EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Ainsi que le Gouvernement s'y était engagé par la voix de son ministre de l'intérieur le 18 juin 2014 1 ( * ) , le Sénat est saisi, en deuxième lecture, du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.

En première lecture, la Haute assemblée ne s'est pas « perdue dans des manoeuvres procédurales visant à (en) retarder l'examen » 2 ( * ) . Plus simplement, elle s'est heurtée à la précipitation qui a présidé à la conduite gouvernementale de ce dossier. Les délais très contraints du calendrier qui lui ont été imposés - quatorze jours entre le dépôt du projet de loi sur le Bureau du Sénat et l'ouverture de la discussion en séance publique - ne lui ont pas permis de procéder au débat approfondi et serein nécessaire aux enjeux portés par une réforme d'une telle ampleur.

Pourtant, dans ce très court laps de temps, le Sénat s'est pleinement mobilisé dans l'examen du projet de loi d'abord au sein de sa commission spéciale, même si celle-ci n'est finalement pas parvenue à adopter un texte, puis en séance publique. Les sénateurs ont ainsi voté plusieurs mesures destinées à faciliter la mise en oeuvre de la réforme même s'ils n'ont pas à ce stade dessiné une nouvelle carte régionale.

Deux semaines plus tard, l'Assemblée nationale adoptait le projet de loi après l'avoir modifié.

Le Sénat en est donc aujourd'hui à nouveau saisi. Entretemps, après le renouvellement de la moitié des sièges de sénateurs lors de l'élection du 28 septembre dernier, sa commission spéciale a été reconstituée ; elle a nommé un nouveau rapporteur, en remplacement de notre collègue Michel  Delebarre, qui s'en est retiré.

À la demande du Président du Sénat, l'ouverture de la discussion de deuxième lecture a été différée d'une semaine. Ce report a permis à la commission spéciale et à son rapporteur d'approfondir leur réflexion pour adopter un texte mieux ajusté aux enjeux multiples de la réforme territoriale qui se prolongera au sein de notre Haute Assemblée, par l'examen, dans quelques semaines, du projet de loi modifiant en profondeur l'intercommunalité et réorganisant les compétences entre les différents niveaux de collectivités 3 ( * ) . Le Gouvernement propose notamment d'élargir notablement les attributions des régions et de faire de celles-ci des acteurs stratégiques du développement économique des territoires.

Le choix du périmètre des nouvelles régions s'inscrit donc dans le nouvel élan qui leur est donné par la réforme en cours. La pertinence de la carte qu'adoptera le législateur pourrait influer sur le succès de celle-ci. Votre rapporteur regrette, cependant, que le Parlement n'ait pas d'abord été saisi du projet de loi portant organisation territoriale de la République.

Pour l'heure, la première étape est franchie avec l'adoption, par la commission spéciale, du projet de loi redéfinissant l'organisation régionale de la République décentralisée.

I. LES TRAVAUX DU SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE : LE REFUS DE DÉCIDER DANS LA PRÉCIPITATION MALGRÉ UN ACCORD SUR LES PRÉALABLES À LA RÉFORME

Avant de rejeter l'ensemble du texte, votre commission spéciale avait notamment modifié la carte régionale sur plusieurs points. En séance publique, le Sénat, parce qu'il estimait que les contraintes calendaires ne permettaient pas de parvenir à un consensus indispensable pour une réforme d'une telle ampleur, a voté le projet de loi en l'expurgeant des dispositions relatives à la carte régionale et au calendrier électoral. Mais il a introduit dans le texte des principes destinés à encadrer la réforme.

A. LE REJET DE LA NOUVELLE CARTE RÉGIONALE FAUTE DU TEMPS NÉCESSAIRE À UNE RÉFLEXION APPROFONDIE

1. Une carte régionale amendée puis rejetée en raison d'une contrainte calendaire excessive

Après avoir adopté, contre l'avis du rapporteur et du Gouvernement, un amendement de notre collègue François Zocchetto, pour fixer les objectifs de la présente réforme ( article 1 er A ), le Sénat a, en séance publique, adopté les amendements de suppression de l'article 1 er dessinant une nouvelle carte régionale, déposés par nos collègues Éric Doligé, Christian Favier et Jean-François Husson.

Contrairement aux propos de notre collègue, le député Carlos Da Silva, rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, pour lequel ce rejet reflétait le refus de la haute Assemblée de tout découpage régional, le Sénat a estimé qu'une telle réforme, qui concerne l'organisation territoriale de la France de demain, méritait un débat et une réflexion plus approfondis que ne le permettait le calendrier imposé par le Gouvernement. Par ailleurs, votre rapporteur rappelle que la réduction du nombre des régions a été proposée par la mission commune d'information du Sénat portant sur l'avenir de l'organisation décentralisée de la République, dont les conclusions ont fait l'objet d'un large consensus politique. On peut y lire que « l'élargissement des régions de demain rendra celles-ci plus hétérogènes mais, dans le même temps, les conduira à créer des communautés d'intérêt stratégiques. Votre mission n'a pas souhaité proposer une nouvelle carte des régions ; cet exercice nécessite en effet une réflexion associant l'ensemble des acteurs locaux. Elle propose néanmoins de fixer leur nombre entre huit et dix . »

Il convient de rappeler que, avant de rejeter l'ensemble du projet de loi, la commission spéciale avait, sur proposition de son rapporteur, adopté plusieurs amendements visant à améliorer la carte régionale proposée et répondant aux inquiétudes des élus locaux qu'il avait consultés. Ainsi, les modifications retenues par votre commission spéciale visaient à fusionner les régions :

- Pays de la Loire et Centre ;

- Aquitaine, Limousin et Poitou-Charentes ;

- Picardie et Nord-Pas-de-Calais ;

- Champagne-Ardenne, Lorraine et Alsace ;

et à séparer les régions Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon.

La carte ainsi amendée était composée de treize régions, en comptabilisant la Corse (hors réforme), soit une de moins que celle proposée par le projet de loi initial du Gouvernement.

En revanche, la commission spéciale n'avait pas modifié l' article 2 portant sur la fixation du chef-lieu des nouvelles régions et avait supprimé l' article 4 relatif à la date de mise en oeuvre de la nouvelle carte régionale. En séance publique, par cohérence avec la suppression de l'article 1 er , les articles 2 et 4 ont également été supprimés.

2. La simplification des dispositions relatives au regroupement de collectivités territoriales

Alors que le Gouvernement avait, dans un premier temps, estimé que le regroupement des régions devait s'opérer sur une base volontaire avant l'intervention d'une loi, votre commission spéciale a adopté, sur proposition de son rapporteur, plusieurs amendements destinés à faciliter le regroupement de région, des départements, la fusion d'une région et des départements la composant ainsi que du droit d'option d'un département souhaitant changer de région, tels que prévu à l' article 3 . En particulier, votre commission spéciale a adopté la suppression de la consultation obligatoire des électeurs dans les quatre cas précités. En d'autres termes, ceux-ci résulteraient des seules délibérations concordantes des assemblées délibérantes des collectivités territoriales concernées.

En séance publique, malgré l'avis défavorable du rapporteur, un amendement de notre collègue Jacques Mézard a été adopté tendant à supprimer la consultation de la région d'origine lorsqu'un département souhaiterait être rattaché à une autre région.


* 1 Cf. compte rendu de l'audition de M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur, par la commission des lois au cours de sa réunion du 18 juin 2014.

* 2 Cf. rapport n° 2120 AN (XIV e législ.) de M. Carlos Da Silva.

* 3 Cf. projet de loi n° 636 (2013-2014) portant organisation territoriale de la République.

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