TITRE III - DISPOSITIONS DIVERSES

Article 19 A (art. 131-6 du code pénal) - Extension de la possibilité d'astreindre une personne à conduire un véhicule non équipé d'un dispositif de démarrage par éthylotest

Le présent article, inséré par la commission des lois de l'Assemblée nationale à l'initiative de son rapporteur, M. Dominique Raimbourg, vise à élargir les possibilités d'astreindre une personne à conduire un véhicule qui ne soit pas équipé d'un dispositif de démarrage par éthylotest.

La loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (« LOPPSI ») a introduit dans notre droit plusieurs dispositions permettant d'astreindre une personne qui se serait rendue coupable d'une infraction au moyen d'un véhicule alors qu'elle était alcoolisée à conduire un véhicule équipé un dispositif de démarrage par éthylotest.

En l'état du droit, cette possibilité est prévue par :

- l'article 41-2 du code de procédure pénale, dans le cadre d'une composition pénale ;

- les articles 221-8 et 222-44 du code pénal, à titre de peine complémentaire des délits d'homicide involontaire et de blessures involontaires ;

- ainsi que par les articles L. 234-2, L. 243-1, L. 244-1 et L. 245-1 du code de la route, à titre de peine complémentaire des délits de conduite sous l'influence de l'alcool.

Le décret n° 2011-1661 du 28 novembre 2011 relatif aux dispositifs d'antidémarrage par éthylotest électronique a défini les modalités d'homologation des dispositifs d'antidémarrage par éthylotest électronique ainsi que des modalités d'agrément des professionnels chargés de les installer, et un arrêté du 13 juillet 2012 a fixé les règles applicables à l'homologation nationale des dispositifs d'antidémarrage par éthylotest électronique et à leurs conditions d'installation dans les véhicules à moteur.

Le présent article propose de compléter cet état du droit, en insérant dans l'article 131-6 du code pénal, qui définit la liste des peines complémentaires susceptibles d'être prononcées en matière délictuelle à la place d'une peine d'emprisonnement, un nouveau bis , permettant de condamner une personne à l'interdiction, pendant une durée de cinq ans au plus, de conduire un véhicule qui ne soit pas équipé, par un professionnel agréé ou par construction, d'un dispositif homologué d'anti-démarrage par éthylotest électronique.

Le cas échéant, cette peine complémentaire s'appliquerait à l'issue de l'exécution d'une peine d'annulation ou de suspension du permis de conduire.

Votre commission a adopté l'article 19 A sans modification .

Article 19 B (nouveau) (art. 2, 3, 6, 8, 8-2, 9, 10, 12, 13, 24-1, 24-2, 24-3, 24-5, 24-6, 24-7 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquance ; art. 251-7 et 251-8 du code de l'organisation judiciaire) - Suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs

Le tribunal correctionnel pour mineurs (TCM), créé par la loi n° 2011-939 du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs, est une formation spécialisée du tribunal correctionnel présidée par un juge des enfants assisté de deux juges professionnels.

Sa composition est ainsi différente du tribunal pour enfants dans lequel le président, juge des enfants, est assisté de deux assesseurs, magistrats non professionnels, choisis en raison de leurs compétences et de l'intérêt particulier qu'ils portent aux questions de l'enfance.

Dans les juridictions expérimentant la mise en place de citoyens assesseurs (Dijon et Toulouse) jusqu'à la fin de 2013 (cette expérimentation n'a pas été pérennisée), le tribunal correctionnel pour mineurs était également composé de deux citoyens assesseurs.

Le TCM est compétent pour juger les mineurs âgés de plus de seize ans à la date des faits, poursuivis pour un ou plusieurs délits punis d'une peine d'emprisonnement d'au moins trois ans et commis en état de récidive légale. Il est également compétent pour connaître des délits connexes ainsi que pour juger les complices ou co-auteurs majeurs. Il statue et prononce des peines, ou, le cas échéant, des mesures éducatives ou des sanctions éducatives, dans les mêmes conditions que le tribunal pour enfants.

Les dispositions relatives au tribunal correctionnel pour mineurs sont entrées en vigueur le 1 er janvier 2012.

Bilan de l'activité des TCM

Il résulte des données issues de l'ensemble des rapports adressés à la chancellerie portant sur la période couvrant les mois de janvier 2012 à mai 2013, que sur un taux de réponse global de 71 % aux questions posées aux tribunaux, 262 audiences se sont tenues devant les TCM. 663 personnes ont été prévenues devant ces tribunaux dont 571 mineurs. Au total, 546 personnes ont été jugées.

Ces données doivent être considérées avec prudence au regard du taux d'érosion de réponses des parquets au fil des mois (en ce qui concerne l'année 2013 il passe de 66 % en janvier à seulement 47 % en mai) et des délais d'audiencement engendrés par le respect des dispositions légales puisqu'aucune audience ne pouvait se tenir avant le 11 janvier 2012.

Il ressort des données statistiques transmises que 480 mineurs ont été jugés au fond. On comptabilise 91 renvois de dossier sur la période donnée. 9 relaxes ont été prononcées (3 en 2012 et 6 en 2013).

Sur le nombre de condamnations prononcées, 68 % représente des peines d'emprisonnement ferme total ou partiel. Seulement 8 sanctions éducatives et 8 mesures éducatives ont été prononcées.

La nature des décisions rendues par les TCM apparait, de manière logique, plus sévère que celles prononcées par les tribunaux pour enfants en raison de la compétence d'attribution des TCM qui est limitée au jugement des mineurs âgés de plus de 16 ans lorsqu'ils sont poursuivis pour un ou plusieurs délits punis d'une peines d'emprisonnement égale ou supérieure à 3 ans et commis en état de récidive légale. Les mineurs encourent donc dans ces conditions de plein droit l'application des peines planchers.

Le bilan de l'activité des TCM permet de constater que, comme cela était prévisible, cette juridiction est peu sollicitée (quelques centaines de mineurs jugés sur environ 33 000 mineurs jugés annuellement). Notre collègue Jean-René Lecerf, rapporteur pour le Sénat de la loi du 10 août 2011 précitée, avait alors estimé que la création de cette nouvelle juridiction concernerait tout au plus 600 à 700 mineurs, en raison des conditions restrictives de définition de la notion de récidive légale : les statistiques confirment cet ordre de grandeur.

En outre, les tribunaux correctionnels pour mineurs présentent l'inconvénient, par rapport aux tribunaux pour enfants, de ne pas comporter d'assesseurs issus de la société civile , ce qui semble regrettable compte tenu de l'importance de la question du devenir des mineurs pour la société dans son ensemble.

Enfin, la création de ces tribunaux relevait clairement d'une logique tendant à rapprocher autant que possible la justice des mineurs de celle des majeurs. Cette logique ne reçoit pas l'approbation de votre commission, qui considère que la spécificité de la justice des mineurs doit perdurer, conformément au principe qui a guidé la rédaction de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante.

Dès lors, à l'initiative conjointe de votre rapporteur, de Mme Cécile Cukierman et de Mme Esther Benbassa, votre commission a adopté un amendement ayant pour objet de supprimer les tribunaux correctionnels pour mineurs.

Cet amendement prévoit que les dossiers en cours de traitement par les TCM seront transférés aux tribunaux pour enfants compétents.

Votre commission a adopté l'article 19 B ainsi rédigé .

Article 19 (art. 735, 712-6 et 712-7 du code de procédure pénale) - Dispositions transitoires

L'article 19 a pour objet de prévoir des dispositions transitoires pour l'application de l'article 6 du projet de loi qui supprime le principe d'une révocation automatique du sursis.

En l'état du droit, la juridiction peut décider que le sursis précédemment accordé n'est pas révoqué, soit au moment où elle prononce la peine, soit une fois la peine prononcée, lorsqu'elle est saisie d'une demande de non-révocation par la personne condamnée.

Cette dernière faculté, prévue à l'article 735 du code de procédure pénale a été abrogée par l'article 6 du présent projet de loi, car avec la fin d'une révocation automatique du sursis, cet article n'a plus lieu d'être.

Toutefois, il est nécessaire de prévoir la situation de personnes dont le sursis aurait été révoqué de manière automatique, avant l'entrée en vigueur de la loi. Dans ce cas, il est donc nécessaire de maintenir l'application de l'article 735 du code de procédure pénale.

À l'initiative de son rapporteur, la commission des lois de l'Assemblée nationale a modifié cet article pour permettre à une juridiction de l'application des peines de statuer sur la demande de dispense de révocation du sursis simple à l'occasion de sa saisine relative à des « mesures de placement à l'extérieur, de semi-liberté, de fractionnement et suspension des peines, de placement sous surveillance électronique et de libération conditionnelle » (article 712-6 du code de procédure pénale) ou des mesures « concernant le relèvement de la période de sûreté, la libération conditionnelle ou la suspension de peine qui ne relèvent pas de la compétence du juge de l'application des peines » (article 712-7 du même code).

Il s'agit de faciliter la demande de dispense de révocation du sursis simple, puisque ce sera une juridiction d'application des peines qui statuera sur la demande de dispense, par un jugement pris après un débat contradictoire public, et non plus la juridiction qui a prononcé la condamnation 154 ( * ) , comme l'a précisé le rapporteur.

Votre rapporteur souscrit à l'amélioration de la mise en oeuvre de cet article, très peu utilisé aujourd'hui.

Votre commission a adopté l'article 19 sans modification .

Article 20 - Entrée en vigueur différée

Le présent article prévoit une entrée en vigueur différée des articles suivants du projet de loi :

- les articles 7 à 10, relatifs aux seuils des aménagements de peine et à la contrainte pénale, entreraient en vigueur six mois après la promulgation de la loi « pour les infractions commises à compter de cette date ». Il s'agit d'une part de permettre aux SPIP et aux juridictions de s'approprier les nouvelles dispositions et de préparer les textes d'application, d'autre part de ne pas rendre la contrainte pénale rétroactive ;

- les articles 16 à 18, relatifs aux nouvelles procédures d'examen de la situation des détenus en vue de l'octroi d'un aménagement de peine, entreraient en vigueur trois mois après la promulgation de la loi. Par ailleurs, la situation des détenus ayant déjà effectué les deux-tiers de leur peine au moment de l'entrée en vigueur des deux articles devra être examinée dans un délai d'un an à compter de la publication de la loi.

Ceci permettra d'éviter la mise en oeuvre des dispositions selon lesquelles le président de la chambre d'application des peines (CHAP) de la cour d'appel peut ordonner une libération sous contrainte (article 16) ou tenir un débat contradictoire (article 17) lorsque les JAP n'auront pu le faire aux deux tiers de la peine : sinon, les présidents de CHAP auraient été systématiquement saisis.

Votre commission a adopté l'article 20 sans modification .

Article 21 (article 64-1 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique) - Application outre-mer

L'article 21 du projet de loi prévoit que la loi sera applicable outre-mer, à l'exception du VII de l'article 15 qui modifie l'article 64-1 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Cet article dispose que l'avocat désigné d'office lors d'une retenue ou d'une rétention bénéficie d'une rétribution, au même titre que celui qui a été désigné pour une garde à vue, une retenue douanière ou une retenue d'un étranger aux fins de vérification du droit de circulation ou de séjour, mais cette loi ne s'applique pas à la Nouvelle Calédonie et à Wallis et Futuna.

Votre commission a adopté l'article 21 sans modification .

Article 22 - Evaluation de la loi

Le présent article, issu d'un amendement présenté par le Gouvernement et adopté par les députés lors de l'examen du projet de loi en séance publique, vise à prévoir la remise par le Gouvernement d'un rapport d'évaluation de la mise en oeuvre du présent projet de loi - en particulier concernant la mise en oeuvre de la contrainte pénale - dans un délai de deux ans.

Au soutien de cet amendement, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, a indiqué que cette évaluation s'appuierait sur des données rigoureuses, étayées par les études de l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) ainsi que par un nouvel Observatoire de la récidive et de la désistance, dont elle a annoncé la création.

Le manque d'études et d'analyses permettant d'évaluer l'« efficacité » des politiques publiques en matière de sécurité et l'impact des différents modes de réponse pénale sur la récidive a été largement dénoncé lors des auditions de votre rapporteur. M. Christophe Soullez, responsable de l'ONDRP, notamment, a regretté que la pauvreté des statistiques produites par le ministère de la justice ne permette pas d'élaborer des indicateurs fiables et pertinents à même de mesurer l'efficacité des réponses pénales.

Ce n'est pas la première fois que le Parlement est confronté à cette difficulté. Déjà, lors de l'examen de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, le législateur avait souhaité, à l'initiative du Sénat, confier à un observatoire indépendant « la collecte et l'analyse des données statistiques relatives aux infractions, à l'exécution des décisions de justice en matière pénale, à la récidive et à la réitération ». Cet observatoire devait être chargé d'établir « un rapport annuel et public comportant les taux de récidive et de réitération en fonction des catégories d'infraction et des peines prononcées et exécutées, ainsi qu'une estimation de ces taux par établissement pour peines ». Il devait comprendre également « le taux de suicide par établissement pénitentiaire ». Enfin, il devait présenter « une évaluation des actions menées au sein des établissements pénitentiaires en vue de prévenir la récidive et la réitération, favoriser la réinsertion et prévenir le suicide » (article 7 de la loi pénitentiaire).

La loi du 10 mars 2010 tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle lui a confié également le soin de publier « des données statistiques relatives à la durée d'incarcération des personnes condamnées à une peine d'emprisonnement ou de réclusion criminelle ainsi qu'aux aménagements de peine ».

Dans l'esprit du Parlement, il ne s'agissait pas de créer une nouvelle structure mais de rattacher ces missions à l'ONDRP, créé par le décret n° 2009-1321 du 28 octobre 2009.

Alors que, près de cinq ans après l'entrée en vigueur de la loi pénitentiaire, le décret d'application de son article 7 n'a toujours pas été publié, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, a annoncé la création d'un Observatoire de la récidive et de la désistance , composé de professionnels de la justice, d'élus, et de professeurs des universités, directeurs de recherche et représentants de la mission de recherche « droit et justice ». Comme l'ont indiqué à votre rapporteur les représentants du ministère de la justice, cette nouvelle structure devrait permettre de mobiliser rapidement l'ensemble des informations disponibles au ministère de la justice en matière de récidive et de parcours de sortie de délinquance et d'impulser les travaux statistiques, d'études et de recherche au plus près des pratiques des différents acteurs judiciaires.

Concomitamment, dans la suite du rapport d'information relatif à la mesure statistique des délinquances et de leurs conséquences de MM. Jean-Yves Le Bouillonnec et Didier Quentin, fait au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale 155 ( * ) , une réforme de la composition, du fonctionnement et des missions de l'ONDRP est en cours.

Votre commission forme le voeu que ces réformes permettent d'améliorer significativement les outils d'analyse des politiques publiques en matière de justice et de sécurité et de combler ainsi le retard de la France en la matière.

Votre commission a adopté l'article 22 sans modification .

Intitulé du projet de loi

A l'initiative de son rapporteur, M. Dominique Raimbourg, la commission des lois de l'Assemblée nationale a renommé l'intitulé du projet de loi, qui tend désormais « à renforcer l'efficacité des sanctions pénales ».

Pour le rapporteur de l'Assemblée nationale, le titre initial, faisant référence « à la prévention de la récidive et à l'individualisation des peines », était trop restrictif : « la loi pénale ne doit pas poursuivre uniquement un objectif de prévention de la récidive, mais, plus largement, viser à sanctionner et à prévenir la commission de nouvelles infractions. Quant à l'individualisation des sanctions, pour importante qu'elle soit, son renforcement n'est pas une fin en soi mais un moyen de renforcer l'efficacité des sanctions pénales » 156 ( * ) .

Votre commission estime toutefois que le recours à la notion d'« efficacité » peut être source d'ambiguïtés.

Alors que le présent projet de loi s'inscrit dans une perspective résolument humaniste, tournant le dos aux politiques pénales fondées sur la notion de dangerosité, votre commission a souhaité revenir au titre initial du projet de loi, en faisant toutefois figurer l'individualisation des peines en premier.

Elle a adopté, en ce sens, deux amendements identiques de son rapporteur et de Mme Esther Benbassa.

Votre commission a adopté l'intitulé du projet de loi ainsi modifié .

*

* *

Votre commission a adopté le projet de loi ainsi modifié.


* 154 L'article 735 renvoie en effet aux règles de compétences et de procédure définies aux articles 702-3 et 703 du code de procédure pénale, c'est-à-dire la procédure applicable à une personne qui demande à être relevé « d'une interdiction, déchéance ou incapacité ou d'une mesure de publication quelconque résultant de plein droit d'une condamnation pénale ou prononcée dans le jugement de condamnation à titre de peine complémentaire ».

* 155 Ce rapport peut être consulté à l'adresse suivante : http://www.assemblee-nationale.fr/14/rap-info/i0988.asp .

* 156 Exposé des motifs de l'amendement n°CL261.

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