II. LA STRATÉGIE DU PROJET DE LOI : PROMOUVOIR L'AGRO-ÉCOLOGIE ET LA TRANSFORMATION DES PRATIQUES DES PROFESSIONNELS.

A. AU CoeUR DE LA DÉMARCHE : PRODUIRE AUTREMENT.

1. L'agro-écologie : un projet ambitieux qui irrigue le projet de loi.
a) Objectifs de l'agro-écologie.

La loi ne suffit pas à changer les pratiques, mais l'objectif du projet de loi est de mettre en place les outils pour encourager et permettre une transformation en profondeur de l'agriculture.

Les exigences environnementales qui pèsent sur l'ensemble des activités économiques sont croissantes et l'agriculture est en première ligne. L'agro-écologie propose un changement d'approche. Il ne s'agit plus de répondre à l'enjeu environnemental par des normes verticales, qui fixent davantage des obligations de moyens que des obligations de résultat mais par la recherche d'une démarche permanente de progrès.

Le pari de l'agro-écologie est aussi d'être capable de faire aussi bien sinon mieux sur le plan économique, en tirant parti des ressources offertes par la nature. L'idée est bien de concevoir des systèmes de production qui s'appuient sur les fonctionnalités offertes par les écosystèmes. L'agro-écologie vise à amplifier ces mécanismes naturels tout en visant à diminuer les pressions sur l'environnement et à préserver les ressources naturelles. La démarche s'appuie sur les nouvelles technologies comme l'analyse satellitaire et fait appel à la capacité d'expertise et d'invention des agriculteurs, en sortant du modèle agricole hyper-standardisé.

b) Des mesures déjà mises en oeuvre avec le plan : « produisons autrement ».

Le concept de l'agro-écologie existe depuis les années 1930 : l'ambition du projet de loi est de le faire sortir d'une logique de niche pour diffuser plus largement les bonnes pratiques. La conférence nationale « produisons autrement » de décembre 2012 a marqué le coup d'envoi de la démarche qui repose sur :

- la nécessité de connaître et faire connaître les bonnes pratiques ;

- la formation des acteurs ;

- l'incitation à se lancer dans ce type d'initiative.

Le gouvernement a d'ores et déjà mis en place une série de mesures pour favoriser les changements de pratiques agricoles. Pas moins de sept plans sectoriels sont mis au service de la démarche « produisons autrement » :

- le plan ecophyto 2018 rénové, qui vise à réduire l'utilisation de produits phytopharmaceutiques industriels, notamment en encourageant les techniques alternatives comme le bio-contrôle ;

- le plan écoantibio 2012-2017 qui vise à réduire l'utilisation des antibiotiques en élevage ;

- le plan énergie méthanisation autonomie azote (EMAA) qui vise à valoriser les effluents d'élevage à travers la production d'énergie ;

- le plan apiculture durable , qui lutte contre la mortalité des abeilles et pour mieux organiser la filière apicole, compte tenu du rôle fondamental des abeilles dans la pollinisation.

- le programme ambition bio 2017 , qui cherche à donner un nouvel élan à la conversion à l'agriculture biologique et à mieux structurer la filière ;

- le plan semences et agriculture durable , lancé dès 2011 et qui a pour but de développer l'information des agriculteurs, d'orienter le progrès génétique vers des variétés adaptées à des conduites culturales diversifiées et permettant de répondre à la réduction des intrants et de conserver les variétés anciennes, dans un but de maintien de la biodiversité cultivée.

- le plan protéines végétales , qui doit être soutenu par les crédits couplés de la PAC, afin de réduire la dépendance de la France vis-à-vis du soja importé pour l'alimentation animales et tirer parti de l'intérêt agronomique et écologique de la culture des légumineuses, qui enrichissent en particulier les sols en azote et permettent de réduire les apports externes tout en augmentant les rendements.

2. La formation et l'installation des agriculteurs : deux priorités essentielles.
a) L'installation : une question vitale pour l'avenir des agriculteurs, qui passe par la maîtrise de la question foncière.

La part des jeunes dans la population agricole a reculé sur la dernière décennie , passant de 34 % d'exploitants de moins de 40 ans en 2000 à 23 % en 2010. L'âge moyen des exploitants se situe autour de 50 ans, et ce phénomène de vieillissement est particulièrement marqué dans certains secteurs comme les productions animales.

Organiser la reprise des exploitations, l'installation de jeunes agriculteurs est donc un enjeu fondamental pour assurer la pérennité de l'agriculture française.

La baisse tendancielle du nombre des nouvelles installations constitue un phénomène préoccupant. De multiples facteurs expliquent un tel mouvement, en particulier la difficulté d'accès au foncier, et la charge financière croissante que représentent les reprises d'exploitation. Ce sont là autant de défis que le projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt doivent relever. L'amélioration des conditions de vie des agriculteurs, en particulier des éleveurs, constitue également un facteur-clef : les agriculteurs aspirent comme les autres catégories professionnelles à une certaine qualité de vie , qui n'est pas toujours assurée lorsque les animaux de ferme nécessitent surveillance et soins permanents.

Pour favoriser l'installation, il est nécessaire d'assurer une couverture sociale au porteur de projet d'installation et de moderniser les critères de reconnaissance de l'agriculteur : le projet de loi s'engage précisément sur cette voie et supprime l'exigence de demi-surface minimale d'installation, aujourd'hui bloquante.

b) La formation : vecteur du progrès en agriculture.

« L'enseignement agricole , deuxième réseau d'enseignement de France, est une chance pour notre agriculture, pour notre jeunesse, pour notre pays », affirmait récemment le ministre l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt 9 ( * ) . Il s'agit là, en effet, d'un aspect fondamental pour l'agriculture de demain , dans la mesure où ses forces vives se forment et se sensibilisent aujourd'hui aux enjeux d'avenir.

« À un moment où notre énergie est toute entière
engagée dans la bataille pour l'emploi, quelle fierté pour nous tous de pouvoir compter sur cet enseignement qui forme et délivre des diplômes à des jeunes qui ont quasiment l'assurance de trouver un emploi à la sortie
», poursuivait le ministre dans sa tribune.

En effet, notre enseignement agricole, qui est d'un excellent niveau, se caractérise par une très bonne insertion professionnelle : plus de 85 % des élèves trouvent un emploi dans les deux ans suivant l'obtention de leur diplôme, un résultat qui monte même à 93 % pour les titulaires d'un brevet de technicien supérieur agricole (BTSA). Il participe à la lutte contre l'échec scolaire et sait innover, constituant même l'avant-garde de l'enseignement général à certains égards.

Combinant formation initiale scolaire, par apprentissage et continue, il ouvre à plus de 450 000 élèves, étudiants, apprentis et stagiaires la possibilité de se former aux métiers de l'agriculture, de la nature et de la forêt, et de s'insérer plus ou moins rapidement dans le monde du travail, selon les cursus choisis, allant du certificat d'aptitude professionnelle (CAP) au doctorat.

L'enseignement agricole offre non seulement la perspective d'un débouché dans une filière offrant une grande diversité d'emplois, mais également des chances d' acquisition continue des savoirs et de promotion sociale . Il est un outil de renouvellement des générations et répond ainsi aux ambitions fixées en matière d' installation .

Son maillage territorial est remarquable, que ce soit avant le bac , dans les lycées d'enseignement général, technologique et professionnel agricoles, ou après , dans ces mêmes lycées préparant aux BTSA, comme dans les dix grandes écoles publiques agricoles, pour les diplômes du supérieur : les quatre écoles nationales vétérinaires, Agro Paris Tech, Agro Sup Dijon, Agrocampus Ouest ... Sans oublier l' enseignement privé , très présent également dans l'enseignement secondaire et supérieur agricole.

Mais il importe aujourd'hui d' aller plus loin , en plaçant l'enseignement agricole au coeur du projet de refondation de l'école de la République voulu par le chef de l'État, et en confortant sa transition vers plus de durabilité, tout en soutenant la promotion sociale et la réussite scolaire, et en l'ouvrant vers l'international.

Il faut donc lui donner une nouvelle impulsion , en mettant en avant sa multifonctionnalité , soit ses apports économiques, environnementaux et sociétaux. C'est ainsi que nous pourrons former nos agriculteurs à « produire autrement » et à « produire mieux ». L'enseignement et la formation agricole, initiale comme continue, doivent évoluer avec l'agriculture. Tout comme doivent évoluer la recherche et l'innovation, car toutes ces problématiques ne font qu'une, en réalité : mieux se préparer dès aujourd'hui aux enjeux de demain.


* 9 L'enseignement agricole, notre fierté, tribune de M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture publiée par Terre Net Magazine le 17 février 2013.

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