 du code de procédure pénale.

Accédant à une revendication ancienne des associations, le I du présent article tend à inscrire dans le code de procédure pénale la possibilité pour les associations engagées dans la lutte contre les atteintes à la probité de se constituer partie civile devant les juridictions pénales, et, ainsi, de mettre en mouvement l'action publique.

Cette ouverture serait encadrée :

- premièrement, comme c'est le cas dans la plupart des dispositions analogues, l'association devrait être déclarée depuis au moins cinq ans à la date de la constitution de partie civile ;

- par ailleurs, l'association devrait se proposer par ses statuts de lutter contre la corruption ;

- enfin, elle devrait justifier d'un agrément , dont les conditions de délivrance seraient définies par un décret en Conseil d'État.

Lors de leur audition, les associations entendues par votre rapporteur se sont déclarées partagées sur cette nécessité de disposer d'un agrément pour pouvoir intervenir en justice, craignant que cette formalité puisse être utilisée pour écarter certaines d'entre elles.

Interrogé sur ce point, le ministère de la justice a toutefois indiqué que ces conditions avaient pour but de s'assurer du sérieux et de l'indépendance des associations susceptibles d'intervenir dans ce domaine sensible et de veiller à ce que la vie politique et les institutions ne puissent être paralysées par des actions abusives d'associations spécialement créées à des fins partisanes.

Pour mémoire, on rappellera qu'en matière de droit de la consommation, les associations de consommateurs autorisées à agir en justice pour la défense de l'intérêt collectif des consommateurs doivent justifier d'un agrément qui est délivré au regard, notamment, de l'indépendance de l'association à l'égard de toute forme d'activité professionnelle et du nombre d'adhérents.

En tout état de cause, un éventuel refus d'agrément pourrait être contesté devant la juridiction administrative.

La constitution de partie civile pourrait porter sur un certain nombre d'infractions :

- manquement au devoir de probité : concussion, corruption passive et trafic d'influence commis par des personnes exerçant une fonction publique, prise illégale d'intérêts, atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public, soustraction et détournement de biens ;

- infractions de corruption et trafic d'influence : corruption active et trafic d'influence commis par des particuliers, trafic d'influence en vue de l'obtention d'une décision judiciaire favorable, corruption ou trafic d'influence impliquant un agent public étranger et corruption de personnes n'exerçant pas une fonction publique ;

- infractions de recel ou de blanchiment du produit, des revenus ou des choses provenant des infractions précitées ;

- enfin, délits d'influence illicite sur les votes lors des élections législatives, cantonales et municipales.

Par ailleurs, le II du présent article propose de supprimer les dispositions du code pénal qui prévoient à l'heure actuelle qu'en matière de corruption et de trafic d'influence impliquant un agent public d'un État étranger ou d'une organisation internationale (hors Union européenne), les poursuites ne peuvent être engagées qu'à la requête du ministère public (articles 435-6 et 435-11 du code pénal) : désormais, l'action publique pourrait donc être mise en mouvement pour de tels faits par une association agréée dans les conditions prévues ci-dessus.

Votre commission salue ces avancées qui, avec la réforme du statut du ministère public, contribueront sans aucun doute à renforcer les possibilités d'action de la justice en matière de lutte contre les atteintes à la probité.

Votre commission a adopté l'article 1 er sans modification .

Article 1er bis
(art. 131-38 du code pénal)
Augmentation du montant de l'amende encourue
par les personnes morales

Le présent article, qui procède d'un amendement de MM. Dominique Raimbourg et Yves Goasdoué inséré dans le projet de loi par la commission des lois de l'Assemblée nationale, vise à augmenter les quantums d'amende encourus par les personnes morales en matière délictuelle et criminelle.

La responsabilité pénale des personnes morales a été introduite en droit français par le nouveau code pénal, qui est entré en vigueur le 1 er mars 1994. L'article 121-2 du code pénal dispose ainsi que « les personnes morales, à l'exception de l'État, sont responsables pénalement des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ». Initialement limitée aux seuls cas dans lesquels la loi la prévoyait, elle a été généralisée par la loi n°2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

En l'absence de disposition particulière, les personnes morales encourent, en toute hypothèse, une amende pénale dont le taux maximum est égal au quintuple de celui prévu par les personnes physiques par la loi qui réprime l'infraction. Lorsqu'il s'agit d'un crime pour lequel aucune peine d'amende n'est prévue à l'encontre des personnes physiques, l'amende encourue par les personnes morales est d'un million d'euros (article 131-38 du code pénal).

Les personnes morales peuvent également être condamnées, lorsque la loi le prévoit, à un certain nombre de peines définies à l'article 131-39 du code pénal (dissolution, interdiction d'exercer, placement sous surveillance judiciaire, etc.) ainsi qu'à une peine de sanction-réparation (article 131-39-1 du code pénal).

Le montant de l'amende encourue par les personnes morales, ainsi défini, est apparu insuffisamment élevé à nos collègues députés qui ont souhaité que, s'agissant particulièrement de certains cas de fraude, les magistrats aient la possibilité de prononcer des amendes pénales d'un montant significatif pour les entreprises condamnées .

Tel est l'objet du présent article, qui propose de compléter l'article 131-38 du code pénal en prévoyant que le montant de l'amende encourue par les personnes morales pourrait être porté au dixième du chiffre d'affaires moyen annuel de la personne morale prévenue ou accusée - ce montant étant calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus au jour de l'audience de jugement. Lorsque les faits criminels portent sur une infraction pour lesquels aucun quantum d'amende n'est prévu, ce montant pourrait être porté à 20 % du chiffre d'affaires moyen annuel de la personne morale accusée, calculé dans les mêmes conditions.

Ce faisant, le juge pénal aurait la possibilité de fonder sa condamnation sur l'un ou l'autre de ces « plafonds » : soit le quintuplement du quantum encouru par les personnes physiques, soit 10 % ou 20 % du chiffre d'affaires de l'entreprise.

Certaines dispositions du droit pénal offrent déjà au juge la possibilité de choisir entre deux montants d'amende différents.

Par exemple, l'article 321-3 du code pénal prévoit que les peines d'amende encourues en matière de recel « peuvent être élevées au-delà de 375 000 euros jusqu'à la moitié de la valeur des biens recelés ». En matière de blanchiment, l'article 324-3 du code prévoit que la peine d'amende encourue peut être élevée « jusqu'à la moitié de la valeur des biens ou des fonds sur lesquels ont porté les opérations de blanchiment ». De même, en matière d'atteinte à la transparence des marchés, l'article L. 465-1 du code monétaire et financier offre au juge pénal la possibilité de prononcer une amende dont « le montant peut être porté au-delà de [1,5 million d'euros ou 150 000 euros en fonction de l'infraction commise], jusqu'au décuple du montant du profit éventuellement réalisé, sans que l'amende puisse être inférieure à ce même profit ».

La chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé sur ce point que les juges répressifs disposaient quant à l'application de la peine, dans les limites fixées par la loi, d'une faculté discrétionnaire dont ils ne doivent aucun compte 17 ( * ) - à condition, lorsqu'ils font usage de la faculté d'élever l'amende pénale à la moitié de la valeur des biens recelés, de préciser la valeur de la chose recelée 18 ( * ) .

La portée des dispositions proposées par le présent article va toutefois bien au-delà de ces exemples puisque, insérées à l'article 131-38 du code pénal, elles s'appliqueront à l'ensemble des infractions pénales délictuelles ou criminelles .

En outre, elles diffèrent sensiblement des exemples précités en ce qu'elles font référence, non pas à un montant proportionnel au produit de l'infraction, mais au revenu de la personne morale (lorsqu'il s'agit d'une entreprise).

De façon inédite, le présent article propose ainsi d'indexer le quantum de la peine encouru sur le revenu de la personne morale . Le but de ces dispositions est de permettre aux juridictions d'adapter au mieux la sanction pénale aux faits commis et de revêtir ainsi un caractère particulièrement dissuasif pour certaines entreprises de taille importante pour lesquelles les quantums actuellement encourus pourraient sembler peu significatifs. Au soutien de son amendement, M. Dominique Raimbourg a cité l'exemple d'une entreprise qui, poursuivie en justice, avait été condamnée à une amende dont le montant dépassait à peine le bénéfice retiré du délit 19 ( * ) .

Les personnes morales seront d'autant plus dissuadées de se livrer à des faits de corruption que l'article 1 er quater du projet de loi propose, quant à lui, d'élever très significativement le montant des amendes encourues par les personnes physiques en cas d'atteinte à la probité - élevant de ce fait « mécaniquement », par la règle précitée du quintuplement, le montant de l'amende encourue par les personnes morales pour ces infractions (voir infra ).

Votre commission souscrit au dispositif précité qui permettra de mettre un terme au calcul cynique que peuvent faire certaines entreprises entre le risque pénal encouru et le bénéfice tiré de l'infraction.

Elle relève toutefois que si l'indexation du quantum de la peine encourue sur le chiffre d'affaires se justifie pleinement s'agissant d'infractions ayant pour but de procurer un bénéfice à l'entreprise, la question de sa compatibilité avec le principe d'égalité peut se poser s'agissant d'infractions non crapuleuses (droit pénal du travail, mise en danger de la vie d'autrui, atteinte à la vie privée, etc., par exemple) ou de moindre gravité. La constitutionnalité de ces dispositions pourrait être contestée lorsqu'aucun élément objectif ne justifie une indexation de la sanction encourue sur le revenu de la personne morale, ou lorsque l'infraction commise est punie, pour les personnes physiques, de peines peu élevées.

En outre, sur un plan pratique, votre commission s'est interrogée sur la méthode de calcul du chiffre d'affaires moyen de l'entreprise proposée par cet article. En effet, compte tenu des délais d'instruction et d'enrôlement souvent longs dans les juridictions, particulièrement concernant des affaires économiques et financières, il est à craindre que l'entreprise ne mette à profit le temps de la procédure pour dissimuler ses actifs ou organiser son insolvabilité. Il importe également, du point de vue du principe de légalité des délits et des peines, que l'entreprise connaisse la peine encourue au moment où elle commet l'infraction. Une référence au chiffre d'affaires moyen connu « à la date des faits » serait, de ces deux points de vue, plus pertinente.

Votre commission a donc adopté un amendement de son rapporteur tendant, d'une part, à limiter le champ de ces dispositions aux crimes et délits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement et ayant procuré un profit direct ou indirect (formulation qui se retrouve dans les articles du code pénal relatifs à la confiscation ou au blanchiment notamment) et, d'autre part, à faire référence au chiffre d'affaires moyen connu « à la date des faits » plutôt qu'à la date de l'audience.

Votre commission a adopté l'article 1 er bis ainsi modifié .

Article 1er ter A
(art. 132-12, 132-13 et 132-14 du code pénal)
Montant de l'amende encourue par les personnes morales
en cas de récidive

Le présent article, inséré dans le projet de loi par les députés à l'initiative de M. Nicolas Sansu, est complémentaire de l'article qui précède : il vise à élever le quantum d'amende encouru par les personnes morales lorsque celles-ci sont condamnées en état de récidive légale.

La notion de récidive légale obéit à des règles strictes, définies par les articles 132-8 et suivants du code pénal. En règle générale, l'état de récidive légale se traduit par un doublement des peines d'emprisonnement et d'amende encourues par les personnes physiques.

S'agissant des personnes morales, les articles 132-14 à 132-16 du code pénal prévoient qu'en cas de récidive légale, le taux maximum de l'amende applicable est égal à dix fois celui qui est prévu par la loi qui réprime l'infraction .

De façon cohérente avec les dispositions insérées par la commission des lois de l'Assemblée nationale à l'article 1 er bis , le présent article propose de remplacer ces dispositions afin de prévoir qu'en cas de condamnation en état de récidive légale, le quantum d'amende encouru par les personnes morales serait doublé : ainsi, le montant maximal de l'amende encouru serait, soit égal à dix fois le montant de l'amende prévue par la loi punissant l'infraction, soit égal - selon les cas - à 20 % ou 40 % du chiffres d'affaires moyen annuel de la personne morale (voir supra ).

Votre commission a adopté l'article 1 er ter A sans modification .

Article 1er ter
(art. 324-6-1, 432-11-1, 433-2-1, 434-9-2, 435-6-1
et 435-11-1 [nouveaux] du code pénal)
Extension du mécanisme d'exemption ou de réduction de peine applicable aux « repentis » aux faits de blanchiment, de corruption
et de trafic d'influence

Le présent article, inséré par la commission des lois de l'Assemblée nationale sur proposition de son rapporteur, M. Yann Galut, a pour but d'étendre le mécanisme de réduction de peine applicable aux « repentis » à plusieurs infractions d'atteinte à la probité.

Afin de renforcer l'efficacité de la lutte contre les formes les plus dangereuses de la criminalité ou de la délinquance, le législateur a institué un mécanisme d'atténuation de la responsabilité pénale au bénéfice de toute personne qui, bien que coupable ou complice, accepterait d'informer les autorités d'infractions en préparation, sur le point de se commettre ou susceptibles de connaître de graves développements et qui en dénoncerait les auteurs et complices - la peine encourue dépendant dans ce cas du degré d'implication personnelle de la personne ainsi que de la précocité et de l'efficacité de son intervention.

Depuis la loi n°2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, l'article 132-78 du code pénal dispose que « la personne qui a tenté de commettre un crime ou un délit est, dans les cas prévus par la loi, exempte de peine si, ayant averti l'autorité administrative ou judiciaire, elle a permis d'éviter la réalisation de l'infraction et, le cas échéant, d'identifier les autres auteurs ou complices.

« Dans les cas prévus par la loi, la durée de la peine privative de liberté encourue par une personne ayant commis un crime ou un délit est réduite si, ayant averti l'autorité administrative ou judiciaire, elle a permis de faire cesser l'infraction, d'éviter que l'infraction ne produise un dommage ou d'identifier les autres auteurs ou complices [...].

« Aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement de déclarations émanant de personnes ayant fait l'objet des dispositions du présent article ».

Ce mécanisme dit « des repentis » n'est applicable que lorsque la loi le prévoit expressément. Tel est notamment le cas en matière d'assassinat ou d'empoisonnement (article 221-5-3 du code pénal), d'actes de tortures ou de barbarie (article 222-6-2 du code pénal), de trafic de stupéfiants (article 222-43 du code pénal), de traite des êtres humains (article 225-4-9 du code pénal), d'atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation (articles 414-2 et 414-3 du code pénal), de terrorisme (articles 422-1 et 422-2 du code pénal) ou encore d'association de malfaiteurs (article 450-2 du code pénal).

L'article 706-63-1 du code de procédure pénale organise par ailleurs les conditions dans lesquelles ces « repentis » peuvent bénéficier d'une protection destinée à assurer leur sécurité ainsi que, en cas de besoin, d'une « identité d'emprunt ».

Parfois contesté dans son principe, ce dispositif se révèle particulièrement adapté pour détecter et favoriser la répression de faits occultes ou dissimulés, pour lesquels les autorités judiciaires ont les plus grandes peines à obtenir des informations.

Telle est la raison pour laquelle l'Assemblée nationale a souhaité l'étendre à plusieurs infractions d'atteinte à la probité.

Le présent article propose d'appliquer ce dispositif aux infractions suivantes :

- blanchiment (articles 324-1 et suivants du code pénal) ( ) ;

- corruption passive et trafic d'influence commis par des personnes exerçant une fonction publique (article 432-11 du code pénal) ( ) ;

- corruption active et trafic d'influence commis par les particuliers (articles 433-1 et suivants du code pénal) ( ) ;

- corruption active et passive et trafic d'influence commis par des magistrats ou des personnes exerçant des activités en juridiction (articles 434-9 et 434-9-1 du code pénal) ( ) ;

- corruption et trafic d'influence passifs et actifs concernant des agents publics étrangers ou relevant d'une institution internationale, ou exerçant des fonctions juridictionnelles dans un État étranger ou au sein d'une juridiction internationale (articles 435-1 à 435-4 et 435-7 à 435-10 du code pénal) ( 5° et 6° ).

S'agissant du blanchiment, dont la tentative est passible de poursuites pénales (article 324-6 du code pénal), la personne serait exempte de peine si, ayant tenté de commettre l'infraction, elle a permis d'en éviter la réalisation et d'identifier les autres auteurs ou complices. La peine privative de liberté qu'elle encourrait serait réduite de moitié si elle a permis de faire cesser l'infraction ou d'identifier les autres auteurs ou complices.

En revanche, pour les infractions de corruption et de trafic d'influence, dont la tentative n'est pas incriminée en tant que telle (la tentative de ces infractions en constitue l'un des éléments constitutifs), seul serait prévu un mécanisme de réduction de la peine privative de liberté encourue dans le cas où l'auteur ou le complice a permis de faire cesser l'infraction ou d'en identifier les autres auteurs ou complices.

Votre commission salue ces dispositions qui sont de nature à contribuer à une meilleure révélation de faits aujourd'hui peu poursuivis, faute d'informations.

Votre commission a adopté l'article 1 er ter sans modification .

Article 1er quater
(art. 432-10, 432-12, 433-2, 434-9-1, 435-2, 435-4, 435-8, 435-10, 445-1,
445-2, 432-11, 433-1, 434-9, 435-1, 435-3, 435-7, 435-9, 432-12
et 432-14 du code pénal)
Augmentation du quantum des amendes encourues
en cas d'atteinte à la probité

Le présent article, inséré par la commission des lois de l'Assemblée nationale sur proposition de son rapporteur, M. Yann Galut, vise à élever significativement le montant des amendes encourues en cas de condamnation à des faits d'atteinte à la probité.

Au soutien de son amendement, le rapporteur a fait valoir que les montants des amendes actuellement encourues (30 000, 75 000 ou 150 000 euros d'amende selon les cas, portés au quintuple pour les personnes morales) apparaissaient trop faibles au regard des profits que peuvent générer ces infractions 20 ( * ) .

Le présent article propose, d'une part, un relèvement des quantums de peines d'amende encourues , en portant :

- de 30 000 à 200 000 euros le montant de l'amende encourue pour atteinte à la liberté et à l'égalité d'accès aux marchés publics et aux délégations de service public (article 432-14 du code pénal) ( ) ;

- de 75 000 à 500 000 euros le montant de l'amende encourue pour les infractions de concussion (article 432-10 du code pénal), de prise illégale d'intérêts (article 432-12 du code pénal), de trafic d'influence (articles 433-2, 434-9-1, 435-2, 434-4, 435-8 et 435-10 du code pénal) et de corruption commise par une personne n'exerçant pas une fonction publique (articles 445-1 et 445-2 du code pénal) ( 1° et 2° ) ;

- de 150 000 à un million d'euros le montant de l'amende encourue pour les infractions de corruption commises par une personne exerçant une fonction publique (articles 432-11, 433-1, 434-9, 435-3, 435-7 et 435-9 du code pénal) et de détournement ou de soustraction de biens publics (article 432-15 du code pénal) ( 3° et 4° ).

D'autre part, l'article prévoit que le montant de l'amende encourue pour l'ensemble de ces infractions pourrait également être porté au double du produit tiré de l'infraction .

Une telle alternative laissée au juge pénal dans la détermination du montant de l'amende encourue existe déjà dans le droit pénal, notamment en matière de recel ou de blanchiment (articles 321-3 et 324-3 du code pénal). La chambre criminelle de la Cour de cassation a eu l'occasion de préciser que, dans ce cas, le juge pénal disposait d'un pouvoir discrétionnaire pour choisir celui des deux « plafonds » qui lui parait le plus pertinent compte tenu de la personnalité de la personne condamnée et des circonstances de l'espèce (voir supra - commentaire de l'article 1 er bis ).

Le texte inséré par la commission des lois de l'Assemblée nationale prévoyait également d'élever le montant de l'amende encourue en cas de « pantouflage » (article 432-13 du code pénal), en le faisant passer de 30 000 à 200 000 euros. Ces dispositions ont toutefois été supprimées en séance publique à l'initiative du rapporteur de la commission des lois, M. Yann Galut, car l'article 20 du projet de loi relatif à la transparence de la vie publique, en cours d'examen par le Parlement, prévoit d'ores et déjà une élévation des sanctions encourues pour cette infraction, les faisant passer de deux à trois ans d'emprisonnement et de 30 000 à 45 000 euros d'amende.

Par cohérence, votre commission des lois en a pleinement tiré les conséquences lors de l'examen du projet de loi relatif à la transparence de la vie publique, en portant les sanctions encourues en matière de « pantouflage » à trois ans d'emprisonnement et à une amende de 200 000 euros, dont le montant pourrait être porté au double du produit tiré de l'infraction.

Votre commission a adopté l'article 1 er quater sans modification .


* 15 L'article 1 er du code de procédure pénale dispose ainsi que « [l'action publique] peut aussi être mise en mouvement par la partie lésée, dans les conditions déterminées par le présent code ».

* 16 Cass. Crim., 13 juin 1978 : « l'intervention d'une partie civile peut n'être motivée que par le souci de corroborer l'action publique et d'obtenir que soit établie la culpabilité du prévenu ».

* 17 Cass. Crim., 9 février 1987.

* 18 Cass. Crim., 12 mars 1990.

* 19 Rapport n°1130 et 1131 de M. Yann Galut, fait au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale, juin 2013, page 65.

* 20 Rapport précité, page 68.

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