CHAPITRE VIII
FONDS EUROPÉENS

Article 45 quater
(art. L. 5711-1-2 du code général des collectivités territoriales [nouveau])
Gestion des fonds européens

Cet article a été introduit en première lecture au Sénat, par un amendement de votre commission, à l'initiative de son rapporteur.

Cette disposition, qui reprend l'article 3 du projet de loi de mobilisation des régions pour la croissance et l'emploi et de promotion de l'égalité des territoires déposé au Sénat le 10 avril 2013 60 ( * ) , modifie les règles de gouvernance des fonds européens .

Ces quatre fonds -FEDER, FSE, FEADER, FAMP- représentent pour la France, pour la période 2007-2013 , 23 milliards d'euros , répartis de la manière suivante : 10,4 milliards d'euros pour le FEDER, 5,4 milliards d'euros pour le FSE, 7,56 milliards d'euros pour le FEADER et 0,22 milliard d'euros pour le FEP.

Pour que cette évolution puisse intervenir avant le début de mise en oeuvre de ce programme, soit avant le 1 er janvier 2014 , cette disposition a été introduite dans le présent projet de loi.

1 - l'état du droit actuel

En ce qui concerne la gestion des fonds européens, les règlements de l'Union européenne qui définissent les modalités de gestion des fonds - qui ne sont encore actuellement qu'à l'état de projets, mais qui reprennent les principes applicables lors des périodes précédentes - imposent la désignation par les États membres de trois autorités : une autorité chargée de la gestion de ces fonds, une autorité de certification et une autorité d'audit .

À propos de la fonction d'autorité de gestion, le projet de règlement général 61 ( * ) précise dans son article 82 que l'autorité de gestion des fonds structurels doit être au moins d'un niveau géographique dit « NUTS 2 » qui correspond en France au niveau géographique de la région. L'État peut choisir d'être autorité de gestion ou peut proposer une autre entité.

Actuellement, le principe retenu en France, est de confier à l'État
-qui la déconcentre aux préfets de région- la fonction d'autorité de gestion des fonds, de confier aux directeurs régionaux des finances publiques la fonction d'autorité de certification des programmes régionaux des fonds structurels,
-cette autorité étant le directeur général des finances publiques quand des programmes nationaux FEDER et FSE sont concernés-, et de confier à la commission interministérielle de coordination des contrôles portant sur les opérations cofinancées par les fonds structurels européens (CICC) la fonction d'audit.

Notons qu'il existe des expérimentations menées sur la base de l'article 37-1 de la Constitution, depuis la loi du 13 août 2004 relative libertés et responsabilités locales , et la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie : certaines régions ont ainsi pu être autorités de gestion de programmes opérationnels, à l'instar de la région Alsace, pour le FEDER, par exemple.

2 - Le dispositif voté par le Sénat

- Faire des régions les autorités de gestion de principe

Cette évolution répond à un voeu exprimé par le président de la République, lors des états généraux de la démocratie territoriale , organisés le 5 octobre 2012 au Sénat : « un second instrument sera mis au service des régions, les fonds structurels européens. Rien ne justifie qu'en France, à l'inverse de tout ce qui se fait chez nos voisins, ce soit l'État qui assure la gestion des moyens dont l'objet même est d'aider les territoires à conduire leur développement. La gestion par les régions sera plus économe, plus rapide, au moment où il nous appartient, en plus, d'aller chercher les moyens et les ressources que le plan de croissance européen, adopté au mois de juin, nous permet d'espérer. »

Les dispositions du présent article ont pour objet de modifier les règles relatives à la désignation de l'autorité de gestion responsable en prévoyant désormais que la région est en principe autorité de gestion , sauf en cas de refus de sa part.

Déjà, à l'occasion de l'examen de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie , nos collègues Laurent Béteille, Elisabeth Lamure et Philippe Marini, dans le rapport n° 413 (2007-2008) fait au nom de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi de modernisation de l'économie, avaient recommandé que des dispositions pérennes et non plus transitoires soient introduites pour donner la faculté à l'État de désigner comme autorité de gestion une région ou tout autre collectivité territoriales, leurs groupements ou un groupement européen de coopération territoriale 62 ( * ) .

Lors de l'examen du projet de loi n° 161 (2006-2007) relatif à l'expérimentation du transfert de la gestion des fonds structurels européens, le 17 janvier 2007, dont le rapporteur était notre collègue Catherine Troendle, la commission avait souligné la nécessité de généraliser ces expérimentations, en raison des effets très positifs des expériences menées 63 ( * ) .

Notons cependant que ce sont les instances de l'Union européenne, qui vérifient l'adéquation entre le niveau géographique défini par le règlement général et la candidature qui lui est soumise . Le règlement est en effet d'application directe, et la désignation par la loi d'une autorité de gestion qui ne remplirait pas la condition géographique requise serait sans effet : la candidature ne serait pas retenue. Avant même l'intervention du législateur, l'État avait pu proposer de désigner des GIP comme autorités de gestion, à l'instar par exemple de la gestion des crédits destinés à favoriser la coopération interrégionale (programme Interreg, par exemple, dès 2000).

L'État peut donc parfaitement déterminer que les régions seront désormais l'autorité de gestion des fonds structurels par défaut, mais les institutions européennes resteront libres d'accepter ou non la candidature présentée.

- La création d'un mécanisme transférant la responsabilité pécuniaire en cas de condamnation par une juridiction européenne

L'article 45 quater crée également un mécanisme permettant de faire supporter aux collectivités territoriales autorité de gestion, les corrections et sanctions financières mises à la charge de l'État et prononcées par les institutions européennes ayant trait aux fonds structurels . Ce transfert répond à l'objection soulevée selon laquelle la désignation d'une autorité de gestion autre que l'État déresponsabiliserait celle-ci. Il est précisé que les charges qui résulteraient de ces condamnations sont des dépenses obligatoires pour les collectivités territoriales concernées, ce qui a notamment pour conséquence qu'elles peuvent être inscrites d'office au budget local.

En lien avec la création de cette responsabilité nouvelle, l'État aura une obligation d'informer les collectivités territoriales en cas d'ouverture par la commission d'une procédure à l'encontre de l'État qui porterait sur les questions de gestion des fonds structurels, afin que la collectivité territoriale puisse faire valoir, le cas échéant, ses observations.

Il est enfin prévu la création d'un comité national État-régions , dans chaque région, pour harmoniser les actions entreprises par l'État et par les régions.

- Une question en suspens : la possibilité de subdéléguer la gestion d'un programme relevant d'un fonds européen

En l'état du droit européen, les départements ne disposent pas de l'assise géographique suffisante pour pouvoir prétendre être autorités de gestion . Mais en raison de leurs compétences en matière sociale, il est apparu pertinent qu'ils puissent gérer une partie des programmes du Fonds social européen. Le présent article organise donc la possibilité pour l'autorité de gestion de subdéléguer la gestion des fonds qui lui ont été attribués .

Cette disposition a fait l'objet d'un débat important, notamment au Sénat. S'est en effet posée la question de la possibilité pour une région, autorité de gestion, de déléguer la gestion d'une partie des fonds à un département.

Néanmoins, la disposition relative à la possibilité d'accorder une subdélégation de gestion ne pose pas de difficulté, dans la mesure où les dispositions communautaires permettent un tel mécanisme, appelé « subvention globale » : l'autorité de gestion peut décider de recourir à ce procédé pour déléguer la partie d'une intervention à un autre organisme. Le projet de règlement général pour la période 2014-2020 prévoit ainsi à son article 113 que « l'État membre ou l'autorité de gestion peut confier la gestion d'une partie d'un programme opérationnel à un organisme intermédiaire par un accord écrit entre l'organisme intermédiaire et l'État membre ou l'autorité de gestion («la subvention globale»). L'organisme intermédiaire présente des garanties de solvabilité et de compétence dans le domaine concerné ainsi qu'en matière de gestion administrative et financière. »

En ce qui concerne le risque évoqué d'une tutelle, si la région, autorité de gestion, déléguait une partie d'un programme opérationnel à un département, votre rapporteur remarque qu'il existe déjà des dispositions dans le code général des collectivités territoriales qui permettent par exemple à un département « d'apporter aux communes qui le demandent son soutien à l'exercice de leurs compétences » (art. L. 3233-1 du code général des collectivités territoriales). En l'occurrence, la subvention globale pourrait ici s'analyser de cette manière, la région aidant, à sa demande, le département dans l'exercice d'une de ses compétences.

3 - Un dispositif complété par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a modifié les dispositions de cet article définissant les entités pouvant être désignées comme autorité de gestion : il est prévu que pour des programmes impliquant plusieurs régions, l'État peut confier la fonction d'autorité de gestion à un GIP constitué de plusieurs régions, ce dernier pouvant être également autorité de gestion déléguée.

Il est également prévu que dans le cadre du fonds social européen que l'autorité de gestion puisse déléguer la gestion des actions en la matière aux collectivités et organismes en charge du pilotage de plans locaux pour l'insertion et l'emploi qui le demandent.

Rappelons que les plans locaux pour l'insertion et l'emploi sont des structures associant plusieurs communes et les acteurs de lutte contre le chômage, qui peuvent emprunter plusieurs formes juridiques : association, GIP ou établissement public par exemple. Ce dispositif a pour objet d'organiser un accompagnement personnalisé des demandeurs d'emplois.

4 - La position de votre commission : le retour à la rédaction initiale votée par le Sénat en première lecture

Votre commission a adopté deux amendements, l'un à l'initiative du Gouvernement, visant à supprimer la mention des GIP comme pouvant être autorités de gestion de tout ou partie de programmes européens. En effet, le mentionner apportait une rigidité inutile, dans la mesure où les GIP, s'ils répondent aux critères posés par le règlement général peuvent d'ores et déjà être autorités de gestion. Dans le même esprit, votre commission a adopté un amendement de notre collègue M. Christian Favier, visant à supprimer la mention selon laquelle les collectivités ou organismes chargés du pilotage de plans locaux pour l'insertion et l'emploi peuvent être autorités de gestion délégués d'une partie des actions relevant du Fonds social européen.

En conséquence, votre commission a adopté l'article 45 quater ainsi modifié.


* 60 http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl12-496.html

* 61 http://www.partenariat20142020.fr/Reglement_general.pdf p. 88.

* 62 http://www.senat.fr/rap/l07-413-1/l07-413-11.pdf p.460.

* 63 http://www.senat.fr/rap/l06-161/l06-1611.pdf

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