B. UNE ACTUALISATION DES CAS DE REFUS D'EXTRADER

Aux articles 3 à 6 , le nouveau traité actualise, selon les derniers standards, les cas de refus d'extrader traditionnellement prévus en la matière. Ce refus est soit obligatoire, soit facultatif, en fonction de la nature de l'infraction , de la peine , des motifs de l'extradition ou bien encore des conditions du jugement.

1. Les cas de refus obligatoire

Concernant les cas donnant lieu à refus obligatoire de la Partie requise exposés aux articles 3 et 6, ceux-ci sont liés tout d'abord à la nature de l'infraction. Ces limites visent à protéger les personnes de tout arbitraire éventuel de la part des autorités de la Partie requérante.

Ainsi, l'article 3 stipule que l'extradition n'est pas accordée en cas d'infraction militaire 27 ( * ) ou politique 28 ( * ) . Cette dernière est définie a contrario puisque ne sont pas considérés comme telle « l'attentat à la vie d'un chef d'État ou de Gouvernement ou d'un membre de sa famille 29 ( * ) , le génocide, les crimes contre l'humanité ou les crimes de guerre 30 ( * ) et les infractions, en particulier les infractions de nature terroriste », pour lesquels l'obligation d'extrader découle d'un traité multilatéral applicable aux deux États contractants 31 ( * ) .

En outre, la remise n'est pas accordée lorsque la Partie requise « a des motifs fondés de croire » que la cause de la demande réside dans des fins de « poursuivre ou de punir une personne pour des c onsidérations de race, de religion, de nationalité, d'origine ethnique, d'opinions politiques, de sexe ou que la situation de cette personne risque d'être aggravée pour l'une de ces raisons » 32 ( * ) .

L'article 3 précise également quatre cas relatifs aux conditions de jugement de la personne réclamée devant conduire au refus obligatoire de sa remise :

- le jugement de l'Etat requérant, motivant l'extradition, a été prononcé par défaut. L'extradition est refusée, en l'absence de « garanties suffisantes que la personne réclamée aura la possibilité d'être jugée à nouveau en sa présence » 33 ( * ) ;

- la personne réclamée « a été condamnée ou doit être jugée dans l'Etat requérant par un tribunal d'exception » 34 ( * ) ;

- ou bien encore, elle « a été condamnée ou acquittée définitivement , ou a fait l'objet d'une mesure d' amnistie ou de grâce dans l'Etat requis pour [...] les infractions en raison desquelles l'extradition est demandée » 35 ( * ) ;

- l'action pénale ou la peine est prescrite d'après la législation de l'une ou de l'autre des Parties contractantes 36 ( * ) .

Enfin le refus obligatoire de remise de la personne peut être lié à la nature de la peine. La pratique conventionnelle française a, en effet, développé une attention particulière à la non application de la peine capitale lorsque celle-ci peut éventuellement être appliquée à l'infraction motivant l'extradition.

C'est pourquoi l'article 6 stipule que « L'extradition est refusée lorsque l'infraction pour laquelle elle est demandée est punie de la peine de mort conformément à la législation de l'Etat requérant, sauf si ce dernier donne des garanties suffisantes que cette peine ne sera ni requise, ni prononcée, ni exécutée . »

Votre rapporteur considère cette stipulation comme essentielle. En effet, le Pérou compte parmi les pays abolitionnistes pour les crimes de droit commun 37 ( * ) depuis 1979, date de la dernière exécution. S'agissant des crimes exceptionnels, la nouvelle constitution adoptée en 1993 38 ( * ) prévoit que « la peine de mort ne peut être appliquée que pour des actes de trahison en temps de guerre et pour des actes de terrorisme, conformément à la législation nationale et aux traités internationaux auxquels le Pérou est partie ».

Votre rapporteur s'est donc interrogé sur la portée de ces dispositions. Il relève tout d'abord que la législation péruvienne ne prévoit pas, à ce jour, la possibilité de prononcer la peine capitale pour ces crimes exceptionnels 39 ( * ) . En outre, le pays est signataire de la Convention inter-américaine sur les droits de l'homme 41 ( * ) , qui interdit la peine de mort . Le Pérou a également ratifié en 1978 le Pacte international relatif aux droits civils et politiques 42 ( * ) .

2. Les cas de refus facultatif

Les causes de refus facultatif d'extradition exposées aux articles 4 et 5 sont fondées soit sur la volonté de la protection des personnes réclamées, soit sur le libre exercice des prérogatives de l'Etat requis .

Aux termes de l'article 4 , le respect des droits de la personne offre la possibilité à l'Etat requis de rejeter la remise, lorsque :

- la personne réclamée a été définitivement jugée dans un État tiers pour l'infraction motivant la demande d'extradition 43 ( * ) ;

- la Partie requise juge que la remise de la personne « pourrait avoir pour elle des conséquences d'une gravité exceptionnelle d'un point de vue humanitaire, eu égard à son âge ou de son état de santé » 44 ( * ) .

Quant à l'articulation du droit d'extrader une personne, revendiqué par différents Etats , les conflits de compétence sont résolus de la manière suivante par les articles 4 et 5. La remise peut être rejetée lorsque :

- la personne réclamée est un ressortissant de l'Etat requis 45 ( * ) . Afin d'éviter toute impunité, ce dernier doit alors sur demande de la Partie requérante, soumettre l'affaire à ses autorités compétentes pour l'exercice éventuel de poursuites judiciaires, en raison de l'infraction ayant motivé la demande d'extradition 46 ( * ) ;

- « des poursuites pénales sont en cours ou ont été clôturées de façon non définitive dans la Partie requise » à l'encontre de la personne réclamée pour l'infraction à l'origine la demande d'extradition 47 ( * ) ;

- l'infraction à l'origine de la demande d'extradition a été commise en totalité ou en partie sur le territoire de l'Etat requis 48 ( * ) . D'office ou sur demande de la Partie requérante, ce dernier doit alors engager des poursuites contre l'intéressé.

L'extradition peut également être refusée lorsque d'une part, l'infraction n'a été commise ni sur le territoire de la Partie requise, ni sur celui de la Partie requérante mais sur celui d'un Etat tiers , et que, d'autre part, la Partie requise n'est pas compétente pour connaître de telles infractions survenues hors de son territoire. 49 ( * )


* 27 Cette infraction militaire ne constitue pas une infraction de droit commun Confer d) de l'article 3.

* 28 Ou infractions connexes à de telles infractions. Confer a) de l'article 3.

* 29 Cf. (i) du a) de l'article 3.

* 30 Cf. (ii) du a) de l'article 3.

* 31 Cf. (iii) du a) de l'article 3.

* 32 Cf. b) de l'article 3.

* 33 Cf. c) de l'article 3.

* 34 Cf. e) de l'article 3.

* 35 Cf. f) de l'article 3. Cet alinéa pose le principe non bis in idem.

* 36 Cf. g) de l'article 3.

* 37 Ces pays sont le Brésil, le Chili, Fidji, Israël, le Kazakhstan, le Pérou et le Salvador.

* 38 Cf. article 140 de la constitution de 1993.

* 39 La tentative du président péruvien Alan Garcia Perez de modifier le code pénal péruvien en ce sens a échoué. Il avait, en effet, présenté aux parlementaires le 11 novembre 2006 un projet visant à prévoir la peine de mort pour des actes de terrorisme 40 . Cette tentative se solda par un échec le 10 janvier 2007, le parlement péruvien ayant rejeté par 49 voix contre 26 le projet de loi déposé par le président de la République.

* 41 Cf. article 4 de la Convention américaine relative aux droits de l'homme adoptée à San José, Costa Rica, le 22 novembre 1969, à la Conférence spécialisée interaméricaine sur les Droits de l'Homme.

* 42 Le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques a été ratifié le 3 octobre 1980.

* 43 Cf. c) de l'article 4.

* 44 Cf. e) de l'article 4.

* 45 Cf. 1 de l'article 5.

* 46 Cf. 2 de l'article 5.

* 47 Cf. a) de l'article 4.

* 48 Cf. d) de l'article 4.

* 49 Cf. b) de l'article 4.

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