C. LES PRINCIPALES OBSERVATIONS

1. La « sanctuarisation » des crédits d'intervention de la politique de la ville

Hormis la baisse des crédits consacrés à la compensation des exonérations de charges sociales dans les ZFU et les zones de redynamisation urbaine (ZRU) et de ceux dédiés au fonctionnement courant et aux rémunérations des personnels du CGET, l'enveloppe budgétaire consacrée aux actions menées dans le cadre de la politique de la ville est maintenue à son niveau de 2014, soit 338 millions d'euros . D'après le Secrétariat d'État en charge de la ville, ces crédits devraient d'ailleurs être pérennisés durant le triennal 2015-2017 .

Ainsi, les actions territorialisées et autres dispositifs spécifiques de la politique de la ville regroupés au sein de l'action 1 du programme 147 conservent des crédits proches de ceux obtenus en 2014.

Actions territorialisées et autres dispositifs spécifiques
de la politique de la ville en 2015 (action 01)

(en millions d'euros)

ACTIONS TERRITORIALISÉES DES CONTRATS DE VILLE

172,9

Emploi et développement économique

46,2

Développement économique, emploi et soutien entrepreneurial

42,7

Écoles de la deuxième chance

3,5

Éducation hors dispositif programme de réussite éducative

38,4

Accès à la réussite pour tous

7,8

Autres actions financées dans le volet éducation des contrats de ville

30,6

Santé et accès aux soins

14,5

Ingénierie des ateliers santé ville

6,5

Autres actions financées dans le cadre du volet santé des contrats de ville

8

Le volet « habitat et cadre de vie » des contrats de ville

5

La culture et l'expression artistique

12,1

Lien social, participation citoyenne

35,7

L'accès aux droits et la prévention des discriminations

14

Accès aux droits et aux services publics

5

La prévention et la lutte contre les discriminations

9

Programme ingénierie des contrats de ville

7

AUTRES DISPOSITIFS FINANCÉS

159,5

Programme de réussite éducative

76

Programme adulte-relais

74,5

Programme « Ville Vie Vacances »

9

TOTAL POUR L'ACTION 1

332,4

Source : commission des finances du Sénat, d'après le projet annuel de performances pour 2015

Aux 332,4 millions d'euros de l'action 1, s'ajoutent également 5,2 millions d'euros au titre de crédits d'intervention de l'action 3 « stratégie, ressources et innovation » (4 millions d'euros pour les actions d'animation des services de l'État ainsi que les audits, les études et l'évaluation des programmes menés par le CGET et 1,2 million d'euros pour la formation et l'accompagnement des acteurs de la politique de la ville).

Prioritaires parmi les actions territorialisées, les actions consacrées à l'emploi et au développement économique voient leurs crédits augmenter de 5 % par rapport à 2014. 3,5 millions d'euros restent consacrés aux écoles de la deuxième chance dont 58 % des élèves sont sortis en 2013 en formation qualifiante ou ont trouvé un emploi. 5 000 des 13 500 élèves accueillis cette même année étaient issus des quartiers de la politique de la ville.

Parmi les dispositifs les plus importants en termes de crédits budgétaires engagés, le programme de réussite éducative et le programme adulte-relais sont reconduits quasiment à l'identique.

Le dispositif expérimental des emplois francs , qui constituait un dispositif d'incitation pour l'emploi des jeunes âgés de 16 à 30 ans dans les zones urbaines sensibles a, quant à lui, été arrêté .

Les emplois francs pouvaient être créés par des entreprises du secteur marchand qui, pour chaque recrutement d'un jeune habitant des ZUS en contrat à durée indéterminée et à temps complet, recevait une aide forfaitaire de 5 000 euros, versée en deux fois, par Pôle emploi. Les jeunes devaient être résidents d'une ZUS depuis au moins six mois et être en recherche d'emploi depuis au moins 12 mois au cours des 18 derniers mois.

Cette expérimentation lancée depuis 2013 dans dix agglomérations avait depuis été étendue à 33 sites avec un objectif de 10 000 emplois francs. Or, selon les chiffres du Commissariat général à l'égalité des territoires, seuls 280 emplois francs ont été signés en 2014, loin des 5 000 contrats attendus.

D'après le Secrétariat d'État en charge de la ville, l'arrêt des emplois francs constituerait une économie de 11 millions d'euros pour 2015. Votre rapporteur spécial se félicite du choix fait par le ministère de ne conserver que les dispositifs qui font la preuve de leur efficacité. Il espère toutefois que d'autres mesures pourront être prises pour favoriser l'emploi des jeunes des quartiers de la politique de la ville qui sont particulièrement touchés par le chômage . Pour rappel, d'après les chiffres de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles (ONZUS), le taux de chômage en ZUS est en permanence près de deux fois et demie supérieur à la moyenne nationale et celui des jeunes s'établissait à près de 45 % en 2012 (contre 23,1 % dans les unités urbaines environnantes).

Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports a annoncé que de nouvelles initiatives seraient effectivement mises en oeuvre en relation avec Pôle emploi, notamment dans le cadre de la mobilisation des crédits de droit commun.

2. Un nouveau cadre : la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine

La politique de la ville connaît un nouveau souffle avec l'adoption de la loi précitée du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine. Les crédits du programme 147 seront ainsi consommés dans le cadre d'une nouvelle géographie prioritaire et selon de nouvelles modalités de mise en oeuvre.

La nouvelle géographie prioritaire s'avère plus resserrée qu'auparavant et se substitue aux précédents zonages qui s'étaient multipliés. Ainsi, 1 300 nouveaux quartiers prioritaires de la politique de la ville vont remplacer les 751 ZUS, 416 ZRU et 2 492 quartiers ciblés par des contrats urbains de cohésion sociale (CUCS).

En retenant un critère unique , le revenu des habitants, et la technique du « carroyage » consistant à diviser le territoire national en carreaux de 200 mètres de côté, le Gouvernement a identifié les 1 300 « zones statistiques » susceptibles de devenir les quartiers prioritaires de la métropole, une fois que l'État et les collectivités territoriales auront déterminé leurs contours. D'après les informations recueillies par votre rapporteur spécial, le décret fixant la liste devant paraître prochainement, deux tiers des périmètres étant d'ores et déjà validés.

C'est donc dans ces quartiers que les crédits de la politique de la ville auront vocation à être consommés, dans le cadre de nouveaux contrats de ville conclus à l'échelle intercommunale, en remplacement des CUCS.

Ces contrats de ville constitueront le cadre de l'ensemble des actions réalisées au titre de la politique de la ville, qu'elles soient financées par des crédits spécifiques ou des crédits de droit commun, voire qu'elles mobilisent des fonds européens structurels et d'investissement.

Le secrétariat d'État en charge de la politique de la ville espère que l'essentiel des contrats de ville sera signé en juin 2015, la circulaire du Premier ministre relative à l'élaboration des contrats de ville de nouvelle génération ayant été publiée le 15 octobre dernier.

Un nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) est également lancé pour la période 2014-2024, avec 5 milliards d'euros de subventions. Les 200 « quartiers ANRU » susceptibles de bénéficier de ce programme devraient être prochainement annoncés dans un conseil d'administration exceptionnel de l'ANRU.

Ces quartiers sont retenus dans la mesure où ils présentent les « dysfonctionnements urbains les plus importants ».

Votre rapporteur spécial se félicite de ces évolutions et espère que les calendriers seront tenus.

En revanche, alors qu'elle était initialement annoncée dans le projet de loi de finances pour 2015, la nouvelle dotation « politique de la ville » (DPV), ayant vocation à remplacer la dotation de développement urbain (DDU), devrait finalement être élaborée pour 2016 . L'article 58 du projet de loi de finances pour 2015 procède d'ores et déjà au changement de nom de la dotation et fait référence aux contrats de ville pour son application, sans en modifier les conditions d'attribution.

L'ANRU dispose également de deux nouvelles compétences, à savoir :

- en matière de coopération internationale , participer à des actions dans le domaine du renouvellement urbain ;

- faire du co-investissement, par des prises de participation dans des entreprises concourant au renouvellement urbain. Dans ce cadre, l'ANRU doit intervenir pour le compte de l'État, dans le cadre du deuxième programme d'investissement d'avenir (action « Diversification des fonctions dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville »). Le projet de convention entre l'État et l'ANRU vient d'être transmis à votre commission des finances.

Tout en appelant à la mise en place d'un dispositif permettant de s'assurer que l'ANRU agit en investisseur éclairé, votre rapporteur spécial est favorable à cette nouvelle compétence qui devrait permettre de favoriser l'implantation d'entreprises dans ces quartiers.

Il convient de noter que la création du Commissariat général à l'égalité des territoires a permis de faire des économies sur son fonctionnement. Ainsi, selon les informations collectées auprès du Gouvernement, les crédits de fonctionnement du CGET devraient être en baisse de 2 % comparé à celui des trois structures qu'il remplace (DATAR, ACSé et SG-CIV), équivalant à 800 000 euros.

3. Quel nouveau dispositif pour les ZFU ?

Compte tenu de la substitution des quartiers prioritaires de la politique de la ville aux anciens zonages en vigueur, la question de l'avenir des avantages fiscaux et sociaux attachés aux ZFU se pose depuis l'entrée en vigueur de la loi du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine. En effet, si cette loi a mis en extinction les ZRU, elle n'a, en revanche, pas scellé le sort des ZFU dont le dispositif et les avantages ont été prolongés jusqu'au 31 décembre 2014 par l'article 157 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012. Une nouvelle disposition législative est donc indispensable pour les maintenir.

Le Gouvernement a saisi le Conseil économique, social et environnemental (CESE) afin d'évaluer l'utilité de ces ZFU auxquelles sont notamment rattachés plusieurs avantages fiscaux (exonérations d'impôts sur les bénéfices) et sociaux (exonérations de charges sociales).

Rendu le 15 janvier 2014, cet avis du CESE suggère la mise en place d'un « dispositif ZFU refondé » 28 ( * ) . Suite à ces travaux et aux conclusions du rapport d'information rendu en mai 2013 par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale sur les ZFU, le Gouvernement a prévu, à l'article 22 du projet de loi de finances rectificative pour 2014 déposé à l'Assemblée nationale le 12 novembre, de prolonger jusqu'en 2020 l'exonération d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les société du bénéfice réalisé par les entreprises en l'encadrant davantage afin notamment d'en réduire l'effet d'aubaine .

Ainsi, il est notamment envisagé de :

- plafonner le bénéfice exonéré à 50 000 euros par période de douze mois et non plus à 100 000 euros ;

- réduire à huit ans la durée de l'exonération, avec un taux plein sur les cinq premières années puis un taux dégressif pour les trois années suivantes (60 % pour la première année, 40 % pour la deuxième année, 20 % pour la troisième année) ;

- conditionner le bénéfice de l'exonération à la signature d'un contrat de ville pour la création d'activité à compter du 1 er janvier 2016.

Votre rapporteur spécial considère qu'il est effectivement souhaitable que des dispositions permettent de rendre ces quartiers attractifs d'un point de vue économique, afin d'y créer des emplois ainsi qu'une forme de mixité fonctionnelle , tout en s'assurant de l' efficacité du dispositif, compte tenu du coût pour l'État et en évitant l'effet d'aubaine .


* 28 Avis du Conseil économique, social et environnemental sur les zones franches urbaines du 15 janvier 2014.

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