B. UN PROJET DE LOI POUR ACHEVER LA TRANSPOSITION DU DISPOSITIF EUROPÉEN DE PROMOTION DU PRINCIPE DE RECONNAISSANCE MUTUELLE DES DÉCISIONS PÉNALES

En matière pénale, plusieurs voies ont été empruntées pour donner corps au principe communautaire de « reconnaissance mutuelle » des décisions de justice.

La première a consisté à interdire aux juridictions d'un État membre de condamner quelqu'un pour des faits déjà jugés par une juridiction d'un autre État membre. Il s'agissait d'imposer, entre États, le respect du principe Non bis in idem (ou Ne bis in idem ), selon lequel nul ne doit être jugé deux fois pour les mêmes faits.

La France appliquait déjà ce principe dans son ordre interne, et, au moins partiellement, dans l'ordre international.

La décision définitive rendue par une juridiction française éteint ainsi l'action publique sur les faits et vis-à-vis des personnes en cause, ce qui interdit à toute autre juridiction française de se prononcer une seconde fois 6 ( * ) . Il en va de même pour les décisions définitives rendues par des juridictions étrangères, si elles portent sur des faits commis à l'étranger par un Français ou à l'encontre d'une victime française 7 ( * ) . Seuls les faits commis sur le territoire français mais jugés à l'étranger font exception à cette règle : l'État français conserve le droit de les poursuivre, toutefois, lors de l'exécution de la peine prononcée en France, il doit être tenu compte de la durée de la détention subie à l'étranger 8 ( * ) .

Cette dernière exception n'a plus lieu d'être, dans le cadre de l'Union européenne, depuis la consécration du principe Non bis in idem , à l'article 50 de la charte des droits fondamentaux 9 ( * ) . Une infraction déjà jugée dans un autre État membre ne peut plus l'être en France, à une exception près, formulée par le Conseil constitutionnel : cette règle ne s'applique pas à la répression des crimes et délits portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation prévus au titre I er du livre IV du code pénal 10 ( * ) .

La seconde voie suivie pour asseoir le principe de reconnaissance mutuelle des décisions pénales a consisté à éviter que deux procédures soient conduites en parallèle, alors que la première qui s'imposera interdira à l'autre de s'achever, en vertu du principe Non bis in idem .

Telle est la voie explorée par la décision-cadre transposée au premier article du présent texte 11 ( * ) , qui vise à encourager les autorités judiciaires compétentes à échanger avec leurs homologues saisies des mêmes faits, afin de s'accorder sur celles qui conduiront les poursuites.

Enfin, une troisième option consiste à développer l'entraide judiciaire, en permettant à l'autorité judiciaire d'un État membre d'obtenir l'application d'une de ses décisions dans un autre État membre. C'est ce que prévoyait notamment la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil de l'Union européenne du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen.

C'est aussi ce que prévoient les décisions-cadres transposées aux articles 2 et 3 du présent texte, respectivement consacrées, d'une part, à la reconnaissance et à la surveillance des mesures de contrôle judiciaire 12 ( * ) , et, d'autre part, à l'exécution des condamnations ou des décisions probatoires 13 ( * ) .

Les articles 4 et 5 opèrent quelques coordinations rendues nécessaires par les articles 2 et 3, pour la désignation des autorités compétentes ou le recours à la visio-conférence.

L'article 6 ne présente aucun lien avec les autres dispositions. Il transpose une mesure spécifique de la directive du 13 décembre 2014 sur l'asile, qui devrait faire l'objet d'une transposition plus complète dans le projet de loi de réforme de l'asile annoncé depuis plusieurs mois.

Enfin, les articles 7 et 8 règlent l'application de la loi sur l'ensemble du territoire de la République et son entrée en vigueur.


* 6 Art. 6, 368 et 692 du code de procédure pénale.

* 7 Art. 113-9 du code pénal.

* 8 Chambre criminelle de la Cour de cassation, 23 octobre 2013, Req. n° 13-83.499.

* 9 Avant cette consécration, il l'était déjà à l'article 54 de la convention de Schengen du 19 juin 1990, mais sous deux réserves importantes : d'une part, il ne concernait pas les infractions commises exclusivement en France, ou en partie sur le territoire français, pour peu qu'elles n'aient par ailleurs pas été commises sur le territoire de l'État qui a rendu le premier jugement ; d'autre part, le principe non bis in idem ne s'appliquait pas non plus aux infractions contre la sûreté de l'État ou d'autres intérêts également essentiels.

* 10 CC, n° 2004-505 DC du 19 novembre 2004, Traité établissant une Constitution pour l'Europe , Rec . p. 173.

* 11 Décision-cadre 2009/948/JAI du Conseil du 30 novembre 2009 relative à la prévention et au règlement des conflits en matière d'exercice de la compétence dans le cadre des procédures pénales .

* 12 Décision-cadre 2009/829/JAI du Conseil du 23 octobre 2009 concernant l'application, entre les États membres de l'Union européenne, du principe de reconnaissance mutuelle aux décisions relatives à des mesures de contrôle en tant qu'alternative à la détention provisoire .

* 13 Décision-cadre 2008/947/JAI du Conseil du 27 novembre 2008 concernant l'application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements et aux décisions de probation aux fins de la surveillance des mesures de probation et des peines de substitution .

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