III. UNE COHÉRENCE RENFORCÉE DE LA JURISPRUDENCE DE LA CEDH

Le Protocole n° 15 s'empare de deux moyens pour renforcer la cohérence de la jurisprudence de la CEDH. L'article 2 joue sur la stabilité de la composition de la Cour et l'article 3 consolide le rôle de la Grande Chambre dans l'unification de la jurisprudence.

1. La modification des dispositions relative à la limite d'âge des juges

L'article 2 du Protocole remplace la limite d'âge des juges par une disposition prévoyant que les candidats à ces fonctions figurant sur les listes soumises à l'Assemblée parlementaire par les Parties contractantes (art. 22) doivent être âgés de moins de soixante-cinq ans , pour leur permettre, une fois nommés juges, d'effectuer la totalité de leur mandat de neuf ans non renouvelable.

Dans son avis préliminaire de 2012 , la CEDH avait estimé « approprié de revoir la limite d'âge actuellement imposée aux juges », d'autant que leur mandat n'est pas renouvelable.

Cette disposition répond ainsi à la déclaration adoptée lors de la Conférence de haut niveau sur l'avenir de la CEDH, tenue à Brighton les 19 et 20 avril 2012, qui souligne : « Un collège de juges stable favorise la cohérence de la Cour. Aussi n'est-il pas souhaitable, en principe, qu'un juge n'assure pas intégralement le mandat prévu par la Convention ».

La Commission nationale consultative des droits de l'Homme s'est déclarée satisfaite de cet amendement.

2. La suppression du droit des parties à s'opposer au dessaisissement au profit de la Grande Chambre

L'article 3 du Protocole, quant à lui, supprime la possibilité pour l'auteur d'un recours devant la CEDH de s'opposer au renvoi du dossier en Grande Chambre par une Chambre de la Cour. Cette possibilité est actuellement prévue par l'article 30 de la Convention : « Si l'affaire pendante devant une Chambre soulève une question grave relative à l'interprétation de la Convention ou de ses protocoles, ou si la solution d'une question peut conduire à une contradiction avec un arrêt rendu antérieurement par la Cour, la Chambre peut, tant qu'elle n'a pas rendu son arrêt, se dessaisir au profit de la Grande Chambre, à moins que l'une des parties ne s'y oppose ».

Cette possibilité de dessaisissement de la Chambre au profit de la Grande Chambre reste très exceptionnelle . Depuis le 1 er novembre 1998 , date d'entrée en vigueur du Protocole n° 11 à la Convention qui a introduit l'article 30, il y a eu 101 dessaisissements d'une Chambre au profit de la Grande Chambre. « Elle a eu lieu dans le cas d'affaires :

- ayant un impact sur la cohérence de la jurisprudence de la Cour ;

- pouvant se prêter à un élargissement de la jurisprudence ;

- qui permettent d'éclaircir les principes énoncés dans la jurisprudence ;

- où la Grande Chambre peut être appelée à réexaminer une évolution de la jurisprudence adoptée par la Chambre ;

- relatives à des questions nouvelles, c'est-à-dire qui n'ont pas encore été examinées par la Cour et/ou qui sont sensibles socialement et politiquement ;

- soulevant une question grave de caractère général au niveau européen ;

- et ayant un grand retentissement, à cause de la complexité des questions juridiques qu'elles soulèvent et en raison de leurs conséquences importantes pour l'Etat concerné.

(...) La Grande Chambre dispose d'une compétence de pleine juridiction pour examiner l'ensemble de l'affaire qui est renvoyée devant elle » 14 ( * ) .

Dans son avis préliminaire de 2012 précité , la CEDH indiquait déjà qu'elle « envisage(ait) de modifier son règlement (...) de manière à ce que les Chambres soient tenues de se dessaisir en faveur de la Grande Chambre lorsqu'elles envisagent de s'écarter d'une jurisprudence établie ».

Votre rapporteure souligne que la CNCDH 15 ( * ) tout comme le Gouvernement accueillent très favorablement cette disposition qui facilite le mécanisme de dessaisissement des Chambres et qui va permettre à la Grande Chambre de veiller à ce que la Convention soit interprétée et appliquée de manière uniforme dans toute la zone du Conseil de l'Europe .


* 14 Réponses au questionnaire adressé aux services du ministère des affaires étrangères et du développement international.

* 15 Audition de la CNCDH du 3 février 2015.

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