EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 11 février 2015, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission des finances a procédé à l'examen en nouvelle lecture du rapport de M. Philippe Dominati, et élaboré le texte de la commission sur le projet de loi n° 240 (2014-2015), adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture après engagement de la procédure accélérée, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d'Andorre en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu.

M. Philippe Dominati, rapporteur. - Nous nous réunissons aujourd'hui pour examiner en nouvelle lecture le projet de loi autorisant l'approbation de la convention fiscale du 2 avril 2013 entre la France et Andorre. Pour mémoire, le texte a été adopté par l'Assemblée nationale le 8 décembre 2014, mais rejeté par le Sénat le 18 décembre 2014. Malheureusement, la commission mixte paritaire du 15 janvier 2015 a échoué, alors que les arguments techniques des uns auraient pu convaincre les autres.

Je voudrais dire quelques mots sur les raisons qui nous conduisent à maintenir notre position. Nous ne remettons pas en question les efforts entrepris par la principauté d'Andorre pour moderniser son système fiscal, efforts qui ont notamment conduit à l'instauration d'un impôt sur le revenu à compter du 1 er janvier 2015. De même, nous ne remettons pas en cause, pour l'essentiel, le contenu de la convention fiscale. Les modalités d'élimination des doubles impositions sont tout à fait conformes aux derniers standards internationaux, et ne s'en distinguent que par l'ajout de clauses anti-abus relativement exigeantes.

Le seul élément problématique de cette convention - mais il est de taille - concerne le d du 1 de l'article 25, qui permet à la France d'instituer une imposition des personnes physiques à raison de leur nationalité, et non pas à raison de leur résidence ou de l'origine de leurs revenus. Ce point est parfaitement dérogatoire par rapport à notre droit interne, par rapport aux standards internationaux, et par rapport aux autres conventions signées par la France. Nous avons bien entendu le Gouvernement, qui assure que cette clause, négociée dans un contexte bien particulier, n'a pas vocation à s'appliquer, qu'elle est aujourd'hui « sans effet juridique », et qu'il n'existe « aucun projet » d'instaurer un tel impôt sur la nationalité.

Toutefois, alors que l'engagement d'un Gouvernement vaut pour le présent, une convention fiscale peut rester en vigueur des dizaines d'années - et la question d'un impôt lié à la nationalité revient très régulièrement dans le débat public, comme par exemple à l'occasion de la campagne présidentielle de 2012. Les Gouvernements passent, mais les textes demeurent. L'inquiétude de nos compatriotes Français de l'étranger est donc bien légitime. Et elle pourrait bientôt faire écho à l'inquiétude des autres partenaires de la France, avec lesquels nous négocions actuellement de nouvelles conventions fiscales.

Nous ne sommes pas hostiles à l'idée d'un débat sur le sujet d'un impôt lié à la nationalité. Mais il doit s'agir d'un débat national, et non d'une discussion au détour de l'approbation d'une convention fiscale. En attendant, nous estimons que si cette clause n'a pas vocation à s'appliquer, la négociation d'un avenant tendant à la supprimer est préférable à un engagement verbal. Cette négociation peut être rapide. Notre volonté n'est nullement de compliquer les choses, mais au contraire de les simplifier et de les stabiliser pour l'avenir.

Enfin, je voudrais rappeler que nous sommes ici dans notre rôle. La discussion des conventions fiscales par le Parlement ne doit pas rester un exercice purement formel. La Constitution nous donne le pouvoir d'examiner au fond les stipulations de ces accords : c'est ce que nous faisons ici.

M. Philippe Dallier . - Je comprends tout à fait la position du rapporteur. Peut-être pourrait-il nous rappeler le contexte particulier des négociations de cet accord, qu'invoque le Gouvernement pour justifier ses particularités.

M. Philippe Dominati, rapporteur. - Les négociations pour cette convention fiscale ont été lancées à l'occasion d'une visite du président de la République, Nicolas Sarkozy, il y a quelques années. À l'époque, la principauté ne disposait pas de système d'imposition directe des revenus, ni d'outils statistiques pour identifier les résidents français en Andorre. Les choses sont différentes aujourd'hui : Andorre s'est engagée à mettre en oeuvre l'échange de renseignements fiscaux, et a institué un impôt direct sur le revenu, en vigueur depuis le 1 er janvier 2015. La Principauté d'Andorre remplit donc toutes les conditions pour la signature d'une convention fiscale « normale ». Plus rien ne justifie la clause sur l'imposition en fonction de la nationalité. Le ministre a d'ailleurs précisé en séance publique que celle-ci était sans objet, et qu'elle ne serait pas appliquée. Il aurait été plus facile et plus naturel de signer un avenant afin de modifier la convention - ceci d'autant plus que l'approche des élections andorranes, au premier trimestre de cette année, aurait pu hâter les négociations. Je ne mets pas en cause la bonne volonté du Gouvernement ; je vois plutôt dans le maintien de cette clause l'influence de « l'administration de Bercy ».

M. André Gattolin . - La position du groupe écologiste est celle d'une abstention bienveillante. La question pour nous n'est pas tant celle du d du 1 de l'article 25, mais plutôt celle, plus générale, de l'énergie que dépense la France à traiter avec des « États confettis » ou avec des paradis fiscaux au sein même de l'Europe - on le voit avec les affaires « LuxLeaks » et « SwissLeaks », et les États-Unis font la même chose avec le Delaware. En matière d'harmonisation fiscale, nous sommes donc très loin du compte, alors qu'il s'agit d'un objectif essentiel. Prétendre que nous faisons le maximum avec une convention fiscale de ce genre relève de la rhétorique mal placée. Je voudrais par ailleurs dire que la principauté d'Andorre, qui est avant tout un supermarché de cigarettes et d'alcool à bas prix, s'oppose d'une certaine manière à toutes les politiques de santé publique menées au niveau national. La signature du présent accord revient à donner une sorte de blanc-seing à une situation d'exception. Je choisis toutefois de m'abstenir par bienveillance.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général . - En matière de conventions fiscales, nous n'avons pas le pouvoir d'amender le texte, mais il nous appartient tout de même de l'approuver ou de le refuser. Or ce texte n'est pas anodin, car il contient une disposition problématique. Le Gouvernement explique que cet élément est tellement novateur qu'il n'a même pas vocation à s'appliquer : comment comprendre une telle position ? Dans ce cas, allons au bout de la logique : rejetons cet accord et négocions un avenant. Nous pourrons ensuite approuver le nouveau texte. Le Parlement n'est pas là pour être une simple chambre d'enregistrement : nous sommes ici dans notre rôle.

M. Michel Bouvard . - Je voudrais revenir, comme en première lecture, sur le problème d'équité entre les entreprises françaises et les entreprises espagnoles exportant en Andorre, au regard notamment du régime de la TVA et de l'impôt sur les sociétés. Ce problème est-il aujourd'hui réglé ? Le rapporteur dispose-t-il d'éléments que nous pourrions transmettre aux entreprises concernées ?

M. Philippe Dominati, rapporteur - Comme les autres conventions fiscales, la convention franco-andorrane ne traite pas de la TVA, dans la mesure où les exportations en sont exonérées : il n'y a donc pas de problème particulier pour les entreprises françaises.

Je voudrais par ailleurs rappeler le texte de l'article litigieux : « la France peut imposer les personnes physiques de nationalité française résidentes d'Andorre comme si la présente convention n'existait pas ». Il me semble qu'il s'agit d'une rédaction bien curieuse.

La commission n'a pas adopté de texte sur le projet de loi n° 240 (2014-2015), adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture après engagement de la procédure accélérée, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d'Andorre en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu.

En conséquence, et en application de l'article 42, alinéa premier, de la Constitution, la discussion portera en séance sur le texte adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.

La commission a proposé au Sénat de ne pas adopter le projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d'Andorre en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu.

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