II. LE PROTOCOLE D'APPLICATION FRANCO-SERBE, UN COMPLÉMENT INDISPENSABLE DE L'ACCORD COMMUNAUTAIRE

Conformément à l'article 19 de l'accord communautaire conclu, en 2007, avec la Serbie en matière de réadmission des personnes en séjour irrégulier, son Protocole d'application tend à établir les règles portant sur :

- la désignation des autorités compétentes 89 ( * ) , les points de passage frontaliers et l'échange des points de contact 90 ( * ) ;

- les conditions de mise en oeuvre de la procédure accélérée ;

- les modalités du rapatriement sous escorte , y compris du transit sous escorte des ressortissants des pays tiers et des apatrides ;

- les moyens et documents complémentaires à ceux énumérés dans l'accord communautaire 91 ( * ) .

A. DES PRÉCISIONS NÉCESSAIRES QUANT AUX MOYENS DE PREUVE ET AUX DÉLAIS

1. Le complément d'un accord communautaire de facture classique

A titre liminaire, votre rapporteur souhaite mettre en exergue le fait que l'accord communautaire de réadmission conclu avec la Serbie est de facture classique. Il décline les stipulations généralement présentes dans l'ensemble des accords communautaires de réadmission.

Figure n° 4 : Extraits de l'Accord de réadmission entre la communauté européenne et la république de Serbie

Section I Obligations de réadmission incombant à la Serbie

Article 2 Réadmission de ses propres ressortissants

1. À la demande d'un État membre et sans autres formalités que celles précisées dans le présent accord, la Serbie réadmet sur son territoire toute personne qui ne remplit pas, ou ne remplit plus, les conditions d'entrée, de présence ou de séjour applicables sur le territoire de l'État membre requérant, lorsqu'il est prouvé, ou peut être valablement présumé sur la base du commencement de preuve fourni, que cette personne est un ressortissant de Serbie.

2. La Serbie réadmet également:

-- les enfants mineurs célibataires des personnes mentionnées au paragraphe 1, quels que soient leur lieu de naissance ou leur nationalité, excepté lorsqu'ils disposent d'un droit de séjour autonome dans l'État membre requérant,

-- les conjoints des personnes mentionnées au paragraphe 1 qui ont une autre nationalité, pour autant qu'ils aient ou obtiennent le droit d'entrer et de séjourner sur le territoire de la Serbie, excepté lorsqu'ils disposent d'un droit de séjour autonome dans l'État membre requérant.

3. La Serbie réadmet aussi toute personne ayant renoncé à la nationalité serbe après son entrée sur le territoire d'un État membre, à moins que cette personne n'ait reçu au minimum l'assurance d'obtenir sa naturalisation par cet État membre. [...]

Article 3 Réadmission des ressortissants des pays tiers et des apatrides

1. À la demande d'un État membre et sans autres formalités que celles précisées dans le présent accord, la Serbie réadmet sur son territoire tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride qui ne remplit pas, ou ne remplit plus, les conditions légales d'entrée, de présence ou de séjour applicables sur le territoire de l'État membre requérant, lorsqu'il est prouvé ou peut être valablement présumé sur la base du commencement de preuve fourni, que cette personne:

a) est ou était, lors de son entrée sur ce territoire, en possession d'un visa ou d'une autorisation de séjour en cours de validité délivré(e) par la Serbie, ou

b) est entrée illégalement et directement sur le territoire des États membres après avoir séjourné sur, ou transité par, le territoire de la Serbie.

2. L'obligation de réadmission énoncée au paragraphe 1 ne s'applique pas dans les cas suivants:

a) si le ressortissant du pays tiers ou l'apatride n'a effectué qu'un transit aéroportuaire par un aéroport international de la Serbie, ou

b) si l'État membre requérant a délivré au ressortissant du pays tiers ou à l'apatride, avant ou après son entrée sur son territoire, un visa ou une autorisation de séjour, excepté lorsque:

-- cette personne est en possession d'un visa ou d'une autorisation de séjour délivré(e) par la Serbie expirant à une date ultérieure, ou

-- le visa ou l'autorisation de séjour délivré(e) par l'État membre requérant a été obtenu(e) au moyen de faux documents ou de documents falsifiés, ou au moyen de fausses déclarations, et l'intéressé a séjourné sur, ou transité par, le territoire de la Serbie, ou

-- cette personne ne respecte pas une des conditions liées à la délivrance du visa et a séjourné sur, ou transité par, le territoire de la Serbie.[...]

3. À la demande d'un État membre, la Serbie réadmet aussi sur son territoire tout ancien ressortissant de la République socialiste fédérative de Yougoslavie qui n'a obtenu aucune autre nationalité et dont le lieu de naissance et le lieu de résidence permanente à la date du 27 avril 1992 se trouvaient sur le territoire de la Serbie.

Source : Ministère des affaires étrangères

Ainsi, il n'y a pas de distinctions majeures , à l'exception de quelques particularités issues des circonstances géopolitiques. A titre d'illustration, le champ d'application de l'accord serbe comprend, outre les nationaux et les ressortissants des Etats tiers et apatrides « tout ancien ressortissant de la République socialiste fédérative de Yougoslavie qui n'a obtenu aucune autre nationalité et dont le lieu de naissance et le lieu de résidence permanente à la date du 27 avril 1992 92 ( * ) se trouvaient sur le territoire de la Serbie. » 93 ( * ) .

2. La définition des moyens de preuve, des délais et du rapatriement sous escorte
a) Les moyens de preuve
(1) Les moyens de preuve applicables à la réadmission des nationaux

S'agissant des moyens de preuve de la nationalité , l 'article 3 du Protocole vise à compléter l'article 8 de l'accord serbe. Ainsi, la preuve de la nationalité est établie sur présentation des documents figurant à l'annexe 1 94 ( * ) du Protocole, « sans qu'il soit nécessaire de procéder à une enquête complémentaire » 95 ( * ) . La Partie requise délivre immédiatement, et au plus tard dans un délai de trois jours ouvrables, le laissez-passer consulaire.

En cas de commencement de preuve de la nationalité , sur présentation des documents figurant à l'annexe 2 96 ( * ) de l'accord serbe, la Partie requise délivre immédiatement, et au plus tard dans un délai de trois jours ouvrables, le laissez-passer consulaire, si les vérifications constatent la conformité des documents.

(2) Les moyens de preuve applicables à la réadmission des ressortissants de pays tiers ou apatrides

Conformément à l'article 6 de l'accord communautaire, aucune demande de réadmission n'est exigée « lorsque la personne à réadmettre est en possession d'un document de voyage en cours de validité et, dans le cas où cette personne est un ressortissant d'un pays tiers ou un apatride, est également en possession d'un visa ou d'une autorisation de séjour en cours de validité délivré(e) par l'État requis. » 97 ( * )

En matière de conditions de la réadmission des ressortissants de pays tiers et des apatrides, l'article 4 du Protocole prévoit que la preuve du séjour ou de franchissement de la frontière est rapportée sur présentation des documents visés à l'annexe 3 98 ( * ) de l'accord, sans qu'il soit nécessaire de procéder à une enquête supplémentaire. La Partie requérante délivre alors sans délai un document de voyage nécessaire au retour de la personne concernée sur le territoire de la Partie requise.

En cas de commencement de preuve sur la base des documents visés à l'annexe 4 99 ( * ) de l'accord, les deux Parties considèrent que les conditions de la réadmission sont établies, sans qu'elles ne puissent prouver le contraire.

La preuve des conditions de réadmission des anciens ressortissants de la République socialiste fédérative de Yougoslavie est également facilitée . Les documents considérés comme preuve ou commencement de preuve sont respectivement énumérés à l'annexe 5 bis 100 ( * ) et 5 ter 101 ( * ) de l'accord.

Lorsque la Partie serbe accepte de réadmettre la personne, les autorités compétentes de la Partie française délivrent sans délai un document de voyage de l'Union européenne nécessaire au retour du migrant sur le territoire Serbe.

L'article 11 du Protocole mentionne des moyens supplémentaires de commencement de preuve des conditions de la réadmission des ressortissants de pays tiers et des apatrides. Il s'agit notamment du cachet d'un Etat tiers limitrophe d'une des deux Parties, en tenant compte de l'itinéraire utilisé par la personne concernée ainsi que de la date de franchissement de la frontière.

b) Un encadrement particulier des délais

Aux termes de l'article 10 de l'accord serbe, la réponse à une demande de réadmission doit être présentée dans un délai dix jours . Cette stipulation est conforme à la pratique conventionnelle communautaire car ce délai figure également dans d'autres accords européens en matière de réadmission avec des Etats des Balkans, comme celui conclu avec la Bosnie.

Il convient de relever que l 'article 5 du Protocole complète cette disposition en fixant le délai de réponse à sept jours calendaires, à compter de la réception de la demande, en précisant qu'il ne peut excéder le délai des dix jours calendaires de l'accord communautaire.

En réponse à votre rapporteur sur les raisons et conséquences de la définition d'un délai plus bref dans le Protocole que dans l'accord, il a été indiqué que « les négociateurs avaient, en effet, considéré opportun, étant donné la durée de rétention légale en France qui constitue l'une des plus réduite d'Europe (trente-deux jours maximum à l'époque), de prévoir dans le protocole des délais de réponses aux demandes de réadmission inférieurs à ceux prévus par l'accord.

Le risque de différend avec la Commission , que pourrait entraîner cette ligne de négociation, est apparu après la signature du protocole franco-serbe, et a conduit les négociateurs à ne pas poursuivre les négociations avec la Bosnie-Herzégovine, l'Albanie et la Macédoine sur ce même modèle .

Quant aux difficultés qui pourraient naître de cet état de fait , il apparaît tout d'abord que l'accord primera sur le protocole en cas d'incompatibilité , ce qui fait apparaître le risque de différend comme purement théorique. Par ailleurs, la Commission ne devrait pas envisager de recours en manquement à l'encontre d'un texte qui constitue un cas d'espèce et non une position de principe. »

S'agissant du délai de réponse à la procédure accélérée 102 ( * ) , l'article 7 du Protocole complète l'article 6.3 de l'accord en fixant un délai maximum de deux jours ouvrables à compter de la date de l'accusé de réception de la demande de réadmission par procédure accélérée , à l'instar de l'Accord kosovar.

Quant la demande de transit 103 ( * ) d'un ressortissant d'un État tiers ou d'un apatride, prévue à l'article 14 de l'accord, l'article 8 du Protocole définit un délai de sept jours ouvrables avant le transit prévu pour sa transmission à la Partie requise. Il rappelle le délai de réponse des cinq jours calendaires après réception de la demande de transit, fixé à l'article 14.2 de l'accord.

c) Des modalités de retour précisées

A l'article 9, le Protocole complète l'accord sur les conditions de délivrance du laissez-passer européen.

Il détermine également les conditions applicables au retour sous escorte , similaires à celles de l'Accord kosovar. En effet, l'accord 104 ( * ) autorise les Parties à recourir à des escortes dans les procédures de transit ou de réadmission sur leurs territoires respectifs.

Les agents d'escorte de la Partie requérante sont soumis aux régimes de responsabilité civile et pénale prévus par la législation de la Partie sur le territoire de laquelle ils interviennent. Ils sont assimilés aux agents de la Partie requise, en ce qui concerne les infractions dont ils seraient victimes ou auteurs à l'occasion du transit sur le territoire de la Partie requise, dans l'exercice de leurs fonctions. Leurs prérogatives sont restreintes à la légitime défense.

L'escorte policière 105 ( * ) est assurée par la Partie requérante à condition que cette escorte ne quitte pas la zone internationale des aéroports concernés.

A l'instar de l'Accord kosovar, les coûts liés à la réadmission , qui sont à la charge de la Partie requérante 106 ( * ) , doivent être remboursés, dans un délai de trente jours, par celle-ci après remise d'une facture qui indique les détails de ces coûts, conformément à l'article 12 du Protocole.


* 89 Cf. article 1 er du Protocole.

* 90 Cf. article 6 du Protocole.

* 91 Annexes 1 à 5.

* 92 Le 27 avril 1992, la République fédérale de Yougoslavie est créée avec la Serbie et le Monténégro.

* 93 Cf paragraphe 3 de l'article 2 de l'accord serbe.

* 94 Lorsque l'Etat requis est la Serbie, il s'agit du passeport, quel qu'en soit le type (national, diplomatique, de service, collectif, y compris les passeports de mineurs), délivré après le 27 juillet 1996, conformément à la législation applicable aux documents de voyage des ressortissants yougoslaves de 1996 ainsi qu'aux modifications législatives ultérieures faisant suite à l'adoption de la nouvelle loi relative aux documents de voyage de la Serbie, et de la carte d'identité délivrée après le 1 er janvier 2000.

* 95 Cf. article 3.1 du Protocole.

* 96 Il s'agit des photocopies de l'un quelconque des documents énumérés à l'annexe 1 de l'accord, du livret et carte d'identité militaires, du livret professionnel maritime et livret de batelier, du certificat de citoyenneté, du permis de conduire, de l'extrait de naissance, de la carte de service d'une entreprise, des déclarations de témoins, de la déclaration de l'intéressé, du passeport, quel qu'en soit le type (national, diplomatique, de service et collectif, y compris les passeports de mineurs), délivré entre le 27 avril 1992 et le 27 juillet 1996, de la carte d'identité, quel qu'en soit le type, délivrée entre le 27 avril 1992 et le 1 er janvier 2000 ou de tout autre document susceptible de permettre d'établir la nationalité de l'intéressé.

* 97 Cf. article 6.2 de l'accord communautaire conclu avec la Serbie.

* 98 Les moyens de preuve concernés peuvent être constitués de toute preuve de l'entrée/de la sortie (photographique, par exemple), des documents divers nominatifs (par exemple, notes d'hôtel, cartes de rappel de rendez-vous chez le médecin, titres d'accès à des établissements publics/privés, contrats de location de voitures, reçus de cartes de crédit, etc.) montrant clairement que l'intéressé a séjourné sur le territoire de l'État requis, des listes des passagers de compagnies aériennes, ferroviaires, maritimes ou d'autocars attestant la présence de l'intéressé sur le territoire de l'État requis ainsi que l'itinéraire qu'il a parcouru sur ce dernier, des informations montrant que l'intéressé a recouru aux services d'un guide ou d'un agent de voyage, des déclarations officielles faites, notamment, par des agents de postes frontières qui peuvent attester que l'intéressé a franchi la frontière.

* 99 Il s'agit notamment de la déclaration de l'intéressé, des témoins qui peuvent attester que la personne concernée a franchi la frontière, des informations relatives à l'identité et/ou au séjour d'une personne qui ont été fournies par une organisation internationale (par exemple le HCR des Nations unies), et des communications/confirmation d'informations par des membres de la famille, des compagnons de voyage, etc..

* 100 Sont considérés comme preuve, l'extrait de naissance ou sa photocopie délivré par l'ancienne République socialiste fédérative de Yougoslavie, ou tout document public, notamment carte d'identité ou sa photocopie, délivré par la Serbie, l'ancienne République fédérale de Yougoslavie, l'ancienne Communauté étatique de Serbie-et-Monténégro ou l'ancienne République socialiste fédérative de Yougoslavie, indiquant le lieu de naissance et/ou le lieu de résidence permanente.

* 101 Sont admis comme commencement de preuve, tout autre document indiquant que le lieu de naissance et/ou de résidence permanente se trouve sur le territoire de la Serbie, et la déclaration officielle faite par l'intéressé dans le cadre d'une procédure judiciaire ou administrative.

* 102 L'article 6.3 stipule « Si une personne a été appréhendée dans la région frontalière (aéroports compris) de l'État requérant après avoir franchi illégalement la frontière en provenance directe du territoire de l'État requis, l'État requérant peut présenter une demande de réadmission dans un délai de deux jours ouvrables à compter de l'arrestation de l'intéressé (procédure accélérée) . »

* 103 Le principe du transit est posé à l'article 13.2 de l'accord : « La Serbie autorise le transit de ressortissants de pays tiers ou d'apatrides si un État membre en fait la demande, et un État membre autorise le transit de ressortissants de pays tiers ou d'apatrides si la Serbie en fait la demande, à condition que la poursuite du voyage dans d'autres États de transit éventuels et la réadmission par l'État de destination soient garanties. »

* 104 Son principe est posé à l'article 11 de l'accord.

* 105 Cf. article 10 du Protocole serbe qui stipule que : « Lorsque le transit d'un ressortissant de pays tiers ou d'un apatride s'effectue sous escorte policière, les agents d'escorte de la Partie requérante exécutent leur mission en civil, sans armes et munis d'une autorisation de transit. La garde et l'embarquement de l'étranger sont assurés par l'escorte, sous le contrôle et l'autorité de la Partie requise. Sur la base d'un accord expresse, la Partie requise peut assurer la garde et l'embarquement de l'étranger. »

* 106 Cf. article 15 de l'accord.

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