Rapport n° 382 (2013-2014) de M. Michel DELEBARRE , fait au nom de la commission des lois, déposé le 19 février 2014

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N° 382

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 février 2014

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi , MODIFIÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE , tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon ,

Par M. Michel DELEBARRE,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Pierre Sueur , président ; MM. Jean-Pierre Michel, Patrice Gélard, Mme Catherine Tasca, M. Bernard Saugey, Mme Esther Benbassa, MM. François Pillet, Yves Détraigne, Mme Éliane Assassi, M. Nicolas Alfonsi, Mlle Sophie Joissains , vice-présidents ; Mme Nicole Bonnefoy, MM. Christian Cointat, Christophe-André Frassa, Mme Virginie Klès , secrétaires ; MM. Alain Anziani, Philippe Bas, Christophe Béchu, François-Noël Buffet, Gérard Collomb, Pierre-Yves Collombat, Jean-Patrick Courtois, Mme Cécile Cukierman, MM. Michel Delebarre, Félix Desplan, Christian Favier, René Garrec, Gaëtan Gorce, Mme Jacqueline Gourault, MM. François Grosdidier, Jean-Jacques Hyest, Philippe Kaltenbach, Jean-René Lecerf, Jean-Yves Leconte, Antoine Lefèvre, Mme Hélène Lipietz, MM. Roger Madec, Jean Louis Masson, Michel Mercier, Jacques Mézard, Thani Mohamed Soilihi, Hugues Portelli, André Reichardt, Alain Richard, Simon Sutour, Mme Catherine Troendlé, MM. René Vandierendonck, Jean-Pierre Vial, François Zocchetto .

Voir le(s) numéro(s) :

Première lecture : 866 (2012-2013), 133 , 134 et T.A. 33 (2013-2014)

Deuxième lecture : 335 et 383 (2013-2014)

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) :

Première lecture : 1575 , 1720 et T.A. 287

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION

Réunie le mercredi 19 février 2014, sous la présidence de M. Jean-Pierre Sueur , président, la commission des lois a examiné, en deuxième lecture , le rapport de M. Michel Delebarre et établi son texte sur la proposition de loi n° 335 (2013-2014), modifiée par l'Assemblée nationale, tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon (procédure accélérée).

Après avoir rappelé l'historique de la proposition de loi, le rapporteur a évoqué le débat sur les « semences de ferme » qui s'est développé à la faveur de son examen dans les deux assemblées, alors que le fond du droit sur cette question n'est pas modifié par le texte, qui vise à harmoniser, clarifier et rendre plus efficaces les procédures et les moyens de lutte contre la contrefaçon.

Le rapporteur a indiqué que le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale était resté proche des préoccupations du Sénat et ne remettait pas en cause les positions qu'il avait adoptées, à l'aide notamment des échanges menés avec le rapporteur de l'Assemblée nationale.

Sur 21 articles en navette, 8 articles ont été adoptés conformes par l'Assemblée nationale. Il s'agit des articles 9, 10, 14, 15, 16, 16 bis , 17 et 18.

Le rapporteur a précisé que l'Assemblée nationale avait accepté de se rallier à la position du Sénat sur la question de l'harmonisation des délais de prescription en matière civile au sein du code de la propriété intellectuelle, le délai de droit commun étant fixé à cinq ans par le code civil.

L'Assemblée nationale a confirmé la position du Sénat en matière de dommages et intérêts attribués aux victimes de la contrefaçon, en écartant toute idée de dommages et intérêts punitifs, dans le respect des principes du système juridique français.

S'agissant des conséquences de l'absence d'action du saisissant à la suite d'une saisie-contrefaçon, elle a souhaité s'en tenir au droit actuel, c'est-à-dire l'annulation de l'ensemble des opérations de saisie, tout en harmonisant la procédure pour l'ensemble des droits de propriété intellectuelle.

Dans la continuité des travaux du Sénat, elle a renforcé l'encadrement de l'obligation de transmission aux douanes des données relatives aux colis transportés par les opérateurs postaux et de fret express, aux fins de contrôle par la mise en oeuvre de traitements automatisés de ces données, notamment en supprimant la collecte des données à caractère personnel.

En conséquence, la proximité des positions entre les deux assemblées a conduit le rapporteur à proposer un vote conforme en deuxième lecture.

La commission des lois a adopté sans modification la proposition de loi tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Déposée par notre collègue Richard Yung sur le bureau du Sénat le 30 septembre 2013, la présente proposition de loi tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon a été adoptée le 20 novembre 2013, avec modifications, par le Sénat. L'Assemblée nationale a adopté à son tour le texte, avec modifications, le 4 février 2014, sur le rapport de notre collègue député Jean-Michel Clément, au nom de la commission des lois.

La présente proposition de loi reprenait pour l'essentiel le texte de la proposition de loi tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon déposée par notre ancien collègue Laurent Béteille, tel que votre commission l'avait adopté le 12 juillet 2011, sans que ce texte puisse être inscrit à l'ordre du jour du Sénat.

Bien que la procédure accélérée ait été engagée sur le présent texte, le Gouvernement n'a pas souhaité demander la réunion d'une commission mixte paritaire à l'issue de la première lecture par l'Assemblée nationale.

En effet, au vu des modifications apportées au texte par l'Assemblée nationale, votre commission a considéré qu'un vote conforme en deuxième lecture était possible, les positions adoptées par le Sénat en première lecture n'ayant pas été remises en cause in fine par l'Assemblée nationale. Dans cette perspective, votre rapporteur a conduit des discussions approfondies avec son homologue de l'Assemblée nationale ainsi qu'avec le Gouvernement, avant l'examen du texte en séance publique par l'Assemblée.

Sur 21 articles dans le texte issu des travaux du Sénat, 8 articles ont été adoptés conformes par l'Assemblée nationale. Il s'agit des articles 9, 10, 14, 15, 16, 16 bis , 17 et 18. Votre rapporteur rappelle que l'article 16 bis a été introduit par votre commission, à son initiative, en vue d'instaurer une obligation de formation continue pour la profession de conseil en propriété industrielle.

S'agissant plus particulièrement de l'article 16, qui vise à aligner sur le délai de droit commun de cinq ans les délais de prescription en matière civile figurant dans le code de la propriété intellectuelle, conformément à la réforme initiée par votre commission à l'initiative de notre collègue Jean-Jacques Hyest 1 ( * ) , il a en revanche fait l'objet d'importantes discussions entre votre rapporteur et son homologue de l'Assemblée nationale.

En effet, dans un premier temps, sur la proposition de son rapporteur, la commission des lois de l'Assemblée nationale avait approuvé le relèvement de trois ans à cinq ans du délai de prescription de l'action civile en matière de contrefaçon, mais elle avait souhaité maintenir à dix ans le délai de prescription de l'action en paiement des sommes recouvrées par les sociétés de perception et de répartition des droits d'auteur lorsque ces sommes n'ont pas pu être versées à un ayant-droit, considérant qu'il s'agissait d'une action en paiement et que la réduction à cinq ans serait moins favorable aux ayants-droits.

Une telle modification remettait en cause la position défendue par la commission des lois du Sénat, attachée à l'alignement sur le délai de cinq ans selon une logique d'harmonisation. Ainsi modifié, cet article constituait la principale divergence avec le Sénat.

Cependant, à l'initiative du Gouvernement et avec l'accord de notre collègue député Jean-Michel Clément, que votre rapporteur tient à remercier pour sa volonté de compromis, l'article 16 a été rétabli en séance publique dans sa rédaction adoptée par le Sénat.

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a modifié la proposition de loi sur plusieurs points notables, qui recueillent l'approbation de votre commission.

À l'article 2, destiné à améliorer les dédommagements civils en cas de contrefaçon, l'Assemblée nationale a modifié les modalités de l'indemnisation forfaitaire et apporté des précisions rédactionnelles, sans remettre en cause la position du Sénat visant à écarter tout risque de dommages et intérêts punitifs.

À l'article 5, concernant les conséquences de l'absence d'action civile ou pénale de la part du saisissant à la suite d'une saisie-contrefaçon, l'Assemblée nationale a préféré s'en tenir à l'état actuel du droit en matière de propriété industrielle, c'est-à-dire l'annulation de l'ensemble des opérations de saisie-contrefaçon, saisie réelle comme saisie descriptive, plutôt que de suivre la voie intermédiaire adoptée par le Sénat d'une mainlevée de la seule saisie réelle, permettant à la saisie descriptive de demeurer valable dans la perspective d'une éventuelle action ultérieure.

Suivant la logique d'harmonisation du texte, l'Assemblée nationale a cependant aligné la procédure prévue en matière de propriété littéraire et artistique sur celle existant en matière de propriété industrielle.

Il s'agit d'une question de conciliation entre les droits de la défense, dans le cadre d'une procédure quelque peu exorbitante, et l'efficacité de l'action des personnes victimes de contrefaçon. La solution adoptée par le Sénat faisait l'objet d'appréciations partagées de la part des professionnels concernés, tandis que la solution de l'Assemblée nationale présente le mérite de s'en tenir au droit en vigueur.

À l'article 13, qui instaure une obligation de transmission aux douanes des données relatives aux colis transportés par les prestataires de services postaux et les entreprises de fret express, à des fins de contrôle par le biais d'un traitement automatisé de ces données, l'Assemblée nationale a poursuivi la démarche d'encadrement du dispositif engagé par le Sénat à l'initiative de votre rapporteur, au nom du respect du principe de proportionnalité et de l'exigence de protection des données personnelles.

Ainsi, la collecte des données relatives aux personnes concernées par les colis a été supprimée, ce qui constitue une garantie importante pour la protection de la vie privée. En outre, le dispositif est expressément soumis aux dispositions de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Le délai de conservation des données est fixé à deux ans par la loi.

S'agissant de l'exclusion des envois domestiques de ce dispositif, adoptée par le Sénat, l'Assemblée nationale a estimé qu'elle posait une difficulté au regard du principe de non-discrimination et du principe de libre circulation des marchandises dans l'Union européenne. Seuls seraient exclus du dispositif les envois en provenance ou à destination des États extérieurs à l'Union européenne, dans la mesure où ils sont déjà couverts par une obligation similaire de transmission de données prévue par le droit communautaire.

Concernant l'article 20, relatif à l'application du présent texte dans les collectivités d'outre-mer relevant de l'article 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie, les échanges entre les deux rapporteurs ont permis de parvenir à une rédaction conforme aux textes organiques fixant les statuts des collectivités ultramarines concernées et à la répartition des compétences entre l'État et ces collectivités.

Enfin, votre rapporteur déplore, comme lors des débats en séance au Sénat, que la question des « semences de ferme » ait quelque peu détourné les débats de l'Assemblée nationale de l'objet même du texte de la proposition de loi, qui consiste à renforcer les moyens de la lutte contre le phénomène de la contrefaçon, en harmonisant et en améliorant les procédures existantes, dans le respect du cadre fixé par le droit communautaire. En aucun cas, en effet, ce texte ne modifie le fond du droit applicable aux obtentions végétales et à la dérogation prévue pour les « semences de ferme ».

Votre rapporteur rappelle, en outre, qu'un projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, déjà adopté par l'Assemblée nationale en première lecture le 14 janvier 2014, doit être examiné dans les prochains mois par le Sénat : ce texte est manifestement adapté pour accueillir le débat sur les « semences de ferme » apparu lors de la discussion sur le présent texte.

Cependant, afin de répondre aux inquiétudes exprimées - inquiétudes que votre rapporteur persiste à juger sans fondement - quant aux conséquences du présent texte sur la possibilité pour les exploitants agricoles de recourir aux « semences de ferme », des amendements ont été adoptés par l'Assemblée nationale aux articles 6 et 7 pour préciser que les « semences de ferme » ne constituent pas des contrefaçons ou une quelconque violation d'un droit de propriété intellectuelle et qu'elle ne peuvent pas faire l'objet de la procédure de retenue douanière et de destruction simplifiée. Ces amendements ne remettent cependant pas en cause la logique et la portée du texte.

Dans ces conditions, dès lors que les positions prises par le Sénat en première lecture n'ont pas été remises en cause par l'Assemblée nationale, qui a partagé les finalités comme les modalités de la présente proposition de loi, votre rapporteur a jugé opportun de proposer à votre commission de clore la navette en adoptant le texte conforme.

Votre commission a adopté sans modification la proposition de loi tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon.

EXAMEN DES ARTICLES

CHAPITRE IER - SPÉCIALISATION DES JURIDICTIONS CIVILES EN MATIÈRE DE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE
Article 1er (art. L. 615-17, L. 615-18, L. 615-19 et L. 623-31 du code de la propriété intellectuelle) - Spécialisation des tribunaux de grande instance en matière de propriété intellectuelle

L'article 1 er de la proposition de loi vise à clarifier la compétence du tribunal de grande instance (TGI) de Paris en matière de contentieux de la propriété intellectuelle, s'agissant des inventions de salariés, et à procéder à des adaptations rédactionnelles relatives à la spécialisation des TGI en matière de propriété intellectuelle. Il a fait l'objet d'une modification rédactionnelle à l'Assemblée nationale.

Votre commission a adopté l'article 1 er sans modification .

CHAPITRE II - DISPOSITIONS RELATIVES À L'AMÉLIORATION DES DÉDOMMAGEMENTS CIVILS
Article 2 (art. L. 331-1-3, L. 521-7, L. 615-7, L. 623-28, L. 716-14 et L. 722-6 du code de la propriété intellectuelle) - Amélioration des dédommagements civils en cas de contrefaçon

L'article 2 de la proposition de loi vise à améliorer le montant des dommages et intérêts auxquels peuvent prétendre les titulaires de droits de propriété intellectuelle victimes de contrefaçon. Il avait été modifié par le Sénat pour supprimer le risque de voir apparaître des dommages et intérêts punitifs, contraires à la tradition juridique française, à l'initiative de votre rapporteur.

À l'Assemblée nationale, il a donné lieu à plusieurs amendements de précision ou de modification rédactionnelle, sans remettre en cause la position prise par le Sénat. En outre, la commission des lois de l'Assemblée nationale est revenue sur le fait que l'indemnisation forfaitaire en matière de dommages et intérêts puisse être au moins égale au montant des redevances qui auraient normalement été dues, ce qui est l'état actuel du droit et ce que la Sénat avait conservé, en prévoyant que cette indemnisation forfaitaire devait par principe être supérieure. Elle a ajouté que cette indemnisation forfaitaire n'interdisait pas une indemnisation spécifique du préjudice moral, sans pour autant l'imposer.

Ainsi modifié, cet article ne soulève pas de réelle difficulté au regard de la position adoptée par le Sénat d'éviter tout risque de dommages et intérêts punitifs.

Votre commission a adopté l'article 2 sans modification .

CHAPITRE III - CLARIFICATION DE LA PROCÉDURE DU DROIT À L'INFORMATION
Article 3 (art. L. 331-1-2, L. 521-5, L. 615-5-2, L. 623-27-2, L. 716-7-1, L. 722-5 du code de la propriété intellectuelle) - Clarification de la procédure du droit à l'information

L'article 3 de la proposition de loi vise à clarifier et à rendre plus efficace la procédure dite du droit à l'information en matière de contrefaçon, à la demande d'une personne s'estimant lésée par une prétendue contrefaçon et sur décision d'un juge, de façon à obtenir des preuves de la contrefaçon. Il a fait l'objet d'une modification rédactionnelle à l'Assemblée nationale.

Votre commission a adopté l'article 3 sans modification .

CHAPITRE IV - DISPOSITIONS RELATIVES AU DROIT DE LA PREUVE
Article 4 (art. L. 332-1, L. 332-1-1 [nouveau], L. 332-4, L. 343-1, L. 343-1-1 [nouveau], L. 521-4, L. 521-4-1 [nouveau], L. 615-5, L. 615-5-1-1 [nouveau], L. 623-27-1, L. 623-27-1-1 [nouveau], L. 716-7, L. 716-7-1 A [nouveau], L. 722-4 et L. 722-4-1 [nouveau] du code de la propriété intellectuelle) - Harmonisation de la procédure de saisie-contrefaçon et des procédures connexes pour tous les droits de propriété intellectuelle

L'article 4 de la proposition de loi vise à harmoniser la procédure de saisie-contrefaçon ainsi que des procédures connexes pour l'ensemble des droits de propriété intellectuelle, dans le cadre fixé par le droit communautaire. Cette procédure consiste à collecter des preuves de contrefaçon sous forme de saisie descriptive ou de saisie réelle, à la demande d'une personne s'estimant lésée par une prétendue contrefaçon et sur décision d'un juge. La saisie-contrefaçon est réalisée par huissier de justice.

À l'Assemblée nationale, cet article a donné lieu à des modifications rédactionnelles ainsi qu'à des harmonisations procédurales. La possibilité de procéder à la saisie de tout document même en l'absence des produits de contrefaçon, introduite à l'initiative de votre rapporteur, n'a pas été remise en cause à l'Assemblée nationale.

Votre commission a adopté l'article 4 sans modification .

Article 5 (art. L. 332-3 du code de la propriété intellectuelle) - Conséquences de l'absence d'action civile ou pénale du saisissant sur la saisie-contrefaçon

L'article 5 de la proposition de loi vise à clarifier les conséquences sur la saisie-contrefaçon de l'absence d'action civile ou pénale introduite par le demandeur à l'initiative de cette saisie, dans un certain délai fixé par décret, ainsi qu'à harmoniser la procédure pour l'ensemble des droits de propriété intellectuelle.

Dans un souci de clarification et conformément à la position qu'elle avait déjà adoptée en 2011, votre commission avait limité ces conséquences à la mainlevée de la seule saisie réelle, permettant à la saisie descriptive de rester valable, dans la perspective d'une éventuelle autre action ultérieure, de façon à rendre le dispositif plus favorable aux victimes de la contrefaçon.

La commission des lois de l'Assemblée nationale a fait le choix inverse, consistant à annuler l'ensemble de la saisie-contrefaçon, saisie réelle comme saisie descriptive, de façon à préserver les droits des personnes qui font l'objet d'une saisie-contrefaçon. Le terme de mainlevée n'est plus utilisé. Ce faisant, il s'agit d'un alignement de la procédure prévue en matière de propriété littéraire et artistique sur les règles actuelles en matière de propriété industrielle. Dans la mesure où la procédure de saisie-contrefaçon est assez dérogatoire, en tant que procédure d'obtention de preuve, au bénéfice de la victime d'une prétendue contrefaçon, l'argument de la protection des droits des personnes faisant l'objet de la saisie-contrefaçon n'est pas juridiquement sans fondement. Les personnes entendues en audition, y compris les représentants des entreprises, semblaient partagées sur ce point, n'approuvant pas toutes cet aspect du texte.

Dès lors, le droit actuel ne serait modifié qu'en matière de propriété littéraire et artistique, pour laquelle la procédure spécifique de saisie soulevait des interrogations constitutionnelles, mais pas pour la propriété industrielle. Ceci ne remet en cause la position adopté par le Sénat, dès lors que la logique première du texte est d'harmoniser et de sécuriser juridiquement les procédures prévues pour les différents droits de propriété intellectuelle.

Votre rapporteur considère que l'article 5 de la proposition de loi, tel qu'il résulte des travaux de l'Assemblée nationale, est satisfaisant.

Votre commission a adopté l'article 5 sans modification .

CHAPITRE V - RENFORCEMENT DES MOYENS D'ACTION DES DOUANES
Article 6 (art. L. 335-2, L. 335-4, L. 513-4, L. 613-3, L. 622-5, L. 623-4, L. 623-24-1 et L. 722-1 du code de la propriété intellectuelle) - Clarification du régime des utilisations interdites des droits de propriété intellectuelle à défaut de consentement de leur titulaire

L'article 6 de la proposition de loi vise à clarifier le régime des utilisations interdites des droits de propriété intellectuelle sans le consentement de leur titulaire et à l'harmoniser pour toutes les catégories de droits. Tous les droits de propriété intellectuelle bénéficieraient ainsi d'un régime complet de protection identique, réprimant la production, l'offre, la vente, la mise sur le marché, l'importation, l'exportation ou encore le transbordement de biens utilisant ces droits sans autorisation.

À l'Assemblée nationale, cet article a fait l'objet de modifications pour coordination et d'une modification rédactionnelle ponctuelle pour tenir compte d'un changement de terminologie dans le droit européen.

En outre, l'Assemblée nationale a adopté en séance un amendement visant à rappeler que les « semences de ferme » utilisées dans le cadre prévu par l'article L. 623-24-1 du code de la propriété intellectuelle, ne constituaient pas des contrefaçons. Une telle mention, sans aucune portée juridique réelle, visait à apporter une réponse aux inquiétudes suscitées par le présent texte dans les milieux agricoles, lesquels craignaient une restriction du droit d'utiliser les « semences de ferme ».

Votre commission a adopté l'article 6 sans modification .

Article 7 (art. L. 335-10, L. 335-11 à L. 335-18 [nouveaux], L. 521-14, L. 521-15, L. 521-17, L. 521-17-1 à L. 521-17-3 [nouveaux], L. 521-18, L. 521-19, L. 522-1, L. 614-32 à L. 614-39 [nouveaux], L. 622-8, L. 623-36 à L. 623-44 [nouveaux], L. 716-8, L. 716-8-1, L. 716-8-3, L. 716-8-4 à L. 716-8-9 [nouveaux] et L. 722-9 à L. 722-17 [nouveaux] du code de la propriété intellectuelle) - Extension et harmonisation de la procédure de la retenue douanière de marchandises en cas de contrefaçon et mise en place d'une procédure de destruction simplifiée des marchandises retenues

L'article 7 de la proposition de loi vise à harmoniser la procédure de retenue douanière de marchandises soupçonnées de contrefaçon avec le droit communautaire, ainsi qu'à l'étendre aux droits de propriété intellectuelle pour lesquels elle n'existe pas. À la suite d'amendements du Gouvernement adoptés par le Sénat en séance publique - amendements particulièrement volumineux -, cet article permet aux douanes de communiquer au demandeur de la retenue des images des marchandises retenues et instaure une procédure de destruction simplifiée de ces marchandises sous le contrôle des douanes, conformément à ce que prévoit le règlement européen du 12 juin 2013 concernant le contrôle, par les autorités douanières, du respect des droits de propriété intellectuelle.

La procédure de destruction simplifiée des marchandises retenues pour contrefaçon peut être engagée à condition que le demandeur ait confirmé le caractère contrefaisant des marchandises retenues, à l'aide d'une expertise écrite et détaillée, qu'il consente à la destruction, sous sa responsabilité, et que le détenteur des marchandises consente également à la destruction.

À l'Assemblée nationale, cet article a fait l'objet de très nombreuses modifications rédactionnelles ou de coordination et de quelques précisions ponctuelles sur certains aspects de la procédure. Il a aussi fait l'objet de compléments introduits par amendements du Gouvernement, s'ajoutant aux lourds compléments déjà introduits au Sénat de la même façon. En séance publique, plusieurs amendements rédactionnels et de précision ont encore été adoptés à l'initiative de notre collègue député Jean-Michel Clément, rapporteur de la commission des lois.

En outre, l'Assemblée nationale a adopté un amendement prévoyant que les procédures de retenue douanière et, dans ce cadre, de destruction simplifiée ne s'appliquaient pas aux « semences de fermes ». En pratique, il était peu probable que ces procédures soient engagées à l'égard de ces semences.

Même s'il s'interroge sur son intérêt, votre rapporteur considère que l'adoption de ce second amendement sur les « semences de ferme » par l'Assemblée nationale ne remet en cause que de façon marginale la logique d'harmonisation procédurale voulue par la présente proposition de loi.

Votre commission a adopté l'article 7 sans modification .

Article 8 (art. 38 du code des douanes) - Clarification de la liste des marchandises prohibées provenant d'un autre État-membre de l'Union européenne

L'article 8 de la proposition de loi précise la liste des marchandises prohibées sur le territoire français en provenance d'un autre État-membre de l'Union européenne. À l'Assemblée nationale, il a fait l'objet de modifications rédactionnelles.

Votre commission a adopté l'article 8 sans modification .

Article 11 (art. L. 343-2, L. 521-6, L. 521-14, L. 615-3, L. 623-27, L. 716-6, L. 716-8 et L. 722-3 du code de la propriété intellectuelle) - Simplification de l'action pénale en matière de contrefaçon

L'article 11 de la proposition de loi vise à simplifier l'engagement de l'action pénale pour la partie lésée par une contrefaçon. Il a fait l'objet d'une modification rédactionnelle à l'Assemblée nationale.

Votre commission a adopté l'article 11 sans modification .

Article 12 (art. 66 du code des douanes et art. L. 6-1 du code des postes et des communications électroniques) - Actualisation des modalités d'accès des agents des douanes aux locaux des prestataires de services postaux et des entreprises de fret express

L'article 12 de la proposition de loi modernise les modalités du droit d'accès des agents des douanes aux locaux des prestataires de services postaux et étend ce droit aux entreprises de fret express, dans un objectif d'amélioration du contrôle sur le contenu des colis transportés.

Outre une modification rédactionnelle, l'Assemblée nationale a adopté un amendement de précision portant sur la définition des entreprises de fret express, par renvoi au nouvel article 67 sexies du code des douanes, introduit par l'article 13 de la présente proposition de loi.

Votre commission a adopté l'article 12 sans modification .

Article 13 (art. 67 sexies [nouveau] du code des douanes) - Accès des douanes aux données des prestataires de services postaux et des entreprises de fret express à des fins de contrôle

L'article 13 de la proposition de loi instaure l'obligation de transmettre aux douanes, pour les prestataires de services postaux et les entreprises de fret express, les données relatives à l'identification des marchandises transportées et aux moyens de transport, afin de soumettre ces données à des traitements automatisés destinés à faciliter la constatation des infractions douanières.

À l'Assemblée nationale, il a fait l'objet en commission de précisions pour mieux assurer la protection du secret des correspondances, protection prévue par le Sénat à l'initiative de votre rapporteur, ainsi que de modifications rédactionnelles.

Le Sénat avait exempté les envois domestiques de cette obligation, dans le but de mieux respecter le principe de proportionnalité compte tenu du risque d'atteinte aux données personnelles, en réduisant le volume des données transférées. La commission des lois de l'Assemblée nationale a considéré que cette exemption pouvait poser problème au regard du droit communautaire, en étant considérée comme une discrimination entre les envois en France et les autres envois au sein de l'Union européenne et comme une entrave à la libre circulation. Il s'agissait alors de trouver la meilleure conciliation entre divers principes juridiques. Le Gouvernement s'est rangé aux arguments de notre collègue député Jean-Michel Clément sur ce point.

Cependant, à la suite notamment des observations formulées par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), un certain nombre d'amendements ont permis d'encadrer davantage encore le dispositif, à l'initiative du Gouvernement, de notre collègue député Jean-Michel Clément ainsi que d'autres collègues députés, l'Assemblée nationale poursuivant ainsi la démarche engagée par le Sénat à l'initiative de votre rapporteur.

Tel qu'il ressort des travaux de l'Assemblée nationale, l'article 13 de la proposition de loi comporte ainsi une définition des entreprises de fret express, par renvoi à un texte européen, et ne prévoit plus la collecte des données relatives aux personnes concernées par les colis, ce qui constitue une garantie importante pour la protection de la vie privée. Le dispositif s'en trouve ainsi largement modifié voire réorienté. En outre, l'article 13 ainsi modifié soumet expressément le dispositif aux dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Il fixe directement un délai de conservation des données à deux ans dans la loi, par préférence au renvoi à un décret. Seuls seraient exclus du dispositif, au nom de l'égalité de traitement au sein de l'Union européenne, les envois en provenance ou à destination des États extérieurs à l'Union européenne, lesquels sont déjà couverts par une obligation similaire prévue par le droit communautaire.

Votre rapporteur considère que ce dispositif, qui a suscité de fortes réticences de la part des entreprises concernées ainsi que des interrogations au regard de la protection de la vie privée, se trouve désormais rigoureusement encadré, levant l'essentiel des réserves qu'il avait pu formuler.

Votre commission a adopté l'article 13 sans modification .

CHAPITRE VI - DISPOSITIONS DIVERSES
Article 19 (art. L. 722-1, L. 722-2, L. 722-3, L. 722-4 et L. 722-7 du code de la propriété intellectuelle) - Adaptations rédactionnelles en matière de contentieux des indications géographiques

L'article 19 de la proposition de loi procède à diverses adaptations rédactionnelles au sein des articles du code de la propriété intellectuelle qui traitent de l'action civile en matière d'indications géographiques. À l'Assemblée nationale, cet article a fait l'objet de plusieurs modifications rédactionnelles.

Votre commission a adopté l'article 19 sans modification .

CHAPITRE VII - DISPOSITIONS FINALES
Article 20 - Application de la proposition de loi dans les collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie

L'article 20 de la proposition de loi organise son application dans les collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie, régies par le principe de spécialité législative.

La commission des lois de l'Assemblée nationale a ajusté la liste des articles applicables dans les différentes collectivités, en écartant l'application de certains articles à Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon.

À la suite d'échanges utiles entre votre rapporteur et son homologue de l'Assemblée nationale en vue de parvenir à une rédaction plus conforme aux textes organiques fixant le statut des collectivités ultramarines concernées et la répartition des compétences entre l'État et chaque collectivité, l'Assemblée nationale a adopté en séance plusieurs amendements de précision présentés par son rapporteur, afin notamment de permettre une application des dispositions relatives aux pouvoirs d'enquête des douanes conforme aux textes organiques relatifs à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française.

Votre commission a adopté l'article 20 sans modification .

* *

*

Votre commission a adopté sans modification la proposition de loi tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon.

EXAMEN EN COMMISSION

Mercredi 19 février 2014

M. Michel Delebarre , rapporteur . - Nous sommes saisis en deuxième lecture de la proposition de loi tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon. La conférence des présidents de ce soir devrait inscrire ce texte à l'ordre du jour du Sénat mercredi 26 février au soir. En effet, bien que la procédure accélérée ait été engagée, le Gouvernement n'a pas demandé la réunion d'une commission mixte paritaire.

Je vous indique tout de suite que je vous proposerai un vote conforme pour cette deuxième lecture. Les échanges approfondis que j'ai pu mener avec mon homologue de l'Assemblée nationale, Jean-Michel Clément, très ouvert à la discussion, et avec le Gouvernement, ont permis d'aboutir à l'issue des travaux de l'Assemblée nationale en séance, le 4 février dernier, à un texte tout à fait proche des préoccupations du Sénat et ne remettant en cause aucune de ses positions. Je ne peux que m'en féliciter.

Honnêtement, ce texte me semble satisfaisant en l'état. D'ailleurs, aucun amendement n'a été déposé pour la réunion de ce matin et je n'envisage pas de vous en soumettre pour la séance publique...

Je vous rappelle que ce texte tire son origine d'une proposition de loi déposée par notre collègue Richard Yung le 30 septembre 2013, elle-même reprenant pour l'essentiel le texte de la proposition de loi tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon déposée par notre ancien collègue Laurent Béteille, tel que notre commission l'avait adopté le 12 juillet 2011, sans que ce texte puisse être inscrit à l'ordre du jour du Sénat.

Avant de présenter les modifications apportées au texte par l'Assemblée nationale, permettez-moi de faire le point sur la question des « semences de ferme ». Comme lors des débats en séance au Sénat, cette question a quelque peu détourné les débats de l'Assemblée nationale de l'objet même du texte, qui consiste à renforcer les moyens de la lutte contre le phénomène de la contrefaçon, en harmonisant et en améliorant les procédures existantes, dans le respect du cadre fixé par le droit communautaire.

Je rappelle qu'en aucun cas ce texte ne modifie le fond du droit applicable aux obtentions végétales et à la dérogation prévue pour les semences de ferme. Je rappelle également que le projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, adopté par l'Assemblée nationale le 14 janvier, doit être examiné en avril par le Sénat : c'est le texte idéal pour ceux qui souhaitent avoir un débat sur les semences de ferme.

Cependant, afin de répondre aux inquiétudes - infondées je le répète - qui ont su s'exprimer quant aux conséquences de ce texte sur la possibilité pour les exploitants agricoles de recourir aux semences de ferme, l'Assemblée nationale a accepté, avec l'accord du Gouvernement, deux amendements précisant que les semences de ferme ne constituent pas des contrefaçons et ne peuvent pas faire l'objet de la procédure de retenue douanière et de destruction simplifiée. Ces amendements ne remettent heureusement pas en cause la logique du texte.

J'en reviens à présent à l'objet réel du texte, c'est-à-dire les moyens de la lutte contre la contrefaçon.

Sur 21 articles en navette, 8 articles ont été adoptés conformes par l'Assemblée nationale. Il s'agit des articles 9, 10, 14, 15, 16, 16 bis, 17 et 18.

Je rappelle que l'article 16 bis a été introduit par notre commission, en vue d'instaurer une obligation de formation continue pour la profession de conseil en propriété industrielle.

S'agissant plus particulièrement de l'article 16, qui vise à aligner sur le délai de droit commun de cinq ans les délais de prescription en matière civile figurant dans le code de la propriété intellectuelle, conformément à la réforme initiée par notre commission à l'initiative de Jean-Jacques Hyest, il a en revanche fait l'objet d'importantes discussions.

En effet, dans un premier temps, sur la proposition de son rapporteur, la commission des lois de l'Assemblée nationale avait approuvé le relèvement de trois ans à cinq ans du délai de prescription de l'action civile en matière de contrefaçon, mais elle avait souhaité maintenir à dix ans le délai de prescription de l'action en paiement des sommes recouvrées par les sociétés de perception et de répartition des droits d'auteur lorsque ces sommes n'ont pas pu être versées à un ayant-droit, considérant qu'il s'agissait d'une action en paiement et que la réduction à cinq ans serait moins favorable aux ayants-droits.

Une telle modification remettait évidemment en cause la position défendue par notre commission, attachée à l'alignement sur le délai de droit commun de cinq ans selon une logique d'harmonisation des délais de prescription. Ainsi modifié, cet article constituait la principale divergence entre nos deux assemblées.

Cependant, après discussion, à l'initiative du Gouvernement et avec l'accord du rapporteur de l'Assemblée nationale, l'article 16 a été rétabli en séance publique dans sa rédaction adoptée par le Sénat, de sorte que l'article a été voté conforme.

D'autres articles ont fait l'objet de modifications notables, mais sans dénaturer la portée du texte voté par le Sénat en première lecture.

À l'article 2, destiné à améliorer les dédommagements civils en cas de contrefaçon, l'Assemblée nationale a modifié les modalités de l'indemnisation forfaitaire et apporté des précisions rédactionnelles, sans remettre en cause la position du Sénat visant à écarter tout risque de dommages et intérêts punitifs.

À l'article 5, concernant les conséquences de l'absence d'action civile ou pénale de la part du saisissant à la suite d'une saisie-contrefaçon, l'Assemblée nationale a préféré s'en tenir à l'état actuel du droit en matière de propriété industrielle, c'est-à-dire l'annulation de l'ensemble des opérations de saisie-contrefaçon, saisie réelle comme saisie descriptive, plutôt que de suivre la voie intermédiaire adoptée par le Sénat d'une mainlevée de la seule saisie réelle, permettant à la saisie descriptive de demeurer valable dans la perspective d'une éventuelle action ultérieure devant la justice. Suivant la logique d'harmonisation du texte, l'Assemblée nationale a cependant aligné la procédure prévue en matière de propriété littéraire et artistique, douteuse d'ailleurs d'un point de vue constitutionnel, sur celle prévue en matière de propriété industrielle.

Il s'agit d'une question de conciliation entre les droits de la défense, dans le cadre d'une procédure quelque peu exorbitante, et l'efficacité de l'action des personnes victimes de contrefaçon. La solution adoptée par le Sénat faisait l'objet d'appréciations partagées chez les professionnels concernés, tandis que la solution de l'Assemblée nationale a au moins le mérite de s'en tenir au droit en vigueur...

L'article 13, vous vous en souvenez peut-être, instaure une obligation de transmission aux douanes des données relatives aux colis transportés par les prestataires de services postaux et les entreprises de fret express, à des fins de contrôle par la mise en place de traitements automatisés de ces données. Ce dispositif est très contesté par les entreprises concernées.

L'Assemblée nationale a poursuivi la démarche d'encadrement du dispositif engagé par le Sénat sur ma proposition, au nom du principe de proportionnalité et de l'exigence de protection des données personnelles. En particulier, la collecte des données relatives aux personnes concernées par les colis a été supprimée, ce qui constitue une garantie importante pour la protection de la vie privée. En outre, le dispositif est expressément soumis aux dispositions de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Le délai de conservation des données est fixé à deux ans par la loi.

S'agissant de l'exclusion des envois domestiques de ce dispositif, c'est-à-dire envoyés en France à destination de la France, exclusion votée par le Sénat pour assurer une meilleure proportionnalité du dispositif, l'Assemblée nationale a estimé qu'elle posait une difficulté au regard du principe de non-discrimination et du principe de libre circulation des marchandises dans l'Union européenne.

Seuls seraient exclus du dispositif les envois en provenance ou à destination des États extérieurs à l'Union européenne, car ils sont déjà couverts par une obligation européenne similaire de transmission de données.

Enfin, concernant l'article 20, relatif à l'application du texte dans les collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie, les échanges avec le rapporteur de l'Assemblée nationale ont permis de parvenir à une rédaction conforme aux textes organiques fixant les statuts des collectivités ultramarines concernées et à la répartition des compétences entre l'État et ces collectivités.

Dans ces conditions, dès lors que les positions prises par le Sénat en première lecture n'ont pas été remises en cause par l'Assemblée nationale, qui a partagé les finalités comme les modalités de ce texte, je vous propose d'adopter cette proposition de loi sans modification et de proposer au Sénat un vote conforme la semaine prochaine.

M. Jean-Pierre Sueur , président . - Au-delà du débat sur les semences de ferme qui a beaucoup agité nos deux assemblées, je tiens à vous rappeler que ce texte a des effets sur des dizaines de milliers d'emplois. Aussi je vous invite à suivre la proposition du rapporteur afin que ce texte devienne applicable le plus rapidement possible.

M. Jean-Jacques Hyest . - Notre commission s'est penchée sur le sujet de la contrefaçon, et tout particulièrement sur la question de l'indemnisation, qui était insuffisante, depuis de nombreuses années avec la mission de MM. Béteille et Yung qui a abouti à la proposition de loi que nous examinons. Je me félicite que l'Assemblée nationale nous ait finalement rejoint sur l'article 16 relatif aux délais de prescription, car il aurait été dommage de jeter à bas le travail d'harmonisation que nous avons réalisé par le passé. On pourrait probablement peaufiner encore ce texte mais l'important est qu'il entre rapidement en vigueur. Nous rejoignons donc la position du rapporteur.

La commission adopte la proposition de loi sans modification.


* 1 Loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile.

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