Rapport général n° 108 (2014-2015) de M. Maurice VINCENT , fait au nom de la commission des finances, déposé le 20 novembre 2014

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N° 108

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015

Enregistré à la Présidence du Sénat le 20 novembre 2014

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances pour 2015 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,

Sénateur,

Rapporteur général.

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES

ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES

( Seconde partie de la loi de finances )

ANNEXE N° 21

COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE : PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE L'ÉTAT

Rapporteur spécial : M. Maurice VINCENT

(1) Cette commission est composée de : Mme Michèle André , présidente ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Vincent Delahaye, Mmes Fabienne Keller, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. André Gattolin, Jean Germain, Charles Guené, Francis Delattre, Georges Patient , vice-présidents ; MM. Michel Berson, Philippe Dallier, Dominique de Legge, François Marc , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, François Baroin, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Jean-Claude Boulard, Michel Bouvard, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Serge Dassault, Éric Doligé, Philippe Dominati, Vincent Eblé, Thierry Foucaud, Jacques Genest, Alain Houpert, Jean-François Husson, Mme Teura Iriti, MM. Pierre Jarlier, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Marc Laménie, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Hervé Marseille, François Patriat, Daniel Raoul, Claude Raynal, Jean-Claude Requier, Maurice Vincent, Jean Pierre Vogel, Richard Yung .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 2234, 2260 à 2267 et T.A. 420

Sénat : 107 et 108 à 114 (2014-2015)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1) Le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » est le support budgétaire des opérations conduites par l'État actionnaire (cession ou acquisition d'une participation, par exemple).

Le compte n'est, en principe, pas alimenté par le budget général de l'État : le mode normal de financement d'une prise de participation est la cession d'une autre participation.

2) Des versements à la Caisse de la dette publique, financés par des cessions de participation, peuvent également être effectués à partir du compte afin de participer au désendettement de l'État .

3) De manière conventionnelle, le projet de loi de finances inscrit 5 milliards d'euros de recettes résultant de cessions, le Gouvernement refusant de s'engager a priori sur un montant ou un rythme de cession pour l'année suivante, notamment pour des raisons de confidentialité.

4) Depuis 2012, l'État actionnaire s'est engagé dans un chantier de modernisation de grande ampleur .

Il s'est ainsi doté d'une nouvelle doctrine d'investissement . L'État entend également gérer de manière « active » ses participations.

5) Cette doctrine a été particulièrement mise en oeuvre en 2014.

La cession de titres Airbus, pour un total de 451 millions d'euros, a ainsi permis de financer une partie de l'acquisition de 14,1 % du capital de PSA (pour un total de 800 millions d'euros).

La cession de titres GDF-Suez, pour un total de 1,5 milliard d'euros , a permis d'effectuer un versement de même montant à la Caisse de la dette publique et de participer au désendettement de l'État .

6) De manière inédite, le Gouvernement a annoncé qu'il réaliserait des cessions pour un montant compris entre 5 et 10 milliards d'euros dans les mois qui viennent , principalement dans une perspective de désendettement de l'État .

La hausse de la valeur du portefeuille coté de l'État (+ 41 % sur un an) permet d'envisager de telles cessions dans de bonnes conditions financières. Votre rapporteur spécial ne souhaite pas préjuger des participations qui pourraient ou devraient être cédées. Il rappelle cependant que la cession de certains actifs doit être mise en regard avec les flux financiers qu'ils rapportent pour juger de l'opportunité, d'un point de vue patrimonial, de leur cession.

Pour l'année 2015, les dividendes inscrits sur le budget général de l'État sont estimés à environ 3,5 milliards d'euros.

7) Du côté des dépenses, seulement 730 millions d'euros sont inscrits de manière certaine dans le budget pour 2015 . Il s'agit de dépenses obligatoires au titre de divers engagements pris par l'État (par exemple, la participation à la recapitalisation des banques multilatérales de développement est un engagement pris par la France dans le cadre du G 20).

8) L'État reste susceptible d'acquérir jusqu'à 20 % du capital d'Alstom à compter du second semestre 2015.

9) Plusieurs entreprises dont l'État est actionnaire connaissent une actualité particulière.

Dans le secteur de l'armement, Nexter s'apprête à se rapprocher de son homologue allemand KMW. Ce projet doit recevoir une approbation législative dans le cadre du prochain projet de loi pour l'activité.

Dexia est toujours engagée dans un processus de résolution et doit veiller à la maîtrise de ses risques, qui pèsent in fine sur l'État. Bien qu'elle ait échoué au récent test de résistance, la Banque centrale européenne n'a pas demandé à ses actionnaires de la recapitaliser.

Enfin, la SNCM , détenue à hauteur de 25 % par l'État, pourrait faire l'objet d'une procédure de redressement judiciaire. Dans une grave situation financière, l'État lui a accordé en 2014 trois avances d'actionnaire pour un montant total de 30 millions d'euros.

À la date du 10 octobre, date limite prévue par la LOLF pour l'envoi des réponses au questionnaire budgétaire, votre rapporteur spécial avait reçu 57 % des réponses. L'intégralité des réponses lui est parvenue à la date de publication du présent rapport.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » est le support budgétaire des opérations conduites par l'État en tant qu'actionnaire et, en pratique, par l'Agence des participations de l'État (APE), service à compétence nationale directement rattaché au ministre des finances et au ministre de l'économie.

Le compte spécial est expressément prévu par la loi organique relative aux lois de finances, dont l'article 21 prévoit que « les opérations de nature patrimoniale liées à la gestion des participations financières de l'État, à l'exclusion de toute opération de gestion courante, sont, de droit, retracées sur un unique compte d'affectation spéciale ».

Le projet annuel de performances du compte spécial pour 2015 rappelle que « les participations financières de l'État peuvent être définies comme les droits qu'il détient sur d'autres entités, matérialisés ou non par des titres, qui créent un lien durable avec celles-ci et comportent une contrepartie figurant au bilan de l'État. Ces droits peuvent découler de la détention de parts de capital ou de l'existence d'un contrôle exercé sur elles . Une liste indicative de ces entités figure en annexe du décret n° 2004-963 du 9 septembre 2004 modifié, qui a créé l'Agence des participations de l'État (APE) » 1 ( * ) .

Par exemple, les 15,01 % du capital de Renault détenus par l'État constituent une participation financière au même titre que la SNCF, qui est juridiquement un établissement public à caractère industriel et commercial et qui n'a donc jamais émis de titres de capital.

Le compte spécial retrace en recettes, à titre principal, les produits des cessions de participations conduites par l'État . En revanche, les dividendes des entités dont l'État est actionnaire sont reversés à son budget général.

Du coté des dépenses, le compte spécial peut financer des prises de participation , mais aussi contribuer au désendettement de l'État par le versement de dotations à la Caisse de la dette publique.

Du point de vue des recettes, le compte spécial revêt un caractère inédit : à chaque exercice budgétaire, 5 milliards d'euros sont inscrits au titre des recettes. Il s'agit d'une inscription conventionnelle car le Gouvernement refuse de s'engager a priori sur un montant de cessions pour l'année suivante .

Le projet annuel de performances souligne en effet, année après année, que « pour des raisons de confidentialité, inhérentes notamment à la réalisation de cessions de titres de sociétés cotées, il n'est pas possible au stade de l'élaboration du projet de loi de finances, de détailler la nature des cessions envisagées. La stratégie de cession dépend en effet très largement de la situation des marchés, très difficile à anticiper, des projets stratégiques des entreprises intéressées, de l'évolution de leurs alliances ainsi que des orientations industrielles retenues par le Gouvernement . Dans ce contexte, le responsable du programme évalue les opportunités, en ligne avec les lignes directrices de l'État actionnaire, et peut proposer au ministre de réaliser une opération ».

En revanche, des dépenses certaines peuvent, pour leur part, être budgétées dans le compte. Elles seront alors soit financées par des cessions, soit par les crédits résultant solde positif du compte à l'issue de l'exercice précédent.

*

Dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances, le Gouvernement remet au Parlement, concomitamment, le projet annuel de performances relatif au compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » (bleu budgétaire), qui fait l'objet d'un vote en séance publique, et le « rapport relatif à l'État actionnaire » (jaune budgétaire), qui est en fait le rapport annuel établi par l'APE et qui met en perspective les éléments budgétaires inscrits sur le compte spécial.

LES GRANDS ENJEUX DE L'ÉTAT ACTIONNAIRE
EN 2014 ET 2015

I. LA MODERNISATION DE L'ÉTAT ACTIONNAIRE

La modernisation de l'État actionnaire repose sur trois chantiers distincts. Le premier a consisté à élaborer une nouvelle doctrine d'investissement , qui s'articule notamment avec celle dont s'est dotée la Banque publique d'investissement (BPI), détenue à parité par l'État et la Caisse des dépôts et consignations. Le deuxième a rénové le cadre juridique dans lequel intervient l'État actionnaire. Enfin, le troisième a conduit à réorganiser l'Agence des participations de l'État .

Le 26 février 2014, devant la commission des finances du Sénat, David Azéma, alors commissaire aux participations de l'État, avait longuement explicité les contours de la nouvelle doctrine de l'État actionnaire ( cf. encadré), qui a été actée par une communication en Conseil des ministres de Pierre Moscovici, ministre des finances, et d'Arnaud Montebourg, ministre de l'économie, le 15 janvier 2014.

Extrait de l'audition de David Azéma, commissaire aux participations de l'État
26 février 2014

« Lorsque je suis entré en fonction, le 1 er septembre 2012, un rapport de l'Inspection générale des finances venait d'être publié en juillet, qui dressait un bilan du fonctionnement de l'Agence qui, sans mettre en cause ni ses finalités ni son fonctionnement, soulignait certaines faiblesses. Nous nous sommes alors livrés à une tâche de réflexion pour améliorer le fonctionnement de l'État actionnaire, et avons cherché à y répondre en trois étapes.

« Il s'agissait, tout d'abord, de clarifier le pourquoi de notre mission. Nous nous sommes rendu compte que la doctrine de l'État actionnaire était plus implicite qu'explicite. Nous gérions ?en bon père de famille?, un portefeuille hérité du passé, sans être très au clair sur nos orientations. D'où la réflexion à laquelle nous nous sommes attelés, et qui a donné lieu aux deux communications en conseil des ministres que vous avez évoquées.

« Nous nous sommes demandé, ensuite, si les textes encadrant notre action étaient adaptés. Il est apparu que ces textes résultent d'une longue et lente stratification de dispositions difficiles à utiliser en pratique et qui consomment beaucoup de temps pour des résultats minimes. Nous avons donc entrepris de procéder à un toilettage.

« Nous nous sommes, enfin, attelés à revoir notre mode d'organisation, nos principes de fonctionnement, nos règles de management, pour plus d'efficacité dans le suivi et le dialogue stratégique avec les entreprises.

« En quoi consiste notre doctrine ? Nous assumons clairement, tout d'abord, qu'il est légitime pour l'État d'intervenir en fonds propres dans les entreprises, selon un niveau de participation et un horizon temporel qui peuvent être variables. Une telle démarche est parfaitement légitime et ne relève pas, pour nous, d'une erreur historique qu'il s'agirait de corriger en vendant tout le plus vite possible.

« Quels motifs peuvent justifier que l'on mobilise une part du patrimoine public pour l'investir dans des entreprises ? Nous avons retenu quatre grands principes.

« Le premier veut que l'État s'ancre au sein des entreprises structurellement stratégiques. Deux domaines répondent, pour nous, à cette définition, étant entendu que ces choix pourront toujours être revisités par le futur comité stratégique de l'État actionnaire : l'industrie nucléaire, d'une part, autour de ses deux acteurs principaux que sont EDF, l'opérateur, qui exploite 58 tranches nucléaires en France et doit en lancer deux nouvelles en Grande Bretagne, et Areva, industriel majeur de la filière ; les industries de défense, d'autre part, dans lesquelles la part du capital détenu par l'État est variable : il est présent dans Airbus Group, Thalès, Safran, DCNS, Nexter, toutes les grandes entreprises de défense à l'exception de Dassault Aviation - dont je rappelle cependant que 46 % du capital est détenu par Airbus Group avec lequel l'État est entré dans un pacte d'actionnaires à ce sujet, suite à l'achat, par l'État, d'une action de Dassault Aviation.

« Le deuxième principe, produit de l'évolution historique de l'actionnariat public, veut que l'État soit présent dans les entreprises qui fournissent au pays des services essentiels - c'est volontairement que je n'use pas du terme de services publics, juridiquement plus restrictif. Il peut arriver que ces entreprises soient issues du secteur public, voire de l'État lui-même, comme Orange et La Poste. Il est légitime que l'État y soit actionnaire, et d'autant plus qu'il s'agit de secteurs peu ouverts à la concurrence, donc où existent peu d'offres alternatives. Le niveau de participation est ainsi variable, allant de 100 % d'actionnariat public pour La Poste à moins de 30 % pour Orange et 36 % pour GDF Suez, le niveau de participation s'appréciant au cas par cas.

« Le troisième principe, le plus novateur, vise à accompagner le développement et la consolidation d'entreprises dans les secteurs et filières déterminants pour la croissance. La participation de l'État peut s'y décliner au niveau de l'APE, mais aussi via Bpifrance participations, qui entre au capital des entreprises, avec un horizon de détention limité, pour accompagner une phase de croissance internationale ou une phase de consolidation avec d'autres acteurs du secteur. Je pense, par exemple, aux entreprises de biotechnologie. Cette logique, qui était au coeur de la création du Fonds stratégique d'investissement, peut aussi exister au niveau de l'État. C'est elle qui a guidé l'opération PSA. L'entreprise était en phase de reconfiguration de son actionnariat qui, jusqu'à présent familial, va devenir ouvert, avec l'entrée d'un partenaire étranger. L'État s'associe à l'opération pour assurer l'ancrage de l'entreprise en France. Vous avez évoqué le précédent d'Alstom, mais pour PSA, l'horizon de sortie ne peut être aujourd'hui déterminé : l'État reverra sa présence quand il sera absolument convaincu que le futur stratégique de l'entreprise est assuré, que son développement est garanti, que son succès est sur les rails. J'ajoute que d'un point de vue strictement patrimonial - mais vous avez compris que ce n'est pas le seul angle d'examen de l'APE - c'est une diversification de portefeuille intéressante, dans un secteur où nous sommes peu présents. Ce n'est donc pas un mauvais calcul.

« Le quatrième principe, enfin, le plus spectaculaire, bien que le moins important en termes d'occurrences, tend à assurer le sauvetage d'entreprises après approbation de la Commission européenne, comme ce fut le cas pour Dexia, dès lors qu'une défaillance comporterait un risque systémique. C'est, certes, un moyen d'action hors norme, mais dont l'État ne saurait se priver dès lors qu'il est conforme aux traités communautaires ».

Du fait de cette nouvelle doctrine, l'État peut désormais mettre en oeuvre une « gestion active des participations », c'est-à-dire la possibilité de céder des titres, qui ne correspondent à la doctrine d'investissement, pour dégager des recettes afin d'investir dans d'autres entreprises ou bien pour financer le désendettement de l'État .

Quant à la rénovation du cadre juridique, elle est effective depuis août 2014 avec la publication d'une ordonnance et d'un décret 2 ( * ) . Un arrêté a également procédé à la réorganisation fonctionnelle de l'Agence des participations de l'État 3 ( * ) .

L'ordonnance est divisée en deux parties principales : la gouvernance et les opérations sur le capital.

S'agissant du volet « gouvernance », elle permet notamment à l'État de nommer avec plus de facilités des administrateurs non fonctionnaires pour le représenter au sein des conseils d'administration. Lors de son audition précitée, David Azéma avait ainsi expliqué que « nous souhaitons ainsi élargir notre capacité de nomination dans les conseils d'administration, en reconnaissant, comme la plupart des États étrangers, qu'il est important d'avoir des administrateurs qui pèsent au sein des conseils par leur expérience et leur capacité intellectuelle . Un choix intuitu personae plutôt que purement ès qualités, de fonctionnaires appelés à la mobilité, peut parfois se révéler utile. [...] Il s'agit de passer d'une approche excessivement juridique à une approche pragmatique et de comprendre que l'on existe en considération des gens que l'on a nommés et que ce sont eux qui font véritablement la décision ».

L'ordonnance régit également le fonctionnement des conseils des sociétés dans lesquelles l'État est actionnaire, mais également les nominations à la présidence et à la direction générale et la représentation des salariés.

S'agissant du volet « opérations sur le capital », l'ordonnance encadre les opérations de cessions. En particulier, elle précise les cas dans lesquelles le recours à la loi est obligatoire, par exemple lorsque l'État envisage de céder plus de la moitié du capital, depuis plus de cinq ans et que les effectifs sont supérieurs à mille personnes (ou que son chiffre d'affaires est supérieur à 150 millions d'euros).

II. LA FORTE AUGMENTATION DE LA VALEUR DU PORTEFEUILLE DE L'ÉTAT

Le rapport relatif à l'État actionnaire souligne « la hausse significative de la valeur du patrimoine coté de l'État ». En effet, au 30 avril 2014, sa valeur s'établit à 84,7 milliards d'euros, soit une augmentation de 40,75 % sur un an contre seulement 16,35 %, sur la même période, pour le CAC 40 . Cette hausse s'explique principalement du fait de l'évolution du cours d'EDF (+ 97,75 % sur un an) entreprise dont l'État possède 85 % du capital.

Dans le cadre de la nouvelle doctrine de l'État actionnaire, cette bonne performance offre la possibilité de réaliser des cessions à des conditions financières satisfaisantes ( cf. infra ).

Néanmoins, une analyse agrégée du portefeuille de l'État, comme celle utilisée pour établir les indicateurs de performances contenus dans le projet annuel de performances du compte spécial, apparaît limitée. David Azéma, lors de son audition du 26 février 2014, constatait d'ailleurs que « nous sommes un conglomérat financier. Un bilan consolidé entre des entreprises aussi différentes que la RATP et Airbus Group n'a pas de sens. Et, pour tout dire, les comptes consolidés que l'on produit soigneusement tous les ans ne signifient rien !

« Dans notre portefeuille, vingt entreprises pèsent pour plus de 80 % de la valeur. Il faut regarder entreprise par entreprise pour juger de la qualité du portefeuille. Mélanger EDF, entreprise très intensive en capital, et La Poste, intensive en main d'oeuvre qui, au surplus, en sont à des stades très différents de développement et de maturité, donne une moyenne qui ne signifie rien . Il faut donc lire nos états financiers - qui sont exacts - avec prudence. En la matière, la consolidation du portefeuille de l'État ne dit pas grand-chose ».

Au total, s'il faut se réjouir de l'augmentation de la valeur patrimoniale du portefeuille de l'État, celle-ci ne découle pas directement de la bonne gestion de l'Agence des participations de l'État, dont la performance est, à ce jour, encore mal appréhendée par les documents budgétaires.

III. DES ENTREPRISES À UN TOURNANT STRATÉGIQUE

A. DEXIA : UNE SANTÉ ENCORE CHANCELANTE

La banque franco-belge Dexia, dont l'État français détient 44,4 %, est officiellement entrée dans un processus de « résolution ordonnée » depuis le 28 décembre 2012. Son bilan, au 30 juin 2014, s'élève toujours à plus de 238 milliards d'euros, ce qui la rend encore systémique pour l'ensemble du secteur bancaire européen.

La promulgation de la loi n° 2014-844 du 29 juillet 2014 relative à la sécurisation des contrats de prêts structurés souscrits par les personnes morales de droit public a permis de lever une partie des risques pesant sur Dexia liés à la commercialisation des « emprunts toxiques ». Toutefois, comme l'indique la banque, « en date du 30 juin 2014, Dexia Crédit Local avait été assigné par 224 clients, dont 41 sur lesquels la banque a un encours, le reste de l'encours ayant été transféré à la Caisse Française de Financement Local (CAFFIL) » 4 ( * ) .

Néanmoins, comme le relevait notre collègue Jean Germain dans son rapport 5 ( * ) sur la loi précitée, « Dexia et la SFIL ont signé une convention de répartition des charges. Comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport sur Dexia, la convention ? prévoit que le risque de condamnation à des dommages et intérêts, c'est-à-dire le risque lié à la commercialisation des prêts structurés, serait porté par [Dexia Crédit Local], y compris lorsque les prêts sont au bilan de [la CAFFIL] ? . En revanche, pour les emprunts inscrits dans son bilan, la CAFFIL supporte le risque lié aux emprunts eux-mêmes, par exemple en cas de défaut de mention du TEG sur le contrat ».

Le rapport relatif à l'État actionnaire rappelle également que « d'importants risques pèsent encore sur le groupe du fait de son exposition au secteur public des pays du sud de l'Europe et des États-Unis, de la forte sensibilité de ses résultats à ses coûts de financement et des risques opérationnels induits par la réorganisation de son activité ».

Ainsi, le 26 octobre 2014, la Banque centrale européenne (BCE) a annoncé que la banque n'avait pas satisfait au « test de résistance » ( stress tests ), conduit sur la base de ses comptes arrêtés au 31 décembre 2013, du fait notamment de sa forte exposition aux dettes souveraines. Néanmoins, la BCE « a précisé que, compte tenu de son statut de banque en résolution bénéficiant d'une garantie des États, Dexia ne sera pas tenu d'augmenter son capital. [...] Aucune autre action de remédiation, ni aucune aide des États, n'a été requise par le régulateur » 6 ( * ) .

Autrement dit, bien qu'elle ait échoué au test de résistance, la situation de la banque est apparue suffisamment solide aux autorités européennes dans un contexte où Dexia réduit progressivement son bilan, notamment par des cessions d'actifs. Le processus de résolution a toutefois vocation à se poursuivre sur plusieurs années pendant lesquelles le suivi fin des risques doit être poursuivi.

Au total, le constat dressé, en juillet 2013, par la Cour des comptes reste d'actualité : « au-delà des coûts constatés à ce jour, de l'ordre de 6,6 milliards d'euros , Dexia représente des risques importants et durables pour les finances publiques françaises , qu'il appartient à l'État de maîtriser. Ces risques concernent la gestion extinctive du groupe Dexia résiduel et la gestion de l'ensemble SFIL/CAFFIL, mais aussi le soutien qu'apporte la Caisse des dépôts et consignations au financement de ces dernières structures. [...]

« Durant les sept ans à venir, il ne faut pas qu'il y ait appel effectif à la garantie de 85 milliards d'euros dont 38,75 milliards d'euros [...] pour l'État français, ni d'obligation pour les États de recapitaliser la structure en gestion extinctive. Les projections financières du plan de résolution sont jugées, par les acteurs, conservatrices et prudentes, en l'état actuel des prévisions économiques et de taux d'intérêt, mais incertaines si l'amélioration des conditions macro-économiques et la hausse des taux d'intérêt ne se réalisaient pas.

« La Cour souligne également le caractère fortement aléatoire des prévisions économiques et le fait que le plan de résolution n'a pas immunisé Dexia contre les risques qui étaient antérieurement inhérents à son activité : le plan reproduit le même modèle de financement, et la gestion extinctive limite les marges de manoeuvre. Dès lors, en l'absence de respect de la trajectoire qui a été tracée, la nécessité de la recapitalisation par les États constituerait un risque substantiel » 7 ( * ) .

B. SNCM : VERS UN REDRESSEMENT JUDICIAIRE ?

La Société nationale Corse Méditerranée (SNCM) a été privatisée en 2006 mais l'État détient toujours 25 % de son capital au travers de la Compagnie Générale Maritime et Financière (CGMF). Les autres actionnaires sont Veolia Transdev 8 ( * ) pour 66 % et les salariés pour 9 %.

Ainsi que le rappelle l'Agence des participations de l'État, en réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial, « la situation financière de la compagnie est très dégradée. Les comptes 2013 ne sont pas encore approuvés mais, après un résultat net négatif de - 14,3 millions d'euros en 2012, la SNCM devrait enregistrer en 2013 un résultat négatif de plus de 40 millions d'euros. De la même manière, le résultat d'exploitation devrait passer de - 27,3 millions d'euros à - 64,1 millions d'euros entre 2012 et 2013.

« Par ailleurs, un risque financier pèse sur la SNCM du fait de deux contentieux européens. La Commission européenne a, le 2 mai 2013, ordonné à la France de recouvrer 220 millions d'euros d'aides publiques jugées incompatibles avec les règles européennes de la concurrence. Il s'agit de subventions versées par la collectivité territoriale de Corse à la compagnie depuis 2006 au titre du service complémentaire (capacité accrue pendant les vacances scolaires avec deux ferries en plus des quatre navires qui effectuent les rotations normales). La Commission a introduit à l'encontre de la France un recours en manquement pour non exécution de la décision du 2 mai 2013.

« Un contentieux relatif à la restructuration-privatisation de la SNCM est également en cours. [...] Par une décision du 11 septembre 2012, le Tribunal de l'Union européenne a annulé la décision de la Commission qui avait validé le processus. La Cour de justice a rejeté, le 4 septembre dernier, le pourvoi de la France et de la SNCM contre cette décision du Tribunal. La Commission a pris une nouvelle décision le 20 novembre 2013 concluant à l'illégalité des aides versées et demandé à la France de les recouvrer auprès de la SNCM, décision qui est contestée par la France. Le montant des aides concernées, hors intérêts moratoires, s'élève à 220 millions d'euros . [...]

« En 2013, la SNCM avait établi un plan de restructuration visant à rétablir la santé financière de la compagnie. Ce plan prévoyait des mesures destinées à améliorer la productivité de la Compagnie et le renouvellement d'une partie de sa flotte. Compte tenu des difficultés financières de l'entreprise, la commande de nouveaux navires a été suspendue.

« Le relevé de décision du 9 juillet 2014, rédigé, sous l'égide du médiateur Gilles Belier, à l'issue du mouvement de grève des salariés de la SNCM prévoit un processus de travail entre la SNCM, ses actionnaires et ses salariés afin d'élaborer un nouveau projet industriel qui permette de sauver le maximum d'emplois, de préserver les activités de l'entreprise et la continuité territoriale entre la Corse et le continent. Ce processus de travail, dans lequel l'État est représenté par le ministère des transports, doit s'étendre sur la période juillet-octobre 2014. Il doit permettre d'établir un scénario permettant de se conformer au droit européen et, en particulier, aux obligations de récupération découlant des décisions de la Commission européenne ».

En 2014, l'État a procédé, à partir du compte spécial « Participations financières de l'État », à trois avances d'actionnaire pour un montant de 10 millions d'euros chacune .

Si ces avances ont été utiles à la SNCM dans un contexte financier dégradé, il est probable qu'elles seront perdues si la compagnie entre dans une procédure de redressement judiciaire. Cette possibilité, évoquée par l'actionnaire majoritaire et le Gouvernement, a été « gelée » jusqu'en octobre 2014 afin de laisser le temps au médiateur de conduire sa mission. Au regard des états financiers de la compagnie, le remboursement de plus de 440 millions d'euros d'aides pose cependant une vraie question, qui rend plus délicate la recherche d'un repreneur.

C. NEXTER : VERS UNE FUSION AVEC L'ALLEMAND KMW

Le 1 er juillet 2014, l'État a annoncé qu'un accord avait été conclu dans le secteur de l'armement entre l'entreprise française Nexter, détenue à 100 % par l'État, et l'entreprise allemande KMW (Krauss-Maffei Wegman) afin d'étudier les conditions d'un rapprochement entre ces deux entités.

En réponse au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial, l'Agence des participations de l'État indique que « dans un contexte de réduction des budgets de défense européens et d'accroissement de la concurrence internationale, le rapprochement entre Nexter Systems et KMW vise à constituer un leader européen de l'armement terrestre, bénéficiant d'une gamme élargie de produits, des compétences et savoir-faire complémentaires des deux sociétés et suffisamment compétitif pour assurer dans la durée son développement, notamment à l'export .

« Le protocole d'accord signé début juillet constitue la première étape du processus devant conduire au rapprochement effectif des deux entreprises au sein d'un nouveau groupe au premier semestre 2015. Par ce protocole d'accord, les deux entreprises et leurs actionnaires se sont engagés à négocier des accords définitifs pour parvenir à ce but. Le projet sera présenté aux instances représentatives du personnel en temps utile, et il devra être autorisé par le Parlement .

« En pratique, une société commune sera créée dans quelques mois, dont l'État détiendra 50 % via la holding GIAT Industries et l'Agence des participations de l'État, et dont les actionnaires actuels de KMW détiendront aussi 50 %. L'État détiendra en outre une action spécifique 9 ( * ) (golden share) dans Nexter Systems afin de protéger les actifs stratégiques pour la France que l'entreprise détient.

« La société commune détiendra 100 % de Nexter Systems et de KMW et sera en charge de la stratégie et du pilotage du groupe, dont elle rendra compte à ses actionnaires. Une gouvernance équilibrée sera mise en place afin de respecter l'identité de chacune des deux entreprises actuelles ».

A priori , ce rapprochement devrait, dans un premier temps, permettre de mutualiser certains centres de coûts, comme les achats. Une intégration complète devrait prendre plusieurs années.

Le stade préliminaire de ce projet ne permet pas encore de se prononcer sur ses conséquences en termes d'emplois ou de développement industriel . En tout état de cause, il sera examiné en détail par le Parlement lors de l'examen du futur projet de loi pour l'activité qui devrait prévoir une disposition autorisant le rapprochement des deux entreprises 10 ( * ) .

L'ÉQUILIBRE DU COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE L'ÉTAT »

I. L'EXERCICE 2014, L'ILLUSTRATION DE LA NOUVELLE DOCTRINE DE L'ÉTAT ACTIONNAIRE

A. DES CESSIONS OPPORTUNES

En 2014, à la date de publication du présent rapport, l'État a accumulé, au titre de ses participations financières, des recettes pour un montant d'un peu moins de 2,2 milliards d'euros ( cf. tableau ci-dessous).

Recettes de l'État au titre de ses participations financières en 2014
(hors dividendes)

(en millions d'euros)

SG

Cession de 75 millions de titres GDF Suez

1 513 500 000

GIAT

Réduction de capital

200 000 010

Caisse des dépôts

Fonds de capitaux risques

6 914 093

AFD-SIGUY

Remboursement d'avance d'actionnaire

2 000 000

TNAB

Remboursement d'avance d'actionnaire

1 000 000

AFD-COFEPP

Complément de prix suite cession titres Gardel

587 451

GIP CAPE

Solde de liquidation

82 907

Kepler

Cession des 10 titres Technicolor

59

TOTAL Compte spécial

1 724 084 520

Cession hors compte

Cession de 1 % d'Airbus Group (SOGEPA)

451 000 000

TOTAL Recettes

2 175 084 520

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire et le rapport sur l'État actionnaire (juillet 2014)

Les deux principales opérations concernent la cession de 3,11 % du capital de GDF-Suez pour 1,5 milliard d'euros et la cession de 1 % du capital d'Airbus Group pour 450 millions d'euros.

1. GDF-Suez : des ressources pour le désendettement de l'État

Interrogé par votre rapporteur spécial, l'Agence des participations de l'État estime que, s'agissant de GDF Suez, « cette cession s'inscrit dans le cadre d'une politique de gestion active des participations de l'État, qui doit permettre de dégager des ressources pour des secteurs porteurs de développement économique et pour le désendettement de l'État, dans le respect des intérêts patrimoniaux et stratégiques de l'État. L'État reste au terme de cette opération le premier actionnaire de GDF Suez avec 33,6 % du capital, disposant d'une influence identique au sein des organes de gouvernance de la société . Comme prévu par l'arrêté du 25 juin 2014 modifié par l'arrêté du 25 juillet 2014, et afin d'associer davantage les salariés et anciens salariés de l'entreprise à son développement, une offre spécifique leur sera ultérieurement proposée par l'État (15 % du montant total de la cession, soit 13,2 millions de titres, conformément à l'article 26 de la loi n°2004-803 du 9 août 2004) .

« Compte tenu de la mise en oeuvre par GDF Suez des dispositions de la loi n° 2014-384 du 29 mars 2014 11 ( * ) sur les droits de vote double (aucune clause contraire des statuts n'a été adoptée postérieurement à la promulgation), l'État pourra bénéficier au 2 avril 2016 de droits de vote double sur l'ensemble de ses actions au nominatif ».

Après l'offre aux salariés, si elle est entièrement souscrite, la part de l'État devrait être inférieure au tiers du capital, en contradiction avec la lettre de l'article L. 111-68 du code de l'énergie qui prévoit que « l'entreprise dénommée "GDF-Suez" est une société anonyme, dont le capital est détenu à plus du tiers par l'État ».

Le VI de l'article 7 de la loi du 29 mars 2014 précitée dispose néanmoins que « dans les sociétés anonymes dans lesquelles la loi prévoit que l'État doit atteindre un seuil minimal de participation en capital, inférieur à 50 %, cette obligation est remplie si ce seuil de participation est atteint en capital ou en droits de vote . La participation de l'État peut être temporairement inférieure à ce seuil à condition qu'elle atteigne le seuil de détention du capital ou des droits de vote requis dans un délai de deux ans ». En pratique, cette disposition ne s'applique qu'à GDF-Suez. L'obtention, par l'État, de droits de vote double dans le courant de l'année 2016 lui permettra de respecter la condition minimale de détention fixée par le législateur en 2006 lors de la fusion de GDF et de Suez.

Au total, cette cession a permis de dégager 1,5 milliard d'euros, soit le montant identique du versement effectué à partir du compte spécial vers la Caisse de la dette publique, afin de contribuer au désendettement de l'État.

2. Airbus Group : une opération nécessaire pour financer l'investissement dans PSA

S'agissant de la cession du capital d'Airbus Group, David Azéma, alors commissaire aux participations de l'État, avait expliqué devant la commission des finances que « notre objectif stratégique chez Airbus Group est que nul ne puisse mener une opération de prise de contrôle hostile du groupe, ce qui est assuré par une clause statutaire qui interdit une participation au capital supérieure à 15 %. Or, les statuts peuvent être modifiés par une assemblée générale, ce qui nous oblige donc à veiller à ce que la majorité qualifiée permettant cette modification ne puisse pas être atteinte. Il faut pour cela constituer un bloc défensif et concertant avec les Allemands, à 11 %, et les Espagnols, à 4 %, qui, ajoutés aux 11 % détenus par la France, permettent de tenir la ligne. Dès lors, pourquoi conserver 1 % de plus du capital, qui représente pas loin de 500 millions d'euros ? L'année dernière, nous n'avions pas nécessairement identifié que nous pourrions descendre notre participation à 11 % et nous nous étions fixés une cible à 12,12 %. Il se trouve de surcroît que le fait d'avoir cédé par étapes nous a permis de bénéficier du relèvement du cours lié à la restructuration de la gouvernance et, bien sûr, les résultats industriels d'Airbus Group. Nous avons arbitré une exposition ?excessive? dans l'entreprise, pour récupérer des ressources qui pourront être réutilisées soit pour le désendettement de l'État, par exemple pour refinancer des programmes d'investissement d'avenir portés par le Commissariat général à l'investissement, soit pour réinvestir dans le capital d'autres entreprises, telle que PSA » 12 ( * ) .

Juridiquement, c'est la Société de gestion de participations aéronautiques (SOGEPA) 13 ( * ) qui a procédé à la cession de titres d'Airbus Group. Le produit dégagé par cette cession n'a pas été inscrit sur le compte spécial car il a été immédiatement réinvesti, par la SOGEPA, pour financer la prise de participation dans PSA ( cf. infra ).

B. UNE PRISE DE PARTICIPATION MAJEURE : PSA

Du point de vue des prises de participation, l'exercice 2014 est d'abord marqué par l'investissement de l'État dans le groupe automobile PSA, lui permettant d'acquérir 14,1 % du capital, à parité avec la famille Peugeot et le groupe chinois Dongfeng .

Le rapport sur l'État actionnaire de juillet 2014 précise que « cette opération donne au groupe les marges de manoeuvre financière pour réaliser la mise en oeuvre de son plan de développement. Elle illustre pleinement la stratégie de l'État actionnaire et témoigne de sa volonté d'accompagner le développement et la consolidation d'entreprises nationales, en particulier dans les secteurs et des filières déterminantes pour la croissance économique française. [...] L'État dispose de deux représentants au conseil de surveillance de l'entreprise », dont le président est Louis Gallois.

Réponse de l'APE au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial

Question : PSA. Pourquoi la SOGEPA porte-t-elle la participation pour le compte de l'État ? Est-ce conforme à l'objet social de la société, initialement créée pour détenir des participations aéronautiques ? Quel a été le montant engagé par l'État pour acquérir cette participation ? Quels sont les priorités défendues par l'État actionnaire au sein du conseil et à l'assemblée générale ?

Réponse :

« Rôle de SOGEPA

« Deux schémas ont été considérés pour la prise de participation de l'État dans le Groupe PSA Peugeot Citroën : soit en direct par l'État, soit via une société entièrement détenue par l'État.

« C'est la deuxième option qui a été retenue (via SOGEPA), principalement pour une raison de gouvernance. En effet, dans le cas d'une participation en direct de l'État, le décret-loi du 30 octobre 1935 ne permet de nommer comme représentants de l'État que des fonctionnaires en activité ou en retraite ou des dirigeants mandataires sociaux d'entreprises publiques ou établissements publics de l'État ; or, la nouvelle doctrine de l'État actionnaire privilégie une représentation mixte (avec à terme un représentant de l'État personne morale et une personnalité issue du monde de l'entreprise). Dans le cas d'une détention indirecte des titres (par exemple via SOGEPA), la représentation est fondée sur l'article 139 de la loi sur les nouvelles régulations économiques, qui permet d'instaurer dès le départ une représentation mixte de l'État.

« Une fois retenu le schéma de participation indirect, les modifications statutaires nécessaires ont été apportées à SOGEPA. Partant du constat que SOGEPA n'a plus de rôle particulier dans la gouvernance d'Airbus Group depuis les accords de décembre 2012 et qu'il est donc souhaitable d'en alléger la gouvernance, SOGEPA a été transformée en société par actions simplifiée (SAS) : la transformation en SAS a été approuvée en assemblée générale le 15 avril 2014, de nouveaux statuts ont été adoptés, et le décret du 8 août 1979 relatif au conseil d'administration de SOGEPA a été abrogé par décret le 25 avril 2014. Les nouveaux statuts prévoient en particulier, dans l'objet social de SOGEPA, ? la prise et la gestion de participations dans toute société ? ; la prise de participation dans PSA est donc conforme aux nouveaux statuts.

« Prise de participation dans PSA

« L'État a investi, via la SOGEPA, à hauteur de 800 millions d'euros dans le Groupe PSA Peugeot Citroën , en deux étapes : souscription d'une augmentation de capital de 1 milliard d'euros réservée à l'État et à Dongfeng (le partenaire industriel chinois) et souscription d'une augmentation de capital de 2 milliards d'euros sur le marché. L'opération a été calibrée de telle sorte qu'à son issue les trois principaux actionnaires (l'État, Dongfeng et la famille Peugeot) possèdent chacun 14,1% des droits de vote.

« L'entrée de l'État au capital de PSA s'est faite sur la base d'un plan de redressement dont les grandes orientations ont été développées dans le plan stratégique Back in the race , présenté par Carlos Tavares en avril 2014. Il s'appuie sur trois grands axes : (i) la différenciation des trois marques (Citroën, Peugeot, DS) et la réorganisation de la gamme ; (ii) la croissance rentable à l'international, et en particulier dans les marchés émergents ; et (iii) l'amélioration de la compétitivité. L'État est en accord avec les grandes orientations de la stratégie de la Direction générale et soutient la mise en oeuvre du plan Back in the race ».

La SOGEPA a pu financer l'investissement dans PSA grâce à la cession de titres Airbus Group pour 451 millions d'euros ( cf. supra ), grâce à une recapitalisation d'environ 300 millions d'euros opérée par l'État à partir du compte spécial, ainsi que, pour environ 50 millions d'euros, par le dividende versé par Airbus Group à la SOGEPA.

Il s'agit donc du premier exemple concret de mise en oeuvre de la nouvelle doctrine de l'État actionnaire de désinvestissement/investissement.

C. LA REPRISE DES VERSEMENTS À LA CAISSE DE LA DETTE PUBLIQUE

Le rapport sur l'État actionnaire indique qu'un « versement d'1,5 milliard d'euros a été réalisé le 10 octobre depuis le compte d'affectation spéciale ?Participations financières de l'État? au profit de la Caisse de la dette publique. Pour la première fois depuis 2006, des produits de cession de participation ont été affectés au désendettement ».

Cette opération a été permise par la vente de titres GDF-Suez évoquée plus haut.

D. UN SOLDE POSITIF DE 2,25 MILLIARDS D'EUROS À L'ISSUE DE L'ANNÉE 2014

Le tableau ci-dessous retrace, à la date de publication du présent rapport, le solde créditeur prévisible du compte spécial à l'issue de l'année 2014. Bien évidemment, si l'État reste toujours susceptible de céder ou d'acquérir une participation d'ici la fin de l'année. Par exemple, le tableau prend en compte l'achat de titres Areva auprès du CEA, pour un montant de 357 millions d'euros alors que l'opération n'a pas encore été réalisée.

Solde prévisible du compte spécial à la date de publication du présent rapport

(en millions d'euros)

Solde 2013

2 787

Recettes 2014

1 724

Dépenses 2014

- 2 257

Solde 2014

2 254

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires et les réponses au questionnaire budgétaire

Le solde de l'exercice serait donc légèrement inférieur à celui de 2013. Ce montant doit notamment servir à financer la libération complète du capital de la Banque publique d'investissement pour environ 1,15 milliard d'euros 14 ( * ) . Ainsi, en l'absence de toute nouvelle cession de participation, le solde véritablement disponible s'élève à environ 1,1 milliard d'euros.

II. UN BUDGET POUR 2015 MARQUÉ PAR DE PROBABLES CESSIONS D'ENVERGURE

A. L'ANNONCE DE CESSIONS COMPRISES ENTRE 5 ET 10 MILLIARDS D'EUROS

Comme à chaque exercice, le Gouvernement a inscrit, de manière conventionnelle, une recette de 5 milliards d'euros grâce à des cessions de participations. Toutefois, l'exercice 2015 semble un peu différent puisque le ministre des finances et des comptes publics, Michel Sapin, et le ministre de l'économie, Emmanuel Macron, ont annoncé que l'État procéderait, au cours des dix-huit prochains mois, à des cessions de participations pour un montant compris entre 5 et 10 milliards d'euros .

Le tableau de financement de l'État, retracé à l'article d'équilibre du projet de loi de finances (article 31), prévoit que 4 milliards d'euros seront affectées à la Caisse de la dette publique et consacrées au désendettement . Cette somme devrait lui être versée à partir du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État », ce qui engage l'État à réaliser, en 2015, pour au moins 4 milliards d'euros de cessions.

Votre rapporteur spécial n'a pas obtenu de confirmation de ces éléments .

Plusieurs médias ont évoqué diverses hypothèses sur les cessions que l'État pourrait réaliser. Le Gouvernement, par la voix de son ministre de l'économie, a d'ores et déjà annoncé que « notre volonté n'est pas de réduire à ce stade les participations » dans Orange ou Renault 15 ( * ) .

Pour le reste, le Gouvernement doit réaliser un arbitrage pour chaque cession potentielle entre le gain immédiat, d'une part, et la perte d'influence et la perte financière actualisée dans le futur, d'autre part .

Ainsi, comme le rappelait David Azéma, lors de son audition du 26 février 2014, « ? l'usine APE? produit 4 milliards d'euros de dividendes par an, ce n'est pas rien. Est-il toujours urgent d'opérer des cessions sur des produits qui rapportent 4 % par an pour éviter de la dette qui coûte nettement moins ? S'il peut être utile de céder de beaux actifs pour faire face aux exigences du moment, il serait dommage de vendre l'intégralité des ?bijoux de famille?, alors que le vrai sujet, pour parler en entrepreneur, ce sont les dépenses d'exploitation et le solde d'exploitation ».

À titre d'illustration, la société GDF-Suez distribue traditionnellement un dividende élevé, qui se situe à environ 1,5 euro par action depuis 2009. Par ailleurs, lors de l'assemblée générale du 28 avril 2014, les actionnaires ont mis en place une nouvelle politique de distribution « basée sur un taux de distribution de 65 %-75 % sur la base du résultat net récurrent part du Groupe avec un minimum de 1 euro par action, payable en numéraire et avec paiement d'un acompte.

En outre, « les actionnaires ont approuvé l'instauration d'un dividende majoré de 10 % pour tout actionnaire justifiant d'une inscription nominative (pure ou administrée), depuis au moins deux exercices 16 ( * ) , en continu et jusqu'à la date de mise en paiement du dividende.

« Cette politique vise à récompenser la fidélité des actionnaires qui partagent l'ambition du Groupe à long terme.

« La majoration du dividende s'appliquera pour la première fois en 2017 pour le paiement du dividende dû au titre de l'exercice 2016 et sera plafonnée pour un même actionnaire à 0,5 % du capital social » 17 ( * ) .

Au regard de ces conditions, la cession de 75 millions de titres en 2014 représente, sur la période 2014-2016, une moindre recette pour le budget général de l'État d'environ 340 millions d'euros. Ainsi, la cession d'une participation, même si elle ne s'accompagne pas d'une perte d'influence, doit être mise en balance avec le rendement espéré des titres possédés par l'État .

Pour l'année 2015, les dividendes versés sur le budget général de l'État sont estimés à environ 3,5 milliards d'euros .

B. DES DÉPENSES CERTAINES POUR ENVIRON 730 MILLIONS D'EUROS

D'après le projet annuel de performances, environ 730 millions d'euros seront dépensés à partir du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » en 2015 ( cf. tableau ci-dessous).

Les dépenses certaines du compte d'affectation spéciale
« Participations financières de l'État » en 2015

(en millions d'euros)

Agence française de développement

280,0

Banques multilatérales de développement

56,0

Rachat de titres Areva au CEA

387,2

Investissements Fonds

10,0

TOTAL

733,2

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2015

Il s'agit en réalité de dépenses contraintes pour l'État. Par exemple, la recapitalisation de différentes banques multilatérales de développement résultent des engagements pris par la France devant le G 20.

L'apport de 280 millions d'euros de fonds propres à l'Agence française de développement est nécessaire du fait de l'entrée en vigueur des règles européennes dites « CRD 4/CRR » sur la capitalisation des établissements bancaires. Le projet annuel de performances indique que « l'État souscrira à 840 millions d'euros de titres de fonds propres additionnels [...] à émettre en trois tranches annuelles en 2015, 2016 et 2017 ».

Le rachat de titres Areva au Commissariat de l'énergie atomique (CEA) est la traduction d'un accord conclu entre l'État et le CEA, afin que ce dernier puisse financer une partie du démantèlement de ses installations nucléaires. En 2014, l'État a déjà réalisé une opération similaire, dite de « reclassement de titres », qui permet à la sphère publique de conserver le même taux de participation au sein d'Areva.

Enfin, la dépense programmée à hauteur de 10 millions d'euros, elle aussi renouvelée chaque année, résulte de versements à des fonds de capital-risque auxquels l'État a souscrits, notamment le Fonds de co-investissement pour les jeunes entreprises (FCJE) et le Fonds de promotion pour le capital-risque 2000 (FCPR 2000).

Le Gouvernement a également inscrit 100 millions d'euros de dépenses au titre de la rémunération des services associés à la gestion des participations (banques d'affaires, avocats, etc.). Ce montant correspond, forfaitairement, à 2 % de 5 milliards d'euros, soit le montant total des cessions envisagées.

Faute de connaître à ce jour le montant réel des cessions, la somme de 100 millions d'euros est bien évidemment inscrite de manière conventionnelle. À titre de comparaison, en 2014, seulement 1,2 million d'euros ont été dépensés sur cette ligne.

C. UNE INCONNUE : L'INVESTISSEMENT DANS ALSTOM

En réponse au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial, l'Agence des participations lui a indiqué que « l'accord conclu entre l'État et le groupe Bouygues comporte plusieurs dispositifs, en particulier un prêt de titres et une série de promesses de vente de Bouygues au bénéfice de l'État, portant sur un volume de titres pouvant représenter jusqu'à 20 % du capital d'Alstom. Ces dispositifs seront activés à compter de la réalisation complète des opérations entre Alstom et GE, qui ne devrait pas intervenir avant la fin du premier trimestre 2015.

« Cet accord permettra d'une part à l'État de détenir rapidement 20 % des droits de vote d'Alstom ainsi que deux sièges au conseil d'administration de l'entreprise, afin de peser sur sa gouvernance et sa stratégie . Il permettra d'autre part à l'État d'acquérir directement auprès de Bouygues 20 % du capital de l'entreprise, si l'État le souhaite puisqu'il s'agit d'une option d'achat, et sur une période de près de 20 mois . La formule de prix définie par les parties varie au cours de la période mais assure à l'État la possibilité d'exercer cette option avec une légère décote sur le prix de marché.

« Le montant de cet investissement dépendra principalement des conditions de marché, à un horizon pouvant aller jusqu'à début 2017, et il ne peut donc être anticipé à ce stade. Il peut être rappelé que la capitalisation actuelle du groupe est de 8,3 milliards d'euros ». Autrement dit, si l'État venait à acquérir 20 % d'Alstom, il devrait débourser, au regard de la capitalisation actuelle, au minimum 1,62 milliard d'euros.

Le Gouvernement n'a pas confirmé à votre rapporteur spécial s'il comptait effectivement faire jouer la clause de l'accord lui permettant d'acquérir une partie du capital d'Alstom. En tout état de cause, les conditions de marché seront un facteur déterminant dans la décision de l'État .

LISTE DES PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE L'ÉTAT

Source : rapport relatif à l'État actionnaire, juillet 2014

LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a adopté, sans modification, les crédits du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ».

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le jeudi 30 octobre 2014, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Maurice Vincent, rapporteur spécial, sur le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ».

M. Maurice Vincent , rapporteur spécial . - Le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » est le support budgétaire des opérations conduites par l'État en tant qu'actionnaire. L'État détient en effet des participations, le plus souvent sous forme de titres de capital - des actions - dans plusieurs entreprises dans le secteur de l'énergie (GDF-Suez, EDF, Areva), de l'armement (Nexter, Thales), des télécommunications ou autres (SNCF ou RATP).

Comme dans tout compte d'affectation spéciale, il existe un lien entre ses recettes et ses dépenses. Celles-ci résultent de cessions de participations et celles-là de prises de participations, c'est-à-dire d'acquisitions de titres de capital. Le compte peut aussi financer le désendettement de l'État par des versements à la Caisse de la dette publique. Sa particularité tient aussi à sa programmation budgétaire, qui est partiellement formelle. Côté recettes, le Gouvernement ne veut pas s'engager sur un montant ou sur un rythme de cessions pour des raisons notamment de confidentialité et de stratégie - on le comprend. Il est donc inscrit pour 5 milliards d'euros de recettes dans chaque projet de loi de finances, montant bien évidemment jamais été atteint depuis la crise.

L'exercice prospectif est donc limité. C'est pourquoi nous examinons le « jaune budgétaire » intitulé « Rapport sur l'État actionnaire » qui dresse le panorama des actions menées sur la dernière année.

Depuis 2012, l'État actionnaire s'est lancé dans un grand chantier de modernisation pour adopter une gestion active de ses participations. Nous entendrons la semaine prochaine Régis Turrini, nouveau commissaire aux participations de l'État.

La doctrine d'investissement de l'État actionnaire s'articule autour de quatre principes d'investissement : par exemple, l'investissement dans des entreprises stratégiques comme celles de la défense, la possibilité d'intervenir pour des sauvetages exceptionnels, comme pour Dexia, ou encore des investissements contribuant à l'avenir de l'industrie dans notre pays. Cette doctrine a été présentée par Pierre Moscovici et Arnaud Montebourg au Conseil des ministres du 15 janvier 2014. Une ordonnance publiée en août dernier permet à l'État actionnaire de disposer de plus de souplesse pour conduire à bien sa mission.

Depuis janvier, l'État a cédé 1 % du capital d'Airbus Group - non indispensable pour maintenir son influence - afin de financer une partie de l'acquisition de 14,1 % du capital de PSA, pour un montant total de 800 millions d'euros, au côté du groupe chinois Dongfeng. Autre exemple : l'État a cédé en juin 3,6 % du capital de GDF-Suez pour un montant de 1,5 milliard d'euros, recette versée à la Caisse de la dette publique pour contribuer au désendettement de l'État.

À la fin de l'année 2014, le solde créditeur du compte devrait s'élever à environ 2,25 milliards d'euros, dont 1,15 devra, en 2015 ou 2016, être utilisé pour finir de libérer le capital de la Banque publique d'investissement (BPI). La BPI est un outil propre d'intervention de la puissance publique au capital des sociétés. L'État détient 50 % de la BPI qui a sa propre doctrine d'investissement, complémentaire de celle de l'État.

Pour 2015, les dépenses certaines inscrites sur le budget sont estimées à 730 millions d'euros, dont 280 millions d'euros pour renforcer les fonds propres de l'Agence française de développement et 390 millions d'euros pour acheter au Commissariat à l'énergie atomique des titres Areva afin qu'il puisse dégager des ressources pour financer le démantèlement de ses installations.

Enfin, l'accord conclu avec Bouygues au mois de juin permet à l'État d'acquérir jusqu'à 20 % du capital d'Alstom, mais seulement s'il le souhaite. Je ne sais pas s'il le fera.

Côté recettes, le budget prévoit comme chaque année une inscription conventionnelle de 5 milliards d'euros. L'année 2015 pourrait cependant être différente : le ministre de l'économie a annoncé que des cessions auraient effectivement lieu pour un montant compris entre 5 et 10 milliards d'euros, mais nous ne savons pas lesquelles. Ces recettes seraient en priorité affectées au désendettement ; une somme de 4 milliards d'euros est d'ailleurs inscrite sur le tableau de financement du projet de loi de finances pour 2015.

L'équilibre à trouver sera fin. S'il est loisible à l'État d'avoir une gestion active, il ne doit pas perdre de vue que les participations rapportent 3,5 milliards d'euros par an à l'État sous forme de dividendes versés au budget général. Plus on vend des actions, moins on a de possibilités de récupérer des dividendes.

La valeur du portefeuille côté de l'État a augmenté de 40 % sur un an, contre 16 % pour le CAC 40.

Je voudrais maintenant aborder trois sujets d'actualité.

Le sauvetage de Dexia, dont l'État est actionnaire à hauteur de 44 %, lui a déjà coûté 6,6 milliards d'euros. Même si le Gouverneur de la Banque de France a tenu des propos rassurant, avant-hier, devant notre commission, la santé de cette banque est encore précaire à cause de ses participations dans des banques italiennes ou espagnoles. Nous devrons rester attentifs. Son sauvetage a déjà coûté plus cher à la France que celui du Crédit lyonnais, qui, finalement, n'aura coûté que 4,5 milliards d'euros ; cela m'a aussi étonné : j'aurais pensé que c'était l'inverse.

Dans le secteur de l'armement, Nexter a engagé des négociations pour se rapprocher de son homologue allemand KMW pour une fusion égalitaire qui permettra des économies d'échelle. Pour l'instant, les deux sociétés ont signé un protocole d'accord qui encadre la négociation d'un futur accord sur leur rapprochement. Ce projet vise à renforcer les industries européennes de défense.

Enfin, la SNCM, dont l'État est actionnaire à hauteur de 25 % et à qui il a accordé des avances pour 30 millions d'euros en 2014, est sous le coup de jugements européens lui ordonnant de rembourser 440 millions d'euros.

Mme Michèle André , présidente . - Je vous remercie. Je suis membre du Conseil national d'orientation de la BPI : comment se passe la coordination de cette institution avec l'Agence des participations de l'État (APE) ?

M. Maurice Vincent , rapporteur spécial . - Je ne me suis pas penché sur les détails ; la BPI a un parcours satisfaisant, en particulier dans le secteur des hautes technologies. Je n'ai pas connaissance de difficultés particulières.

M. Marc Laménie . - En tant que maire, j'avais souscrit un emprunt auprès de Dexia ; j'ai reçu un courrier de la Caisse française de financement local : qu'est-ce que cela signifie ? L'État prend des participations dans PSA, fleuron de notre économie : pour quel montant ? Et dans Alstom ?

M. Philippe Dominati . - Nous entendons beaucoup parler des dividendes versés en ce moment, trop élevés, et qu'il faudrait taxer, mais il semble que l'État actionnaire soit autant sinon plus exigeant que les actionnaires privés : qu'en est-il ?

La gestion active comporte-t-elle des changements dans la pratique de l'État ? Je pense à la dernière réunion du comité de nomination de GDF-Suez et aux conditions de rémunérations dans cette entreprise.

Le dépôt de bilan de la SNCM est très probable. C'est une question de temps et c'est sans doute nécessaire. Le budget en tient-il compte ?

M. Jean-Claude Requier . - L'État céderait sa participation dans l'aéroport de Toulouse-Blagnac, qui dispose de 100 hectares de terrain qui excitent les convoitises. Qu'en sera-t-il des tarifs préférentiels dont dispose Airbus pour faire décoller et atterrir ses avions ?

M. Richard Yung . - Vous parlez d'un portefeuille qui augmente : quelle est sa valeur absolue ? La liste des participations est une liste à la Prévert ; j'y trouve par exemple le casino d'Aix-les-Bains, mais pas d'entreprises dans le secteur des nouvelles technologies de l'information. Ai-je mal lu ?

M. Maurice Vincent , rapporteur spécial . - A Dexia ont succédé deux sociétés : Dexia, dont l'État détient 44 % et qui a hérité d'une minorité d'emprunts toxiques, et la société de financement local, la SFIL, détenue en totalité par des entités publiques - 75 % par l'État et le reste par la Caisse des dépôts et la Banque postale - qui détient la majorité des emprunts toxiques.

S'agissant de PSA, le montant de la prise de participation de l'État est de 800 millions d'euros. Quant à Alstom, au cours actuel, l'État pourrait débourser jusqu'à 1,6 milliard d'euros, mais, pour l'instant, ce chiffre reste très hypothétique.

Le taux de retour des investissements de l'État est plus élevé que dans le privé, mais je ne crois que ce soit le fruit d'une volonté délibérée : l'État veut avoir un retour correct, mais ce résultat tient sans doute plus aux secteurs spécifiques représentés dans son portefeuille.

Une ordonnance fixe une nouvelle stratégie qui rend les nominations de représentants de l'État dans les conseils d'administration plus souples que par le passé, où seuls des hauts-fonctionnaires pouvaient être nommés.

Le coût du dépôt de bilan pour la SNCM est, pour l'instant, évaluée à 30 millions d'euros : il s'agit des avances d'actionnaire consenti par l'État.

M. Philippe Dominati . - Mais le capital, lui, n'est pas réduit à zéro.

M. Maurice Vincent, rapporteur spécial . - Certes, mais la SNCM étant une société non cotée, il est difficile d'apprécier sa valeur. En outre, elle peut aussi être reprise. Le dossier n'est pas suffisamment avancé pour en estimer le coût pour l'État.

La vente de la participation dans l'aéroport Toulouse-Blagnac est engagée : un appel d'offres a été lancé. Je ne peux pas vous dire si c'est dans le cadre d'une stratégie globale qui concerne tous les aéroports.

La valeur du portefeuille était de 84,7 milliards d'euros en avril 2014 pour les entreprises cotées, mais il y en a beaucoup d'autres. Les nouvelles technologies sont présentes dans ce portefeuille à travers Orange ; mais c'est surtout la BPI qui a vocation à prendre des participations minoritaires et à moyen terme dans ce secteur.

À l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ».

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Réunie le jeudi 20 novembre 2014, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ».


* 1 La liste est annexée au présent rapport.

* 2 Ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique ; décret n° 2014-949 du 20 août 2014 portant application de l'ordonnance n° 2014-948.

* 3 Arrêté du 19 août 2014 portant organisation de l'Agence des participations de l'État.

* 4 Communiqué de presse de Dexia du 8 août 2014.

* 5 Rapport n° 515 (2013-2014) de M. Jean Germain, fait au nom de la commission des finances, déposé le 7 mai 2014.

* 6 Communique de presse de Dexia du 26 octobre 2014.

* 7 Cour des comptes, Dexia : un sinistre coûteux, des risques persistants , juillet 2013.

* 8 Cette société est elle-même détenue à parité par Veolia et la Caisse des dépôts et consignations.

* 9 Une action spécifique permet à l'État de s'opposer à ce qu'un actionnaire acquiert plus d'un certain seuil de capital ou de droits de vote. Elle vise à maintenir la prééminence de l'État sur les décisions les plus importantes de la société.

* 10 Communication en Conseil des ministres d'Emmanuel Macron, ministre de l'économie, http://www.gouvernement.fr/conseil-des-ministres/2014-10-15/le-projet-de-loi-pour-l-activite.

* 11 Loi n° 2014-384 du 29 mars 2014 visant à reconquérir l'économie réelle, dite « loi Florange ».

* 12 Audition du 26 février 2014.

* 13 La SOGEPA est détenue à 100 % par l'État et avait été initialement créée pour porter la participation de l'État dans EADS.

* 14 La libération du capital de la BPI doit intervenir dans les cinq années suivant sa création et peut intervenir par tranches. L'État n'est donc pas tenu d'effectuer cette opération en 2014 ou 2015.

* 15 France Inter, 16 octobre 2014.

* 16 Ce qui est le cas de l'État.

* 17 http://www.gdfsuez.com/actionnaires/dividende

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