B. DES EFFETS NÉFASTES SUR LA SANTÉ

Ni les plus modestes, ni les jeunes, ni les femmes enceintes ne paient les franchises et le forfait. Quant à ceux qui ont des moyens suffisants, les sommes prélevées ne sont pas une gêne. Or il est paradoxal de ne vouloir « responsabiliser » que certains de nos concitoyens. Pourquoi sous-entendre que leurs comportements seraient particulièrement coûteux pour l'assurance maladie ?

Les effets désincitatifs que les franchises peuvent avoir pour les jeunes adultes doivent être soulignés. Le professeur Didier Tabuteau de Sciences Po a fait part à votre rapporteure de ses vives inquiétudes sur ce sujet en matière d'accès aux soins et à la prévention. Il a également exprimé son inquiétude concernant l'observance, car les franchises et la participation forfaitaire touchent principalement les personnes les plus malades, celles qui se trouvent en affection de longue durée (ALD). En 2012, les personnes en ALD ont acquitté 42 % du montant des franchises. Elles auraient pu acquitter un montant encore plus élevé si leur participation n'était limitée par le plafond annuel de 50 euros applicable tant pour les franchises que pour les participations. Ainsi ces personnes malades ont un reste un charge obligatoire qui atteint 100 euros par an. Pour les patients victimes du VIH, le reste à charge est encore plus important d'après Mme Adeline Toullier (AIDES).

Quel sens y a-t-il à prévoir une prise en charge à 100 % par la sécurité sociale et à récupérer ensuite une partie des remboursements par l'intermédiaire des franchises et de la participation forfaitaire ? Près de 59 % des malades d'Alzheimer, 70 % des malades de Parkinson et plus de 71 % des patients souffrant de mucoviscidose atteignent le plafond des franchises. Votre rapporteure tient à souligner l'incohérence de cette situation au regard des objectifs de notre système de soins, qui ne doivent pas dépendre des revenus mais des besoins.

D'après le directeur de la sécurité sociale, la consommation de boîtes de médicaments n'a pas baissé depuis la mise en place de la franchise de 50 centimes par boîte, et l'effet « responsabilisation » est invisible, noyé dans une ensemble de déterminants de consommation qu'il est très difficile de distinguer. Toutefois, des pharmaciens signalent que certains patients «°trient » leurs médicaments, au détriment de leur santé.

Une seule étude fait référence sur cette question, celle de l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes) publiée en 2010 2 ( * ) . Elle notait une plus forte propension des franchises à affecter les bas que les hauts revenus, ce qui est facile à comprendre. Les franchises aboutiraient donc à responsabiliser les malades dont les revenus se situent à peine au-dessus du plafond de l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé (ACS) soit moins de mille euros par mois pour une personne seule.

L'argument de la responsabilisation ne tient donc pas. Il s'agit en réalité d'un déremboursement dénoncé notamment par l'économiste Frédéric Rauch, de mesures d'économie - la DSS est d'ailleurs prête à les assumer comme telles. Mais ces économies, on l'a souvent répété, sont illusoires. Si elles entraînent un retard ou un non-recours aux soins, elles ne font en réalité qu'augmenter le coût final pour l'assurance maladie quand il faudra prendre en charge des personnes à la santé dégradée. Les syndicats auditionnés par votre rapporteure ou qui ont fait part de leurs résolutions sur le sujet ont fait le lien entre les franchises et la participation forfaitaire d'une part et le recours aux urgences d'autre part, spécialement pour les familles les plus modestes.

Imposer un reste à charge, c'est détourner certains patients d'une prise en charge adéquate et finalement peu coûteuse pour les dépenses sociales.


* 2 « Les franchises ont-elles modifié les comportements d'achats de médicaments ? », Bidénam Kambia-Chopin et Marc Perronnin.

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