II. UNE ÉCONOMIE AFFAIBLIE

A. UN REDRESSEMENT INTERROMPU

Dans ce contexte, la performance économique et financière de l'année 2013 a marqué une rupture par rapport à celles des années précédentes qui s'avéraient encourageantes 10 ( * ) . L'année 2014 sera bien pire encore compte tenu de la guerre civile.

Même si elles augmentent légèrement par rapport à ce qu'elles ont été en 2013, la production et les exportations de pétrole brut seront sensiblement inférieures aux projections établies en début d'année 11 ( * ) . D'abord parce que la contribution des champs du Nord est nulle depuis la fin du mois de mars et a toute chance de le rester dans le proche avenir 12 ( * ) . Ensuite parce que la contribution de la région autonome du Kurdistan aux exportations de pétrole a été suspendue depuis la fin de l'automne 2012 Enfin parce que la région autonome du Kurdistan a progressivement pris les dispositions et engagé les travaux nécessaires pour développer sa production d'hydrocarbures et en exporter directement une fraction croissante sans dépendre en quoi que ce soit de Bagdad 13 ( * ) .

La stagnation de la production d'hydrocarbures et la dégradation marquée du contexte sécuritaire pèsent mécaniquement sur la vie des affaires, en conséquence la croissance en volume du PIB sera vraisemblablement inférieure à ce qu'elle a été en 2013 14 ( * ) et ne devrait pas excéder 2% , ce qui aura des conséquences sur le taux de chômage lequel serait ainsi passé de 16% de la population active à la fin de l'année 2013 à 30% de la population active à la fin du mois de juillet 2014. S'y ajoute en ce début d'année 2015 la baisse des prix du pétrole.

La situation des comptes extérieurs est appelée à se dégrader mécaniquement . Le compte courant pourrait passer de l'équilibre à un déficit compris entre 8 et 9 milliards de dollars suivant les hypothèses. Le déficit de la balance des paiements déboucherait sur une diminution des avoirs extérieurs de la banque centrale pour la première fois depuis plus de 10 ans 15 ( * ) .

Les exportations de pétrole représentant près de 93% des recettes budgétaires, la principale inconnue porte sur ce que pourrait être le niveau du déficit public et, plus encore, sur son financement. La situation des comptes publics s'était sensiblement dégradée 16 ( * ) en 2013.

S'agissant du niveau que pourrait atteindre le déficit public, tous les facteurs ne jouent pas nécessairement dans le même sens. S'il est vrai que les recrutements opérés à l'époque où M. Al-Maliki était Premier Ministre, l'afflux des réfugiés et les opérations militaires qu'il a fallu conduire depuis la fin de l'année 2013 exercent une pression forte sur l'évolution de la dépense publique, la suspension sine die des transferts de l'État fédéral à la région autonome du Kurdistan 17 ( * ) et la stagnation des dépenses civiles en capital jouent mécaniquement en sens inverse. Dans ce contexte, l'exécution budgétaire aurait été moins tendue que prévu. Cela étant et sauf à ce que la contribution du Kurdistan aux exportations reprenne (ce qui permettrait d'en augmenter le niveau), les informations disponibles permettent de penser que le déficit public pourrait être compris entre 3% et 6% du PIB dans le meilleur des cas. Il pourrait être plus élevé si les opérations militaires venaient à peser dans des proportions plus importantes que prévu à ce stade sur les dépenses publiques, ce qu'il ne faut évidemment pas exclure.

Quel que soit le montant du déficit in fine , les problèmes posés par son financement seront plus compliqués que par le passé. D'abord, parce que les avoirs du Development Fund of Iraq (qui ont été massivement sollicités en 2013) ne permettront de le couvrir qu'en partie. Ensuite, parce que la législation interdit au Gouvernement de solliciter la banque centrale pour le faire. Enfin, parce que les émissions de titres publics ont toute chance de n'être souscrites que par les banques publiques et les institutions publiques de prévoyance sociale, les unes les autres pouvant, si nécessaire, être placées sous instruction de faire.


* 10 Dans une note de juin 2013 portant sur la situation économique et financière en 2012 et le perspective 2013, la direction générale du Trésor estimait que : « Globalement, les perspectives de l'économie irakienne semblent donc favorables à moyen et long termes en raison du maintien d'une forte croissance de la production pétrolière et de l'exploitation à venir des gisements de gaz dont dispose le pays. Pour autant, le taux de chômage affectant la population active (18,5% selon le Bureau International du Travail ; 30% non officiels en l'absence de statistiques fiables), l'insatisfaction croissante des jeunes face à un avenir incertain (population jeune, 21 ans en moyenne), les distances prises par la région autonome du Kurdistan vis-à-vis du pouvoir central et la recrudescence de la violence observée depuis le printemps 2013, dans tout le pays et notamment à Bagdad, tempèrent quelque peu ce constat. Ainsi situé au carrefour des tensions régionales, l'Irak peine à conforter son attractivité auprès de la communauté d'affaires internationale ». http://www.tresor.economie.gouv.fr/File/387092

* 11 La production est passée de 2,996 M de b/j au cours des sept premiers mois de l'année 2013 à 3,102 M de b/j au cours des sept premiers mois de l'année 2014. Quant aux exportations, elles n'ont augmenté que marginalement, passant de 2,438 M de b/j à 2,483 M de b/j dans le même temps.

* 12 Le pillage de la production en zone occupée par Daech qui constitue pour le mouvement terroriste une source de revenus que la coalition essaie de tarir (bombardement d'installations, et intervention plus complexe sur les circuits clandestins de distribution).

* 13 Des perspectives de reprise sont toutefois envisageables pour 2015 sur la base de l'accord passé le 2 décembre 2014 entre le gouvernement fédéral et la Région autonome du Kurdistan.

* 14 La croissance en volume du PIB s'est établie à 4,2% en 2013.

* 15 Toutefois, cette situation est surmontable. D'abord parce que le déficit des comptes extérieurs restera limité. Ensuite parce que les avoirs extérieurs de la banque centrale représenteraient encore 73 milliards de dollars, soit plus de huit mois d'importations de biens et services. Enfin, parce que les annulations intervenues au milieu des années 2000 et le paiement à bonne date des échéances « post cut off date » ont permis de ramener la dette extérieure à un montant qui ne devrait pas excéder 26,6 milliards de dollars soit 10,7% du PIB, en fin d'année.

* 16 Les comptes publics étaient passés d'un excédent supérieur à 4% du PIB en 2012 à un déficit voisin de 6% du PIB en 2013.

* 17 17% des recettes pétrolières : suspendu en raison du contentieux en cours (voir page 10).

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