EXAMEN DES ARTICLES
CHAPITRE IER
DISPOSITIONS RELATIVES
À LA DÉLIMITATION DES RÉGIONS

Article 1er A
Rappel des vocations de chaque échelon local

À la suite de l'initiative de notre collègue François Zocchetto, en première lecture, votre commission spéciale a adopté en deuxième lecture le présent article pour rappeler les vocations de chaque échelon local et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. En particulier, il précisait que, par application du principe de subsidiarité et dans le respect des compétences attribuées par la loi aux collectivités territoriales et à leurs groupements :

- les communes représentent l'échelon de proximité de la vie démocratique et la cellule de base de l'organisation territoriale de notre République tandis que les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre sont un outil de coopération et de développement au service des communes ;

- les départements sont garants, d'une part, de la cohésion sociale et, d'autre part, de la solidarité et du développement territoriaux ;

- les régions contribuent au développement économique et à l'aménagement stratégique de leur territoire.

L'Assemblée nationale a supprimé l'article 1 er A en première et deuxième lectures - suppression qu'elle a confirmée en nouvelle lecture - en raison de son manque de normativité.

Attachée à réaffirmer les principes qui doivent guider l'organisation décentralisée de la République, votre commission spéciale a adopté l' amendement de son rapporteur et rétabli cet article dans sa rédaction de deuxième lecture.

Votre commission a rétabli l'article 1 er A ainsi rédigé .

Article 1er
(art. L. 4111-1 du code général des collectivités territoriales)
Nouvelle carte régionale

Déterminant les nouvelles délimitations régionales, l'article 1 er a connu plusieurs évolutions au cours de la navette parlementaire, retracées pour la première lecture par le tableau suivant.

Évolution de la carte régionale en première lecture

Projet de loi initial

Commission spéciale

(avant le rejet du texte)

Texte adopté par le Sénat

(suppression de l'article)

Commission des lois de l'Assemblée nationale

Assemblée nationale

Alsace, Lorraine

Alsace, Lorraine, Champagne-Ardenne

-

Alsace, Lorraine

Alsace, Lorraine, Champagne-Ardenne

Aquitaine

Aquitaine, Limousin, Poitou-Charentes

-

Aquitaine, Limousin

Aquitaine, Limousin, Poitou-Charentes

Auvergne, Rhône-Alpes

Auvergne, Rhône-Alpes

-

Auvergne-Rhône-Alpes

Auvergne, Rhône-Alpes

Bourgogne, Franche-Comté

Bourgogne, Franche-Comté

-

Bourgogne, Franche-Comté

Bourgogne, Franche-Comté

Bretagne

Bretagne

-

Bretagne

Bretagne

Centre, Limousin, Poitou-Charentes

Centre, Pays-de-la-Loire

-

Centre, Poitou-Charentes

Centre

Champagne-Ardenne, Picardie

-

Champagne-Ardenne, Picardie

Ile-de-France

Ile-de-France

-

Ile-de-France

Ile-de-France

Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées

Languedoc-Roussillon

-

Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées

Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées

Midi-Pyrénées

-

Nord-Pas-de-Calais

Nord-Pas-de-Calais, Picardie

-

Nord-Pas-de-Calais

Nord-Pas-de-Calais, Picardie

Basse-Normandie, Haute-Normandie

Basse-Normandie, Haute-Normandie

-

Basse-Normandie, Haute-Normandie

Basse-Normandie, Haute-Normandie

Pays de la Loire

-

Pays de la Loire

Pays de la Loire

Provence-Alpe-Côte-d'Azur

Provence-Alpe-Côte-d'Azur

-

Provence-Alpe-Côte-d'Azur

Provence-Alpe-Côte-d'Azur

En deuxième lecture, votre commission spéciale, constatant des convergences avec ses propres travaux, n'a apporté que deux modifications à la carte adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture :

- d'une part, elle a mis fin au regroupement de l'Alsace avec la Champagne-Ardenne et la Lorraine, afin de laisser aux collectivités territoriales alsaciennes la possibilité de mettre en place une collectivité territoriale unique, en adoptant les amendements de nos collègues Catherine Troendlé, Claude Kern et Ronan Dantec ;

- d'autre part, elle a maintenu les régions Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon dans leur périmètre actuel, par adoption de deux amendements de son rapporteur et de notre collègue Jacques Mézard.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a écarté ces deux modifications et rétabli, à l'initiative de son rapporteur, la carte qu'elle avait adoptée en première lecture. Cette divergence a constitué le principal point d'achoppement entre les deux assemblées parlementaires pour l'élaboration d'un compromis en commission mixte paritaire.

Convaincue du bien-fondé de sa position de deuxième lecture, votre commission spéciale a rétabli, par l'adoption d' amendements de son rapporteur et de nos collègues Claude Kern, Catherine Troendlé et Jacques Mézard, la carte régionale issue de la délibération du Sénat en deuxième lecture.

Votre commission a adopté l'article 1 er ainsi modifié .

Article 1er bis (supprimé)
(art. 1er de la loi n° 2011-884 du 27 juillet 2011 relative
aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique)
Rétablissement du congrès des élus départementaux et régionaux
en Guadeloupe et à La Réunion

Adopté en deuxième lecture, en séance publique, par le Sénat à l'initiative de notre collègue Paul Vergès, cet article prévoit qu'en Guadeloupe et à La Réunion, le congrès des élus départementaux et régionaux se compose des membres du conseil général et du conseil régional.

Pour défendre l'adoption de cette disposition, notre collègue Christian Favier faisait valoir que « le rétablissement, pour la Réunion, de l'instance du congrès des élus régionaux et départementaux, tel qu'initialement prévu dans la loi du 13 décembre 2000, [...] permettra aux élus réunionnais de débattre et de formuler des propositions de nature, notamment, à mettre fin à la situation atypique de coexistence de deux collectivités sur un même territoire. » 2 ( * )

Contre l'avis de la commission spéciale, qui souhaitait un débat plus approfondi sur ce point, et du Gouvernement, le Sénat a adopté cette modification institutionnelle.

Estimant que cet article méconnaissait les règles constitutionnelles en matière d'examen parlementaire des projets de loi, la commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté un amendement de suppression déposé par le Gouvernement.

Consciente de cette difficulté, votre commission spéciale n'a pas rétabli cet article.

Votre commission a maintenu la suppression de l'article 1 er bis .

Article 2
(art. L. 4132-5 du code général des collectivités territoriales)
Détermination du chef-lieu et
du nom des nouvelles régions

Le présent article prévoit la procédure de fixation, par décret en Conseil d'État, du chef-lieu des nouvelles régions, créées en vertu de l'article 1 er , ainsi que la faculté, pour les nouveaux conseils régionaux, de choisir librement le nom de leur collectivité.

Au terme des deux lectures au sein de chaque assemblée parlementaire, un consensus s'est dégagé sur cette procédure, en particulier sur le fait que :

- le nom provisoire des régions issues d'un regroupement serait constitué par la juxtaposition, dans l'ordre alphabétique, des noms des régions regroupées, à l'exception de la région constituée de la Haute-Normandie et de la Basse-Normandie dénommée « Normandie » ;

- la région Centre porterait désormais le nom de Centre-Val de Loire, plus évocateur de la réalité géographique de ce territoire ;

- l'avis rendu par les conseils régionaux sur le projet de décret fixant le chef-lieu provisoire des nouvelles régions devrait être précédé, d'une part, par une consultation des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux (CESER) et, d'autre part, par une concertation des représentants des collectivités territoriales, des organismes consulaires et des organisations professionnelles représentatives ;

- le nom et le chef-lieu des nouvelles régions seraient définitivement fixés par un décret en Conseil d'État, pris avant le 1 er juillet 2016, après avis du conseil régional 3 ( * ) ;

- les conseils régionaux pourraient fixer l'emplacement de l'hôtel de la région hors du chef-lieu définitif ;

Outre l'adoption de cinq amendements de précision ou de coordination proposés par son rapporteur, la commission des lois de l'Assemblée nationale a complété, en nouvelle lecture, cet article afin que l'ensemble des dispositions législatives prennent en compte le changement de dénomination de la région Centre.

Constatant que l'article 2 parvient à une position d'équilibre au regard des préoccupations exprimées par les deux chambres, votre commission spéciale a préféré s'en tenir, de manière générale, à la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale.

Cependant, en nouvelle lecture, celle-ci a confirmé son choix de deuxième lecture de fixer par voie législative, à l'initiative des députés Laurent Bies et Armand Jung, le chef-lieu définitif de la région composée des actuelles régions d'Alsace, de Champagne-Ardenne et de Lorraine à Strasbourg. Au nom du Gouvernement, le ministre de l'intérieur, M. Bernard Cazeneuve, a soutenu ce choix, indiquant que « Strasbourg avait vocation à affirmer sa vocation européenne tout autant que celle de capitale régionale, nonobstant le périmètre de la région dont elle serait la capitale » 4 ( * ) .

Par cohérence avec les modifications opérées à l'article 1 er , votre commission spéciale a adopté un amendement de son rapporteur supprimant cette disposition : dès lors que les limites actuelles de la région Alsace n'ont pas été modifiées à l'article 1 er , il n'y aurait pas lieu de déterminer un nouveau chef-lieu selon la procédure de l'article 2.

Votre commission a adopté l'article 2 ainsi modifié .

Article 3
(art. L. 3114-1, L. 4122-1-1, L. 4123-1 et L. 4124-1
du code général des collectivités territoriales)
Simplification de modalités de regroupements volontaires
des régions et départements et coordinations

Initialement prévu pour supprimer la procédure relative au regroupement volontaire des régions, cet article a été profondément remanié au cours de son examen parlementaire, faisant l'objet de discussions nourries entre assemblées parlementaires et au sein de chaque assemblée.

Au cours de la première lecture, un accord s'est manifesté entre les deux assemblées parlementaires pour supprimer la consultation obligatoire des électeurs en cas de regroupement des régions (article L. 4123-1 du code général des collectivités territoriales), des départements (article L. 3114-1 du même code), de la fusion d'une région et des départements la composant (article L. 4124-1 du même code) et du « droit d'option » des départements souhaitant changer de région (article L. 4122-1-1 du même code). Ainsi, ces changements devenaient possibles sur délibérations concordantes des organes délibérants des collectivités territoriales intéressées.

Au cours de la seconde lecture, un accord s'est également dégagé entre les deux assemblées sur la nécessité d'adopter de tels changements à la majorité des trois-cinquièmes des suffrages exprimés des organes délibérants. Ces choix ont paru suffisamment importants quant à leurs conséquences pour requérir une majorité qualifiée.

L'abrogation des dispositions relatives au droit d'option des départements et au regroupement des régions seraient abrogées à compter du 1 er mars 2019 et non du 1 er janvier 2017, comme l'avait envisagée le Sénat en deuxième lecture.

Cependant, en matière de possibilité pour un département limitrophe d'une autre région de changer de région de rattachement
- procédure communément appelée « droit d'option » -, une différence s'est fait jour. Le Sénat avait souhaité, en deuxième lecture, que ce choix fût possible si une majorité des trois-cinquièmes des suffrages exprimés des organes délibérants du département concerné et de la région d'accueil se manifestaient, l'organe délibérant de la région d'origine ne pouvant s'y opposer qu'à la majorité des trois-cinquièmes des suffrages exprimés 5 ( * ) .

En deuxième lecture, à l'initiative de son rapporteur, la commission des lois de l'Assemblée nationale a rendu obligatoire l'accord de la région d'origine à la majorité des trois-cinquièmes des suffrages exprimés de son assemblée pour permettre un changement de rattachement. Le rapporteur de l'Assemblée nationale expliquait ce choix : « Si la différence semble mineure, il est apparu difficile d'envisager, au regard du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales, qu'une région puisse voir son territoire être modifié de manière substantielle sans que son conseil régional ait à signifier son consentement, en étant simplement mis en demeure de faire valoir son éventuelle opposition. » 6 ( * )

Votre commission spéciale reste persuadée que l'équilibre retenu par le Sénat en deuxième lecture rendait réaliste l'exercice de ce « droit d'option », tout en respectant le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales puisque chacune de celles concernées intervenait au cours du processus décisionnel. Cette rédaction constituait une souplesse souhaitable pour ajuster la carte régionale adoptée à l'article 1 er par voie parlementaire.

Fidèle à sa position de deuxième lecture, votre commission spéciale a adopté un amendement de son rapporteur, sur ce point, en rétablissant pour la région d'origine une simple faculté d'opposition à une majorité qualifiée de son assemblée.

Par ailleurs, à l'initiative de son rapporteur, la commission des lois de l'Assemblée nationale a repris à l'article 3 les dispositions introduites à l'article 3 bis à l'initiative de notre collègue Philippe Bas, en deuxième lecture . Cette disposition permet, lorsqu'il est fait usage du « droit d'option » prévu à l'article L. 4122-1-1 du code général des collectivités territoriales, de modifier par décret en Conseil d'État la répartition des sièges de conseillers régionaux et le nombre de candidats par section départementale pour les régions d'accueil et d'origine. Dans ce cadre, la compétence du Gouvernement serait entièrement liée par la loi puisqu'il devrait se borner à appliquer les règles fixées par le législateur qui aurait ainsi épuisé la compétence qu'il tient des articles 34 et 72 de la Constitution. Ce dispositif vaudrait le temps que l'exercice du « droit d'option » demeure possible, soit jusqu'au 1 er mars 2019.

Suivant son rapporteur, la commission des lois de l'Assemblée nationale a étendu ce mécanisme à l'hypothèse de fusion de régions autorisée par l'article L. 4123-1 du code général des collectivités territoriales, avec la même méthode de répartition des sièges et des candidatures, conformément à celle qui prévaut pour le tableau n° 7 annexé au code électoral.

En revanche, la commission des lois de l'Assemblée nationale a supprimé une disposition transitoire introduite par le Sénat en deuxième lecture, toujours à l'initiative de notre collègue Philippe Bas. Cette disposition prévoyait que les conseillers régionaux élus lors du précédent renouvellement général dans le cadre de la section départementale, correspondante au département « sortant », continueraient d'exercer leur mandat au sein du conseil régional de la région d'accueil, jusqu'au terme normal de leur mandat.

En nouvelle lecture, votre commission spéciale a rétabli cette disposition transitoire, estimant que cette disposition revêtait un caractère transitoire et exceptionnel et qu'elle poursuivait un objectif d'intérêt général admis par le Conseil constitutionnel en permettant de « faciliter la réalisation de la réforme territoriale mise en oeuvre et d'éviter l'organisation de nouvelles élections » 7 ( * ) .

Votre rapporteur souligne d'ailleurs que la même logique du lien entre le territoire et l'élu a conduit, à l'article 12 du présent projet de loi, à faire cesser par anticipation le mandat des conseillers généraux du Rhône élus dans un canton compris intégralement dans le périmètre de la future métropole de Lyon.

Enfin, en séance publique, le Sénat avait complété, en deuxième lecture, l'article 3 avec un III permettant au département et à la région de Guadeloupe de fusionner selon une procédure qu'elle déterminait au regard de l'article 73 de la Constitution. Par la voix de son président, votre commission spéciale s'y était opposée, relevant un obstacle constitutionnel à son adoption : l'article 73 de la Constitution impose, pour la création d'une collectivité se substituant à un département et une région d'outre-mer, de recueillir préalablement le consentement des électeurs inscrits dans le ressort de ces collectivités, par la voie d'un référendum. L'absence d'expression de ce consentement rendait impossible au législateur d'engager la procédure de fusion.

Pour cette raison, la commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté un amendement de suppression du Gouvernement. Au vu de l'inconstitutionnalité de la disposition contestée, votre commission spéciale n'a pas rétabli cette disposition.

Votre commission a adopté l'article 3 ainsi modifié .

Article 3 bis (supprimé)
(art. L. 337-1 du code électoral)
Répartition des sièges de conseillers régionaux
en cas de changement d'un département de région

Introduit en deuxième lecture par le Sénat, en séance publique, à l'initiative de notre collègue Philippe Bas, cet article tirait, sur le plan électoral, les conséquences d'un changement de rattachement régional d'un département.

En deuxième lecture, cette disposition a été partiellement reprise par la commission des lois de l'Assemblée nationale, à l'initiative de son rapporteur, à l'article 3. En nouvelle lecture, votre commission spéciale a rétabli à l'article 3 la version de l'article 3 bis qu'elle avait adoptée en deuxième lecture. Elle ne l'a donc pas formellement rétabli.

Votre commission a maintenu la suppression de l'article 3 bis .


* 2 Cf. Débats Sénat, séance du jeudi 30 octobre 2014.

* 3 Par cohérence, a été modifié le premier alinéa de l'article L. 4121-1 du code général des collectivités territoriales qui dispose que le nom d'une région s'effectue par la loi : ce changement s'effectuerait, comme pour les autres niveaux, par un décret en Conseil d'État.

* 4 Cf. Débats Assemblée nationale, première séance du jeudi 20 novembre 2014.

* 5 Contrairement à sa position de première lecture, le Sénat avait, en deuxième lecture, permis à la région d'origine d'adopter une position par rapport à la volonté d'un département de quitter son périmètre en lui accordant une faculté d'opposition.

* 6 Cf. rapport n° 2331 (XIVème législature) de M. Carlos Da Silva, au nom de la commission des lois, 12 novembre 2014.

* 7 Conseil constitutionnel, 23 janvier 2014, n° 2013-687 DC.

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