Rapport n° 61 (2014-2015) de M. François ZOCCHETTO , fait au nom de la commission des lois, déposé le 29 octobre 2014

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N° 61

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015

Enregistré à la Présidence du Sénat le 29 octobre 2014

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l' Union européenne (PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE),

Par M. François ZOCCHETTO,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Bas , président ; Mme Catherine Troendlé, MM. Jean-Pierre Sueur, Jean-René Lecerf, Alain Richard, Jean-Patrick Courtois, Alain Anziani, Yves Détraigne, Mme Éliane Assassi, M. Pierre-Yves Collombat, Mme Esther Benbassa , vice-présidents ; MM. François-Noël Buffet, Michel Delebarre, Christophe-André Frassa, Thani Mohamed Soilihi , secrétaires ; MM. Christophe Béchu, Jacques Bigot, François Bonhomme, Luc Carvounas, Gérard Collomb, Mme Cécile Cukierman, M. Mathieu Darnaud, Mme Jacky Deromedi, M. Félix Desplan, Mme Catherine Di Folco, MM. Vincent Dubois, Christian Favier, Pierre Frogier, Mme Jacqueline Gourault, MM. François Grosdidier, Jean-Jacques Hyest, Mlle Sophie Joissains, MM. Philippe Kaltenbach, Jean-Yves Leconte, Roger Madec, Alain Marc, Didier Marie, Jean Louis Masson, Michel Mercier, Jacques Mézard, François Pillet, Hugues Portelli, André Reichardt, Bernard Saugey, Simon Sutour, Mme Catherine Tasca, MM. René Vandierendonck, Jean-Pierre Vial, François Zocchetto .

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

482 (2013-2014) et 62 (2014-2015)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le mercredi 29 octobre 2014 sous la présidence de M.  Philippe Bas, président , la commission des lois a examiné le rapport de M. François Zocchetto et établi son texte sur le projet de loi n° 482 (2013-2014), portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne .

Ce projet de loi, pour lequel la procédure accélérée a été engagée, est principalement destiné à achever la transposition des dernières décisions-cadres européennes adoptées, en matière pénale, avant l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne : l'une est consacrée à la prévention et au règlement des conflits de procédures pénales, les deux autres à la reconnaissance mutuelle des mesures de contrôle judiciaire et des condamnations à des peines probatoires.

Regrettant le retard pris dans la transposition de ces décisions-cadres, la commission des lois a reconnu non seulement la nécessité de cette transposition au regard de nos engagements européens, mais aussi son utilité pour les citoyens français : le texte proposé leur garantira, s'ils sont poursuivis ou condamnés dans un autre État membre, de pouvoir revenir en France exécuter le contrôle judiciaire ou la mesure de probation prononcés contre eux.

Validant pour l'essentiel les options de transposition du projet de loi, elle a adopté vingt-deux amendements et sous-amendements de son rapporteur et trois amendements du Gouvernement .

Les amendements de son rapporteur ont eu un triple objet : garantir le respect, par les procédures proposées, des canons de notre procédure pénale ; rester dans les limites de la transposition nécessaire ; assurer au justiciable une information suffisante sur les décisions prises à son encontre lors de la mise en oeuvre de ces procédures, ainsi qu'un recours pour les contester.

Les mêmes raisons de nécessité et d'utilité qui ont convaincu votre commission d'adopter les dispositions du présent projet de loi, l'ont conduite à reprendre, sous réserve de quelques modifications, les amendements du Gouvernement tendant, d'une part, à étendre le champ de la transposition à deux directives relatives aux droits et à la protection des victimes et, d'autre part, à procéder à des rectifications nécessaires pour tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel sur l'escroquerie en bande organisée ou garantir le caractère exécutoire par provision des condamnations pour manquements aux obligations d'une contrainte pénale.

Votre commission a adopté le présent projet de loi ainsi modifié .

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est saisi en première lecture d'un nouveau projet de loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne 1 ( * ) , un peu plus d'un an après l'adoption d'un précédent projet de loi analogue 2 ( * ) .

Une nouvelle fois, la procédure législative accélérée a été engagée, parce que la France est sous la menace, à partir du 1 er décembre prochain, d'actions en manquement engagées devant la Cour de justice de l'Union européenne par la Commission européenne si elle ne transpose pas les décisions-cadres auxquelles ce texte est consacré.

La cause première de ce recours à la procédure accélérée est toutefois l'inscription tardive du texte à notre ordre du jour, alors qu'il a été déposé devant le bureau de notre assemblée le 23 avril dernier. On ne peut que regretter, au vu des progrès accomplis pour la transposition des textes communautaires dans d'autres domaines, qu'en matière de justice et d'affaires intérieures, les gouvernements, comme le lièvre de la fable, tentent de rattraper par une course législative rapide, le retard accumulé, faute d'un départ à temps.

L'opportunité du présent texte n'est toutefois pas contestable. Les dispositifs qu'il transpose visent à donner corps à l'espace judiciaire européen en améliorant la coordination entre les magistrats des différents États membres et en étendant le champ des décisions de procédure pénales susceptibles d'être exécutées dans un autre État que celui qui les a prononcées.

L'examen parlementaire de textes de transposition est nécessairement plus contraint que celui d'un projet ou d'une proposition de loi ordinaire, puisqu'il est borné par les directives ou les décisions-cadres. Toutefois ceux-ci laissent aux législateurs nationaux une certaine marge d'appréciation pour s'assurer de la bonne intégration de la norme européenne dans leur droit interne.

À cet égard, votre rapporteur a inscrit ses travaux dans le droit fil des principes retenus par votre commission en matière de transposition, en veillant à ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour la transposition, en adaptant les termes juridiques européens au vocabulaire de notre droit et en s'appuyant, autant qu'il est possible, sans les remettre en cause, sur les principes et les procédures en vigueur dans notre pays.

I. LA TRANSPOSITION NÉCESSAIRE DES DERNIÈRES DÉCISIONS-CADRES ADOPTÉES EN MATIÈRE PÉNALE AVANT L'ENTRÉE EN VIGUEUR DU TRAITÉ DE LISBONNE

A. LE CADRE NORMATIF EUROPÉEN EN MATIÈRE DE DROIT PÉNAL

Comme le rappelait notre collègue Alain Richard, dans son rapport sur le précédent projet de loi de transposition de normes pénales communautaires, « l'intervention de l'Union européenne dans la matière pénale a été tardive, tant, pendant longtemps, elle a semblé incompatible avec le principe de la souveraineté nationale et de la compétence exclusive des Parlements nationaux dans un domaine par essence régalien » 3 ( * ) .

Deux étapes ont jalonné l'évolution vers la situation actuelle.

La première a débuté avec le traité d'Amsterdam, entré en vigueur le 1 er mai 1999, qui a assigné à l'Union européenne un nouvel objectif, la création d'un « espace de liberté, de sécurité et de justice ». Cette création, conçue comme le troisième pilier de la construction communautaire, devait notamment passer par le renforcement de la coopération judiciaire en matière pénale.

Conformément aux principes dégagés lors du Conseil européen de Tampere (15-16 octobre 1999), l'action de l'Union en cette matière reposait en particulier sur le principe de la reconnaissance mutuelle par chaque juge européen des décisions prises par ses homologues des autres États membres : il s'agissait d'éviter la formalité de l'exequatur par laquelle le juge national décide de donner effet au jugement étranger, et obtenir ainsi une application plus directe des décisions étrangères.

Le traité de Lisbonne entré en vigueur le 1 er décembre 2009 a constitué la seconde étape de cette évolution. L'intervention de l'Union en matière pénale s'est encore renforcée puisque cette matière, qui relevait jusque-là exclusivement de la négociation intergouvernementale (et donc de la règle de l'unanimité), a basculé dans le champ de la législation ordinaire, ce qui autorise, depuis lors, l'adoption de directives ou de règlements européens à une majorité qualifiée.

En outre, la juridiction de la Cour de justice de l'Union européenne a été étendue aux décisions-cadres prises sur le fondement du Traité d'Amsterdam par les États membres en cette matière, ce qui signifie que les États pourraient être attaqués devant cette cour à raison de la non-transposition dans leur droit des dispositions de ces décisions. Un délai transitoire de cinq ans a été accordé aux États membres pour satisfaire à cette obligation. Il arrive à échéance le 1 er décembre prochain.

C'est ce qui explique que, depuis quelques années, le Gouvernement ait entrepris de transposer les décisions-cadres adoptées en matière pénale sous le régime du traité d'Amsterdam.

Ces décisions ont été nombreuses, puisqu'à la fin de l'année 2011 on comptait « pas moins de 14 textes de coopération judiciaire et 16 de rapprochement de droit pénal matériel, principalement des décisions-cadres » 4 ( * ) .

Selon les informations fournies à votre rapporteur par le secrétariat général aux affaires européennes (SGAE), après l'adoption du précédent projet de loi d'adaptation au droit de l'Union européenne précité, il ne resterait plus que trois décisions-cadres, antérieures au traité de Lisbonne, à transposer dans notre droit, ce que propose le présent texte :

- d'une part, la décision-cadre 2009/829/JAI concernant l'application, entre les États membres de l'Union européenne, du principe de reconnaissance mutuelle aux décisions relatives à des mesures de contrôle en tant qu'alternative à la détention provisoire ;

- d'autre part, la décision-cadre 2008/947/JAI concernant l'application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements et aux décisions de probation aux fins de la surveillance des mesures de probation et des peines de substitution ;

- et enfin, la décision-cadre 2009/948/JAI relative à la prévention et au règlement des conflits en matière d'exercice de la compétence dans le cadre des procédures pénales.

La liste des textes à transposer n'est pas pour autant close : dix directives relatives au droit pénal ont été adoptées sous l'empire du traité de Lisbonne. Selon les informations fournies par le SGAE à votre rapporteur, trois d'entre elles verront leur délai de transposition arriver à échéance en 2015, quatre en 2016, et la dernière en 2017. Par ailleurs, au moins huit propositions de textes pénaux sont en cours de discussion 5 ( * ) .

B. UN PROJET DE LOI POUR ACHEVER LA TRANSPOSITION DU DISPOSITIF EUROPÉEN DE PROMOTION DU PRINCIPE DE RECONNAISSANCE MUTUELLE DES DÉCISIONS PÉNALES

En matière pénale, plusieurs voies ont été empruntées pour donner corps au principe communautaire de « reconnaissance mutuelle » des décisions de justice.

La première a consisté à interdire aux juridictions d'un État membre de condamner quelqu'un pour des faits déjà jugés par une juridiction d'un autre État membre. Il s'agissait d'imposer, entre États, le respect du principe Non bis in idem (ou Ne bis in idem ), selon lequel nul ne doit être jugé deux fois pour les mêmes faits.

La France appliquait déjà ce principe dans son ordre interne, et, au moins partiellement, dans l'ordre international.

La décision définitive rendue par une juridiction française éteint ainsi l'action publique sur les faits et vis-à-vis des personnes en cause, ce qui interdit à toute autre juridiction française de se prononcer une seconde fois 6 ( * ) . Il en va de même pour les décisions définitives rendues par des juridictions étrangères, si elles portent sur des faits commis à l'étranger par un Français ou à l'encontre d'une victime française 7 ( * ) . Seuls les faits commis sur le territoire français mais jugés à l'étranger font exception à cette règle : l'État français conserve le droit de les poursuivre, toutefois, lors de l'exécution de la peine prononcée en France, il doit être tenu compte de la durée de la détention subie à l'étranger 8 ( * ) .

Cette dernière exception n'a plus lieu d'être, dans le cadre de l'Union européenne, depuis la consécration du principe Non bis in idem , à l'article 50 de la charte des droits fondamentaux 9 ( * ) . Une infraction déjà jugée dans un autre État membre ne peut plus l'être en France, à une exception près, formulée par le Conseil constitutionnel : cette règle ne s'applique pas à la répression des crimes et délits portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation prévus au titre I er du livre IV du code pénal 10 ( * ) .

La seconde voie suivie pour asseoir le principe de reconnaissance mutuelle des décisions pénales a consisté à éviter que deux procédures soient conduites en parallèle, alors que la première qui s'imposera interdira à l'autre de s'achever, en vertu du principe Non bis in idem .

Telle est la voie explorée par la décision-cadre transposée au premier article du présent texte 11 ( * ) , qui vise à encourager les autorités judiciaires compétentes à échanger avec leurs homologues saisies des mêmes faits, afin de s'accorder sur celles qui conduiront les poursuites.

Enfin, une troisième option consiste à développer l'entraide judiciaire, en permettant à l'autorité judiciaire d'un État membre d'obtenir l'application d'une de ses décisions dans un autre État membre. C'est ce que prévoyait notamment la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil de l'Union européenne du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen.

C'est aussi ce que prévoient les décisions-cadres transposées aux articles 2 et 3 du présent texte, respectivement consacrées, d'une part, à la reconnaissance et à la surveillance des mesures de contrôle judiciaire 12 ( * ) , et, d'autre part, à l'exécution des condamnations ou des décisions probatoires 13 ( * ) .

Les articles 4 et 5 opèrent quelques coordinations rendues nécessaires par les articles 2 et 3, pour la désignation des autorités compétentes ou le recours à la visio-conférence.

L'article 6 ne présente aucun lien avec les autres dispositions. Il transpose une mesure spécifique de la directive du 13 décembre 2014 sur l'asile, qui devrait faire l'objet d'une transposition plus complète dans le projet de loi de réforme de l'asile annoncé depuis plusieurs mois.

Enfin, les articles 7 et 8 règlent l'application de la loi sur l'ensemble du territoire de la République et son entrée en vigueur.

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION : UN PROJET DE LOI NÉCESSAIRE, QUI APPELLE QUELQUES AMÉNAGEMENTS


• L'adoption, sous réserve de quelques modifications, des articles transposant les décisions-cadres

Votre commission a jugé ce texte à la fois nécessaire, au regard de nos engagements européens, et utile, parce qu'en renforçant l'entraide judiciaire européenne, il contribue à l'efficacité de nos politiques pénales. En outre, il est légitime qu'un ressortissant européen puisse exécuter dans le pays où il réside effectivement le contrôle judiciaire ou la peine de probation à laquelle il a été condamné dans un autre État.

Elle a donc adopté les articles 1 er à 4 , en y apportant toutefois certains amendements.

À l'article 1 er , relatif à la prévention et au règlement des conflits de procédures pénales, votre commission a redéfini, pour les mettre en conformité avec les termes de la décision-cadre, les obligations d'information auxquelles les magistrats français seront tenus lorsqu'ils conduiront une procédure pénale identique à celle que mènent leurs homologues étrangers. Elle a, par ailleurs, imposé que le juge français qui décidera seul de suspendre ses investigations, dans l'attente de l'issue de la procédure conduite par un de ses homologues, en avertisse les parties.

À l'article 2 , consacré à la reconnaissance et à l'exécution dans un autre État membre du contrôle judiciaire décidé dans un premier État, elle a corrigé la liste des mesures pouvant faire l'objet d'une telle reconnaissance, pour la faire exactement correspondre avec celles susceptibles d'être prononcées en France.

Votre commission a largement approuvé les dispositions des articles 3 et 4 . Celles-ci devraient en effet permettre à davantage de ressortissants de l'Union européenne d'effectuer une peine de probation dans leur État de résidence habituelle, ce qui est susceptible d'améliorer leurs chances d'insertion ou de réinsertion, conformément aux objectifs fixés par la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales.

Toutefois, votre rapporteur s'est interrogé sur l'inclusion ou non de la mesure de contrainte pénale, telle qu'instaurée par cette même loi du 15 août 2014, dans le champ de la décision-cadre « probation ». En effet, l'article 2 de la décision-cadre « probation », qui définit l'ensemble des mesures de probation concernées, semble pouvoir s'appliquer à une telle mesure. Or, la transposition des dispositions en cause par l'article 3 du présent projet de loi n'évoque que les condamnations avec ajournement, ce qui ne semble pas permettre l'application de la reconnaissance mutuelle à des décisions de contraintes pénales. Dès lors, votre commission a prévu d'inclure explicitement la contrainte pénale parmi les mesures qui pourront faire l'objet d'une exécution dans un État membre autre que celui qui a prononcé la condamnation.

Enfin, votre commission a supprimé l'article 5 , qui assurait une coordination sans objet.


• L'ajout, à la demande du Gouvernement, de nouvelles transpositions

Arguant de la même nécessité européenne, le Gouvernement a déposé deux amendements, adoptés par votre commission sous réserve de quelques modifications ( articles 4 bis et 4 ter [nouveaux] ), procédant à la transposition de deux directives dont le délai de transposition arrive à échéance en 2015. La première définit la procédure de reconnaissance, au sein de l'Union européenne, de la décision de protection européenne dont peut bénéficier une victime 14 ( * ) . La seconde vise à établir des standards communs, dans le droit de chaque État membre, pour la protection des victimes d'infractions pénales 15 ( * ) .


• La prise en compte de rectifications nécessaires

Le Gouvernement a souhaité profiter du présent texte pour apporter quelques corrections à deux dispositions du code de procédure pénale rendues nécessaires, l'une par la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur l'impossibilité du recours à la garde à vue de 96 heures en matière d'escroquerie en bande organisée 16 ( * ) , l'autre par le nouveau dispositif de la contrainte pénale.

Votre commission a estimé que ces deux amendements pouvaient être adoptés ( articles 5 bis et 5 ter [nouveaux] ), dans la mesure où ils étaient nécessaires pour garantir une entière sécurité juridique à des procédures pénales importantes.

*

* *

Au bénéfice de l'ensemble de ces observations, votre commission des lois a adopté le projet de loi ainsi modifié .

EXAMEN DES ARTICLES
CHAPITRE IER - DISPOSITION TENDANT À TRANSPOSER LA DÉCISION-CADRE 2009/948/JAI DU CONSEIL DU 30 NOVEMBRE 2009 RELATIVE À LA PRÉVENTION ET AU RÈGLEMENT DES CONFLITS EN MATIÈRE D'EXERCICE DE LA COMPÉTENCE DANS LE CADRE DES PROCÉDURES PÉNALES

Article 1er (section 8 [nouvelle] du chapitre II du titre X du livre IV du code de procédure pénale : art. 695-9-54 à 695-9-57 [nouveaux]) - Échange d'informations entre les autorités pénales françaises et leurs homologues européennes, afin d'éviter le cumul de procédures sur les mêmes faits

Cet article vise à transposer dans notre droit la procédure définie par la décision-cadre 2009/948/JAI du Conseil de l'Union européenne du 30 novembre 2009, dont l'objet est d'éviter, par un échange d'informations suffisamment précoce, la conduite, dans plusieurs États membres de l'Union européenne, de procédures pénales parallèles portant sur les mêmes faits et mettant en cause les mêmes personnes.


L'absence actuelle, au sein de l'Union européenne, de mécanismes de dessaisissement d'une autorité judiciaire d'un État membre au profit de celle d'un autre État membre

La décision cadre du 30 novembre 2009 tente d'apporter une réponse, à l'échelle européenne, à une question - le conflit qu'engendre la poursuite, dans plusieurs États membres, de procédures pénales parallèles, relatives à la même affaire - qui est résolue, dans notre système judiciaire national, par le mécanisme du dessaisissement d'un juge au profit d'un autre.

En France, lorsque deux juges d'instruction ou deux juridictions pénales sont saisis des mêmes faits impliquant les mêmes personnes, le ministère public ou les parties peuvent demander le renvoi de l'affaire à un seul d'entre eux.

Dans le cas de l'instruction et seulement si la demande émane du parquet, ce dessaisissement peut être décidé d'un commun accord par les juges concernés (procédure dite du « dessaisissement amiable ») 17 ( * ) . À défaut d'accord ou lorsque le conflit de compétence concerne deux tribunaux correctionnels, deux tribunaux de police ou deux juridictions de proximité, la décision échoit à la chambre de l'instruction. Dans tous les autres cas, en particulier pour les cours d'assises, il revient à la chambre criminelle de la Cour de cassation de décider quel tribunal ou quel juge sera compétent pour l'affaire. L'arrêt rendu par les juridictions supérieures sur cette question est appelé « arrêt de règlement de juges ».

Un tel arrêt, rendu par une chambre d'instruction, est signifié aux parties et peut faire l'objet d'un recours en cassation 18 ( * ) . Lorsque la chambre criminelle de la Cour de cassation est saisie, elle peut communiquer la requête aux parties, afin qu'elles lui retournent leurs observations 19 ( * ) .

Ces procédures de dessaisissement ne concernent que des autorités judiciaires françaises. Le cas d'un dessaisissement au profit d'un juge étranger n'est pas prévu, sauf dans le cas très particulier de certains tribunaux pénaux internationaux 20 ( * ) .

Une telle procédure n'existe pas non plus, en matière pénale, au niveau européen.

La décision-cadre que transpose le présent article est une première tentative pour avancer dans cette voie, en laissant cependant aux autorités judiciaires toute latitude pour décider des suites à donner au constat que plusieurs procédures parallèles sont conduites dans plusieurs États membres.


Le dispositif proposé par la décision-cadre : une obligation d'information pour favoriser un dessaisissement amiable

Le dispositif promu par la décision-cadre comporte deux volets.

Le premier est contraignant pour les autorités judiciaires des États membres. Il s'agit d'une obligation de prise de contact et d'échange d'informations.

Si l'une d'entre elles a des motifs raisonnables de croire qu'une procédure pénale est ouverte dans un autre pays, qui met en cause les mêmes faits et les mêmes personnes que celle qu'elle conduit elle-même, elle doit contacter l'autorité compétente de l'État intéressé et lui fournir un certain nombre de renseignements (description des circonstances de l'affaire, renseignements pertinents sur les personnes impliquées, état d'avancement de la procédure, informations sur la détention provisoire ou la garde à vue des intéressés).

L'autorité interpellée est tenue de lui répondre, en confirmant si une procédure pénale identique est bien en cours dans son pays et quel est l'état de son avancement. Une trace écrite de ces échanges d'informations doit être conservée.

Les deux autorités doivent alors engager des consultations « en vue de dégager un consensus sur toute solution efficace visant à éviter les conséquences négatives découlant de l'existence d'une telle procédure parallèle et qui peut, le cas échéant, conduire à la concentration de la procédure pénale dans un État membre » 21 ( * ) . Il s'agit là du second volet du dispositif, qui relève plus d'une obligation de moyen que de résultat : chaque autorité apprécie souverainement quelles conséquences elle doit tirer de la situation.

Toutefois, pendant cette consultation, une obligation de réponse aux demandes d'informations qui lui sont adressées par l'autre partie continue de peser sur l'autorité judiciaire compétente, dans la mesure de ce qui est, selon les termes de la décision-cadre : « raisonnablement possible ». Cette dernière peut toutefois s'y opposer si les informations demandées sont susceptibles de nuire aux intérêts nationaux essentiels en matière de sécurité ou de compromettre la sécurité d'une personne 22 ( * ) .

En l'absence de consensus, Eurojust peut être saisi, pour les domaines qui relèvent de sa compétence. Cette mention d'Eurojust, dans la présente décision-cadre, ne crée pas un recours supplémentaire : il s'agit du simple rappel de la compétence générale d'Eurojust pour améliorer la coordination entre les autorités judiciaires des différents États membres.

La décision-cadre offre la possibilité aux États membres de décider quelles langues officielles de l'Union européenne ils utiliseront pour satisfaire aux obligations de communication ou de consultation prévues par ce texte. Enfin, elle autorise ces mêmes États à appliquer, pour le surplus, les dispositions plus favorables pour la coordination des procédures pénales parallèles qui résulteraient d'autres textes internationaux ou de conventions bilatérales.


Le choix d'une transposition a minima

Le Gouvernement propose de transposer le dispositif de la décision-cadre en ne retenant, dans la loi, que le strict nécessaire et en renvoyant le reste au décret d'application.

Ce choix témoigne d'une volonté de ne reprendre dans la loi que ce qui crée une obligation pour les autorités judiciaires nationales ou ce qui fait exception à certaines règles de notre code de procédure pénale. Les autres dispositions de la décision-cadre, qui fixent les modalités selon lesquelles il est procédé à la prise de contact ou à l'échange d'informations, relèveraient du pouvoir réglementaire.

Le présent article propose donc de créer une huitième section au sein du chapitre II du titre X du livre IV du code de procédure pénale, actuellement dévolu aux dispositions spécifiques en matière d'entraide judiciaire entre États membres de l'Union européenne, qui rassemblerait trois articles, 695-9-54 à 695-9-56 .

Le premier article ( article 696-9-54 du code de procédure pénale ) établit, à l'encontre des autorités judiciaires 23 ( * ) , une obligation d'échange d'informations en cas de procédures pénales parallèles. Il rappelle le but de cet échange d'informations : éviter la coexistence de telles procédures au sein de l'Union.

Le deuxième article ( article 695-9-55 ) crée une dérogation au secret de l'instruction, en faveur de ce dispositif d'échange d'informations. Cette disposition est rendue nécessaire par la généralité des termes employés à l'article 11 du code de procédure pénale qui dispose que, « sauf dans les cas où la loi en dispose autrement et sans préjudice des droits de la défense, la procédure au cours de l'enquête et de l'instruction est secrète ». En l'absence d'une mention expresse contraire, les magistrats qui livreraient à leurs homologues étrangers des informations sur les affaires en cours, se rendraient coupables d'une atteinte au secret professionnel auquel ils sont tenus 24 ( * ) .

La dérogation reprend presque mot pour mot trois des quatre types d'informations - outre les coordonnées respectives des autorités compétentes - dont l'article 8 de la décision-cadre impose la transmission : les informations relatives aux faits et aux circonstances, les renseignements pertinents sur l'identité des personnes poursuivies et des victimes, l'état d'avancement de la procédure.

Elle englobe aussi les décisions rendues sur les procédures, ce qui recouvre le dernier type d'informations obligatoirement transmises, celles relatives à la détention provisoire ou à la garde à vue, sans s'y limiter : les mesures de contrôle judiciaire, les actes d'instruction ou d'enquête pourraient ainsi faire l'objet de cet échange d'informations.

En revanche, le Gouvernement ne propose pas d'autoriser l'échange d'informations complémentaires pertinentes sur la procédure et les difficultés rencontrées dans ce cadre, comme le deuxième paragraphe de l'article 8 de la décision-cadre en offre la faculté.

Le troisième article ( article 695-9-56 ), proposé par le Gouvernement, vise à reprendre l'exception à l'échange d'informations prévue par l'article 10, §3 de la décision-cadre précitée, qui permet de ne pas communiquer les renseignements demandés de nature à nuire aux intérêts fondamentaux de l'État en matière de sécurité nationale ou à compromettre la sécurité d'une personne.

Le présent article ne limite pas cette exception aux seules consultations directes après les premiers échanges obligatoires d'informations, comme le prévoit la décision-cadre. Ce faisant, il autorise les autorités judiciaires françaises à refuser de communiquer dès le début sur certaines procédures en cours .


La position de votre commission

La transposition proposée n'est pas seulement nécessaire - comme on l'a vu précédemment, la Cour de justice de l'Union européenne pourra connaître, à partir du 1 er décembre 2014, de l'absence de transposition de cette décision-cadre par la France -, elle est aussi légitime. La souveraineté française est respectée, puisque les autorités judiciaires de notre pays resteront libres de poursuivre leurs investigations ou de les interrompre au profit des autorités d'un autre État membre.

Le choix du Gouvernement de n'inscrire dans la loi que les dispositions strictement nécessaires est aussi pertinent, puisqu'il évite de surcharger la partie législative du code de procédure pénale de dispositions qui n'intéressent que les relations administratives entre les autorités compétentes de pays de l'Union européenne et qui n'engagent pas les libertés de nos concitoyens.

Toutefois, votre rapporteur a attiré l'attention de votre commission sur plusieurs difficultés posées par le texte, qu'il lui a proposé de lever par voie d'amendement.

En premier lieu, la transposition ne distingue pas aussi clairement que la décision-cadre l'articulation de la procédure en deux phases : une première phase d'entrée en contact, avec un échange d'informations limité, une seconde phase de consultation, avec un échange d'informations beaucoup plus étendu, borné seulement par deux limites : ce qu'il est « raisonnablement possible » de répondre et ce qui ne nuit pas « aux intérêts nationaux essentiels » ni ne compromet « la sécurité d'une personne ».

Faute de bien distinguer ces deux phases, le présent article permet qu'il soit donné plus d'informations que nécessaire au cours de la première, mais moins que demandé par la décision-cadre au cours de la seconde.

Afin de procéder à une transposition plus conforme de la décision-cadre et éviter ainsi tout risque d'action en manquement à l'encontre de la France, votre commission a adopté un amendement de son rapporteur, distinguant plus nettement les deux phases et y associant des régimes d'information adaptés.

En particulier, lorsque des consultations seront engagées entre les autorités compétentes des États membres, l'autorité judiciaire française pourra fournir à ses homologues toute information pertinente relative à la procédure qu'ils lui demanderaient, à la condition que cette communication « ne nuise pas au bon déroulement de l'enquête ou de l'instruction » 25 ( * ) . Cette exception, que votre commission a retenue, vise à traduire concrètement la limite du « raisonnablement possible » dans l'échange d'informations, utilisée par la directive : elle renvoie autant à des difficultés matérielles qu'au risque qu'une divulgation trop large de l'information ferait peser sur les investigations.

L'exception relative aux intérêts nationaux ou à la sécurité des personnes serait aussi conservée dans ce cas.

Elle ne jouerait pas en revanche, lors de la première phase de prise de contact entre les autorités judiciaires. En effet, les informations délivrées à cette occasion seraient limitées aux seules informations dont la décision-cadre rend la transmission obligatoire : il s'agit d'informations très générales qui ne paraissent pas susceptibles de compromettre ces intérêts.

La seconde difficulté posée par la présente transposition a trait aux conséquences de la procédure.

La décision-cadre assigne expressément comme objectif au dispositif proposé d'éviter la coexistence de procédures pénales parallèles en favorisant la concentration de celles-ci dans un seul État membre 26 ( * ) . Toutefois, elle ne crée pas une procédure de dessaisissement formel d'un juge au profit de son homologue étranger. Une telle procédure aurait limité la souveraineté des États en matière de poursuite pénale.

Votre rapporteur s'est donc interrogé sur les suites qui pourront être données aux consultations engagées entre les juges.

En réalité, en l'absence, comme on l'a vu, de toute procédure de dessaisissement d'un magistrat français au profit d'une autorité étrangère, la seule réponse qui pourra être apportée par la France à la demande qui lui sera faite de se dessaisir au profit de l'autorité compétente d'un autre État membre, sera soit d'abandonner les poursuites, si l'on est au stade de l'enquête préliminaire par le parquet, soit de mettre en suspens l'instruction de l'affaire, si une information judiciaire a été ouverte.

L'avantage d'une telle solution est d'éviter la clôture définitive de l'affaire, comme le ferait une ordonnance de non-lieu, en permettant qu'elle se poursuive, pour peu que la prescription des faits ait été interrompue par des actes d'investigation symboliques. À défaut de décision définitive et si l'affaire est classée sans suite à l'étranger, elle pourra alors être poursuivie en France. Elle n'interdit pas non plus que les magistrats coordonnent leurs efforts, en mobilisant pour ce faire les moyens de l'entraide judiciaire.

En revanche, l'inconvénient d'une telle solution est de laisser la partie civile désemparée, puisqu'elle ne pourra contester efficacement la décision du magistrat de laisser son collègue étranger conduire ses investigations, comme elle aurait pu le faire si une décision formelle de dessaisissement 27 ( * ) , une décision de classement sans suite 28 ( * ) ou une ordonnance de non-lieu 29 ( * ) avait été rendue. Le risque est alors qu'un justiciable français soit privé, dans les faits, d'un procès tenu en France, alors qu'il serait fondé à le réclamer.

Ce risque peut paraître abstrait si l'on considère que, bien souvent, ce qui déterminera un juge à interrompre ses investigations au profit de son collègue étranger sera sa plus grande difficulté à conduire efficacement les poursuites, parce que la personne mise en cause échappera à sa juridiction ou que les faits se seront déroulés à l'étranger.

Un tel risque n'est pas pour autant inexistant et il convient de donner au justiciable les moyens d'y parer, en étant dûment informé de la décision du magistrat de ne plus réaliser de nouvelles investigations. Ainsi la partie civile pourra, par exemple, adresser au juge d'instruction une demande d'actes pour l'amener à poursuivre son instruction 30 ( * ) .

À l'invitation de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement instituant une telle garantie d'information. Cette solution est préférable à celle de la création d'une procédure exceptionnelle de dessaisissement, qui serait allé bien au-delà de ce qu'exige la transposition de la décision-cadre et aurait fait perdre au dispositif la souplesse qu'il revendique et dont s'accommode parfaitement la conduite des investigations par les autorités judiciaires.

Votre commission a adopté l'article 1 er ainsi modifié .

CHAPITRE II - DISPOSITION TENDANT À TRANSPOSER LA DÉCISION-CADRE 2009/829/JAI DU CONSEIL DU 23 OCTOBRE 2009 CONCERNANT L'APPLICATION, ENTRE LES ÉTATS MEMBRES DE L'UNION EUROPÉENNE, DU PRINCIPE DE RECONNAISSANCE MUTUELLE AUX DÉCISIONS RELATIVES À DES MESURES DE CONTRÔLE EN TANT QU'ALTERNATIVE À LA DÉTENTION PROVISOIRE

Article 2 (chapitre VI [nouveau] du titre X du livre IV du code de procédure pénale : art. 696-48 à 696-89 [nouveaux]) - Reconnaissance mutuelle, en France et dans les autres pays européens, des décisions de placement sous contrôle judiciaire, ou des autres mesures équivalentes, prononcées par une autorité judiciaire d'un pays donné, mais exécutées dans un autre pays

Cet article vise à transposer en droit français le dispositif de la décision-cadre 2009/829/JAI du Conseil de l'Union européenne du 23 octobre 2009, destiné à permettre l'application dans un État membre de mesures de contrôle judiciaire décidées dans un autre État membre.


Une décision-cadre qui comble une lacune dans la reconnaissance mutuelle, en Europe, des décisions pré-sentencielles

En matière pénale, l'espace judiciaire européen progresse par extensions successives du principe de reconnaissance mutuelle aux différentes mesures susceptibles d'être prononcées dans une enquête, une instruction ou un procès pénal.

La présente décision-cadre porte sur les mesures privatives de liberté - à l'exclusion de la détention provisoire - décidées par les autorités compétentes, avant le prononcé de la peine. Ces mesures correspondent à ce que le code de procédure pénale rassemble, à l'article 138, sous l'appellation de mesures de « contrôle judiciaire ». Elles vont de l'assignation à résidence, aux interdictions de paraître en certains lieux ou de contacter certaines personnes, en passant par des cautionnements ou certaines obligations de présentation, de soumission à un contrôle ou de soins 31 ( * ) .

L'objectif de la décision-cadre est de limiter le recours à la détention provisoire, en offrant aux magistrats qui prononceront à la place une mesure de contrôle judiciaire, la garantie que cette mesure pourra être exécutée dans l'État de résidence de la personne mise en cause.

Le dispositif proposé est conçu sur le même modèle que celui des autres décisions-cadres mettant en oeuvre le principe de reconnaissance mutuelle.

Il prévoit, d'abord, la transmission, par l'autorité qui a pris la décision, d'une demande tendant à ce qu'elle soit appliquée dans un autre État membre. Pour être conforme à la décision-cadre, la demande doit respecter deux conditions :

- la première porte sur les types de mesures de contrôle dont l'exécution est demandée. L'article 8 de la décision-cadre en prévoit six, qui correspondent principalement à des interdictions de paraître ou de fréquenter, ainsi qu'à des obligations de présentation. Toutefois, cette liste peut être étendue, à l'initiative de chaque État, pour d'autres mesures de contrôle judiciaire qu'il reconnaît ;

- la seconde porte sur la personne qui fait l'objet de la mesure (article 9 de la décision-cadre). Cette dernière doit avoir sa résidence habituelle et régulière dans l'État auquel la demande est adressée, et elle doit consentir à retourner dans cet État. Cette condition est une garantie pour l'intéressé, puisqu'on ne pourrait lui imposer de se rendre dans un autre pays pour satisfaire aux obligations du contrôle judiciaire. La décision-cadre réserve aux États membres la possibilité d'accepter des demandes tendant à l'exécution de la mesure dans un autre État que celui où la personne en cause A son domicile, pour peu que cette dernière y consente.

Après cette transmission, s'ouvre la seconde phase de la procédure : la reconnaissance, par l'État interrogé, de la décision de contrôle judiciaire. Sa compétence est ici liée : il doit reconnaître la mesure et ne peut la refuser que pour un des motifs énumérés à l'article 15 de la décision-cadre.

Ces motifs tiennent d'abord soit à la recevabilité de la demande au regard des critères précédemment évoqués (demande incomplète, opposition de la personne en cause...), soit à une incompatibilité entre le droit pénal de l'État d'exécution et celui de l'État d'émission de la décision.

La décision-cadre reprend ici les mêmes motifs de refus que pour le mandat d'arrêt européen. Il en va ainsi lorsque la reconnaissance de la décision serait contraire à une décision passée en force de chose jugée dans l'État d'exécution, lorsque la personne devrait bénéficier au regard du droit de cet État d'une immunité, d'une prescription ou d'une irresponsabilité pénale, ou enfin lorsque l'infraction qui fonde les poursuites et le contrôle judiciaire n'existe pas dans ce même État (principe dit de la « double incrimination ») 32 ( * ) . Il est toutefois fait exception à ce dernier principe pour un ensemble d'infractions punies d'une peine d'emprisonnement ou d'une mesure privative de liberté d'au moins trois ans, énumérées à l'article 14 de la décision-cadre et reprises de l'article 2 de la décision-cadre 2002/584/JAI du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen 33 ( * ) .

La reconnaissance de la décision peut aussi être refusée si, en cas de non-respect de ses obligations par la personne soumise au contrôle judiciaire, l'État d'exécution ne serait pas en mesure de répondre favorablement à un mandat d'arrêt européen émis contre la personne en cause. Dans une telle situation, le contrôle judiciaire perd, en effet, de sa force contraignante puisque le récalcitrant ne pourrait plus être remis à l'État qui le poursuit. La décision-cadre réserve toutefois aux deux États la possibilité de s'entendre pour exécuter cette mesure en toute connaissance de cause.

La décision-cadre offre à l'État d'exécution de la mesure la possibilité de l'adapter, si elle n'a pas d'équivalent en droit interne, afin de la faire correspondre à celles qu'il met en oeuvre. Deux conditions doivent être remplies : dûment informé, l'État d'émission ne doit pas s'y opposer ; l'adaptation proposée ne peut avoir pour effet de soumettre la personne en cause à un contrôle judiciaire plus sévère.

Une fois la mesure reconnue, le suivi doit en être assuré par l'État d'exécution (article 16), l'État d'émission restant compétent pour modifier, proroger ou réexaminer la mesure de contrôle judiciaire (article 18). Dans l'un et l'autre cas, le droit applicable est celui de l'État concerné.

Afin d'éviter toute solution de continuité dans le contrôle, la décision-cadre organise le passage de témoin entre les deux États : jusqu'à la notification de la reconnaissance, l'autorité judiciaire de l'État d'émission reste compétente et elle le redevient lorsque celle de l'État d'exécution ne peut plus suivre le contrôle.

La cause peut en être juridique (retrait du certificat de demande de reconnaissance, expiration des délais, décision unilatérale de l'autorité de l'État d'exécution de mettre un terme au suivi de la mesure). Elle peut aussi résulter d'une impossibilité factuelle (déménagement de la personne sous contrôle judiciaire dans un autre État, ce qui la soustrait, de fait, au contrôle de l'État d'exécution).

En cas de manquement répété de l'intéressé à ses obligations de contrôle judiciaire, l'autorité de l'État d'exécution n'a que la possibilité d'en avertir celle de l'État d'émission (article 18), qui peut seule prendre la décision de révoquer la mesure, de la modifier ou d'émettre un mandat d'arrêt européen pour se voir remettre l'intéressé et le placer de l'intéressé en détention.

La décision-cadre règle aussi les échanges entre les autorités compétentes de chaque État (articles 19, 20 et 22), en particulier les informations qu'elles doivent s'adresser sur la poursuite de la mesure, son non-respect par l'intéressé ou certaines modifications notables qui la concernent (adaptation, recours juridictionnel, changement de résidence de l'intéressé etc. ).

Enfin, elle prévoit les conséquences à tirer d'une absence prolongée de réponse aux demandes adressées par l'État d'exécution à l'État d'émission de la mesure (article 23).


La transposition proposée

À l'article 2, le Gouvernement a fait le choix d'une transposition exhaustive, dans la loi, des dispositions de la décision-cadre. Un chapitre VI , complétant le titre X du livre IV du code de procédure pénale consacré à l'entraide judiciaire internationale, serait dédié à cette procédure d'exécution, entre États membres de l'Union européenne, des décisions de contrôle judiciaire.

Ce chapitre est divisé en trois sections :

- la première rassemble les dispositions générales ;

- la deuxième traite du cas où une autorité française demande à un homologue étranger la reconnaissance et le suivi d'une mesure de contrôle judiciaire qu'elle a prononcée ;

- la dernière traite du cas inverse, celui de la reconnaissance et du suivi en France d'une décision de contrôle judiciaire prise à l'étranger.

La première section présente les dispositions communes aux deux situations décrites dans les deux autres sections : le but du dispositif ( article 696-48 du code de procédure pénale ), le principe de consultations régulières entre les autorités compétentes pour la préparation et l'exécution des décisions en cause ( article 696-49 ), les mesures de contrôle judiciaire obligatoirement incluses dans le champ de la procédure proposée ( article 695-50 ) et celles que la France s'engage à surveiller ( article 696-51 ), les conditions, relatives à la résidence et au consentement de la personne objet de la mesure, autorisant le recours à cette procédure ( article 696-52 ), la liste des informations que doit contenir le certificat accompagnant la demande de placement sous contrôle judiciaire dans un autre État membre ( article 696-53 ), la règle selon laquelle le retrait de ce certificat vaut retrait de la demande de reconnaissance et de suivi de la mesure et en interdit la mise à exécution sur le territoire de l'autre État membre ( article 696-54 ), et les modalités de transmission du certificat, celles-ci devant laisser une trace écrite et permettre de s'assurer de l'authenticité du certificat ( article 696-55 ).

Bien que le Gouvernement ait entendu autoriser le suivi en France de l'ensemble des mesures de contrôle judiciaire reconnues par le droit français à l'article 138 du code de procédure pénale ( cf . encadré), l'énumération reproduite à l'article 696-51 , calquée sur les suggestions de la décision-cadre en néglige certaines , comme la remise de papiers ou celle de chèques. En outre, elle en étend une autre au-delà de ce que prévoit le droit français : en effet, le juge d'instruction ne peut qu'interdire au mis en examen le port d'arme, mais il n'a pas le pouvoir, comme le propose l'article 696-53, 5°, de lui interdire de détenir ou d'utiliser d'autres objets ayant un lien avec l'infraction commise.

Les obligations de contrôle judiciaire auxquelles une personne mise en examen
peut être tenue, (article 138 du code de procédure pénale)

« 1° Ne pas sortir des limites territoriales déterminées par le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention ;

2° Ne s'absenter de son domicile ou de la résidence fixée par le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention qu'aux conditions et pour les motifs déterminés par ce magistrat ;

3° Ne pas se rendre en certains lieux ou ne se rendre que dans les lieux déterminés par le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention ;

4° Informer le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention de tout déplacement au-delà de limites déterminées ;

5° Se présenter périodiquement aux services, associations habilitées ou autorités désignés par le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention qui sont tenus d'observer la plus stricte discrétion sur les faits reprochés à la personne mise en examen ;

6° Répondre aux convocations de toute autorité, de toute association ou de toute personne qualifiée désignée par le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention et se soumettre, le cas échéant, aux mesures de contrôle portant sur ses activités professionnelles ou sur son assiduité à un enseignement ainsi qu'aux mesures socio-éducatives destinées à favoriser son insertion sociale et à prévenir le renouvellement de l'infraction ;

7° Remettre soit au greffe, soit à un service de police ou à une brigade de gendarmerie tous documents justificatifs de l'identité, et notamment le passeport, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité ;

8° S'abstenir de conduire tous les véhicules ou certains véhicules et, le cas échéant, remettre au greffe son permis de conduire contre récépissé ; toutefois, le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention peut décider que la personne mise en examen pourra faire usage de son permis de conduire pour l'exercice de son activité professionnelle ;

9° S'abstenir de recevoir ou de rencontrer certaines personnes spécialement désignées par le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention, ainsi que d'entrer en relation avec elles, de quelque façon que ce soit ;

10° Se soumettre à des mesures d'examen, de traitement ou de soins, même sous le régime de l'hospitalisation, notamment aux fins de désintoxication [...] ;

11° Fournir un cautionnement dont le montant et les délais de versement, en une ou plusieurs fois, sont fixés par le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention, compte tenu notamment des ressources et des charges de la personne mise en examen ;

12° Ne pas se livrer à certaines activités de nature professionnelle ou sociale, à l'exclusion de l'exercice des mandats électifs et des responsabilités syndicales, lorsque l'infraction a été commise dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ces activités et lorsqu'il est à redouter qu'une nouvelle infraction soit commise. Lorsque l'activité concernée est celle d'un avocat, le conseil de l'ordre, saisi par le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention, a seul le pouvoir de prononcer cette mesure à charge d'appel, dans les conditions prévues à l'article 24 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ; le conseil de l'ordre statue dans les quinze jours ;

13° Ne pas émettre de chèques autres que ceux qui permettent exclusivement le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés et, le cas échéant, remettre au greffe les formules de chèques dont l'usage est ainsi prohibé ;

14° Ne pas détenir ou porter une arme et, le cas échéant, remettre au greffe contre récépissé les armes dont elle est détentrice ;

15° Constituer, dans un délai, pour une période et un montant déterminés par le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention, des sûretés personnelles ou réelles ;

16° Justifier qu'elle contribue aux charges familiales ou acquitte régulièrement les aliments qu'elle a été condamnée à payer conformément aux décisions judiciaires et aux conventions judiciairement homologuées portant obligation de verser des prestations, subsides ou contributions aux charges du mariage ;

17° En cas d'infraction commise soit contre son conjoint, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, soit contre ses enfants ou ceux de son conjoint, concubin ou partenaire, résider hors du domicile ou de la résidence du couple et, le cas échéant, s'abstenir de paraître dans ce domicile ou cette résidence ou aux abords immédiats de celui-ci, ainsi que, si nécessaire, faire l'objet d'une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique ».

La deuxième section traite du cas dans lequel une autorité judiciaire française sollicite d'un homologue étranger la reconnaissance et le suivi d'une mesure de contrôle judiciaire qu'elle a prononcée.

Elle rassemble trois types de dispositions.

Les premières établissent, fort logiquement, que les autorités judiciaires compétentes en France pour ordonner un contrôle judiciaire le sont aussi pour solliciter son exécution dans un autre État membre et échanger à cette fin avec leurs homologues ( articles 696-56 et 696-57 ). Il s'agira donc des juges d'instruction ou chambres de l'instruction, des juges de la liberté et de la détention, des juges pour enfants ainsi que des juridictions pénales 34 ( * ) . Le certificat transmis par le juge français serait traduit dans l'une des langues officielles de l'État destinataire ou l'une de celles de l'Union ( article 696-58 )

Le deuxième type de dispositions règle le transfert de compétences, pour l'exécution de la mesure, de la première autorité à la seconde.

Le principe est que le juge qui a prononcé la mesure demeure compétent jusqu'à ce que son homologue l'ait informé qu'il reconnaît la décision, ou si la personne ne peut être retrouvée sur le territoire de l'État d'exécution ( articles 696-59 et 696-62 ). Tant que le suivi n'a pas commencé à l'étranger, le premier juge se voit offrir la possibilité de retirer sa demande en cas de proposition d'adaptation de la mesure inadéquate, ou si, en cas de non-respect du contrôle judiciaire, il ne pourrait recourir à un mandat d'arrêt européen pour se faire remettre la personne récalcitrante ( articles 696-60 et 696-61 ).

Le troisième type de dispositions concerne les cas, après transfert de compétence, de réattribution de cette compétence au juge qui a prononcé la mesure : retrait de la demande ; refus de suivi opposé par le juge chargé de l'exécution en raison d'une modification de la mesure ou de l'absence de réponse à un avis qu'elle a sollicité ; ou déménagement de la personne suivie dans un autre État ( article 696-63 ). Le juge qui a ordonné le placement sous contrôle judiciaire demeure compétent pour demander la prolongation du suivi, ainsi, bien entendu, que pour modifier les obligations ou en ordonner la mainlevée ( articles 696-64 et 696-65 ). Il est tenu d'en informer l'autorité d'exécution.

La troisième section du nouveau chapitre créé par le présent article traite de la réception et du suivi en France de mesures de contrôle judiciaire prononcées à l'étranger. Elle est organisée en trois sous-sections dédiées aux trois phases de la procédure : la réception de la demande , sa reconnaissance et le suivi de la mesure .

L'autorité de réception de la demande serait le procureur de la République dans le ressort duquel la personne placée sous contrôle judiciaire a son domicile 35 ( * ) . Il lui reviendrait de conduire les premiers échanges d'informations avec le juge étranger, de rediriger une demande mal adressée vers le bon procureur de la République et de saisir de la demande, dans les trois jours ouvrables, le juge des libertés et de la détention (JLD) territorialement compétent, accompagnée de ces réquisitions ( articles 696-66, 696-67 et 696-69 ).

L'article 696-68 règle les cas où le placement sous contrôle judiciaire concerne une personne qui n'est pas française ou un Français qui ne réside pas en France. Il s'agit là des deux motifs susceptibles de fonder un refus de reconnaissance de la décision 36 ( * ) , qui peuvent toutefois être levés par l'État d'exécution. Le Gouvernement propose que, par principe, l'exécution en France du contrôle judiciaire auquel est soumis un Français soit toujours possible, sans condition de résidence : le procureur de la République transmettrait donc la demande dans ce cas. En revanche, l'exécution en France du contrôle judiciaire pesant sur un étranger pourrait être autorisée pour des motifs exceptionnels, mais elle devrait être agréée par le ministre de la justice, dûment saisi par le procureur de la République. Le garde des sceaux se prononcerait notamment en tenant compte de l'existence de liens personnels et familiaux, de l'absence de risque de trouble à l'ordre public ou de l'intérêt d'une bonne administration de la justice.

L'autorité compétente pour reconnaître la mesure de placement, la prolonger, l'adapter ou décider de sa mainlevée, si elle a été ordonnée par le juge étranger, serait le juge des libertés et de la détention ( articles 696-70 ) 37 ( * ) . Les articles 696-71 à 696-73 rappellent les motifs, énumérés aux articles 9 et 15 de la décision-cadre, devant conduire obligatoirement à un refus de reconnaissance. L' article 696-74 évoque ceux qui peuvent conduire, à l'appréciation du juge, à un tel refus : impossibilité de déférer à un mandat d'arrêt européen émis en raison du non-respect par la personne de ses obligations de contrôle judiciaire ; risque que cette mesure frappe une personne qui a déjà été condamnée dans un autre État, non membre de l'Union européenne, et a déjà exécuté sa peine pour l'infraction poursuivie. Ce dernier motif de refus vise à imposer le respect, au plan international, de la règle non bis in idem .

Les articles 696-75 et 696-76 précisent les modalités selon lesquelles le juge français informe son homologue des adaptations qu'il apporte à la mesure ou de l'impossibilité dans laquelle il serait de répondre favorablement à un mandat d'arrêt européen. Cette information est destinée à laisser au juge étranger la possibilité de retirer sa demande.

L' article 696-77 fixe au juge un délai maximal de sept jours ouvrables à compter de sa saisine pour reconnaître la décision de placement sous contrôle judiciaire, et lui impose de motiver ses décisions d'adaptation ou de refus. L'article 696-78 prévoit la notification à la personne mise en cause de la décision du juge des libertés et de la détention, avec le rappel de certaines garanties procédurales, notamment la possibilité d'un recours et celle d'être assistée par un avocat.

Les articles 696-79 et 696-80 organisent le recours contre la décision du juge des libertés et de la détention, selon le droit commun du placement sous contrôle judiciaire : à l'initiative de l'intéressé ou du ministère public, l'appel est possible devant la chambre de l'instruction ainsi que le pourvoi en cassation.

L' article 696-82 ouvre une possibilité de proroger les délais, en en informant le juge étranger, si celui de vingt jours ouvrables après la transmission par l'État d'émission de la demande ne peut être tenu. L'article 696-83 prévoit que le ministère public, qui a reçu la demande, informe sans délai l'autorité étrangère qui la lui a communiquée, des décisions devenues définitives rendues par le juge des libertés et de la détention.

La dernière sous-section est dédiée au suivi de la mesure.

L' article 696-84 assigne au juge des libertés et de la détention la compétence en cette matière 38 ( * ) : le juge compétent pour reconnaître la décision ou l'adapter l'est donc aussi pour la suivre.

Lors de leur audition par votre rapporteur, les représentantes de l'union syndicale des magistrats ont souligné le paradoxe de confier le suivi d'une mesure au long cours à un magistrat qui, en principe, n'assure pas un tel suivi, mais rend des décisions lorsqu'il est saisi.

Toutefois, le choix du juge des libertés et de la détention semble le seul possible : le juge d'instruction ne saurait être désigné en dehors d'une information judiciaire et le procureur de la République, magistrat du parquet et non du siège, ne pourrait prendre des décisions définitives relatives à une mesure privative de liberté. La question pourrait tout au plus se poser pour le juge des enfants, qui peut connaître de la situation des mineurs indépendamment d'une poursuite pénale.

En outre, il faut observer que le suivi de la mesure ne se matérialisera que dans un nombre réduit d'actes. En effet, ce sont les forces de police, les travailleurs sociaux ou le ministère public qui informeront le juge que l'intéressé ne respecte pas ses obligations. Il ne disposera toutefois pas du pouvoir qu'aurait un juge d'instruction d'émettre un mandat d'amener et de placer la personne mise en examen en détention provisoire.

Restera donc au juge des libertés et de la détention l'obligation d'informer son correspondant de tout élément susceptible d'entraîner un réexamen de la mesure de contrôle judiciaire, comme le non-respect des obligations par l'intéressé, sa disparition ou son changement de résidence
- ce qui le dessaisirait du suivi de la mesure ( articles 696-85, 695-86 et 696-89 ). Il pourrait en retour interroger son homologue sur le bien-fondé de la poursuite du contrôle judiciaire ( article 696-86 ) ou solliciter, en fixant un délai raisonnable pour ce faire, qu'il prenne les mesures qu'appelle le non-respect par l'intéressé de ses obligations. À défaut de réponse, il pourrait alors décider de mettre un terme au suivi de la mesure ( article 696-88 ).


La position de votre commission

Votre commission a constaté, avec son rapporteur, que le dispositif proposé complétait utilement les procédures d'entraide judiciaire au sein de l'Union européenne, et qu'il transposait dans l'ensemble exactement la décision-cadre.

Marquant son accord avec l'organisation générale du texte, elle s'est donc limitée à adopter, en plus d'amendements rédactionnels, trois amendements de son rapporteur destinés à lever certaines incertitudes du dispositif.

Afin de faire correspondre strictement le champ des mesures de contrôle judiciaire autorisées en droit français avec celles que la France acceptera de reconnaître et suivre sur son territoire, votre commission a adopté un amendement renvoyant, plutôt qu'à la liste incomplète prévue au nouvel article 696-51 du code de procédure pénale, à celle de l'article 138 qui énumère actuellement exhaustivement ses mesures.

Elle a par ailleurs adopté un amendement de conséquence avec la suppression de l'article 5 39 ( * ) , précisant qu'il était possible de recourir à la visio-conférence pour entendre la personne faisant l'objet de la mesure de contrôle judiciaire, même si cette dernière est établie à l'étranger ( articles 696-70 et 696-80 ).

Elle a enfin adopté un amendement corrigeant une erreur de référence au nouvel article 696-79, consacré au recours contre les décisions du juge des libertés et de la détention, qui avait pour effet de limiter le droit au recours au seul ministère public, privant la personne mise en cause de toute voie d'appel.

Votre commission a adopté l'article 2 ainsi modifié .

CHAPITRE III - DISPOSITIONS TENDANT À TRANSPOSER LA DÉCISION-CADRE 2008/947/JAI DU CONSEIL DU 27 NOVEMBRE 2008 CONCERNANT L'APPLICATION DU PRINCIPE DE RECONNAISSANCE MUTUELLE AUX JUGEMENTS ET AUX DÉCISIONS DE PROBATION AUX FINS DE LA SURVEILLANCE DES MESURES DE PROBATION ET DES PEINES DE SUBSTITUTION

Article 3 (Titre VII quater [nouveau] du livre V du code de procédure pénale : art. 764-1 à 764-43 [nouveaux]) - Dispositions tendant à transposer la décision-cadre 2008/947/JAI du Conseil du 27 novembre 2008 concernant l'application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements et aux décisions de probation aux fins de la surveillance des mesures de probation et des peines de substitution

Le présent article propose d'insérer, après le titre VII ter du livre V du code de procédure pénale, un titre VII quater intitulé : « De l'exécution des condamnations et des décisions de probation en application de la décision-cadre du conseil de l'Union européenne du 27 novembre 2008 », comprenant trois chapitres et des articles 764-1 à 764-43 . Il vise ainsi à transposer la décision-cadre « peines de substitution et décisions de probation » du 27 novembre 2008 précitée, qui a pour objet d'appliquer le principe de la reconnaissance mutuelle au suivi et à l'exécution des peines comportant des mesures de probation ou le respect de certaines obligations particulières (obligation de se soumettre à des soins, obligation d'éviter tout contact avec certaines personnes, etc.) en permettant leur transfert à l'État membre de la résidence habituelle du condamné.

Actuellement, les seules dispositions permettant la reconnaissance et l'exécution de peines de probation entre pays européens figurent au sein d'une convention du Conseil de l'Europe du 30 novembre 1964 pour la surveillance des personnes condamnées ou libérées sous caution, mais elles sont très peu utilisées.

En favorisant le prononcé de ce type de peines à l'encontre de personnes qui ne résident pas dans l'État de condamnation, le présent dispositif augmentera les chances de réinsertion sociale de certains condamnés. En ce sens, il apparaît cohérent avec les dispositions de la récente loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales.

Par ailleurs, les dispositions proposées par le présent article complètent celles introduites par la loi n° 2013-711 du 5 août 2013 portant diverses dispositions d'adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l'Union européenne et des engagements internationaux de la France. Celle-ci a en effet introduit des dispositions relatives à l'exécution des décisions de condamnation à une peine ou à une mesure de sûreté privative de liberté en application de la décision-cadre 2008/909/JAI du Conseil du 27 novembre 2008 concernant l'application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté aux fins de leur exécution dans l'Union européenne. Tandis que cette dernière directive concerne la reconnaissance mutuelle des condamnations infligeant des peines de privations de liberté , les dispositions introduites par le présent article concernent les décisions prévoyant des peines de probation, qui s'appliquent à des personnes non écrouées .

S'agissant du nombre de personnes concernées par ce nouveau dispositif , l'étude d'impact estime que le nombre d'étrangers communautaires non-résidents exécutant en France une peine de probation est d'environ 1500 et que le nombre de résidents français condamnés à une peine de probation à l'étranger est également d'environ 1 500 personnes. Au maximum, l'étude d'impact estime que le coût induit ne devrait pas dépasser 400 000 euros et le nombre d'emplois de conseillers d'insertion et de probation supplémentaires nécessaires, 6 ETP.


Dispositions générales

Le nouveau titre VII quater comprendrait d'abord un chapitre I er intitulé « Dispositions générales » et comprenant les dispositions s'appliquant tant à l'exécution en France de mesures de probation décidées dans un autre pays de l'UE qu'aux mesures décidées par les juridictions de notre pays et s'exécutant dans un autre pays membre.

Après un article 764-1 décrivant l'objet du nouveau titre, ce chapitre I er comprend un article 764-2 énumérant les condamnations et les décisions pouvant donner lieu à une exécution transfrontalière.

Ainsi, le 1° mentionne les « condamnations à une peine privative de liberté assortie en tout ou en partie d'un sursis conditionné au respect de mesures de probation ». Il s'agit en France du sursis avec mise à l'épreuve (SME), qui permet de dispenser le condamné d'exécuter tout ou partie de la peine d'emprisonnement prononcée en le soumettant à certaines obligations ( articles 132-40 à 132-53 du code pénal et 734 et 739 à 747 du code de procédure pénale ) et de la peine de travail d'intérêt général (TIG) ( articles 132-54 à 132-57 du code pénal, 734 et 747-1 à 747-2 du code de procédure pénale ).

Le 2° mentionne les « condamnations assorties d'un ajournement du prononcé de la peine et imposant des mesures de probation », correspondant en France :

- aux articles 132-58 et 132-63 à 132-65 du code pénal et 747-3 du code de procédure pénale (ajournement du prononcé de la peine avec mise à l'épreuve) ;

- aux articles 132-58 et 132-66 à 132-70 du code pénal (ajournement du prononcé de la peine avec injonction).

Le 3° mentionne les « condamnations à une peine de substitution à une peine privative de liberté, imposant une obligation ou une injonction, à l'exclusion des sanctions pécuniaires et des confiscations ». En France, cette disposition s'applique aux peines alternatives que le juge peut prononcer en lieu et place de l'emprisonnement : travail d'intérêt général ( articles 131-8 et 131-22 du code pénal ), sanction-réparation ( article 131-8-1 ), stage de citoyenneté ( article 131-5-1 ).

Le 4° mentionne les « décisions imposant des mesures de probation, prononcées dans le cadre de l'exécution de condamnations définitives, notamment en cas de libération conditionnelle ». En France, ceci correspond à la libération conditionnelle visée aux articles 729 à 733 du code de procédure pénale. Les autres types d'aménagements de peine (placement à l'extérieur, placement sous surveillance électronique, semi-liberté) se rattachent quant à elles à la privation de liberté et relèvent donc des dispositions introduites par la loi de transposition du 5 août 2013, et non de celles du présent article.

Le présent article tend ensuite à créer un article 764-3 établissant la liste des peines de substitution et les mesures de probation dont le suivi peut être transféré à l'État d'exécution . Les « mesures de probation » visées au paragraphe 7 de la directive et transposées par l'article 764-3 sont ainsi incluses dans les obligations énumérées aux articles 132-44 et 132-45 du code pénal (cf. encadré ci-dessous).

Article 132-44 du code pénal

« Les mesures de contrôle auxquelles le condamné doit se soumettre sont les suivantes :

1° Répondre aux convocations du juge de l'application des peines ou du travailleur social désigné ;

2° Recevoir les visites du travailleur social et lui communiquer les renseignements ou documents de nature à permettre le contrôle de ses moyens d'existence et de l'exécution de ses obligations ;

3° Prévenir le travailleur social de ses changements d'emploi ;

4° Prévenir le travailleur social de ses changements de résidence ou de tout déplacement dont la durée excéderait quinze jours et rendre compte de son retour ;

5° Obtenir l'autorisation préalable du juge de l'application des peines pour tout déplacement à l'étranger et, lorsqu'il est de nature à mettre obstacle à l'exécution de ses obligations, pour tout changement d'emploi ou de résidence . »

Article 132-45 du code pénal

« La juridiction de condamnation ou le juge de l'application des peines peut imposer spécialement au condamné l'observation de l'une ou de plusieurs des obligations suivantes :

1° Exercer une activité professionnelle ou suivre un enseignement ou une formation professionnelle ;

2° Établir sa résidence en un lieu déterminé ;

3° Se soumettre à des mesures d'examen médical, de traitement ou de soins, même sous le régime de l'hospitalisation. Ces mesures peuvent consister en l'injonction thérapeutique prévue par les articles L. 3413-1 à L. 3413-4 du code de la santé publique, lorsqu'il apparaît que le condamné fait usage de stupéfiants ou fait une consommation habituelle et excessive de boissons alcooliques ;

4° Justifier qu'il contribue aux charges familiales ou acquitte régulièrement les pensions alimentaires dont il est débiteur ;

5° Réparer en tout ou partie, en fonction de ses facultés contributives, les dommages causés par l'infraction, même en l'absence de décision sur l'action civile ;

6° Justifier qu'il acquitte en fonction de ses facultés contributives les sommes dues au Trésor public à la suite de la condamnation ;

7° S'abstenir de conduire certains véhicules déterminés par les catégories de permis prévues par le code de la route ;

8° Ne pas se livrer à l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise ou ne pas exercer une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs ;

9° S'abstenir de paraître en tout lieu, toute catégorie de lieux ou toute zone spécialement désignés ;

10° Ne pas engager de paris, notamment dans les organismes de paris mutuels ;

11° Ne pas fréquenter les débits de boissons ;

12° Ne pas fréquenter certains condamnés, notamment les auteurs ou complices de l'infraction ;

13° S'abstenir d'entrer en relation avec certaines personnes, dont la victime, ou certaines catégories de personnes, et notamment des mineurs, à l'exception, le cas échéant, de ceux désignés par la juridiction ;

14° Ne pas détenir ou porter une arme ;

15° En cas d'infraction commise à l'occasion de la conduite d'un véhicule terrestre à moteur, accomplir, à ses frais, un stage de sensibilisation à la sécurité routière ;

16° S'abstenir de diffuser tout ouvrage ou oeuvre audiovisuelle dont il serait l'auteur ou le co-auteur et qui porterait, en tout ou partie, sur l'infraction commise et s'abstenir de toute intervention publique relative à cette infraction ; les dispositions du présent alinéa ne sont applicables qu'en cas de condamnation pour crimes ou délits d'atteintes volontaires à la vie, d'agressions sexuelles ou d'atteintes sexuelles ;

17° Remettre ses enfants entre les mains de ceux auxquels la garde a été confiée par décision de justice ;

18° Accomplir un stage de citoyenneté ;

19° En cas d'infraction commise soit contre son conjoint, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, soit contre ses enfants ou ceux de son conjoint, concubin ou partenaire, résider hors du domicile ou de la résidence du couple et, le cas échéant, s'abstenir de paraître dans ce domicile ou cette résidence ou aux abords immédiats de celui-ci, ainsi que, si nécessaire, faire l'objet d'une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique ; les dispositions du présent 19° sont également applicables lorsque l'infraction est commise par l'ancien conjoint ou concubin de la victime, ou par la personne ayant été liée à elle par un pacte civil de solidarité, le domicile concerné étant alors celui de la victime. »

En particulier, le 12° de l' article 764-3 est ainsi formulé : « 12° Le cas échéant, les autres obligations et injonctions, notifiées au secrétariat général du Conseil de l'Union européenne, dont l'État d'exécution est disposé à assurer le suivi ». Comme indiqué dans un nouvel article 764-4 , le projet de loi est fondé sur l'hypothèse que la France fera une déclaration indiquant qu'elle accepte de suivre, en plus des mesures déjà évoquées, les trois mesures de probation ou peines complémentaires suivantes :

- interdiction d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs ;

- interdiction de conduire ;

- interdiction de détenir ou de porter une arme.

En revanche, dans notre législation, le placement sous surveillance électronique n'est pas une mesure de probation ou une mesure alternative à la détention, mais une modalité d'exécution d'une peine privative de liberté. Il n'entre donc pas dans les mesures de probation visées par la transposition effectuée par le présent article.

L' article 764-5 établit ensuite, conformément à l'article 5 de la décision-cadre, les deux hypothèses dans lesquelles une condamnation ou une décision de probation peut être transmise à l'autorité compétente d'un autre État membre de l'Union européenne :

- la personne concernée réside de manière habituelle, dans des conditions régulières, sur le territoire de cet État et y est retournée ou souhaite y retourner ;

- la personne concernée ne réside pas de manière habituelle, dans des conditions régulières, sur le territoire de cet État, mais demande à y exécuter sa peine ou mesure de probation, à condition que l'autorité compétente de celui-ci consente à la transmission de la décision de condamnation ou de probation la concernant .

Les État membres doivent faire des déclarations au secrétaire général du Conseil concernant ce dernier point. L'étude d'impact indique ainsi, s'agissant de la France, que « En émission : il appartient au ministère public de prendre en compte les déclarations faites par les autres États ; en réception : il appartient au procureur de la République d'apprécier si la France pourra accueillir la personne condamnée . ».

L' article 764-6 décrit la procédure régissant la transmission d'un jugement et, le cas échéant, d'une décision de probation. Il s'agit essentiellement de la définition et des informations devant être fournies par le « certificat » relatif à la condamnation et au condamné qui sera transmis entre les deux pays. Par ailleurs, afin d'assurer la traçabilité des échanges, l' article 764-8 prévoit que « La transmission de la condamnation ou de la décision de probation, du certificat et de toutes les pièces relatives à l'exécution des mesures ainsi que tout échange relatif à celles-ci s'effectuent directement, par tout moyen laissant une trace écrite et dans des conditions permettant au destinataire d'en vérifier l'authenticité, entre les autorités compétentes de l'État d'émission et celles de l'État d'exécution . ».


Exécution dans d'autres pays de l'UE de décisions françaises

Le présent article crée ensuite un chapitre II intitulé : « Dispositions relatives à la reconnaissance et au suivi, sur le territoire des autres États membres de l'Union européenne, des condamnations et des décisions de probation prononcées par les juridictions françaises », comprenant des articles 764-9 à 764-17 .

En particulier, les articles 764-11 et 764-12 visent à tenir compte de l'article 16, § 2, de la directive, correspondant au cas où l'État d'exécution est informé de la durée de la peine privative de liberté en cas d'inobservation des mesures ou des peines de substitution, et de l'article 18, § 5, correspondant au cas où l'État de condamnation est informé de l'adaptation ou de la réduction des durées des mesures ou des peines de substitution. En effet, s'il estime que ces éléments ne permettent pas une exécution appropriée de la peine (par exemple lorsqu'il estime que la durée maximale de la privation de liberté prévue par le droit interne de l'État d'exécution susceptible d'être prononcée en cas de non-respect des peines de substitution ou mesures de probation est insuffisante), le ministère public, pour autant que l'exécution de la peine dans l'autre État membre n'ait pas déjà commencé, pourra retirer le certificat .

L' article 764-13 prévoit que, dès lors que lorsque l'autorité compétente de l'État d'exécution a informé le ministère public qu'elle reconnaît la condamnation ou la décision de probation, la compétence d'exécution est totalement transférée, immédiatement et pour l'avenir, à cet État d'exécution (suivi des mesures de probation ou des peines de substitution mais aussi modification des obligations ou injonctions, révocation du sursis à l'exécution de la condamnation ou de la libération conditionnelle, décisions en cas de commission d'une nouvelle infraction ou de non-respect d'une peine de substitution ou mesure de probation). Toutefois, l' article 764-15 prévoit que le ministère public récupère sa compétence si l'État d'exécution ne peut mettre à exécution la révocation d'une mesure de probation et la peine d'emprisonnement associée à cette révocation. Par ailleurs, le ministère public devra, en vertu de l' article 764-14 , transmettre aux autorités compétentes de l'État d'exécution les éventuels éléments qui viendraient à sa connaissance et seraient susceptibles de conduire à une modification des mesures d'exécution.

L' article 764-16 concerne enfin le cas où la personne « prend la fuite ou n'a plus sa résidence légale habituelle dans l'État d'exécution » (article 20 de la directive) ainsi que le cas où une nouvelle procédure pénale est engagée contre la personne concernée en France. Dans ces deux cas, le ministère public français reprendra sa compétence.


Exécution en France de décisions prises dans d'autres pays de l'Union européenne

Le présent article crée ensuite un chapitre III intitulé : « Dispositions relatives à la reconnaissance et au suivi sur le territoire français des condamnations et des décisions de probation prononcées par les autorités compétentes des autres États membres de l'Union européenne », comprenant trois sections.

La première section est intitulée « Réception des demandes de reconnaissance et de suivi des condamnations et des décisions de probation » et comprend des articles 764-18 à 764-21 .

L' article 764-19 prévoit ainsi que le procureur de la République compétent est celui dans le ressort duquel se situe la résidence habituelle régulière de la personne condamnée, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris étant, à défaut, compétent. Dans le cas où la personne concernée ne réside pas de manière habituelle, dans des conditions régulières, sur le territoire français, mais demande à y exécuter sa peine ou mesure de probation (cf. ci-dessus l'explication de l'article 764-5 qui prévoit cette hypothèse), l' article 764-20 prévoit que :

- le procureur de la République consent à la transmission de la condamnation ou de la décision de probation si la personne concernée a la nationalité française ;

- dans les autres cas, il saisit sans délai le ministre de la justice. Celui-ci peut consentir à la transmission de la condamnation ou de la décision si la personne concernée a la nationalité d'un État membre de l'Union européenne autre que la France et s'il existe des motifs exceptionnels justifiant l'exécution de la décision en France . Il tient compte notamment de l'intérêt de sa décision pour la bonne administration de la justice, de l'existence de liens personnels et familiaux en France et de l'absence de risque de trouble à l'ordre public.

Enfin, l' article 764-21 prévoit que le procureur de la République saisit le juge de l'application des peines territorialement compétent, dans les sept jours à compter de la réception de la demande, de la demande accompagnée de ses réquisitions.

La deuxième section est intitulée « Reconnaissance des condamnations et des décisions de probation » et comprend des articles 764-22 à 764-33 .

L' article 764-22 prévoit la compétence du juge de l'application des peines (JAP) pour statuer sur les demandes de reconnaissance et de suivi des condamnations et des décisions de probation. En outre, il est prévu que, si le JAP estime nécessaire d'entendre la personne condamnée, il peut être fait application des dispositions de l' article 706-71 , qui prévoit la possibilité de faire usage de la vidéo-conférence. Cette même référence à l'article 706-71 apparaît à l'article 764-30 (cas où le président de la chambre de l'application des peines estime nécessaire d'entendre la personne condamnée).

L' article 764-23 prévoit que la reconnaissance et le suivi ne peuvent être refusés que dans des cas prévus par les articles 764-24 et 765-25 ; dans les autres cas, ils devront être acceptés.

Outre les conditions purement formelles, l' article 764-24 prévoit ainsi l'obligation de ne pas reconnaître la décision de condamnation dans les cas suivants :

- la décision de condamnation porte sur des infractions pour lesquelles la personne condamnée a déjà été jugée définitivement par les juridictions françaises ou par celles d'un État de l'Union européenne autre que l'État de condamnation, à condition que la peine ait été exécutée, soit en cours d'exécution ou ne puisse plus être mise à exécution selon la loi de l'État ayant prononcé la condamnation (3°). Il s'agit de l'application du principe « Ne bis in idem », garanti par l'article 50 de la charte des droits fondamentaux. L'application de ce principe est en revanche laissée à l'appréciation du juge dans les autres cas, comme le prévoit l'article 764-25 qui liste les cas dans lesquels la décision peut ne pas être reconnue ( cf . ci-dessous) ;

- la condamnation est fondée sur des faits qui ne constituent pas des infractions selon la loi française (4°). En effet, dans ce cas, si une personne ne respecte pas la peine de substitution ou les mesures de probation, aucune mesure coercitive ne peut être exercée à son encontre puisque les faits ne sont pas incriminés pénalement. La mesure de probation risquerait donc d'être vidée de toute efficacité si elle était exécutée en France ;

- les faits pouvaient être jugés par les juridictions françaises et la prescription de la peine est acquise selon la loi française (5°) ;

- la personne condamnée bénéficie en France d'une immunité faisant obstacle à l'exécution de la condamnation ou de la décision (6°) ;

- la condamnation ou la décision a été prononcée à l'encontre d'un mineur de treize ans à la date des faits (7°) ;

- la personne condamnée n'a pas comparu en personne au procès qui a mené à la décision, sauf dans les cas visés aux 1° à 3° de l'article 695-22-1 (8°). Les 1° à 3° de l'article 695-22-1 sont les articles du CPP relatifs aux motifs pour lesquels, bien que la personne concernée n'a pas comparu lors du procès, un mandat d'arrêt européen doit néanmoins être exécuté à son encontre : il s'agit logiquement des cas où cette non-comparution est entièrement imputable à la personne et non à l'autorité judiciaire. ;

- la peine prononcée comporte une mesure de soins psychiatriques ou médicaux ou une autre mesure qui ne peut être exécutée en application des règles du système juridique ou de santé français (9°).

L' article 706-25 prévoit ensuite les cas dans lesquels l'exécution de la décision de condamnation peut être refusée. Il s'agit des cas :

- où la durée de la peine de substitution ou de la mesure de probation est inférieure à six mois à la date de réception du certificat ;

- où la condamnation ou la décision de probation est fondée sur des infractions commises en totalité, en majeure partie ou pour l'essentiel sur le territoire français.

Les articles 764-26 à 764-33 définissent les modalités selon lesquelles le juge d'application des peines statue sur la demande de reconnaissance de la condamnation ou de la décision de probation sur la base des réquisitions du procureur de la République et selon lesquelles la personne concernée peut présenter un recours :

- le JAP peut procéder à l'adaptation des mesures de probation ou de substitution en fonction de ce que prévoit la législation française . Il peut ainsi déterminer la mesure la plus proche de celle prononcée par la juridiction étrangère si celle-ci n'existe pas en droit français ou, le cas échéant, réduire la durée de la mesure prévue. En tout état de cause, « la mesure de probation ou la peine de substitution ainsi adaptée n'est pas plus sévère ni plus longue que celle initialement prononcée » ;

- le JAP doit prendre la décision de reconnaissance dans un délai de dix jours à compter des réquisitions du procureur de la République. L' article 724-21 prévoit, quant à lui, que ces réquisitions doivent être prises dans les sept jours de la transmission de la demande. La personne concernée dispose de vingt-quatre heures pour saisir la chambre de l'application des peines. Le président de la chambre de l'application des peines statue dans les vingt jours de sa saisine par une ordonnance motivée rendue en chambre du conseil. La personne concernée peut être entendue assistée de son conseil. De même, un représentant de l'État de condamnation peut être entendu. Le procureur général ou la personne concernée peuvent se pourvoir en cassation dans un délai de trois jours après la décision du président de la chambre d'application des peines.

Le délai total pour obtenir une décision définitive serait ainsi en l'absence de pourvoi en cassation de :

- 7 jours (examen par le procureur de la République)

+ 10 jours (examen par le JAP / procédure non contradictoire)

+ 7 jours (notification de la décision du JAP)

+ 1 jour (délai d'appel ordinaire des ordonnances du JAP)

+ 20 jours (délai pour que la chambre d'application des peines statue)

+ 7 jours (pour notifier à la personne condamnée la décision de la chambre d'application des peines)

Soit au total 52 jours.

Enfin, le chapitre III comprend une section III intitulée « Suivi des mesures de probation et des peines de substitution et décision ultérieure en cas de non-respect » comprenant des articles 764-34 à 764-43 .

L' article 764-34 prévoit que l'exécution de la condamnation ou de la décision de probation est régie par les dispositions du code pénal et code de procédure pénale. En particulier, il s'agit de l'exécution des décisions prises lorsqu'une mesure de probation ou une peine de substitution n'est pas respectée ou lorsque la personne condamnée commet une nouvelle infraction pénale. En effet, les dispositions des articles 712-4 à 712-15 du code de procédure pénale permettent au JAP ou au tribunal de l'application des peines de prendre toutes les décisions ultérieures nécessaires.

Toutefois, comme le prévoit la décision-cadre (article 14, § 3), la France a déposé une déclaration selon laquelle « elle ne prendra pas en charge de statuer sur l'inobservation des mesures de probation ou des peines alternatives en cas de non-respect de l'obligation ou injonction concernée (...), lorsqu'a été prononcée une peine de substitution ne comportant pas de peine ou de mesure privative de liberté devant être exécutée lorsque l'inobservation de cette obligation ou injonction n'est pas sanctionnée par la législation pénale française », ce que retranscrit l' article 764-39 créé par le présent article.


La position de votre commission

Votre commission a approuvé les dispositions du présent article, qui permettra à davantage de citoyens de l'Union européenne d'effectuer leur peine de probation dans leur État de résidence, améliorant ainsi leur chance d'insertion ou de réinsertion.

Toutefois, votre rapporteur s'est interrogé sur l'inclusion ou non de la mesure de contrainte pénale, telle qu'instaurée par la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales, dans le champ de la directive « probation » . En effet, l'article 2, § 3, deuxième partie de la première phrase de la directive « probation » (« ou imposant une ou plusieurs mesures de probation au lieu d'une peine ou mesure privative de liberté ») semble bien s'appliquer à une mesure telle que la contrainte pénale. Or, la transposition de ce paragraphe par le présent article (dans le 764-2, 2°) ne retient que la première partie de la phrase du même paragraphe, qui n'évoque que les condamnations avec ajournement, ce qui ne permettrait pas l'application de la reconnaissance mutuelle à des décisions de contraintes pénales. Dès lors, votre commission a adopté un amendement de votre rapporteur ayant pour objet de modifier la rédaction de ce 2° pour qu'il puisse également viser la contrainte pénale.

Par ailleurs, à l'article 764-1 (nouveau), il est précisé que l'objet des nouvelles règles introduites dans le code pénal pour transposer la directive « probation » est notamment de « faciliter la réinsertion sociale d'une personne condamnée ». Par cohérence avec les dispositions adoptées dans l'article 24 de la loi du 15 août 2014 précitée relatives aux principes régissant la mise en oeuvre des peines, votre commission a adopté un amendement de votre rapporteur précisant qu'il s'agit de faciliter « l'insertion ou la réinsertion » du condamné.

Enfin, comme à l'article 2 ( cf. le commentaire de cet article), il apparaît préférable d'insérer les dispositions relatives à la possibilité d'user de la visio-conférence pour des communication entre la France et un autre pays de l'Union européenne au sein même des nouvelles dispositions créées par le présent article, alors que le projet de loi propose, dans son article 5, d'effectuer cette précision à l'article 706-71 du code de procédure pénale , relatif à l'utilisation de cette technique de communication. Votre commission a adopté un amendement de votre rapporteur en ce sens.

Votre commission a adopté l'article 3 ainsi modifié .

Article 4 (art. 20-12 [nouveau] de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante) - Reconnaissance des condamnations et
des décisions de probation pour les mineurs

Le présent article a pour but de permettre l'application des dispositions de l'article 3 en matière de justice des mineurs. À cette fin, il prévoit que le juge des enfants exerce les attributions du juge de l'application des peines définies par ce même article 3.

Votre commission a adopté l'article 4 sans modification .

CHAPITRE III BIS (NOUVEAU) - DISPOSITIONS TENDANT À TRANSPOSER LA DIRECTIVE 2011/99/UE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL DU 13 DÉCEMBRE 2011 RELATIVE À LA DÉCISION DE PROTECTION EUROPÉENNE

Article 4 bis (nouveau) (chapitre VII [nouveau] du titre X du livre IV du code de procédure pénale : art. 696-90 à 696-106 [nouveaux] ; art. 227-34 [nouveau] du code pénal) - Reconnaissance mutuelle, au sein de l'Union européenne, des décisions de protection prises à l'encontre des victimes d'infraction

Cet article, qui résulte d'un amendement du Gouvernement , tend à transposer la directive 2011/99/UE relative à la décision de protection européenne.


Une directive qui s'inscrit dans la continuité des décisions-cadres précédentes

Il s'agit, comme aux articles 2 et 3, d'une nouvelle déclinaison du principe de reconnaissance mutuelle des décisions de justice. Elle porte cette fois-ci sur les mesures de protection prises au profit de victimes d'infraction et à l'encontre de l'auteur des faits.

De telles mesures de protection correspondent à certaines obligations ou interdictions prononcées, en France, en matière pénale, dans le cadre d'un contrôle judiciaire ou d'un sursis avec mise à l'épreuve, notamment en cas de violences, de menaces ou de harcèlement. Il s'agit d'interdire à l'auteur des faits de s'approcher de sa victime, de la contacter ou de fréquenter les mêmes lieux qu'elle.

En revanche, l'ordonnance de protection 40 ( * ) , émise par le juge aux affaires familiales, pour protéger la victime de violences conjugales, n'entre pas dans le champ de la directive. Cette dernière est en effet exclusivement consacrée aux mesures de protection prononcées par un juge pénal. L'ordonnance de protection pourra toutefois faire l'objet, à partir du 11 janvier 2015, d'une reconnaissance au sein de l'Union européenne, sur la base d'un règlement communautaire spécifique, dédié à la reconnaissance mutuelle des mesures de protection en matière civile 41 ( * ) .

L'objectif de la directive est, à la demande de la victime, d'élever ces mesures au rang d'une « décision européenne de protection », afin d'en garantir l'exécution et le suivi dans l'État membre dans lequel l'intéressée entend séjourner : la protection dont elle bénéficie se déplacera donc avec elle.

La procédure proposée est un décalque des procédures précédemment présentées aux articles 2 et 3, qui distinguent trois phases : d'abord l'émission de la décision de protection européenne et sa transmission à l'autorité compétente de l'État membre où la victime entend séjourner (dit « État d'exécution ») ; ensuite la reconnaissance ou l'adaptation éventuelle de cette décision par l'État d'exécution ; et, enfin, sa mise en oeuvre et son suivi dans cet État.

Elle présente toutefois plusieurs caractéristiques.

La première tient aux mesures susceptibles de faire l'objet d'une décision européenne de protection : il s'agit uniquement des interdictions pénales (ou de la réglementation des façons) d'approcher la victime, de fréquenter les lieux qu'elle fréquente ou d'entrer en contact avec elle.

La deuxième est relative à la nécessité d'informer à la fois la victime et l'auteur des faits de l'adoption de la décision de protection européenne et de sa transmission.

La troisième caractéristique de cette procédure tient aux pouvoirs conférés à l'autorité compétente de l'État d'exécution : ceux-ci sont étendus, comme en matière de suivi des décisions probatoires prévu à l'article 3 du présent projet de loi. En cas de manquement de l'auteur des faits aux interdictions prévues par la mesure de protection, l'autorité compétente de l'État d'exécution peut le poursuivre si ce manquement est pénalement réprimé dans son droit interne, ou prendre toute mesure de nature à le faire cesser. La protection de la victime prime.

Enfin, dernière caractéristique de cette procédure, elle n'est mise en oeuvre que si la mesure de protection n'est pas déjà exécutée sur le fondement d'une des deux autres décisions-cadres transposées aux articles 2 et 3 du présent texte. En effet, comme on l'a vu, la décision européenne de protection porte sur des décisions pénales qui s'apparentent soit à des mesures de contrôle judiciaire, soit à des mesures probatoires, lesquelles peuvent être exécutées dans un autre État membre, en vertu des décisions-cadres précitées.


Une transposition conforme aux choix précédemment effectués

Le présent article prévoit au titre X du livre IV du code de procédure pénale un chapitre VII , consacré à la transposition et divisé en deux sections , l'une relative à l'émission par les autorités françaises d'une décision de protection européenne et l'autre à la reconnaissance et à l'exécution, par ces mêmes autorités, d'une telle décision émise à l'étranger.

Le nouvel article liminaire de ce chapitre ( article 696-90 du code de procédure pénale ) rappelle le champ exact de la décision de protection européenne.

La section I , qui regroupe les nouveaux articles 696-91 à 696-96 , traite de la situation dans laquelle un juge français a prononcé des interdictions à l'encontre d'une personne afin de protéger sa victime, dans le cadre d'un contrôle judiciaire ou d'une condamnation.

L' article 696-91 donne alors compétence au procureur de la République 42 ( * ) pour émettre une décision de protection européenne à la demande de la victime et l'adresser à l'autorité compétente de l'État d'exécution ( article 696-95 ). La personne soumise à ces interdictions est informée de l'émission d'une telle décision de protection européenne, ainsi que, le cas échéant, de la décision d'origine ordonnant les mesures d'interdiction, si cette information n'a pas déjà eu lieu ( article 696-92 ).

Le procureur de la République n'émet la décision européenne de protection que s'il la juge nécessaire pour assurer la protection de la personne ( article 696-93 ). Le procureur de la République et le juge qui a prononcé la mesure d'origine s'informent mutuellement des décisions qu'ils rendent ( articles 696-95 et 696-96 ).

La décision européenne de protection porte sur des mesures de contrôle judiciaire ou des décisions probatoires qui peuvent faire l'objet, à l'initiative d'un juge français, d'une demande de reconnaissance et d'exécution dans un autre État membre, conformément aux deux décisions-cadres transposées aux articles 2 et 3 du présent projet de loi. L' article 696-94 prévoit ce cas de figure et donne la préférence à ces deux dernières procédures : le procureur devra refuser l'émission d'une décision européenne de protection si la mesure qui la fonde est déjà reconnue dans l'État membre auquel cette décision est destinée à être transmise.

La deuxième section est dévolue à la situation inverse à la première. Il s'agit de la reconnaissance et de l'exécution en France de décisions de protection européennes.

Le procureur de la République joue, là encore, un rôle clé : il reçoit la demande de reconnaissance ( article 696-97 ), fait procéder, si nécessaire, à tout complément d'enquête ( article 696-98 ), puis en saisit, dans les sept jours, le juge des libertés et de la détention, qui statue dans les dix jours ( article 696-99 ).

L'article 696-100 énumère les motifs de refus obligatoire, qui sont les même que ceux prévus aux articles 2 et 3 du présent texte : incomplétude de la demande, risque de conflit avec la règle non bis in idem , infraction à l'origine de la mesure qui ne pourrait être poursuivie en France, faute d'une incrimination, ou en raison d'une amnistie, d'une immunité pénale, d'une prescription, ou de la jeunesse (moins de treize ans) de l'auteur des faits.

L'article 696-101 y ajoute deux motifs de refus possible : l'infraction a été commise en majeure partie sur le territoire français ; il y a risque de conflit avec la règle non bis in idem en raison d'une condamnation déjà prononcée dans un pays non membre de l'Union européenne.

S'il reconnaît la décision, le juge des libertés et de la détention adopte par ordonnance les mesures susceptibles de la traduire dans notre ordre juridique ( article 696-102 ), puis en informe l'autorité compétente de l'État d'émission, ainsi que l'auteur de l'infraction, qui peut contester sa décision ( article 696-103 ). En cas de refus de reconnaissance, le juge des libertés et de la détention en informe la victime et l'autorité compétente de l'État d'émission ( article 696-104 ).

Le juge des libertés et de la détention demeure compétent pour modifier la mesure conformément aux modifications apportées par son homologue à la décision d'origine ou pour en ordonner la mainlevée si cette décision n'entre plus dans le champ de la décision européenne de protection ( articles 696-105 et 696-106 ). Il y met fin si la décision d'origine est révoquée ou si une procédure en reconnaissance de cette décision est engagée sur le fondement des décisions-cadres transposées aux articles 2 et 3 ( article 696-106 ).

Afin de permettre aux autorités françaises d'imposer au contrevenant le respect des interdictions prononcées à son encontre, le présent article crée une incrimination spécifique, au deuxième alinéa de l'article 227-4-2 du code pénal, qui sanctionne actuellement le fait de ne pas se conformer aux obligations ou interdictions imposées en vertu d'une ordonnance de protection. La peine encourue serait de deux ans d'emprisonnement et 15 000 euros d'amendes. Il reviendrait au procureur de la République, autorité de poursuite de cette infraction, de prévenir le juge étranger du non-respect par l'intéressé de la décision de protection européenne ( article 696-105 ).


La position de votre commission : une transposition qui s'impose, sous réserve de quelques corrections

Les mêmes raisons qui ont précédemment convaincu votre commission d'accepter les transpositions proposées, l'ont conduite à adopter l' amendement du Gouvernement. Le dispositif de la décision de protection européenne garantira aux victimes de certaines violences que la protection dont elles bénéficient les suivra dans leurs déplacements en Europe.

À l'initiative de son rapporteur, votre commission a toutefois adopté six sous-amendements à l'amendement du Gouvernement. Quatre sont rédactionnels, deux apportent une modification plus substantielle au dispositif.

Le premier crée un recours pour la victime contre le refus de reconnaissance de la décision de protection européenne opposé par le juge des libertés et de la détention.

Le second isole l'incrimination pénale sanctionnant le non-respect de la décision de protection européenne dans un nouvel article 227-34 du code pénal, intégré à un nouveau chapitre VIII du titre II du livre II du même code. En effet, placer cette incrimination dans l'article dédié à la violation de l'ordonnance de protection était source de confusion. Non seulement l'ordonnance de protection, mesure civile, n'est pas susceptible de faire l'objet d'une décision de protection européenne, mais elle ne concerne que les violences familiales, contrairement à la seconde dont le champ est beaucoup plus vaste.

Votre commission a adopté l'article additionnel 4 bis ainsi rédigé .

CHAPITRE III TER (NOUVEAU) - DISPOSITIONS TENDANT À TRANSPOSER LA DIRECTIVE 2012/29/UE DU PARLEMENT EUROPEEN ET DU CONSEIL DU 22 OCTOBRE 2012 ÉTABLISSANT DES NORMES MINIMALES CONCERNANT LES DROITS, LE SOUTIEN ET LA PROTECTION DES VICTIMES DE LA CRIMINALITÉ

Article 4 ter (nouveau) (sous-titre III [nouveau] du titre préliminaire
du livre Ier du code de procédure pénale : art. 10-2 à 10-5 [nouveaux], art. 53-1, 75, 183 et 391) - Droits des victimes

Le présent article, issu d'un amendement du Gouvernement, tend à parachever la transposition dans notre droit des dispositions de la directive n° 2012/29/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2012 établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité . De nombreuses dispositions existent en effet déjà au sein de notre législation, plus favorable aux victimes que celle de plusieurs pays de l'Union européenne, qu'il s'agit seulement de compléter conformément à la directive.

La première partie de l'article ( articles 10-2 et 10-3 [nouveaux] du code de procédure pénale ) reprend des dispositions qui figurent déjà aux articles 53-1 et 75 du code de procédure pénale en les plaçant simplement au sein d'un nouveau sous-titre III du titre préliminaire du livre I er du code de procédure pénale intitulé « Des droits des victimes ».

La seconde partie de l'article (article 10-5 [nouveau]) transpose l'obligation d'évaluation personnalisée des éventuels besoins de protection de la victime au cours de la procédure pénale , prévue par la directive. Cette évaluation a pour but d'identifier les victimes qui, en raison notamment de la nature de l'infraction subie (violences conjugales, violences sexuelles,...) ou de leurs caractéristiques personnelles (isolement, mauvaise maîtrise du français, difficultés psychologiques, handicaps physiques ou mentaux,...) sont particulièrement exposées à des risques de représailles ou d'intimidation de la part de l'auteur des faits. Un décret viendra préciser les modalités de cette évaluation en s'appuyant sur des expériences déjà menées dans d'autres pays européens et sur l'expérience menée actuellement dans notre pays.

Enfin, la dernière partie de l'amendement prévoit la notification aux victimes, à leur demande, des ordonnances de non-lieu rendues par le juge d'instruction et consacre leur droit à une traduction des avis d'audience.

Votre commission a adopté l'article additionnel 4 ter ainsi rédigé .

CHAPITRE IV - DISPOSITIONS DIVERSES ET DE COORDINATION

Article 5 (art. 706-71 du code de procédure pénale) - Recours à la visio-conférence en dehors du territoire national, pour le suivi dans un État membre de l'Union européenne des mesures de contrôle judiciaire ou des décisions probatoires prononcées dans un autre État membre

Cet article vise à autoriser, conformément à ce que prévoient les décisions-cadres transposées aux articles 2 et 3 du présent texte, l'usage de la visio-conférence avec une personne établie à l'étranger, afin que le juge chargé de reconnaître la décision transmise par l'autorité étrangère puisse l'entendre.

L'usage de la visio-conférence est de plus en plus répandu en matière pénale, notamment pour l'audition ou la confrontation des personnes mises en cause, le placement en détention provisoire, l'audition des témoins et experts lors du procès, ou même la comparution d'un accusé détenu, devant le tribunal correctionnel.

L'article 706-71 du code de procédure pénale limite en principe le recours à cette technique au territoire de la République. Cette limitation connaît toutefois quelques exceptions.

Ainsi, l'article 694-5 du même code autorise l'usage de la visio-conférence, en France et à l'étranger, pour l'exécution simultanée de demandes d'entraide d'autorités judiciaires étrangères ou d'actes d'entraide réalisés à la demande de la France. De la même manière, les articles 695-9-22 et 695-9-25 du même code prévoient l'intervention, par visio-conférence, de l'autorité judiciaire qui demande le gel de biens ou d'éléments de preuves, devant la chambre de l'instruction appelée à statuer sur le recours formé contre la mise à exécution de la décision de gel demandée.

Les deux décisions-cadres relatives à la reconnaissance dans l'Union, d'une part, des mesures de contrôle judiciaires et, d'autre part, des condamnations et décisions de probation, transposées par les articles 2 et 3 du présent texte, imposent le recours à la visio-conférence pour l'audition de la personne concernée par l'autorité chargée de reconnaître ces décisions. Une telle possibilité est justifiée par la situation de la personne en cause, souvent établie, au moment de la décision, dans l'État où a été prononcée la mesure. Il est préférable qu'elle soit entendue de cette manière, plutôt qu'elle ne le soit pas du tout, faute de pouvoir se rendre, à cet instant, dans l'État d'exécution de la décision.

Dans un souci de symétrie, le projet de loi prévoyait de doubler la référence faite, comme on l'a vu aux articles 2 et 3 43 ( * ) , à la possibilité d'une telle visio-conférence internationale, avec une mention opérée par le présent article à l'article 706-71 du code de procédure pénale, que la visio-conférence peut aussi être effectuée dans un autre État membre de l'Union européenne.

Toutefois, par sa généralité, l'incise rendrait possible, dans tous les cas et pas uniquement dans ceux visés dans les décisions-cadres, le recours à la visio-conférence entre la France et un État membre de l'Union.

Constatant, d'une part, que la portée de la modification proposée dépassait l'effet recherché, et, d'autre part, que cet effet pouvait être atteint par une simple précision supplémentaire aux articles 2 et 3 du présent texte, votre commission a adopté, à l'initiative de son rapporteur, un amendement de suppression du présent article, associé à deux amendements de précision aux articles 2 et 3 précités.

Votre commission a supprimé l'article 5.

Article 5 bis (nouveau) (art. 77-2, 145, 199, 221-3, 230-40, 706-73, 706-73-1 [nouveau], 706-74, 706-75, 706-75-1, 706-75-2, 706-77, 706-79, 706-81, 706-88 à 706-96, 706-102-1, 866 du code de procédure pénale) - Prise en compte de la décision n° 2014-420/421 QPC du Conseil constitutionnel relative à la procédure applicable en matière d'escroquerie en bande organisée et en matière de travail dissimulé

Par une décision n° 2014-420/421 QPC du 9 octobre 2014, le Conseil constitutionnel a déclaré inconstitutionnel le 8° bis de l'article 706-73 du code de procédure pénale, qui inclut l'escroquerie en bande organisée dans la liste des infractions autorisant le recours à la garde à vue de 96 heures et les pouvoirs spéciaux d'enquête et d'investigation.

Anticipant le risque de censure du Conseil constitutionnel, notons que l'article 4 de la loi du 27 mai 2014 avait déjà complété l'article 706-88 du code de procédure pénale par un alinéa prévoyant que la garde à vue prolongée ne pourrait être mise en oeuvre que de manière exceptionnelle : « Le présent article n'est pas applicable au délit prévu au 8° bis de l'article 706-73 ou, lorsqu'elles concernent ce délit, aux infractions mentionnées aux 14° à 16° du même article. Toutefois, à titre exceptionnel, il peut être appliqué si les faits ont été commis dans des conditions portant atteinte à la sécurité, à la dignité ou à la vie des personnes ou aux intérêts fondamentaux de la nation définis à l'article 410-1 du code pénal ou si l'un des faits constitutifs de l'infraction a été commis hors du territoire national, dès lors que la poursuite ou la réalisation des investigations nécessaires à la manifestation de la vérité rend indispensable, en raison de leur complexité, la prolongation de la garde à vue. Les ordonnances prolongeant la garde à vue sont prises par le juge des libertés et de la détention, sur requête du procureur de la République ou du juge d'instruction. Elles sont spécialement motivées et font référence aux éléments de fait justifiant que les conditions prévues au présent alinéa sont réunies . »

Toutefois, le Conseil constitutionnel a considéré que cette restriction était insuffisante considérant le fait que « ni les éléments constitutifs du délit d'escroquerie ni les circonstances aggravantes de ce délit ne font référence à des faits d'atteinte à la sécurité, à la dignité ou à la vie des personnes » et que, dès lors, ces modifications « n'ont pas mis fin à l'inconstitutionnalité du 8° bis de l'article 706-73 du code de procédure pénale ».

La censure du Conseil constitutionnel ne vise, sur le fond, que le recours à la garde à vue de 96 heures en matière d'escroquerie en bande organisée. Cependant, la déclaration d'inconstitutionnalité du 8° bis de l'article 706-73 du code de procédure pénale emporte également l'impossibilité de recourir à l'ensemble des pouvoirs spéciaux d'enquête et d'investigation prévus par les articles 706-80 et suivants du code de procédure pénale.

Afin d'éviter de telles conséquences, manifestement excessives au regard de l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs des infractions, la déclaration d'inconstitutionnalité ne prend effet qu'à compter du 1 er septembre 2015.

Le présent article, issu d'un amendement du Gouvernement, vise à tirer les conséquences de cette décision en rétablissant la possibilité de recourir aux pouvoirs spéciaux d'enquête et d'investigation, à l'exclusion de la garde à vue de 96 heures, en matière d'escroquerie en bande organisée et en matière de blanchiment, non justification de ressources et association de malfaiteurs commis en lien avec ce délit. Le régime applicable au travail dissimulé, qui est similaire en vertu de la loi n° 2014-790 du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale, est regroupé dans le même article par souci de cohérence.

Les 3° à 9° sont des dispositions de coordination. Il convient en effet d'introduire la référence à l'article 706-73-1 partout où l'article 706-73 est mentionné au sein du code de procédure pénale.

Le présent article consacre ainsi plus généralement un nouveau régime de techniques d'enquête, comprenant l'ensemble de celles qui existaient déjà auparavant sauf la garde à vue prolongée.

Votre commission a adopté l'article additionnel 5 bis ainsi rédigé .

Article 5 ter (nouveau) (art. 713-48 [nouveau] du code de procédure pénale) - Exécution provisoire de l'emprisonnement dans le cadre de la contrainte pénale

Le présent article est issu d'un amendement du Gouvernement. Il tend à préciser les dispositions relatives à la peine de contrainte pénale instituée par la loi du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales, en prévoyant que les décisions mettant à exécution l'emprisonnement sanctionnant la contrainte pénale (si le condamné ne respecte pas ses obligations ou commet une nouvelle infraction), prises par le président du tribunal ou par la juridiction de jugement, sont exécutoires par provision .

Cette exécution provisoire, déjà prévue par l'article 712-14 du code de procédure pénale pour toutes les décisions des juges de l'application des peines et par le dernier alinéa de l'article 131-4-1 du code pénal pour le prononcé de la peine de contrainte pénale, semble indispensable pour assurer l'effectivité de la sanction prévue pour le non-respect des obligations liées à la contrainte pénale.

Votre commission a adopté l'article additionnel 5 ter ainsi rédigé .

Article 6 (art. L. 313-13 du code de l'entrée et du séjourdes étrangers et du droit d'asile) - Titre de séjour des bénéficiaires de la protection subsidiaire et des parents des mineurs bénéficiaires de cette protection

Le présent article vise à allonger la durée du titre de séjour délivré aux bénéficiaires de la protection subsidiaire et à étendre aux parents des mineurs non mariés bénéficiaires de cette protection le droit à la délivrance d'un titre de séjour.

Introduite par la directive 2004/83/CE du Conseil du 29 avril 2004 dite « directive qualification » 44 ( * ) , la protection subsidiaire peut être accordée à toute personne qui, bien qu'elle ne puisse pas bénéficier du statut de réfugié tel que défini par la convention de Genève du 28 juillet 1951, établit qu'elle est exposée, en cas de retour dans son pays d'origine, à l'une des menaces graves suivantes :

- la peine de mort ;

- la torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;

- s'agissant d'un civil, une menace grave, directe et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d'une violence généralisée résultant d'une situation de conflit armé ou international. 45 ( * )

En vertu de l'article L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), le bénéfice de la protection subsidiaire, accordé par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA), ouvre droit à la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » prévue à l'article L. 313-11 du même code, sans que soit exigée la production par l'étranger d'un visa long séjour 46 ( * ) . La délivrance, même de plein droit, de cette carte n'autorise le séjour que pour une durée d'un an, conformément aux articles L. 311-2 et L. 313-1 du même code.

Le bénéfice de la protection subsidiaire ouvre également droit à la délivrance de la même carte de séjour temporaire au conjoint du bénéficiaire sous certaines conditions 47 ( * ) , ainsi qu'à ses enfants dans l'année suivant leur majorité.

La directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 48 ( * ) est une refonte de la directive 2004/83/CE du Conseil du 29 avril 2004. Elle a notamment modifié le paragraphe 2 de l'article 24 relatif au titre de séjour délivré au bénéficiaire de la protection subsidiaire sur deux points :

- elle étend aux membres de la famille du bénéficiaire de la protection la délivrance d'un titre de séjour ;

- la durée de validité dudit titre après renouvellement est précisée comme devant être d'au moins deux ans.

Le droit français prévoit d'ores et déjà la délivrance d'un titre de séjour au conjoint du bénéficiaire ainsi qu'à ses enfants. Cependant, par une modification des définitions figurant à l'article 2, la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 inclut désormais dans les « membres de la famille » les parents d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire lorsque celui-ci est mineur et non marié 49 ( * ) . Cette modification implique donc l'extension du périmètre des bénéficiaires du titre de séjour par rapport au droit en vigueur.

Par ailleurs, la transposition de l'article 24 de la directive emporte l'allongement d'un an à au moins deux ans de la durée de validité de la carte de séjour temporaire délivrée après renouvellement.

L'article 6 du projet de loi apporte en conséquence à l'article L. 313-13 du CESEDA trois modifications :

- il ajoute à la liste des bénéficiaires d'une carte de séjour temporaire les « ascendants directs au premier degré », c'est-à-dire les parents, lorsque le bénéficiaire de la protection subsidiaire est un mineur non marié ;

- il précise que seuls les enfants non mariés du bénéficiaire de la protection se voient délivrer une carte de séjour, conformément à la directive ;

- il prévoit que la carte de séjour temporaire est renouvelée pour une durée de deux ans, par dérogation aux dispositions prévoyant qu'une carte temporaire n'est délivrée que pour une durée maximale d'un an. Le choix a ainsi été fait de retenir la durée minimale prévue par la directive.

En outre, l'article 6 rend ces dispositions applicables à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, une mention expresse étant ici nécessaire en application du principe de spécialité législative qui régit en partie le droit applicable dans ces deux collectivités d'outre-mer.

L'article 39 de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ayant fixé au 21 décembre 2013 la date limite pour la mise en conformité des droits nationaux avec ses dispositions, le délai de transposition est expiré. La Commission européenne a en conséquence ouvert une procédure d'infraction contre la France dès le mois de janvier 2014. C'est pourquoi les dispositions ici commentées, qui remédient au seul motif de non-conformité du droit français aux dispositions de la directive « qualification », ont été intégrées à la fois au présent article 6 et à l'article 18 du projet de loi relatif à la réforme de l'asile en cours d'examen à l'Assemblée nationale. Bien qu'il paraisse plus pertinent d'examiner ces dispositions à l'occasion de l'examen du projet de loi dédié, votre commission s'est inclinée devant la nécessité de procéder à la transposition complète de la directive « qualification » dans les plus brefs délais.

Votre commission a adopté l'article 6 sans modification .

Article 7 - Application outre-mer

Cet article prévoit l'application de la loi à Wallis-et-Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, conformément au principe de spécialité législative qui les régit et impose une mention expresse d'application pour les dispositions de droit pénal et de procédure pénale.

Votre commission a adopté l'article 7 sans modification .

Article 8 - Entrée en vigueur de la loi

Cet article organise l'entrée en vigueur des différentes dispositions du texte dans son I. et prévoit, à ses II. et III. , un régime transitoire pour deux dispositions.

En vertu du I. , seul l'article 6 transposant une disposition de la directive sur l'asile entrerait en vigueur le jour suivant la publication de la loi.

L'entrée en vigueur des autres dispositions serait fixée au 1 er décembre 2014.

Compte tenu de l'inscription tardive par le Gouvernement du présent texte à l'ordre du jour du Sénat, il est vraisemblable que la promulgation du texte sera postérieure à cette date, fixée par référence au jour à partir duquel une action en manquement pourrait être engagée devant la Cour de justice de l'Union européenne contre la France. Votre commission a donc adopté un amendement de son rapporteur supprimant cette référence au 1 er décembre et renvoyant à l'entrée en vigueur commune, le jour suivant la publication de la loi.

Le premier des deux régimes transitoires prévu au II. de l'article 8 vise à ne rendre applicables les deux procédures de reconnaissance des décisions de contrôle judiciaire ou de probation, transposées aux articles 2 et 3, qu'aux demandes formulées par les autres États membres après l'entrée en vigueur de la loi.

Une telle exception ne se justifie pas. Soit la demande antérieure à l'entrée en vigueur de ces dispositions et formulée conformément à la décision-cadre par l'État étranger aura été rejetée implicitement ou expressément. Elle devra alors être renouvelée par l'autorité compétente de l'autre État. Soit elle ne le sera pas encore et pourra être traitée sans difficulté selon le nouveau régime.

À l'initiative de son rapporteur, votre commission a par conséquent adopté un amendement tendant à supprimer cette disposition.

Le III. du présent article prévoit une disposition transitoire en matière de reconnaissance mutuelle des décisions de probation (article 3).

Il dispose ainsi que les relations avec les États-membres n'ayant pas transposé la décision-cadre 2008/947/JAI resteront régies, d'une part, par les dispositions du code de procédure pénale, d'autre part, par la convention du Conseil de l'Europe pour la surveillance des personnes condamnées ou libérées sous condition signée le 30 novembre 1964.

En effet, l'article 23 de la décision-cadre précitée prévoit que « à partir du 6 décembre 2011, la présente décision-cadre remplace, dans les relations entre les États-membres, les dispositions correspondantes de la convention du Conseil de l'Europe du 30 novembre 1964 pour la surveillance des personnes condamnées ou libérées sous condition ». Il s'agit ainsi de permettre la poursuite de la coopération avec des États-membres qui n'auront pas transposé la directive, voire qui en suspendront l'application pour quelque raison que ce soit (ainsi, lorsque la cour fédérale allemande a annulé la loi de transposition relative au mandat d'arrêt européen en Allemagne, il a fallu revenir à la procédure d'extradition pendant presque deux ans).

Votre commission a adopté l'article 8 ainsi modifié .

*

* *

Au bénéfice de l'ensemble de ces observations, votre commission des lois a adopté le projet de loi ainsi modifié .

EXAMEN EN COMMISSION

_______

MERCREDI 29 OCTOBRE

M. Philippe Bas , président . - M. Zocchetto, retenu par d'impérieuses raisons familiales, me charge de vous présenter le rapport qu'il a réalisé sur le projet de loi d'adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne.

Ce texte remédie au retard pris par la France - qui nous place sous la menace d'actions en manquement - dans la transposition de décisions-cadres de l'Union européenne prises en application du troisième pilier relatif à l'espace de justice et de sécurité prévu par le traité d'Amsterdam de 1999. Dotées par le traité de Lisbonne de la même valeur juridique que les directives, les décisions-cadres doivent en effet être transposées. Une dizaine l'ont été ; trois attendent encore. C'est l'objet de ce projet de loi, qui transpose en outre des dispositions de la directive « qualification » du paquet « asile » - la validité du titre de séjour d'un réfugié bénéficiant de la protection subsidiaire de l'État sera portée de un à deux ans, et les parents d'un mineur bénéficiaire de cette protection se verront attribuer un titre de séjour identique. Les chrétiens de Syrie, par exemple, pourront en bénéficier.

Les normes européennes à transposer en matière pénale ont, jusqu'à présent, d'une part, concerné l'unification des protections minimales : présence d'un avocat, droits des victimes, par exemple. Elles ont, d'autre part, touché à la reconnaissance mutuelle des décisions : les jugements prononcés dans d'autres pays de l'Union européenne doivent pouvoir être exécutés en France dans des conditions plus souples que celles requises par la procédure de l' exequatur .

Le principe non bis in idem empêche déjà que deux procédures judiciaires concurrentes, ouvertes dans deux pays différents et portant sur les mêmes faits et les mêmes personnes, n'aboutissent au prononcé de deux sanctions : la première rendue s'impose à l'autre. L'effet de cette règle est toutefois trop tardif : il est regrettable que des magistrats mènent leurs procédures parallèlement sans s'informer mutuellement. La première décision-cadre que transpose ce projet de loi crée dans un tel cas une phase d'information et de consultation entre les magistrats.

Deuxième apport de ces textes : la reconnaissance mutuelle des décisions pénales et des condamnations et leur exécution dans un autre pays de l'Union européenne que celui dans lequel a eu lieu la condamnation. Un premier texte, adopté l'année dernière, sur le rapport de notre collègue Alain Richard, a autorisé l'exécution en France de peines d'emprisonnement prononcées à l'étranger. Le présent texte s'attache d'abord au contrôle judiciaire, objet de la seconde décision-cadre transposée par le présent texte, et identifie trois phases : l'émission par le juge d'une requête en reconnaissance et la saisine de son homologue dans un autre État membre ; la reconnaissance formelle de la mesure et sa mise en oeuvre dans le pays du ressortissant ; le suivi de l'exécution enfin, la révocation de la mesure ne pouvant se faire que dans le pays qui l'aura prise. Une procédure analogue est ensuite prévue pour les mesures de probation après condamnation, qui font l'objet de la troisième décision-cadre transposée par le projet de loi ; si les contraintes ne sont pas respectées par le condamné, son incarcération pourra être décidée dans le pays où la peine est exécutée, puisque l'éventualité d'un retour en prison est comprise dans la peine prononcée.

M. Jean-René Lecerf . - L'étude d'impact révèle que peu d'autres pays ont transposé ces mesures. Or elles ne sont applicables que sous réserve de réciprocité : le seront-elles seulement ?

M. Philippe Bas , président . - Effectivement, les procédures ne pourront être mises en oeuvre qu'à la condition d'avoir aussi été transposées dans l'État-membre auquel le juge s'adressera.

M. Alain Richard . - J'approuve ce texte, qui s'inscrit dans une suite cohérente. La France participe de longue date à cette politique de coopération judiciaire. Nous devons rendre ces dispositions applicables très prochainement, mais sous condition de réciprocité. Une précision : l'extension de la validité du titre de séjour aux parents des bénéficiaires de la protection subsidiaire de l'État ne vaut que pour les bénéficiaires mineurs.

M. Jean-Pierre Sueur . - Si nous adoptons ce texte, ses dispositions seront applicables dans les pays ayant fait de même. Qu'en sera-t-il ailleurs ?

M. Philippe Bas , président . - Une partie seulement des États-membres a transposé ces décisions-cadres. Dans les autres, les dispositions que nous aurons transposées ne seront donc pas encore applicables. Il appartient à la Commission européenne, par le biais de l'action en manquement, de hâter cette transposition. La coopération avec les pays en retard continuera toutefois sur la base des règles minimales fixées par les instruments internationaux préexistants, aussi précises que celles que nous transposons (bien que ces règles ne soient sans doute pas aussi précises que celles que nous transposons). Nous ne sommes pas totalement dépourvus d'outils de coopération judiciaire.

Article 1 er

M. Philippe Bas , président . - L'amendement n° 1 affine la rédaction de l'article 1 er relatif aux informations échangées entre les juges : il clarifie la distinction entre la phase de prise de contact et la phase de consultations au cours desquelles les magistrats peuvent échanger toute information pertinente « dans la limite de ce qu'il est raisonnablement possible de communiquer » ; mais cette dernière notion est remplacée par celle, plus courante dans notre droit pénal, de « ce qui n'est pas susceptible de nuire au bon déroulement des investigations ».

L'amendement n° 1 est adopté.

M. Philippe Bas , président . - L'amendement n° 2 rectifié impose l'information de la partie civile lorsque les investigations sont suspendues en faveur d'un juge étranger. Il faut éviter que les proches de victimes apprennent tardivement que le juge qu'ils avaient saisi s'était abstenu d'agir dans l'attente des résultats de la procédure conduite par son homologue étranger.

L'amendement n° 2 rectifié est adopté.

Article 2

L'amendement rédactionnel n° 3 est adopté, de même que les amendements rédactionnels n os 4, 5, 6 et 7.

L'amendement de rectification d'une erreur matérielle n° 8 est adopté.

Article 3

M. Philippe Bas , président . - L'amendement n° 9 ajoute « insertion » avant « réinsertion », conformément à la rédaction prévue par la loi du 15 août 2014.

L'amendement n° 9 est adopté.

M. Philippe Bas , président . - L'amendement n° 10 inclut la contrainte pénale dans le champ de la transposition de la décision-cadre « probation ».

L'amendement n° 10 est adopté.

L'amendement rédactionnel n° 11 est adopté, de même que les amendements rédactionnels n os 12 et 13.

Article 5

L'amendement de coordination n° 14 est adopté.

Articles additionnels après l'article 5

M. Philippe Bas , président . - Le Gouvernement profite à juste titre du présent texte pour transposer deux directives sur la protection des victimes : ainsi de la victime de violences conjugales dont l'agresseur se voit imposer un éloignement minimal du domicile. Le rapporteur vous propose d'accepter l'amendement n° 16, sous réserve de sa modification par les six sous-amendements n os 20, 21, 22, 23, 24 et 25.

Le sous-amendement n° 20 est adopté, de même que les sous-amendements n os 21, 22, 23, 24 et 25. L'amendement n° 16 ainsi modifié est adopté.

M. Philippe Bas , président . - L'amendement n° 17 tire les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel relative à la garde à vue de 96 heures dans les cas d'escroquerie en bande organisée. En déclarant celle-ci disproportionnée au but poursuivi, le juge a fait tomber par contrecoup un certain nombre de moyens d'enquête, dont certains parfaitement raisonnables. Le Gouvernement entend logiquement les rétablir.

M. Hugues Portelli . - La fameuse décision du Conseil constitutionnel de 2010 a abrogé l'essentiel des dispositions relatives à la garde à vue, à l'exception de celles relatives à l'escroquerie en bande organisée. C'est en réalité la chambre criminelle de la Cour de cassation qui la première a jugé ces dispositions contraires à la convention européenne des droits de l'homme.

L'amendement n° 17 est adopté.

M. Philippe Bas , président . - L'amendement n° 18 précise que si le condamné sous contrainte pénale ne respecte pas ses obligations, la sanction prévue dans la décision initiale - l'emprisonnement -, une fois prononcée, est exécutoire par provision.

M. Yves Détraigne . - Qu'est-ce à dire ?

M. Alain Richard . - L'appel n'est pas suspensif.

M. Philippe Bas , président . - De sorte qu'on ne laisse pas dans la nature ceux qui ne respectent pas la contrainte pénale.

M. Jean-Jacques Hyest . - C'est logique. Comment se fait-il que la Chancellerie soit passée à côté de cet aspect des choses ? Nous aussi aurions pu le voir, bien sûr...

M. Philippe Bas , président . - Elle dispose de moyens plus importants !

L'amendement n° 18 est adopté.

M. Philippe Bas , président . - J'ai déjà parlé de l'amendement n° 19 relatif aux droits des victimes. Il est assorti d'un sous-amendement du rapporteur, n° 26, rédactionnel.

Le sous-amendement n° 26 est adopté.

L'amendement n° 19 ainsi modifié est adopté.

M. Philippe Bas , président . - L'amendement n° 27 du Gouvernement concerne les Français emprisonnés à l'étranger qui préféreraient effectuer leur peine en France conformément à ce prévoit une décision-cadre transposée par la loi du 5 août 2013. L'amendement ouvre cette possibilité à ceux qui ne résident pas habituellement en France.

M. Alain Richard . - Tous les binationaux en bénéficieraient-ils ?

M. Philippe Bas , président . - Oui.

M. Alain Richard . - Dans ce cas, celui qui ne souhaite pas effectuer sa peine dans la maison d'arrêt d'Abidjan pourrait demander son billet pour Fleury-Mérogis ? Cela pourrait concerner des dizaines de milliers de personnes.

M. Philippe Bas , président . - Cela renvoie d'abord au débat sur la bi-nationalité. Les autorités françaises feignent souvent d'ignorer la seconde nationalité. Quoi qu'il en soit, M. Richard a raison : cette mesure n'est pas sans conséquence sur la surpopulation carcérale.

M. Jean-René Lecerf . - Je peux comprendre une telle disposition pour les personnes incarcérées dans des pays soumis à une dictature ; mais dans l'Union européenne... Les prisons des Pays-Bas sont plus confortables que les nôtres !

M. Philippe Bas , président . - Au-delà du confort, il peut s'agir de préserver des relations familiales et de préparer la réinsertion. Pourtant, un vote négatif de notre part nous donnerait le temps de la réflexion - et le Gouvernement aurait l'occasion de s'expliquer.

M. Jean-Jacques Hyest . - Cet amendement ne me choque pas ; mais nous ne sommes pas obligés de l'inclure dans le texte de la commission.

M. Alain Richard . - Après vérification, il ne concerne que l'Union européenne, sans risque d'extension.

M. Jean-Jacques Hyest . - Il ne faudrait pas que la transmission des amendements du Gouvernement la veille de leur examen devienne une habitude.

M. Jean-Pierre Sueur . - Elle l'est depuis longtemps...

L'amendement n° 27 n'est pas adopté.

Article 8

L'amendement technique n° 15 est adopté.

Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1 er
Échange d'informations entre les autorités pénales françaises et leurs homologues européennes,
afin d'éviter le cumul de procédures sur les mêmes faits

M. ZOCCHETTO, rapporteur

1

Mise en conformité de la procédure d'échange d'information avec ce qui est prévu dans la décision-cadre

Adopté

M. ZOCCHETTO, rapporteur

2

Information des parties sur la décision de suspendre les investigations en faveur d'un juge étranger

Adopté

Article 2
Reconnaissance mutuelle, en France et dans les autres pays européens, des décisions de placement
sous contrôle judiciaire, ou des autres mesures équivalentes, prononcées par une autorité judiciaire
d'un pays donné, mais exécutées dans un autre pays

M. ZOCCHETTO, rapporteur

3

Simplification rédactionnelle et correction d'erreurs de référence

Adopté

M. ZOCCHETTO, rapporteur

4

Rédactionnel

Adopté

M. ZOCCHETTO, rapporteur

5

Rédactionnel

Adopté

M. ZOCCHETTO, rapporteur

6

Rédactionnel

Adopté

M. ZOCCHETTO, rapporteur

7

Amendement de précision

Adopté

M. ZOCCHETTO, rapporteur

8

Correction d'une erreur de référence

Adopté

Article 3
Dispositions tendant à transposer la décision-cadre 2008/947/JAI du Conseil du 27 novembre 2008
concernant l'application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements et aux décisions de probation
aux fins de la surveillance des mesures de probation et des peines de substitution

M. ZOCCHETTO, rapporteur

9

Ajout d'« insertion » à « réinsertion » conformément à la rédaction prévue par la loi
du 15 août 2014

Adopté

M. ZOCCHETTO, rapporteur

10

Inclusion de la contrainte pénale dans le champ
de la transposition de la décision-cadre « probation »

Adopté

M. ZOCCHETTO, rapporteur

11

Rédactionnel

Adopté

M. ZOCCHETTO, rapporteur

12

Rédactionnel

Adopté

M. ZOCCHETTO, rapporteur

13

Rédactionnel

Adopté

Article 5
Recours à la visio-conférence en dehors du territoire national,
pour le suivi dans un État membre de l'Union européenne des mesures de contrôle judiciaire
ou des décisions probatoires prononcées dans un autre État membre

M. ZOCCHETTO, rapporteur

14

Suppression pour coordination

Adopté

Article additionnel après l'article 5

Le Gouvernement

16

Transposition de la directive relative à la décision européenne de protection

Adopté

M. ZOCCHETTO, rapporteur

21

Rédactionnel

Adopté

M. ZOCCHETTO, rapporteur

22

Rédactionnel

Adopté

M. ZOCCHETTO, rapporteur

23

Garantie d'un recours pour la victime contre le refus de reconnaissance de la décision de protection

Adopté

M. ZOCCHETTO, rapporteur

24

Rédactionnel

Adopté

M. ZOCCHETTO, rapporteur

25

Rédactionnel

Adopté

M. ZOCCHETTO, rapporteur

20

Rédactionnel

Adopté

Le Gouvernement

17

Prise en compte de la décision n° 2014-420/421 QPC du 9 octobre 2014

Adopté

Le Gouvernement

18

Exécution provisoire de l'emprisonnement pour non-respect de la contrainte pénale

Adopté

Le Gouvernement

19

Transposition de la directive « victimes »

Adopté

M. ZOCCHETTO, rapporteur

26

Rédactionnel

Adopté

Le Gouvernement

27

Correction d'une erreur de transposition de la décision cadre « peines privatives de liberté »

Rejeté

Article 8
Entrée en vigueur de la loi

M. ZOCCHETTO, rapporteur

15

Suppression de régimes d'entrée en vigueur non nécessaires

Adopté

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Secrétariat général aux affaires européennes

Mme Isabelle Jégouzo , secrétaire générale adjointe

M. Alexandre Ly , adjoint au secteur Espace judiciaire européen

M. Stéphan Obradovic , adjoint au chef du secteur PARL

Cabinet de Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Mme Claire d'Urso, conseillère législation pénale

M. Yves Patrigeon , conseiller parlementaire

Ministère de la justice - Direction des affaires criminelles et des grâces

M. François Capin-Dulhoste , sous-directeur de la justice pénale générale

M. Francis Stoliaroff , adjoint au chef de mission pour les négociations et la transposition des normes pénales internationales

Ministère de l'intérieur - Service de l'asile

M. Luc Derepas , directeur général des étrangers en France

Mme Frédérique Doublet , cheffe du département du droit d'asile et de la protection à la DGEF

Union syndicale de la magistrature

Mme Céline Parisot , secrétaire générale

Mme Véronique Léger , secrétaire nationale

Conseil national des barreaux

M. Alain Mikowski , avocat au barreau de Paris, ancien président de la Commission libertés et droits de l'homme

M. David Levy, directeur du pôle juridique

ANNEXE 1 - DIRECTIVES EN MATIÈRE PÉNALE : TEXTES EN COURS DE DISCUSSION

Intitulé de la proposition de directive

Référence

Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d'enquêtes et de poursuites en la matière ou d'exécution de sanctions pénales, et à la libre circulation de ces données

2012/0010 (COD)

Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union au moyen du droit pénal

2012/0193 (COD)

Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la décision-cadre 2004/757/JAI du Conseil du 25 octobre 2004 concernant l'établissement des dispositions minimales relatives aux éléments constitutifs des infractions pénales et des sanctions applicables dans le domaine du trafic de drogue , en ce qui concerne la définition du terme «drogue»

2013/0304 (COD)

Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil portant renforcement de certains aspects de la présomption d'innocence et du droit d'assister à son procès dans le cadre des procédures pénales

2013/0407 (COD)

Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la mise en place de garanties procédurales en faveur des enfants soupçonnés ou poursuivis dans le cadre des procédures pénales

2013/0408 (COD)

Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant l' aide juridictionnelle provisoire pour les suspects et les personnes poursuivies privés de liberté, ainsi que l'aide juridictionnelle dans le cadre des procédures relatives au mandat d'arrêt européen

2013/0409 (COD)

Source : secrétariat général aux affaires européennes

ANNEXE 2 - DÉCISIONS-CADRES ET DIRECTIVES EN MATIÈRE PÉNALE RESTANT À TRANSPOSER

Intitulé

Délai de transposition

Décision-cadre 2008/947/JAI concernant l'application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements et aux décisions de probation aux fins de la surveillance des mesures de probation et des peines de substitution

(06/12/2011)

01/12/2014

Décision-cadre 2009/829/JAI concernant l'application, entre les États membres de l'UE, du principe de reconnaissance mutuelle aux décisions relatives à des mesures de contrôle en tant qu'alternative à la détention provisoire

(01/12/2012)

01/12/2014

Décision-cadre 2009/948/JAI relative à la prévention et au règlement des conflits en matière d'exercice de la compétence dans le cadre des procédures pénales

(15/06/2012)

01/12/2014

Directive 2011/99/UE relative à la décision de protection européenne

11/01/2015

Directive 2012/29/UE établissant des normes minimales concernant les droits , le soutien et la protection des victimes de la criminalité

16/11/2015

Directive 2013/40/UE relative aux attaques contre les systèmes d'information

04/09/2015

Directive 2013/48/UE relative au droit d'accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales et des procédures relatives au mandat d'arrêt européen, au droit d'informer un tiers dès la privation de liberté et au droit des personnes privées de liberté de communiquer avec des tiers et avec les autorités consulaires

27/11/2016

Directive 2014/41/UE concernant la décision d'enquête européenne en matière pénale

22/05/2017

Directive 2014/42/UE concernant le gel et la confiscation des instruments et des produits du crime dans l'Union européenne

04/10/2016

Directive 2014/57/UE relative aux sanctions pénales applicables aux abus de marché (directive relative aux abus de marché )

03/07/2016

Directive 2014/62/UE relative à la protection pénale de l'euro et des autres monnaies contre la contrefaçon

23/05/2016

Source : secrétariat général aux affaires européennes


* 1 Projet de loi n° 482 (2013-2014), portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne .

* 2 Loi n° 2013-711 du 5 août 2013, portant diverses dispositions d'adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l'Union européenne et des engagements internationaux de la France .

* 3 Rapport n° 596 (2012-2013) de M. Alain Richard, fait au nom de la commission des lois sur le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l'Union européenne et des engagements internationaux de la France, p. 13 (rapport disponible à l'adresse : www.senat.fr/rap/l12-596/l12-596.html ).

* 4 E. Barbe, « L'influence du droit de l'Union européenne sur le droit pénal français : de l'ombre à la lumière », AJ Pénal , octobre 2011, p. 438.

* 5 Cf. tableaux en annexe.

* 6 Art. 6, 368 et 692 du code de procédure pénale.

* 7 Art. 113-9 du code pénal.

* 8 Chambre criminelle de la Cour de cassation, 23 octobre 2013, Req. n° 13-83.499.

* 9 Avant cette consécration, il l'était déjà à l'article 54 de la convention de Schengen du 19 juin 1990, mais sous deux réserves importantes : d'une part, il ne concernait pas les infractions commises exclusivement en France, ou en partie sur le territoire français, pour peu qu'elles n'aient par ailleurs pas été commises sur le territoire de l'État qui a rendu le premier jugement ; d'autre part, le principe non bis in idem ne s'appliquait pas non plus aux infractions contre la sûreté de l'État ou d'autres intérêts également essentiels.

* 10 CC, n° 2004-505 DC du 19 novembre 2004, Traité établissant une Constitution pour l'Europe , Rec . p. 173.

* 11 Décision-cadre 2009/948/JAI du Conseil du 30 novembre 2009 relative à la prévention et au règlement des conflits en matière d'exercice de la compétence dans le cadre des procédures pénales .

* 12 Décision-cadre 2009/829/JAI du Conseil du 23 octobre 2009 concernant l'application, entre les États membres de l'Union européenne, du principe de reconnaissance mutuelle aux décisions relatives à des mesures de contrôle en tant qu'alternative à la détention provisoire .

* 13 Décision-cadre 2008/947/JAI du Conseil du 27 novembre 2008 concernant l'application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements et aux décisions de probation aux fins de la surveillance des mesures de probation et des peines de substitution .

* 14 Directive 2011/99/UE du 13 décembre 2011 relative à la décision de protection européenne .

* 15 Directive 2012/29/UE du 25 octobre 2012 établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité .

* 16 CC, n° 2014-420/421 QPC du 9 octobre 2014.

* 17 Art. 657 du code de procédure pénale et art. 663 du même code, pour les infractions connexes ou portant sur les mêmes personnes mises en examen. L'article 84 du même code prévoit le cas d'un conflit de compétence entre deux juges d'instruction d'un même tribunal. Il revient alors au président du tribunal de grande instance concerné de trancher entre les deux.

* 18 Art. 658 et 661 du même code.

* 19 Art. 660 du même code.

* 20 Une telle procédure n'existe pas devant la Cour pénale internationale qui repose sur le principe de complémentarité des poursuites et non de primauté, contrairement, par exemple, au tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie en vertu des articles 3 à 6 de la loi n° 95-1 du 2 janvier 1995 portant adaptation de la législation française aux dispositions de la résolution 827 du Conseil de sécurité des Nations unies instituant un tribunal international en vue de juger les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie depuis 1991 .

* 21 Article 10, §1 de la décision décision-cadre 2009/948/JAI du Conseil de l'Union européenne du 30 novembre 2009 relative à la prévention et au règlement des conflits en matière d'exercice de la compétence dans le cadre des procédures pénales .

* 22 Art. 10, §3 de la même décision-cadre.

* 23 La décision-cadre évoque, de manière plus générale, les autorités compétentes. Le Gouvernement français limite volontairement le champ d'application du dispositif aux autorités judiciaires, car seulement ces dernières peuvent décider de l'opportunité de poursuivre ou non les faits incriminés.

* 24 Art. 226-13 du code de procédure pénale.

* 25 L'expression est par exemple utilisée à l'article 695-6 du code de procédure pénale (sur la motivation de la décision de ne pas donner suite à une demande d'Eurojust).

* 26 Considérant 4 de la décision-cadre précitée.

* 27 Cf. supra , les recours en cas de dessaisissement d'un juge.

* 28 Informées du classement sans suite (art. 40-2 du CPP), les parties peuvent exercer un recours hiérarchique devant le procureur général (art. 40-3 du CPP) ou bien tenter de mettre en mouvement l'action publique en déposant une plainte avec constitution de partie civile (art. 79 CPP).

* 29 Conformément à l'article 186 du code de procédure pénale, les parties civiles peuvent interjeter appel d'une ordonnance de non-lieu.

* 30 Art. 82-1 du même code.

* 31 Cf. infra pour une liste exhaustive.

* 32 Une exception est prévue en matière d'infraction fiscale, douanière et de change, lorsque les législations des deux États n'imposent pas les mêmes taxes, impôts ou réglementations fiscales.

* 33 Le dispositif créé par la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil du 13 juin 2002 a été transposé en France, après la révision constitutionnelle du 25 mars 2003, par la loi dite « Perben II », n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité .

* 34 L'étude d'impact jointe au projet de loi cite aussi les magistrats du tribunal de grande instance (TGI), mais il semble qu'elle fasse ainsi référence à leur action sur délégation de la juridiction correctionnelle.

* 35 À défaut, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris serait compétent.

* 36 En vertu de l'article 9 de la décision-cadre, transposé à l'article 696-52 2° du code de procédure pénale.

* 37 Le même article prévoit la possibilité pour le JLD d'entendre la personne placée sous contrôle judiciaire par visio-conférence. Cf. , sur ce point, le commentaire de l'article 5 qui réalise les coordinations nécessaires.

* 38 Pour le surplus, il renvoie au droit commun du contrôle judiciaire.

* 39 Cf. infra .

* 40 Art. 515-9 à 515-13 du code civil.

* 41 Règlement (UE) n° 606/2013 du Parlement européen et du Conseil du 12 juin 2013 relatif à la reconnaissance mutuelle des mesures de protection en matière civile .

* 42 Le procureur de la République territorialement compétent est celui du TGI dans le ressort duquel se trouve le juge qui a prononcé les interdictions d'origine.

* 43 Sont concernés, à l'article 2 du présent texte, les nouveaux articles 696-70 et 696-80 du CPP, et, à l'article 3, les nouveaux articles 764-22 et 764-30 du même code ( cf. supra , commentaires des articles correspondants).

* 44 Directive 2004/83/CE du Conseil du 29 avril 2004 concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d'autres raisons, ont besoin d'une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts .

* 45 Cf . l'article L. 712-1 du CESEDA.

* 46 L'article L. 311-7 du CESEDA subordonne en effet l'octroi de la carte de séjour temporaire à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois.

* 47 L'article L. 313-13 précise que le mariage doit être antérieur à la date d'obtention de la protection subsidiaire ou, à défaut, sous réserve d'une communauté de vie effective entre époux.

* 48 Directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d'une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection (refonte) .

* 49 « Aux fins de la présente directive, on entend par :

« [...]

« j) « membres de la famille », dans la mesure où la famille était déjà fondée dans le pays d'origine, les membres ci-après de la famille du bénéficiaire d'une protection internationale qui sont présents dans le même État membre en raison de la demande de protection internationale :

« [...]

« - le père ou la mère du bénéficiaire d'une protection internationale ou tout autre adulte qui en est responsable de par le droit ou la pratique en vigueur dans l'État membre concerné, lorsque ledit bénéficiaire est mineur et non marié ».

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