EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Après l'échec de la commission mixte paritaire qui s'est tenue le 23 juillet dernier, le Sénat est invité à se prononcer en nouvelle lecture sur le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière ainsi que sur le projet de loi organique relatif au procureur de la République financier, qui ont tous deux été soumis au Parlement selon la procédure accélérée.

Ces deux textes, dont le contenu a été très substantiellement enrichi au cours des débats parlementaires (le projet de loi ordinaire est ainsi passé de 21 à 80 articles entre son dépôt sur le Bureau de l'Assemblée nationale et son adoption par le Sénat), ont été examinés et adoptés en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale le 17 septembre dernier.

L'échec de la CMP, motivé par des divergences sur certaines dispositions majeures (en particulier la création d'un procureur de la République financier, qui explique le rejet par le Sénat du projet de loi organique prévoyant sa création), ne doit toutefois pas occulter l'existence de nombreux points d'accord et une volonté partagée par les deux assemblées de mieux lutter contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière. Ainsi, 30 articles ont été adoptés en des termes identiques par les deux chambres dès la première lecture. De même, en nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a adopté dans les mêmes termes 14 articles modifiés ou insérés par le Sénat.

A ce stade de leur examen, 36 articles du projet de loi ordinaire demeurent en discussion , ainsi que le projet de loi organique , rejeté par le Sénat en première lecture. Certains d'entre eux n'ont fait l'objet que de modifications techniques ou formelles de la part de l'Assemblée nationale.

En revanche, outre des désaccords sur des dispositions techniques en matière fiscale, sur lesquelles la commission des finances, ayant reçu délégation au fond de votre commission, sera amenée à se prononcer 1 ( * ) , les divergences importantes ayant conduit à l'échec de la CMP persistent en grande partie .

Ainsi, en nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a rétabli la création du procureur de la République financier , que votre commission avait soutenue en première lecture. En outre, contre la position du Sénat (mais en accord avec votre commission des lois), elle a confirmé qu'elle jugeait opportun de permettre aux associations engagées dans la lutte contre les atteintes à la probité de se constituer partie civile devant les juridictions pénales . Elle a également souhaité conférer une protection maximale aux « lanceurs d'alerte » et donner une acception très large aux dispositions pénales relatives au blanchiment. Elle a en outre ouvert très largement la possibilité de recourir à des preuves illicites . Enfin, elle a confirmé son attachement à l'établissement d'un délai de prescription pénale dérogatoire au droit commun en matière de fraude fiscale .

I. DE LARGES POINTS D'ACCORD SUR LA NÉCESSITÉ DE RENFORCER LES INSTRUMENTS DE LUTTE CONTRE LA FRAUDE FISCALE ET LA DÉLINQUANCE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

Initialement axé sur le renforcement des moyens et procédures judiciaires de lutte contre la fraude fiscale et la délinquance économique et financière, le projet de loi ordinaire a connu une inflexion importante avec l'adoption, à l'Assemblée nationale puis au Sénat, d'un nombre important de dispositions éparses tendant, dans des domaines divers, à renforcer les pouvoirs des administrations fiscales et douanières de façon à les doter de la capacité de mieux détecter et de mieux sanctionner la fraude.

A. UN ACCORD SUR 30 ARTICLES DU PROJET DE LOI EN PREMIÈRE LECTURE

Dès la première lecture, le Sénat a donné son accord à l'adoption de 30 articles.

S'agissant des dispositions relatives aux moyens dont est dotée l'autorité judiciaire pour mieux lutter contre la fraude, les points d'accord ont notamment porté sur :

- l'accroissement significatif du montant des amendes pénales encourues par les personnes morales ou pour un certain nombre d'atteintes à la probité ( articles 1 er ter A et 1 er quater ) et sur la création d'une circonstance aggravante applicable au délit d'abus de biens social ( article 9 ter ) ;

- l'extension du mécanisme d'exemption ou de réduction de peine applicable aux « repentis » en matière de blanchiment, de corruption et de trafic d'influence ( article 1 er ter ) ;

- l'extension du champ de compétence des officiers fiscaux judiciaires aux faits de blanchiment de fraude fiscale ( article 2 ), sur l'ajout de l'association de malfaiteurs à la liste des infractions que le service national de la douane judiciaire peut rechercher et constater ( article 9 quinquies ) ainsi que sur la possibilité pour le service national de la douane judiciaire de recourir aux logiciels de rapprochement judiciaire ( article 9 sexies ) ;

- l'adaptation et le renforcement du régime des saisies et des confiscations en matière pénale ( articles 4, 5, 6, 6 bis , 7, 8 et 9 ) ;

- enfin, sur l'allongement du délai de contestation de la transmission universelle du patrimoine ( article 9 bis ).

Le Sénat a également donné son accord à un certain nombre de dispositions, figurant dans le projet de loi initial ou insérées par l'Assemblée nationale, tendant à renforcer les pouvoirs des administrations fiscale et douanière :

- alourdissement des pénalités applicables en cas de non-respect des obligations de déclaration de trusts par leur administrateur ( article 3 bis C ) ;

- autorisation donnée aux agents des services fiscaux de copier des fichiers informatiques dont ils sont amenés à constater l'existence lors de la procédure de contrôle inopiné ( article 3 bis E ) ;

- définition des conditions dans lesquelles l'administration fiscale peut transiger ( article 3 bis F ) ;

- composition de comité du contentieux fiscal, douanier et des changes ( article 3 quater ) ;

- augmentation des sanctions encourues en cas de non-respect par les établissements bancaires de leurs obligations de déclaration concernant les comptes répertoriés dans FICOBA ( article 3 quinquies ) ;

- possibilité pour l'administration fiscale d'opérer des saisies simplifiées en vue du recouvrement des créances publiques sur les sommes rachetables d'un contrat d'assurance-vie ( article 11 ) ;

- encadrement plus restrictif des dispositions permettant à un entrepreneur de rendre insaisissables ses droits sur sa résidence principale ( article 11 bis A ) ;

- possibilité pour l'administration fiscale de déposer plusieurs plaintes connexes auprès d'un même parquet ( article 11 bis E ) ;

- allongement du délai de prescription de l'action en recouvrement pour les redevables établis dans des pays avec lesquels la France n'a pas d'accord en la matière ( article 11 bis F ) ;

- exclusion du bénéfice de certains délais dérogatoires lorsque les éventuels bénéficiaires se livrent à des activités occultes ( article 11 ter ) ;

- exclusion du bénéfice des dispositions encadrant le délai de réponse de l'administration aux observations du contribuable des personnes morales et sociétés en participation à l'actif desquelles sont inscrits des titres de placement ou de participation pour un montant d'au moins égal à 7,6 millions d'euros ( article 11 quater ) ;

- extension à l'or, aux jetons, plaques et tickets de casinos représentant un montant de plus de 10 000 euros de l'obligation de déclaration à l'administration des douanes en cas de transfert ( article 11 septies ) ;

- possibilité d'inscrire sur la liste des États non coopératifs en matière fiscale les États qui refusent de s'engager dans le transfert automatique des données bancaires ( article 11 nonies ).


* 1 Il s'agit des articles 3 sexies, 10 quinquies A, 11 bis AA, 11 bis DA, 11 decies A, 11 decies, 11 undecies et 11 quinquies.

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