EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Les États membres de l'Union européenne font face à une menace terroriste qui s'est aggravée au cours des dernières années. En particulier, ils sont confrontés au départ de certains de leurs ressortissants ou de leurs résidents, parfois mineurs, vers des zones où opèrent actuellement des groupes terroristes. Le retour de ces personnes soulève des questions de sécurité pour l'ensemble des États membres.

L'Union européenne est déjà intervenue en matière de terrorisme à de nombreuses reprises.

Toutefois, à l'aune des évolutions récentes des menaces, notre commission des affaires européennes a étudié les différents domaines dans lesquels le cadre juridique ou la coopération actuels pourraient être améliorés.

Ces travaux ont été synthétisés au sein de la présente proposition de résolution européenne 1 ( * ) , présentée par notre collègue Jean Bizet et plusieurs de ses collègues 2 ( * ) , en application de l'article 88-4 de la Constitution, visant à inciter les institutions de l'Union européenne à adopter un acte législatif portant sur une législation antiterroriste commune, dénommé « Acte pour la sécurité intérieure ».

L'ensemble de la commission a partagé les orientations de la proposition de résolution, sous réserve des dispositions relatives à la nationalité qu'elle a supprimées, à l'initiative de votre rapporteur.

Par conséquent, en application de l'article 73 quinquies du Règlement, la commission a adopté la proposition de résolution modifiée.

UN CONSTAT PARTAGÉ : LA NÉCESSITÉ DE MIEUX FAIRE FONCTIONNER LES MÉCANISMES EXISTANTS

UNE COOPÉRATION POLICIÈRE ET JUDICIAIRE ENTRE LES ÉTATS MEMBRES POUVANT ÊTRE ENCORE AMÉLIORÉE

À juste titre, la résolution souligne l'importance d'Europol et d'Eurojust dans la lutte contre le terrorisme et appelle à une amélioration du fonctionnement de ces deux structures, notamment en rappelant que la transmission d'informations par les États devrait être plus systématique.

En outre, les auteurs de la résolution estiment qu'il est nécessaire de renforcer fortement les moyens matériels de ces deux structures.

Europol est une agence de coopération policière créée en 1995 3 ( * ) . C'est une structure intergouvernementale permettant des échanges d'informations et de renseignements entre les États membres, comme le précise l'article 3 de la convention du 26 juillet 1995, repris par l'article 88 paragraphe 1 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) 4 ( * ) .

Eurojust a été créée par le sommet européen de Tampere des 15 et 16 octobre 1999. Dans sa forme actuelle, Eurojust a été créée par la décision 2002/187/JAI du Conseil en date du 28 février 2002, modifiée par la décision 2009/426/JAI du Conseil du 16 décembre 2008 sur le renforcement d'Eurojust. Comme le précise notre collègue Alain Richard, dans son rapport sur la loi n° 2013-711 du 5 août 2013 portant diverses dispositions d'adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l'Union européenne et des engagements internationaux de la France portant diverses dispositions d'adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l'Union européenne et des engagements internationaux de la France 5 ( * ) et transposant entre autres la décision n° 2009/426/JAI précitée, « Eurojust a pour mission d'améliorer la coordination des enquêtes et des poursuites et de faciliter la mise en oeuvre de l'entraide judiciaire internationale » . Le champ de compétence d'Eurojust est défini par référence à celui d'Europol, à l'article 5, paragraphe 1 du TFUE 6 ( * ) .

Le fonctionnement d'Eurojust est également intergouvernemental .

En premier lieu, votre rapporteur observe que d'importants efforts ont été faits par les États au cours des dernières années pour mieux travailler avec Europol, mais que des progrès peuvent être encore accomplis.

Le bilan d'Eurojust témoigne également d'une coopération entre États encore trop faible : le nombre de dossiers pour lesquels les États membres ont sollicité l'assistance d'Eurojust a certes augmenté de 2,8 % en 2013, mais en valeur absolue, Eurojust ne traite aujourd'hui que 1 576 dossiers 7 ( * ) . En outre, la majeure partie des dossiers présente un caractère bilatéral 8 ( * ) alors que tout l'intérêt d'Eurojust est de traiter des dossiers impliquant plusieurs États.

Le nombre de réunions de coordination demeure limité (206 en 2014 9 ( * ) ). Elles ont vocation à rassembler les autorités policières et judiciaires des États membres et des États tiers, afin de réaliser des opérations stratégiques coordonnées dans des dossiers de criminalité transfrontalières et de surmonter les difficultés juridiques liées aux différences de systèmes juridiques des États membres. Quatre pays seulement ont été à l'origine de près de la moitié de ces réunions 10 ( * ) .

En outre, les équipes communes d'enquête , qui favorisent l'échange d'informations sans passer par les canaux traditionnels de l'entraide judiciaire sont encore trop peu utilisées. Malgré leur intérêt, elles font face à divers obstacles, liés aux différences entre les systèmes juridiques des États-membres.

L'activité d'Eurojust ne concerne que très marginalement des dossiers liés au terrorisme : en 2013, 17 dossiers ont été enregistrés par Eurojust. Trois réunions de coordination et une équipe commune d'enquête se sont tenues sur ce sujet 11 ( * ) .

Le mandat d'arrêt européen , institué par la décision-cadre du 13 juin 2002, a remplacé la procédure d'extradition pour les États-membres.

Cette procédure est encore relativement peu utilisée pour les affaires liées au terrorisme, ce qui se justifie en réalité par le faible nombre de procédures comparé au nombre de procédures ouvertes en matière de crime organisée par exemple.

L'UTILISATION À DROIT CONSTANT DES LARGES POSSIBILITÉS DU CODE FRONTIÈRES SCHENGEN POUR MIEUX CONTRÔLER LES FRONTIÈRES EXTÉRIEURES DE L'UNION EUROPÉENNE

Les auteurs de la résolution souhaitent qu' à droit constant , des « indicateurs de risque appliqués uniformément par les États-membres » permettent d'exercer des contrôles approfondis « quasi systématiques » de ressortissants de l'espace Schengen lorsqu'ils y entrent ou en sortent.

Le code Schengen, dans sa rédaction actuelle, donne de larges marges de manoeuvre aux États membres. Si l'interdiction d'un contrôle systématique de tous les ressortissants des États membres aux frontières intérieures est claire - un tel contrôle systématique serait d'ailleurs même contraire à l'article 77 du TFUE 12 ( * ) -, le code Schengen n'empêche pas d'effectuer des contrôles ciblés , sur la base de critères objectifs , de ressortissants des États membres.

Ce dispositif apparaît plus efficace qu'un contrôle systématique qui entraînerait des difficultés logistiques importantes, en termes de régulation des flux, et entraverait même de ce fait l'action des services de police.

Le recours à cette faculté est susceptible d'améliorer rapidement la sécurité des États membres.

LA POURSUITE D'UNE POLITIQUE DE PRÉVENTION DE LA RADICALISATION

La première stratégie de l'Union européenne visant à lutter contre la radicalisation et le recrutement de terroristes date de 2005.

En 2010, à la suite de sa communication vers le Parlement européen et le Conseil intitulée « La stratégie de sécurité intérieure de l'UE en action : cinq étapes vers une Europe plus sûre » 13 ( * ) , un programme plus complet, impliquant aussi bien une approche policière qu'une approche préventive a été développé, par le biais de groupes thématiques dédiés à différents aspects de la lutte contre la radicalisation et mené sous l'égide de la direction générale des affaires intérieures de la Commission européenne.

Ainsi, le système mis en place, le réseau européen de sensibilisation à la radicalisation (RSR) regroupe près de neuf réseaux chacun dédié à une thématique particulière : réponse policière, victimes, prévention, dé-radicalisation, probation et insertion, aspect sanitaires notamment.

L'efficacité de cette initiative est en grande partie liée à la participation effective des États membres. Au regard des bons résultats obtenus, les auteurs de la résolution préconisent à juste titre d'intensifier ces initiatives.

LE DÉVELOPPEMENT DU SERVICE EUROPÉEN D'ACTION EXTÉRIEURE ET SA NÉCESSAIRE SENSIBILISATION AUX QUESTIONS DE SÉCURITÉ

La résolution rappelle l'importance d'une diplomatie active de l'Union européenne à l'égard des pays tiers, voisins de l'Union européenne ou limitrophes de zones où opèrent des groupes à caractère terroriste. Les pays du Maghreb doivent ainsi faire l'objet d'une attention particulière.

En outre, les délégations de l'Union européenne du service d'action extérieure restent aujourd'hui très orientées sur la politique de développement et de coopération et sont effectivement peu sensibilisées aux questions de sécurité : c'est donc à juste titre que la résolution préconise qu'une action soit entreprise dans cette direction.


* 1 Cette proposition de résolution européenne est disponible sur Internet à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/leg/ppr14-350.html.

* 2 Le compte-rendu de la réunion de la commission des affaires européennes du 16 février 2012 : http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20150316/europ.html.

* 3 Par la Convention du 26 juillet 1995. Europol a été ensuite instituée comme agence par une décision du 6 avril 2009 portant création de l'Office européen de police.

* 4 « La mission d'Europol est d'appuyer et de renforcer l'action des autorités policières et des autres services répressifs des États membres ainsi que leur collaboration mutuelle dans la prévention de la criminalité grave affectant deux ou plusieurs États membres, du terrorisme et des formes de criminalité qui portent atteinte à un intérêt commun qui fait l'objet d'une politique de l'Union, ainsi que la lutte contre ceux-ci. »

* 5 Rapport n° 596 (2012-2013) consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl12-582.html

* 6 « La mission d'Eurojust est d'appuyer et de renforcer la coordination et la coopération entre les autorités nationales chargées des enquêtes et des poursuites relatives à la criminalité grave affectant deux ou plusieurs États membres ou exigeant une poursuite sur des bases communes, sur la base des opérations effectuées et des informations fournies par les autorités des États membres et par Europol. »

* 7 Rapport annuel Eurojust 2013, p. 7.

* 8 Cette proportion atteint même 83 % en 2014, en augmentation par rapport à 2013

* 9 Rapport annuel Eurojust 2013, p. 21.

* 10 La France a été à l'origine de 45 réunions, l'Italie de 23, le Royaume-Uni de 15 et l'Allemagne de 14.

* 11 Rapport annuel Eurojust 2013, p. 36-37.

* 12 Art. 77 du TFUE : « L'Union développe une politique visant : a) à assurer l'absence de tout contrôle des personnes, quelle que soit leur nationalité, lorsqu'elles franchissent les frontières intérieures ; (...) » .

* 13 Consultation COM [2010]673.

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