II. LES OBJECTIFS DE LA PROPOSITION DE LOI : RENFORCER LES PRÉROGATIVES DU CGLPL ET CONFORTER SON AUTORITÉ

La présente proposition de loi s'appuie sur le premier bilan du Contrôleur général des lieux de privation de liberté et tire les conséquences d'un certain nombre de pratiques, difficultés ou résistances rencontrées au cours des cinq années écoulées.

A. PROTÉGER LES INTERLOCUTEURS DU CONTRÔLEUR GÉNÉRAL

Dans l'ensemble, M. Jean-Marie Delarue a fréquemment eu l'occasion de souligner la qualité du dialogue instauré avec les responsables des lieux de privation de liberté et, dans la grande majorité des situations, ses équipes ont pu accéder aux documents dont ils avaient besoin pour l'exercice du contrôle. Les difficultés un temps rencontrées dans certains commissariats de police de l'agglomération parisienne ont été levées en 2013 à la faveur de nouvelles instructions données par le préfet de police.

Des incertitudes ont pu toutefois apparaître lors d'enquêtes réalisées par les collaborateurs du CGLPL à la suite d'une saisine portant sur des faits précis.

Surtout, le Contrôleur général a maintes fois souligné la qualité et le délai très variables des réponses apportées par les différentes autorités sollicitées.

Mais, plus que ces difficultés ponctuelles, le principal obstacle à la mission du Contrôleur général des lieux de privation réside aujourd'hui dans les risques de « représailles » ou de pressions dont font l'objet, dans certains établissements, celles et ceux - personnes privées de liberté mais également membres du personnel - qui s'adressent au Contrôleur général ou acceptent de s'entretenir avec ses équipes.

Comme le note le rapport d'activité du CGLPL pour 2012, « dans ses précédents rapports annuels, le Contrôleur général a appelé l'attention des autorités sur les représailles qui pouvaient atteindre ceux qui auraient demandé à être entendus par les contrôleurs, ceux qui auraient été entendus par lui qu'ils l'aient ou non sollicité, ceux enfin qui pourraient correspondre avec lui, de manière régulière ou non. Il a signalé devant les commissions parlementaires compétentes l'importance du phénomène : à la fois qualitative, dès lors que, à la mesure du développement du phénomène, s'affadit le droit de saisir le contrôle, par conséquent, l'étendue des informations dont celui-ci dispose, donc sa capacité d'intervention ; mais aussi quantitative puisqu'une action de représailles non réprimée constitue un encouragement à d'autres actions de même nature, aggravant évidemment leurs effets.

« Les informations qui sont parvenues de manière indirecte, mais véridique, au contrôle général ne laissent aucun doute sur la réalité de telles menées, même si elles sont minoritaires : lettres ouvertes ou prélevées au passage pour qu'elles n'arrivent pas ; menaces de déclassement ou déclassement de postes de travail ; significations de ce qui arriverait si contact était pris... Les formes sont multiples et variées ; elles sont parfaitement réelles et des personnes indiquent très précisément (par des voies détournées) pourquoi elles ont fui les contrôleurs à leur venue ou pourquoi elles ont renoncé à lui écrire ou lui téléphoner » 12 ( * ) .

De tels comportements sont inacceptables. Ils relèvent dans l'immense majorité des cas d'initiatives individuelles, ignorées des responsables d'établissements. Ils expliquent sans doute, d'après M. Jean-Marie Delarue, la relative stagnation, en 2013, des courriers adressés au CGLPL.

Lors de leur audition par votre rapporteure, les représentants des personnels de l'administration pénitentiaire ont fermement condamné ces agissements auxquels peuvent également être confrontés les personnels qui exercent leurs fonctions dans les lieux visités par le Contrôleur général. Ils ont à cet égard souhaité que ces personnels soient expressément protégés de tout risque de représailles à leur encontre en raison des entretiens qu'ils auraient eus avec les équipes du CGLPL ou des éléments qu'ils leur auraient fait parvenir.

Face à ces constats, la proposition de loi comporte diverses dispositions destinées à protéger les différentes personnes qui entrent en relation avec le Contrôleur général :

- son article 2 introduit dans la loi du 30 octobre 2007 une disposition prévoyant qu'aucune sanction ne peut être prononcée et aucun préjudice ne peut résulter du seul fait des liens établis avec le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ou des informations qui lui auront été données se rapportant à l'exercice de sa fonction. Cette disposition permettrait au juge, le cas échéant, de constater rapidement et sans ambiguïté l'illégalité de toute mesure prise dans le but d'empêcher une personne d'entrer en relation avec le CGLPL ou en « représailles » de tels contacts. Naturellement, cette protection concerne tout autant les personnes privées de liberté que les personnels exerçant dans les établissements relevant du contrôle du CGLPL ;

- son article 6 crée par ailleurs un délit d'entrave à son action, qui punirait d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende le fait de s'opposer au déroulement des visites, de refuser de communiquer les éléments demandés ou de prendre les mesures destinées à faire obstacle aux relations que toute personne a le droit d'avoir avec le CGLPL en vertu de la loi du 30 octobre 2007 ;

- enfin, son article 7 renforce les dispositions de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 relatives à la protection des correspondances entre les personnes détenues et le CGLPL, en en étendant le champ et en rendant leur méconnaissance passible de sanctions pénales .


* 12 CGLPL, rapport d'activité pour 2012, pages 296-297.

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