N° 307

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 janvier 2014

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ AVEC MODIFICATIONS PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN DEUXIÈME LECTURE , pour l' accès au logement et un urbanisme rénové ,

Par MM. Claude DILAIN et Claude BÉRIT-DÉBAT,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Daniel Raoul , président ; MM. Martial Bourquin, Claude Bérit-Débat, Gérard César, Alain Chatillon, Daniel Dubois, Pierre Hérisson, Joël Labbé, Mme Élisabeth Lamure, M. Gérard Le Cam, Mme Renée Nicoux, M. Robert Tropeano , vice-présidents ; MM. Jean-Jacques Mirassou, Bruno Retailleau, Bruno Sido , secrétaires ; M. Gérard Bailly, Mme Delphine Bataille, MM. Michel Bécot, Alain Bertrand, Mme Bernadette Bourzai, MM. François Calvet, Roland Courteau, Marc Daunis, Claude Dilain, Alain Fauconnier, Didier Guillaume, Michel Houel, Serge Larcher, Jean-Jacques Lasserre, Jean-Claude Lenoir, Philippe Leroy, Mmes Valérie Létard, Marie-Noëlle Lienemann, MM. Michel Magras, Jean-Claude Merceron, Jackie Pierre, Ladislas Poniatowski, Mme Mireille Schurch, M. Yannick Vaugrenard .

Voir le(s) numéro(s) :

Première lecture : 1179 , 1286 , 1329 et T.A. 207

Deuxième lecture : 1499 , 1670 et T.A. 274

Première lecture : 851 (2012-2013), 29 , 44 , 65 , 79 , 66 et T.A. 25 (2013-2014)

Deuxième lecture : 294 , 301 et 308 (2013-2014)

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames messieurs,

Le projet de loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) a été adopté par les députés en deuxième lecture le 16 janvier 2014.

Par rapport au texte adopté par le Sénat en première lecture, le 26 octobre 2013, vos rapporteurs notent un accord complet des deux chambres sur de nombreuses dispositions puisque, sur les 136 articles du texte, 50 ont déjà fait l'objet d'une adoption ou d'une suppression conforme par les deux assemblées.

Le présent rapport a principalement pour objet de faire le point sur les 86 articles encore présents dans la navette.

I. LES PRINCIPALES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN DEUXIÈME LECTURE

Les principales modifications apportées par l'Assemblée nationale au cours de la deuxième lecture portent sur les points suivants.

? Concernant le titre I er qui vise à favoriser l'accès de tous à un logement digne et abordable, 24 articles restent en discussion , 24 ayant fait l'objet d'une adoption ou d'une suppression conforme.

À l' article 1 er , les députés ont adopté un amendement du Gouvernement assouplissant les dispositions relatives aux honoraires des intermédiaires à la location : les honoraires liés à la visite et à la constitution du dossier sont désormais également partagés entre le bailleur et le preneur. À l'initiative du rapporteur, ils ont également complété les dispositions relatives à la colocation introduites par le Sénat, afin d'éviter les abus et lutter contre les marchands de sommeil.

À l' article 2 , les députés ont renforcé les dispositions relatives à l' encadrement du congé , en adoptant un amendement de M. André Chassaigne imposant au bailleur, lorsqu'il donne congé à son locataire pour reprendre le logement, de justifier du caractère réel et sérieux de la décision de reprise, ainsi qu'un amendement du rapporteur précisant qu'en cas de contestation, le juge peut, même d'office, vérifier le motif du congé et le respect des obligations prévues par l'article 5 de la loi du 6 juillet 1989.

Globalement, sur les dispositions relatives à la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, ainsi que sur les dispositions relatives aux meublés touristiques, les députés n'ont pas remis en cause les grandes orientations approuvées par le Sénat en première lecture .

À l' article 8 , relatif à la garantie universelle des loyers (GUL), les députés ont très sensiblement complété, à l'initiative du Gouvernement, le dispositif adopté par le Sénat en première lecture. Votre rapporteur se réjouit que le Gouvernement ait repris la quasi-totalité des conclusions du groupe de travail sénatorial mis en place à l'initiative du président Daniel Raoul et dont le rapporteur était le président Jacques Mézard.

Le dispositif issu des travaux de l'Assemblée nationale prévoit ainsi une « garantie socle » universelle, un financement par le biais du budget de la politique du logement et des crédits d'Action Logement, un plafonnement de cette « garantie socle » au niveau du loyer de référence dans les zones tendues, une gestion confiée à un établissement public léger délégant ses missions à des organismes agréés, des dispositions visant à responsabiliser les acteurs, tant les locataires que les bailleurs.

Ce dispositif ne diffère des recommandations du groupe de travail sénatorial que sur deux points, intimement liés : le caractère obligatoire de la garantie universelle ainsi que la suppression du cautionnement .

À l' article 9 , relatif à la réforme de la « loi Hoguet », les députés ont adopté de nombreux amendements modifiant et complétant le texte issu du Sénat. A l'initiative du rapporteur, ils ont étendu l'application de la « loi Hoguet » aux chasseurs d'appartement et à la vente de listes de fonds de commerce. À l'initiative du Gouvernement, ils ont précisé les missions et la composition du Conseil national de la transaction et de la gestion immobilière et ils ont substitué à la création de commissions régionales ou interrégionales de contrôle la création d'une ou plusieurs commissions.

Pour ce qui concerne les dispositions du chapitre V sur l'hébergement et la prévention des expulsions , les députés ont adopté plusieurs modifications :

- à l' article 10 A , ils ont approuvé, avec un avis de sagesse du Gouvernement, un amendement qui a pour effet d'accorder, par principe, et sauf décision contraire du juge, le bénéfice de la trêve hivernale aux personnes dont l'expulsion a été ordonnée et qui sont entrées dans les locaux par voie de fait ;

- à l' article 10 , ils ont prévu la prolongation de deux à trois ans du délai de grâce pour quitter les lieux en cas de décision judiciaire d'expulsion d'occupants dont le relogement ne peut pas être normalement assuré. Ils ont ainsi rétabli le texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture ;

- à l' article 12 , l'Assemblée nationale a adopté un amendement présenté par M. Jean-Louis Touraine, qui vise à distinguer clairement deux parcs d'hébergement : d'un côté celui qui est destiné à bénéficier aux usagers des SIAO (services intégrés d'accueil et d'orientation) et, de l'autre, l'ensemble des places d'hébergement relevant du dispositif national de l'asile et ne pouvant pas être mises à disposition du public généraliste ;

- à l' article 14 , un amendement dont le but est de permettre au préfet, lorsqu'une commune fait l'objet d'un constat de carence au titre de l'article 55 de la « loi SRU », de mettre en place un dispositif d'intermédiation locative sur le territoire de cette commune, qui mobilisera pour ce faire le parc privé et prévoira la contribution obligatoire et plafonnée de la commune, les dépenses exposées par les communes dans ce cadre pouvant donner lieu à déduction des prélèvements SRU ;

- à l' article 21 , ils ont adopté, à l'initiative de Jean-Louis Touraine, un amendement qui a pour but de maintenir le dispositif spécifique de domiciliation des demandeurs d'asile existant actuellement, qui repose sur des organismes agréés par arrêté préfectoral, et de ne pas étendre à ces personnes le dispositif de droit commun, conformément aux préconisations du rapport de notre collègue Valérie Létard et de M. Jean-Louis Touraine sur la réforme de l'asile, rendu public le 28 novembre 2013. Par ailleurs, le texte adopté par l'Assemblée nationale vise à préciser que la domiciliation permet l'exercice des seuls droits civils (aide médicale d'État, droit au séjour au titre de l'asile, aide juridictionnelle) dont la loi reconnaît le bénéfice aux étrangers en situation irrégulière.

En ce qui concerne le chapitre VI relatif à l' habitat participatif , les députés ont apporté plusieurs précisions utiles et, sur le point essentiel de l'encadrement des prix de cession des parts sociales, ils ont, après de longs débats, estimé préférable de se rapprocher du texte adopté par le Sénat qui privilégie le principe de non-spéculation en prenant comme base de référence, l'indice de référence des loyers.

? Concernant le titre II qui vise à lutter contre l'habitat indigne et les copropriétés dégradées, 20 articles restent en discussion , 31 articles ayant fait l'objet d'une adoption ou d'une suppression conforme.

À l' article 26 , les députés ont adopté un amendement du rapporteur imposant au syndic de soumettre au vote de l'assemblée générale des copropriétaires la décision de souscrire un contrat d'assurance contre les risques de responsabilité civile dont le syndicat doit répondre et permettant au syndic, en cas de refus de l'assemblée générale, de contracter une assurance pour le compte du syndicat.

S'agissant de l'obligation de compte séparé , les députés ont rétabli, à l'initiative du Gouvernement, la possibilité d'une dérogation pour les copropriétés de moins de quinze lots à usage de logements, de bureaux ou de commerces. A l'initiative du rapporteur, ils ont cependant imposé, en cas de compte unique, l'existence de sous-compte individualisant les versements et prélèvements afférents au syndicat. Ils ont également prévu qu'une copie des relevés bancaires du sous-compte est mise à la disposition du président du conseil syndical.

À l' article 27 , les députés ont, à l'initiative du rapporteur, clarifié les règles relatives au fonds de prévoyance, rebaptisé « fonds de travaux » : ce fonds sera ainsi applicable à toutes les copropriétés quelle que soit leur taille.

À l' article 28 , les députés ont adopté un amendement du Gouvernement visant à permettre à l'assemblée générale, dans les copropriétés d'au plus quinze lots, de déléguer des pouvoirs concernant la mise en application et le suivi des travaux et contrats financés dans le cadre du budget provisionnel de charges.

Concernant le titre III, qui tend à améliorer la lisibilité et l'efficacité des politiques publiques du logement , il reste 16 articles en discussion dans la navette, sur un total de 31 articles.

S'agissant du système national d'enregistrement instauré par l'article 47 , l'Assemblée nationale approuve le choix fait au Sénat d'en confier la gestion à un groupement d'intérêt public réunissant l'État et les bailleurs. Elle a rétabli le comité d'orientation placé auprès du ministre pour donner un avis sur les orientations du dispositif.

À l'article 49 relatif aux missions des organismes HLM, le Sénat avait autorisé un certain enrichissement de celles-ci au nom d'un objectif de plus grande mixité sociale. L'Assemblée a plutôt resserré le champ d'intervention des organismes autour de leur coeur de métier considérant que l'objectif de 150 000 logements sociaux était suffisamment ambitieux pour qu'ils y consacrent tous leurs moyens. Là encore, un juste équilibre peut-être trouvé et certains dispositifs un peu innovants peuvent être encouragés, afin de participer à l'objectif de mixité sociale.

Concernant le titre IV, qui vise à moderniser les documents de planification et d'urbanisme , il reste 26 articles encore en discussion dans la navette, sur un total de 41, 15 ayant fait l'objet d'une adoption ou d'une suppression conforme. Les députés ont adopté 38 amendements sur ces articles en séance, après en avoir adopté 72 au stade de la commission. Malgré ce nombre important cependant, hormis sur la question du transfert de la compétence PLU, il y a peu de changements significatifs sur les questions d'urbanisme.

À l' article 58 , l'Assemblée nationale a légèrement assoupli la disposition relative au plafond qui s'applique aux aires de stationnement dans les centres commerciaux.

Les députés ont aussi rétabli la disposition qui prévoit que, sans préjudice de l'article L. 123-1-7, un SCoT ne peut couvrir qu'un seul EPCI.

Enfin, ils ont réintroduit une amorce de réforme de l'urbanisme commercial en proposant une nouvelle rédaction de l'article L. 122-1-9 du code de l'urbanisme relatif au volet commercial des SCoT. Par rapport au droit actuel, cette rédaction affaiblit le pouvoir prescripteur des SCoT en supprimant notamment la possibilité de définir des zones d'implantation commerciales.

À l' article 58 ter , l'Assemblée a réintroduit une disposition relative à l'inter-SCoT pour dire que plusieurs SCoT peuvent s'engager dans une démarche « inter-SCoT » afin d'assurer la cohérence de leurs schémas. Cet article est cependant vide de contenu normatif, puisqu'une telle démarche est d'ores-et-déjà permise par le droit en vigueur.

L' article 59 , supprimé en séance publique au Sénat, a été rétabli dans sa rédaction de première lecture par les députés. Pour mémoire, il vise une meilleure prise en compte par les PLU de la diversité des modes d'habitat, notamment les fameuses résidences démontables - les yourtes.

À l' article 64 , les députés ont porté à neuf ans la périodicité de l'évaluation obligatoire du PLU, contre six ans dans le projet de loi initial et dans le texte du Sénat en première lecture. C'est une durée qui paraît un peu longue quand le PLU intercommunal tient aussi lieu de PLH.

L'Assemblée nationale s'est également penchée sur la collaboration entre la communauté et les communes lors de l'élaboration du PLU intercommunal. Ils ont instaurée une conférence des maires en amont du processus, pour définir les modalités de la collaboration entre communes et intercommunalité, et une autre à la fin du processus, avant l'approbation.

À l' article 64 bis , un amendement de la rapporteure est venu préciser que la commission départementale de conciliation en matière de documents d'urbanisme ne peut être saisie par une commune en vue de régler un différend qui oppose cette dernière à l'établissement public de coopération intercommunale dont elle est membre.

À l' article 65, les députés ont de nouveau supprimé l'obligation pour le SCoT d'analyser le potentiel de densification du territoire, ce qui me paraît contradictoire avec le fait que le SCOT doit fixer des objectifs chiffrés de consommation de l'espace.

Ils ont aussi rétabli une durée de neuf ans avant qu'il soit nécessaire de passer par une révision du PLU pour ouvrir à l'urbanisation une zone à urbaniser.

S'agissant de l' article 63 sur le transfert de la compétence PLU, il mérite un développement plus important. Suite à un amendement du Gouvernement pour rétablir le texte voté par le Sénat, comme la ministre s'y était engagée, un sous-amendement du président de la commission des affaires économiques, M. François Brottes a finalement établi la minorité permettant de s'opposer au transfert automatique de PLU au seuil de 45 % : trois ans après la loi, et lors de chaque renouvellement du conseil communautaire, le transfert aurait donc lieu obligatoirement sauf si 45 % des communes représentant 45 % de la population s'y opposent. C'est un pas par rapport à ce que les députés avaient voté en première lecture et par rapport au texte de la commission des Affaires économiques en deuxième lecture.

Au-delà de cette modification du niveau de la minorité de blocage, il convient d'attirer l'attention sur le fait que la rédaction de l'article 63 a été clarifiée et que certaines de ses dispositions implicites ont été explicitées. Le III de l'article 63 prévoit désormais que la procédure actuelle de l'article L.5211-17 du CGCT ne pourra continuer à s'appliquer au transfert de la compétence PLU que pendant les trois ans suivant la publication de la loi. Actuellement, on peut à n'importe quel moment transférer la compétence PLU, comme toutes les compétences, suite à une délibération concordante de l'EPCI et des communes, à la majorité qualifiée des deux tiers des communes. Dans le texte des députés, trois ans après le vote de la loi, ce sont les seuils issus de la procédure de minorité de blocage créée par le Sénat qui s'appliqueront. Avec le paramétrage voté par les députés, si, à n'importe quel moment, le conseil communautaire se prononce en faveur du transfert de la compétence PLU, ce transfert aura donc lieu sauf opposition de 45 % des communes représentant 45 % de la population.

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